MPS, la maison vide du Maréchal

Avr 05, 2021

Donc le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), parti au pouvoir, a fait le plus difficile : renverser une dictature féroce. Et n’arrive pas à faire le moins difficile : être un grand parti d’idées. Pourquoi?

D’abord, l’animation de la vie politique. Le MPS devait s'en occuper comme les prunelles de ses yeux. Hélas, le constat est plus qu’amer. C’est le désert politique. Ce mouvement qui s’est défini comme le Salut du pays n’a pas réussi à se transformer en un véritable parti politique porteur de grandes idées révolutionnaires. Il n’a pas non plus réussi à tirer vers le haut l’opposition. Depuis trois décennies ce parti n’a pas su ou pu conquérir les esprits. Le président Deby Itno et ses amis se sont contentés du pouvoir. Ils n’ont pas mis leur mouvement à l’abri de l’histoire. Pourtant, ce mouvement a une belle histoire. Pour rappel : tout a commencé avec le mouvement du 1er avril 1989, œuvre de quelques officiers à leur tête l’actuel président Deby Itno. C’est une histoire réelle mais qui avait un côté romanesque tellement le régime Habré semblait invincible. Ces jeunes officiers prennent le maquis. Un an plus tard, ils arrivent au pouvoir en chassant une dictature qui a fait 40 000 morts. Ils proposent à leurs compatriotes : la liberté et la démocratie. Ils avaient tout pour réussir. Ils ont tout fait pour échouer. Aujourd’hui la belle histoire a tourné en fiasco. Le MPS n’est plus que l’ombre de lui-même.

Ensuite, vu de l’intérieur, le MPS est un vrai « souk ». Sa structure administrative, sa hiérarchie, l’engagement militant sont vidés de leur sens. Un indescriptible désordre y règne. Le Secrétariat général du parti n’a aucune initiative sauf celle que le Palais Rose veuille bien le lui laisser. Il est réduit à gérer les batailles de tranchées des différents groupes d’intérêts. Pas de place pour des courants de pensée. Des clans sévissent les uns, les autres, se coltinent pour un oui ou pour un non. Une sorte de mêlée générale où les cancans des militants et des commerçants-militants a remplacé les idées. Il n’y a pas des visages porteurs d’idées. Ceux qui ont essayé d’implanter la culture de débats d’idées ont tous échoué. Au MPS on n’aime pas les idées. On déteste les intellectuels. On aime le folklore. La culture du « bling-bling » et du brouhaha stérile s’est incrustée au plus profond des entrailles du parti

Conséquences : le MPS est une maison vide. Pour comprendre cela, il suffit de suivre la présente campagne présidentielle. Aucune idée neuve. Aucun débat nouveau. Pourtant les sujets ne manquent pas comme par exemple le nouveau régime appelé avec pompes et sirènes « présidentiel intégral ». Il est en soi un sujet de débat. Les cadres du ce parti sont incapables de meubler leur maison fondée depuis plus de 30 ans.

Aussi, on n’entend ni le parti, ni le candidat, ni ses alliés aborder les problèmes du quotidien des Tchadiens. Par exemple les délestages intempestifs d’électricité. D’ailleurs, ils ont repris de plus belle en cette période de chaleur intense. Le mois de ramadan approche à grands pas, mais aucune solution ne pointe à l’horizon. Le parti du Maréchal candidat mène campagne en faisant fi de ce problème. Pas un mot, pas une seule idée pour amorcer un début de solution à un problème de plus de 15 ans. Fatigués, des citoyens se sont organisés pour dénoncer l’incapacité de la Société Nationale d’Électricité (SNE) à fournir l’électricité à ses clients. Une pétition pour une répartition équitable et permanente de l’électricité à N’Djamena circule sur le Net (secure.avaaz.org). Les Tchadiens veulent que le candidat du MPS parle de leurs difficultés : l’eau potable, l’électricité, la lutte contre le paludisme, la cherté de la vie, la santé pour tous, etc.  Le Maréchal est muet sur ces sujets concrets.

Enfin, au lieu de parler des difficultés de ses compatriotes, le Maréchal et ses amis se perdent dans des bravades stériles. L’une de dernière sortie du président candidat est de clamer publiquement que la démocratie n’est pas le désordre. Oui mais la démocratie c’est aussi la liberté de manifester pacifiquement. Une sortie en chasse une autre, la toute fraiche trouvaille du Maréchal est de dire publiquement lors de son meeting dans la ville d’ Amtimane ceci : « la démocratie nous ne l’avons pas apporté par avion ni par bus. Nous l’avons apporté par le sang et les combats ». Il faut se rappeler comment le Maréchal débarqua, à l’époque, l’ancien Premier Ministre issu de la Conférence Nationale Souveraine, Fidel Moungar. Il avait employé la même formule « M. le Premier Ministre, je ne suis pas venu au pouvoir par un vol Air Afrique ». Cette phrase rappelle des mauvais souvenirs. Elle retentie dans un Tchad sans espoir. Et au milieu duquel traîne une maison vide, le MPS. A l’intérieur de cette maison le maître des lieux croit dure comme fer que c’est lui ou le chaos. Certains copropriétaires préfèrent le garder pour éviter ce chaos. D’autres veulent l’éjecter en créant le chaos. Un dilemme cornélien.

Bello Bakary Mana

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