Il est un enseignant à part. Il est le fondateur d’une école à ciel ouvert au campement des nomades à la sortie sud de N’Djamena, capitale tchadienne. Il y enseigne gratuitement parce qu’il ne supportait pas de voir les enfants nomades sans éducation. Qui est cet enseignant qui transmet gratuitement le savoir aux enfants nomades ? Qui fait pétiller de curiosité leurs yeux et met du baume sur le cœur de leurs parents nomades ? Ialtchad Presse l’a choisi comme le Tchadien de l’année (2020). Portrait.
Il ne porte pas de blouse blanche comme le font les enseignants. Et les salles de classe qu’il a créées n’ont rien d’une classe moderne. Elles sont sur un campement des nomades de fortune où il a installé son école sous l’ombre d’un nimier. Il est dévoué à sa tâche. Il est comme disent ces nomades « notre sauveur ». On l’appelle affectueusement « mésié ».
Il fait froid en cette matinée du mois de février. Un vent poussiéreux rafle le campement des nomades à la lisière de Walia, dans le 9e arrondissement de la ville de N’Djamena. Gamaigué Watouing Léonard, vêtu d’un manteau noir enfilé sur une chemise blanche carrelée, est déjà en poste. 1m 80, teint noir, cheveux coiffés au ras et barbe taillée à la mode Fally Ipupa, Léonard prend place sur son bureau constitué d’une chaise et d’une table en caoutchouc. Il doit apprendre aujourd’hui à ses élèves à lire, compter et écrire les chiffres de 0 à 10.
Cela fait 2 ans que ce natif de Fianga, ville frontalière du Cameroun, tient cette structure de deux niveaux du cours préparatoire. Cette école « je l’ai créée par nécessité ». Il veut donner la chance aux enfants des nomades d’avoir accès à l’éducation. « J’ai été touché par le fait que ces enfants erraient sous ces arbres pendant que les autres sont en classe », affirme-t-il.
Né au milieu des années 1991, ce jeune homme a toujours le sourire. Son humilité, sa timidité et son sang-froid lui ont permis cahin-caha de mener ce projet. Son attitude d’écoute envers ses élèves bouillants et désordonnés lui permet surmonter les temps durs. Il a effectué ses études primaires et secondaires effectuées à Fianga puis a fait l’université de N’Djamena. Il est sorti avec une licence en Sciences de l’éducation en 2015. En 2017, il s’inscrit en master à l’université de Yaoundé 1 Il opte pour la Psychologie de l’éducation. Il attend la soutenance de son master 2.
Fort de ces acquis, celui qui est à l’aube de ses 30 ans n’a pas tardé à s’investir dans l’enseignement. Et à la base, l’enseignement fondamental. En novembre 2019 alors qu’il partait pour la bourgade de Toukra à motocyclette, il repère un groupe d’enfants nomades qui jouaient aux heures de classes. Il décide alors avec l’accord des parents d’implanter cette école. Il y enseigne bénévolement avec l’aide d’un condisciple, lui également diplômé en Sciences de l’éducation. « Ce qui me motive à venir enseigner ici chaque jour sont l’engouement des apprenants et la reconnaissance de leurs parents », se réjouit Léonard.
Malgré les difficultés, celui que ses élèves appellent « mésié » ne compte pas abandonner. Il veut pérenniser cette initiative. « Je suis tellement attaché à cette initiative qu’il m’est presque impossible de m’en séparer », dit-il. Et de conclure, « je crois que je n’ai pas d’autres rêves que de rester ici, même si c’est difficile ». Pour lui, avoir un gros diplôme est bien, mais c’est le savoir-faire qui compte. « Moi je ne tiens pas compte du diplôme, mais sur ce que je peux faire, ce que je peux apporter à ces enfants ».
Christian Allahadjim