La famille de l’ancien Président tchadien en prison au Sénégal a introduit il y a quelques jours, une demande de grâce auprès du Président sénégalais Macky Sall. Informée, l’association des victimes des crimes et répressions de Hissène Habré (AVCRHH) réagit. Reportage.
Alors que les victimes attendent leur indemnisation, une autre nouvelle leur glace le sang. La famille de l’ancien président tchadien introduit une demande de grâce auprès du Sénégal. Une nouvelle qui a fait bondir les membres de l’association des victimes de Habré. Au siège de l’association, les victimes sont en colère. On peut lire ces messages « Cabris morts n’a pas peur de couteau. Plus jamais cela. Nous réclamons justice, etc ». Pour Abaïfouta Ndokhot Clément, président de l’AVRCHH, rien n’est nouveau et surprenant. Dans la vie, il faut toujours attendre des surprises, dit-il. « C’est de la vernie. Et au point de vue juridique, le dossier est géré par l’Union Africaine (UA). C’est un dossier continental. Par conséquent, le Sénégal n’a pas, seul, autorité de gracier un criminel, un dictateur », dit-il.
Abaïfouta, affirme que la seule chose qui devrait attirer l’attention, c’est l’interminable attente des victimes (5 ans) pour être indemnisées. D’après lui, tous les biens de Habré n’ont pas été saisis pour constituer le fonds d’indemnisation. La réflexion pour trouver une solution doit porter sur cette matière. « Habré est condamné. Il doit purger sa peine. C’est quelqu’un qui a un cœur de pierre. Il est insensible à la douleur du peuple tchadien. Le moment n’est pas arrivé pour demander la grâce », a martelé Abaïfouta Clément. Selon lui, il faut indemniser plutôt les victimes que de se laisser distraire à la longueur de temps par la famille de Habré. En outre, l’AVCRHH se dit être sereine. Ce que déplore le président des victimes, c’est la lenteur de l’UA dans le processus d’indemnisation des victimes. « Ce fonds leur permettra de refaire une vie, se soigner et s’occuper de leurs familles », dit-il.
Deux poids deux mesure
Selon le président de l’AVCRHH, il y a deux ans, le directeur de Cabinet du Président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat est venu au Tchad. L’équipe en mission, informe-t-il, a rencontré les autorités. « Les autorités tchadiennes leur ont concédé un bureau d’où ils devraient travailler de concert avec le conseil d’Administration et le secrétariat du fonds. Mais jusque-là rien de concret », explique-t-il. D’après lui, si ce fonds s’installait, il pourrait inciter d’autres organisations à contribuer pour l’indemnisation des victimes. Il soutient qu’il pas deux poids deux mesures. « Non je ne pense pas qu’une telle demande soit jugée recevable. Comme je l’avais susvisé, le Président Macky Sall n’est pas habilité. C’est une décision africaine et seule l’UA peut se prononcer sur grâce ou pas grâce », insiste-t-il.
Pour Abaïfouta Clément, si le Sénégal déclare recevable la demande de grâce, ce serait vraiment dommage. Depuis que Hissène Habré a été condamné, le Sénégal est devenu la fierté de l’Afrique. Et les Africains sans la Cour Pénale Internationale (CPI), ont réussi à juger et à condamner un dictateur sur le sol africain. « Si le contraire se réalise, je pense que cela va être apocalyptique. Toutefois, les victimes auront toujours des arguments solides pour contre attaquer ».
Moyalbaye Nadjasna