Il était le numéro 2 de la Convention de défense des droits de l’Homme au Tchad, la CTDDH. Aujourd’hui, il en est le numéro 1. Qui est Dr Albissaty Saleh Allazam, le nouveau patron de la CTDDH ? Portrait de celui qui se décrit comme un « révolutionnaire ».
Il est disponible à l’heure prévue, 9h. L’air bavard et hospitalier, M. Albissaty Saleh Allazam nous installe à la véranda de sa villa sise au quartier … dans le 2e arrondissement de N’Djamena. Il nous sert du thé que nous avons accepté volontiers. Nous migrons au salon. L’entretien peut commencer. Dans une courtoisie élégante et un parler direct, Dr Albissaty Saleh Allazam s’adresse à nous.
Mais le nouveau secrétaire général de la Convention tchadienne de défense des droits de l’Homme (CTDDH) se lâche dès l’entame. « Je ne suis pas vraiment à l’aise lorsqu’on me demande de parler de ma modeste personne », lâche-t-il. Pour lui, parler de soi revient à se faire de la publicité. « Mais je ne suis pas à la recherche d’une popularité quelconque », fait-il savoir. Joue-t-il au faux modeste tout en parlant de lui ? Il semble faire le « en même temps ».
Né dans le Batha en 1963, Dr Albissaty Saleh Allazam est un médecin-épidémiologiste de formation. Il a occupé plusieurs postes dans le milieu de la santé et de l’éducation du Tchad. Fils de Saleh Allazam, un chef de tribu, Dr Albissaty a une attitude de « révolutionnaire » qui a raté sa révolution ou un « révolutionnaire » en attente d’une révolution qui tarde à venir. Son engagement dans la lutte contre l’injustice, dit-il, a commencé depuis son jeune âge. « La lutte contre l’injustice, c’est dans le sang. Je la tiens de mon père », affirme-t-il. Selon ses explications, son père Saleh Allazam, était contre les colons. « Il a libéré des prisonniers des mains des Blancs. C’était de l’audace », s’exclame-t-il. Cette histoire l’a inspiré.
Dénoncer l’injustice et défendre les faibles sont ses principes. Il se rappelle de s’être fait casser le nez par un condisciple alors qu’il défendait un autre. Ou encore du soutien qu’il a apporté au MPS quand celui-ci a renversé le régime dictatorial d’Hissein Habré. « J’étais le premier à applaudir le président Deby Itno. Mais dès qu’il a commencé par changer, je me suis retiré et j’ai commencé à condamner les mauvais actes que son régime pose », affirme-t-il. Ses critiques vis-à-vis du régime l’ont amené à rallier dans les années 2004 différents groupes rebelles.
Désigné secrétaire général exécutif de la CTDDH lors de l’Assemblée Générale extraordinaire tenue le 4 décembre à N’Djamena, M. Albissaty était le numéro 2, secrétaire général adjoint. Ses détracteurs disent que c’est M. Mahamat Nour Ibedou qui l’a désigné comme SGA. Et le voilà qui poignarde son mentor à la CTDDH. Lui, soutient le contraire, « la CTDDH, je l’ai portée sur mes épaules depuis 2012 », dit-il.
Le nouveau patron de la CTDDH reconnaît hériter d’une organisation divisée. « J’ai hérité des problèmes », fait-il observer. Toutefois, estime-t-il, sa priorité sera de redonner confiance aux militants, de réunir ceux qui peuvent travailler avec les autres. Mais aussi de redorer l’image de la CTDDH. Comment ? « C’est de faire de la CTDDH soit une vraie organisation de défense des Droits de l’Homme, loin de la politique », dit-il. Et cela rien que par la rigueur dans le travail. « Je suis rigoureux dans ce que je fais. Et en même temps protecteur », déclare l’ex-maquisard.
Premier chantier, il veut changer le style CTDDH imprimer par M. Ibedou. Il ne veut pas se limiter à condamner les violations des droits de l’Homme commises par les agents de l’État, mais applaudir le gouvernement s’il venait à prendre un acte patriotique, soutient M. Albissaty. « Nous ne sommes pas des opposants. Donc je ne vois pas le mal d’encourager le gouvernement dans certaines initiatives et le recadrer en cas de dérapage », souligne-t-il.
Dr Albissaty dit comprendre l’immensité de la tâche qui l’attend. Il se dit prêt à l’accomplir avec toutes les pressions qui viennent avec cet emploi. « La pression, il en aura. Mais nous n’allons pas céder », rassure-t-il. Pour lui, il faut condamner les violations des droits de l’homme à tous les niveaux. « Ce n’est pas seulement les agents de l’État qui violent les droits de l’Homme. Il y a des individus qui font pire que l’État. Il faut les condamner tous », martèle Dr Albissaty qui conclut « vous me verrez à l’œuvre. »
Christian Allahadjim