9h 50 min. J’arrive en trompe, pressant les pas, l’œil sur la montre. Je passe les mesures barrières anti Covid. Je ne sais pourquoi les organisateurs exigent cela aux participants, car personne n’applique réellement en salle ces mesures. Je franchis les barrières de sécurité, aussi. Je rejoins mes amis des médias, quelques-uns sont installés. Je prends place presque essoufflé.
10h 5 min. Le maître de cérémonie appelle les participants à regagner leurs places. Il annonce que le présidium va s’installer. Quelques secondes plus tard les membres du présidium à leur tête son président prennent place. Le président Gali a presque tenu sa promesse de commencer à 10h. Les participants ne lui tiendront pas grief pour 5 min. Derrière moi j’entends un participant dire, « le présidium à respecter l’heure, pas les participants ». Je jette un coup d’œil circulaire de la salle. Il a raison, la salle est clairsemée. Sacrés Tchadiens. Pour eux, l’heure n’existe pas.
10h 10 min, président Gali prend la parole. Il souhaite que cette séance soit le début des travaux. Il a rendu compte des démarches du comité ad hoc. Il a aussi informé les participants que les différents vice-présidents ont rencontrés les groupes mécontents qu’ils s’agissent des représentants des médias, des partis politiques et d’autres groupes.
Il a parlé de la distribution de l’agenda, de commission de facilitation et annoncé la lecture de la synthèse du rapporteur général M. Limane. Ensuite dans une troisième séquence, rappeler les sujets qui attendent les participants. Il aborde la question de la commission et dit « il y a des gens qui ne sont pas d’accord, beaucoup disent ne pas reconnaître, tous les rapports échoueront ici. Rien ne sera caché ». Doucement le timbre de sa voix monte, s’accélère, il rappelle que la plénière est souveraine. Il s’y porte garant et averti « toute personne qui se dressera contre m’aura en face », parole de Gali le pugnace militant qui aime le combat politique, l’homme qui a bravé par ses tracts une féroce dictature et qui a failli y laisser sa peau montre ses couleurs. Au nom de la plénière, il demande aux participants de prendre au sérieux leur travail. De lire et critiquer le rapport du Comité d’organisation du dialogue national inclusif et souverain tant dans le fond que dans la forme. Il finit son intervention en interpellant la salle sur le fait que les participants sont assis sur des chaises couvertes des couleurs du drapeau national. Et s’interroge « peut-on au nom de l’esthétique s’asseoir dessus? ».
10h 20 min. Le rapporteur général Limane Mahamat prend la parole. Il est supposé faire la synthèse, mais se lance dans un long exposé comme un professeur de droit constitutionnel face à ses étudiants. Son intervention a été un peu longue. La salle a décroché, il semble monologuer…
10h 40 min, c’est au tour du rapporteur général adjoint Armand Djékoltar d’expliquer et de réajuster le projet d’agendas. Une partie de salle réclame des copies en protestant. Le président du présidium intervient pour calmer les protestataires. M. Djékoltar arrête son intervention avant de reprendre en s’assurant que tous les participants ont reçu l’agenda. Appliqués, les participants écoutent le rapporteur général adjoint en ajustant les dates du projet d’agenda.
11h 00 min. Le président du présidium reprend la parole, suspend la séance. Et reviens pour annoncer à la salle que chaque groupe doit désigner 5 personnes. Une importante communication leur sera faite dans la salle 400. Et il lance sur un ton mi-impératif mi-agressif « que les journalistes quittent la salle. Je demande aux journalistes de quitter la salle ».
30 minutes plus tard, les groupes ne s’entendent pas pour désigner 5 personnes chacun. La communication est reportée pour lundi. Entre temps les réseaux sociaux ont repris la phrase du président Gali. Les participants et membres du présidium se dispersent. Je me suis dit, les propos de Gali sur les journalistes vont peut-être le rattraper…enfin peut-être.
12h00. Je suis dehors sur l’esplanade. J’allume mon téléphone et me connecte. Les réseaux sociaux s’emballent sur les propos de Gali. Il a raté de l’occasion de se taire me suis-je dis. Au moment de demander aux journalistes de quitter la salle, des journalistes sont frappés et arrêtés. D’autres se sont cachés en se débarrassant de leur gilet de Presse. Leur faute? Ils sont journalistes, ils couvrent la manifestation des Tchadiens du parti Les Transformateurs qui sont aussi bastonnés pour avoir manifesté, leur chef Succès Masra est en semi-résidence surveillée parce qu’il n’est d’accord avec les assises du dialogue.
Cela aussi il faut, en ce temps de dialogue, le dénoncer président Gali. J’espère que c’était une méprise que vous rattraperez lundi. Inchallah.
Bello Bakary Mana