2021 s’en va bientôt. C'est une année qui a marqué la mémoire des Tchadiens par des évènements importants. C’est en réalité l’histoire qui s’écrit au quotidien. Les journalistes la racontent au présent. Les historiens l’écrivent au passé. Bref, en 2021, qu’est qui a marqué les esprits?
D’abord, la mort du Maréchal président Idriss Deby Itno a marqué cette année. Est-il mort au combat « l’arme à la main » comme le répètent avec insistance les autorités de la transition? Ou a-t-il été assassiné comme on le chuchote derrière les rideaux? Jusqu’à là, on nage dans la confusion et les contradictions. Le Conseil Militaire de Transition (CMT) et le gouvernement de transition (GT) parlent de mort au combat. L’Union Africaine (UA), après avoir réclamé une enquête, continue de parler « d’enquête sur l’assassinat du feu Maréchal ». Pour l’instant, le CMT reste silencieux. Pas d’enquête officiellement ouverte. L’UA pousse le dossier en marchant sur les pointes des pieds. Les Tchadiens et le monde attendent des éclaircissements parce que Deby Itno qu’on l’aime ou qu’on le déteste est un dirigeant qui a marqué l’histoire de son pays. Et c’est normal d’établir la vérité sur sa disparition. Me Ahmed Idriss dit Lyadish, très actif sur le réseau Facebook, a écrit un intéressant article sur l’enquête judiciaire en cours.
La mort du Maréchal Deby Itno est indissociable de la rébellion tchadienne du Front pour l’Alternance et la Concorde (Fact) et son chef Mahamat Mahdi Ali. Ils sont jusqu’à preuve du contraire à l’origine de la mort du président tchadien. Ils ont donc marqué par leur percée à presque 300 km de la capitale tchadienne les esprits, surtout qu’ils ont porté un coup fatal en plein désert à celui que les médias occidentaux ont surnommé le renard du désert. À l’annonce de son décès, ils réclamaient avec un brin de fierté la paternité du meurtre. Depuis quelques mois ils le réclament de moins en moins. Ils font profil bas. Leur chef donne de temps à autre quelques entrevues pour dire qu’il est ouvert au dialogue. Tout en lançant des menaces à peine voilées sur la certitude d’une autre attaque de sa troupe.
Ensuite, dans la foulée, le président de l’Assemblée nationale (AN) a passé son tour refusant d’assumer ses responsabilités. Le CMT est créé avec à sa tête le fils du défunt Maréchal, Mahamat Idriss Deby Itno. Un gouvernement de transition est nommé. Cahin-caha un Conseil national de transition (CNT, chambre législative) est mis sur pieds et ses membres cooptés selon les intérêts et les calculs de l’ex-parti au pouvoir le Mouvement patriotique du Salut (MPS) et des quelques membres de l’opposition qui ont accepté de collaborer avec la junte militaire. Tant pis pour ceux qui contestent la méthode et qui réclament que cette prérogative revienne aux assisses du Dialogue national inclusif (DNI). Pour l’instant, tout semble rouler de l’avant malgré le grand bruit qu'a soulevé le gargantuesque budget de ce machin. Les internautes tchadiens ont une belle formule pour signifier leur exaspération « les choses du Tchad ».
Concernant « les choses du Tchad », les préparatifs du DNI se déroulent sous tambour et trompettes. Bref, sur ce registre les choses avancent mais sans les politico-militaires, il sera difficile de réussir ce rendez-vous. De ce côté aussi, il semblerait que c'est prometteur.
2021 a également été marqué par l’émergence politique du parti Les Transformateurs et de Wakit Tama. Les deux organisations ont mené la contestation dans la rue. Ils ont su et pu imposer une nouvelle méthode de contestation malgré quelques débordements. En passant le chef des Transformateurs, Succès Masra a tellement pris confiance en lui qu’il semble faire des embardées et des sorties de route. La dernière en date est de croire ou de faire croire qu’il serait attaqué par des forces occultes. Cette croyance prise au sérieux par M. Masra et ses militants interroge sérieusement sur la lucidité du chef et de ses lieutenants. Si c’est l’envie de faire du buzz qui a poussé le jeune leader alors sur ce coup c’est raté. Le buzz à tout prix est une assurance au discrédit.
Aussi, l’insécurité qui défraie la chronique ces derniers jours a effrayé les esprits. Elle ne semble épargner personne. Les malins se sentent-ils libérés depuis la disparition du Maréchal? C’est à croire que ces génies malfaisants sont sortis de la bouteille dans laquelle le Maréchal les avait enfermés. Sur ce dossier, le président du Conseil militaire de la transition (PCMT) semble débordé. Quelque chose lui échappe. Peut-être qu’un groupe autour de lui veut lui signifier qu’il n’est rien d'autre que leur création. Et qu’il doit leur obéir aux doigts et à l’œil.
Enfin, la rocambolesque affaire de l’ex-première Dame Hinda Deby Itno, de sa fratrie et du défunt colonel, illustre bien le drame qui se joue dans cette transition où se mêle insécurité et règlement de compte. Il y a comme un film à feuilleton qui se joue dans l’ombre. Un appel à témoin est même lancé par le Ministère de la Sécurité publique, avec à la clé 50 millions de F CFA comme récompense pour retrouver le ou les meurtriers. Décidément dans cette République, il y a des citoyens plus citoyens que d’autres. Cette affaire met en colère les Tchadiens. Ils n'ont d'autre choix que de se contenter d’être des téléspectateurs. Ils attendent le prochain épisode d’une série haletante où la princesse et sa fratrie tombent de leur piédestal, accusés à tort ou à raison d’avoir les mains salies par le sang du défunt colonel. Et surtout des mains pleines des liasses d’argent. Eux qui n’ont pas su ou pu se mettre à l’abri, loin du pays, au lendemain du départ sans retour du Maréchal.
NB : Nous reviendrons, inchAllah, dans les prochains jours dans une chronique pour parler des perspectives de 2022.
Joyeux Noël et bonne année
Belle Bakary Mana