Celui que ses fan ont surnommé « Dougli », le lion en langue goranne n’est plus. L’ex-président tchadien Hissène Habré est décédé ce mardi matin à Dakar suite de covid-19. D’un côté plusieurs voix s’élèvent pour apprécier l’homme d’État qu’il a été. De l’autre côté ils critiquent sa gestion.
L’ancien président Hissein Habré est décédé ce mardi 24 août des suites de la covid19 à l’âge de 79 ans. Il avait été hospitalisé ces derniers jours à Dakar au Sénégal où il purgeait sa peine de prison à perpétuité, après avoir contracté la maladie. Hissein Habré était arrivé au pouvoir le 7 juin 1982 en marchant sur la capitale, N’Djamena pour déloger son frère ennemi Goukouni Weddeye. Habré était resté à la tête du pays durant près de 8 ans avant d’être renversé par le défunt président Idriss Deby en décembre 1990. Ses années de pouvoir sont marquées par de nombreux crimes. Une commission d’enquête après sa chute parle de 40.000 morts. Au Tchad, la nouvelle du décès de l’ancien l’homme fort a surpris bon nombre de défenseurs des droits de l’homme et certains opposants qui trouvent en lui, un compatriote qui aimait son pays, malgré les crimes qu’il a commis contre son peuple.
Pour Salibou Garba, président du parti Alliance Nationale pour la Démocratie et le Développement (AND), parti d’opposition, l’ex-président est un patriote et un homme moulé dans la lutte contre l’impérialisme. Il affirme que Hissein Habré était comme la plupart des révolutionnaires qui étaient marxistes bolcheviques et que c’est ce qui explique la brutalité de son style et de sa rigueur et surtout le refus de la corruption et la gabegie. L’homme politique confie que le natif de Faya, dans l’extrême du pays, est un organisateur rigoureux, hors-norme et qu’avec lui, l’on ne jouait pas avec le denier public et l’État tchadien était vraiment un État respecté par ses voisins. Salibou Garba a toutefois nuancé ses propos avant de marteler que pendant le règne de l’ex-dictateur, il s’est passé des choses atroces et qu’il n’était pas le seul responsable de toutes ces atrocités et barbaries. Ce dernier affirme avoir fait connaissance de l’ancien homme fort du pays avant d’indiquer que c’était Hissein Habré qui lui avait demandé de rentrer quand il était en exil au Cameroun. « Quand j’étais rentré, il m’avait reçu et me disait : je ne pensais pas que vous allez accepter de rentrer, parce qu’on m’accuse de tuer les gens et les jeter dans le fleuve », confie l’opposant.
Au sujet du rapatriement de la dépouille de l’ancien président, le président de l’AND souligne qu’il faudra s’activer pour acheminer le corps du lion du désert. M. Salibou Garba estime que l’ancien président a assez connu l’humiliation lors de son procès et qu’il est du devoir des Tchadiens de le pardonner et d’accepter que sa dépouille vienne reposer sur sa terre natale.
La mort de Hissein Habré a surpris beaucoup de Tchadiens qui sont restés sur leur soif de voir l’ancien dictateur purger sa peine à perpétuité. Pour le président d’honneur de la LTDH et vice-président de la fédération internationale des droits de l’homme, Dobian Asngar, la mort est toujours quelque chose de triste et qu’on aurait souhaité que l’ex-chef d’Étatt soit en vie pour pouvoir comprendre le sens de la cruauté qu’il a fait aux gens. Selon lui, en tant que défenseur des droits humains, l’on ne peut pas se réjouir de la mort d’un humain. « Nous ne l’en voulons pas jusqu’à sa mort. Le sens de notre combat est qu’il soit en vie pour répondre » précise-t-il. Dobian Asngar affirme que la mort de Hissein Habré doit servir de leçon aux autres apprentis dictateurs qui tenteraient de faire la même chose, avant d’ajouter qu’il n’est pas contre le rapatriement de la dépouille de l’ex-président. Abondant dans le même sens Me Jacqueline Moudeina dit qu’elle n’a pas de commentaire à faire sur la mort d’un être humain et de surcroît un compatriote, avant d’ajouter qu’il faut laisser la famille organiser et vivre le deuil. À propos du procès, l’avocate des victimes de Hissein Habré précise que la mort ne met pas fin au combat et qu’il faut attendre après les obsèques avant de parler du procès.
Jules Doukoundjé