PROJET PÉTROLIER, INFLATION ET PAUVRETÉ AU TCHAD
La montagne accouchera-t-elle d’une souris ?

INTRODUCTION

Jadis connu comme l’un des pays les plus pauvres et où sévit une guerre interminable, le Tchad est aujourd’hui en passe de devenir un des pays les plus médiatisés à cause de l’exploitation de son pétrole. Le pétrole tchadien semble attirer plus d’un regard alors même que le peuple tchadien semble surpris et que des débats contradictoires semblent aujourd’hui s’estomper. Derrière les Institutions de Breton Wood, l’on semble s’être s’accordé sur l’idée que ce projet, actuellement le plus important d’Afrique de par le montant des investissements, et unique en son genre pour son approche en terme de réduction de la pauvreté et de gestion des ressources, constitue une chance unique pour sortir le pays de la misère et d’une situation structurellement chaotique.

   Aujourd’hui, l’heure n’est plus aux projections et aux investigations de l’esprit. Le pays vit réellement l’ère pétrolière quoiqu’aucune goutte de pétrole ne soit encore sortie du sous-sol. Il n’y a qu’à examiner les indicateurs macroéconomiques du pays (emploi, investissement, etc.), l’effervescence qui a gagné le peuple tchadien, les investisseurs privés intéressés par l’Afrique et de descendre dans la zone pétrolière (Doba, Moundou, Komé) pour avoir une idée sur la fièvre qui a atteint tout le pays.

   L’heure semble donc avoir sonné pour commencer à analyser l’impact de ce projet sur l’économie tchadienne et en particulier sur le niveau de vie et la pauvreté.

   Le projet pétrole tchadien, projet défini par la Banque Mondiale comme un projet de lutte contre la pauvreté, est un vaste chantier destiné à forer et transporter le pétrole brut de Doba vers une facilité de stockage représenté ici par le port camerounais de Kribi, est réputé pour le Tchad réduire la pauvreté et mettre le pays sur la voie de la croissance économique. Or, la théorie économique est claire sur ce point : la croissance économique à court terme a un effet néfaste sur l’inflation.

   En effet, la croissance économique dans ce contexte se traduira non seulement par un accroissement du revenu des ménages, la hausse de l’emploi mais aussi et surtout par un accroissement des dépenses de l’Etat. La hausse du revenu aura pour conséquence une hausse artificielle des prix mais aussi une hausse de la demande en biens et services. La hausse de l’emploi se traduira quant à elle par une augmentation de nouveaux agents sur le marché des biens et services, ce qui contribuera à accroître la demande intérieure. Quant aux dépenses de l’Etat, ses conséquences seront directes sur la demande intérieure. Une fois née, l’inflation devra ensuite s’auto-entretenir par ses effets sur les coûts de productions. Dans un premier temps, par ses effets sur les coûts de la matière première et ensuite sur le niveau des salaires, les salariés devant chercher à maintenir, sinon améliorer leurs pouvoir d’achat. Tout ceci se traduit par un gonflement de la demande. Il faut nuancer ces propos toutefois. En effet, la hausse de la demande intérieure se partage entre biens échangeables et biens non échangeables. Il peut y avoir des effets de substitution et des arbitrages à faire entre ces biens. En outre, les investissements peuvent se traduire par un accroissement de la demande en biens importés plus important qu’en biens intérieurs. Malgré tout cependant on doit assister à la hausse des prix des biens non échangeables et même des biens échangeables si l’Etat ne favorise pas la concurrence au niveau du secteur des entreprises d’import-export.

   Or à court terme, l’offre est rigide ; l’ajustement se fait alors par les prix. En outre l’inflation baisse le pouvoir d’achat des ménages, ce qui provoque du même coup un accroissement de la pauvreté. Il semble donc qu’il y ait une contradiction apparente à court terme entre les objectifs de réduction de la pauvreté et ceux de croissance économique. Il se pose ainsi, à court terme, le problème de la formulation de la politique économique à mettre en œuvre pour endiguer les effets contradictoires liés à l’exécution de ce projet. Quelle politique économique le gouvernement tchadien doit-il mettre en œuvre, à court terme, pour atténuer les effets néfastes de la croissance sur la pauvreté ?

   Dans le cadre du Tchad, pays sous-développé où l’économie dépend, jusqu’ici, fortement des aléas climatiques, cette problématique de la réduction de la pauvreté par la croissance est encore plus importante. Il y a de nombreuses contraintes sur les capacités de productions et de nombreux aléas (climatiques, volatilité des cours mondiaux du pétrole, etc.). L’ajustement de l’offre nationale, essentiellement agricole, à la demande sur le marché des biens pourrait-il se réaliser rapidement de sorte à résorber le déficit et réduire l’inflation ? En outre, les commerçants n’auront-ils pas toujours tendance à accroître continuellement et cela de manière artificielle les prix ? D’autre part, le regain d’activité dans le secteur privé dans un contexte où le marché d’emploi est restreint ne va-t-il pas accentuer l’inégalité sociale urbaine entre salariés du secteur public et ceux du secteur privé ? Quels en seront les conséquences sur le degré de motivation des agents de l’Etat? Par ailleurs, en ce qui concerne la population rurale, l’inflation ne va-t-elle pas accentuer la pauvreté à long terme de la population rurale dont le revenu est soumis aux desiderata des conditions climatiques et incapable d’accroître leur offre ? Quel sera le comportement des décideurs politiques dont l’objectif est de faire de bons mandats ? Mais avant tout, le pays ne dispose pas encore d’un appareil statistique solide pouvant mesurer l’évolution des impacts du projet pétrole sur la population. Il est à relever par exemple que pour les prix, la base de l’indice est 1988, soit avant le rétablissement des salaires normaux en 1990, avant la dévaluation de 1994, ce qui pose aujourd’hui le problème de la fiabilité de l’indice et qui plus est, ne rends compte que de la situation de la ville de N’Djamena. Or le pôle d’inflation, s’il y en a, est situé dans la zone pétrolière. Il est alors fondamental de se demander quel est la véritable ampleur de la situation, puisque le taux d’inflation officielle calculée, de 2,5% en 2000 semble manifestement minimiser le phénomène. La mise en œuvre du projet pétrole tchadien suscite donc bien des interrogations.

   D’abord, quel est le niveau réel de l’inflation aujourd’hui ? Comment va-t-elle évoluer dans le futur ? Quel impact l’inflation va-t-elle jouer sur l’objectif de réduction de la pauvreté ? Quels sont les conséquences sur l’inégalité et sur le marché de l’emploi au Tchad ? Quelles peuvent alors être les politiques économiques à mettre en œuvre pour résoudre les problèmes engendrés ?

   Ce papier tente, à partir des hypothèses sur l’évolution de l’économie et sur le comportement des décideurs politiques, d’analyser l’impact que ce projet qui suscite tant d’espoir aura sur l’économie et sur la pauvreté. Il tentera de donner des pistes d’options de politiques économiques à mettre en œuvre afin qu’il puisse combler les attentes qu’il créée aujourd’hui. Il mettra un accent particulier sur les conséquences que peut avoir l’inflation sur l’efficacité des politiques envisagées pour réduire la pauvreté.

Aussi, dans un premier temps, nous analyserons l’évolution des indices de prix actuellement calculés et montreront que ces indices sont loin de la réalité.

Ensuite, nous décrirons les conséquences d’une probable inflation sur l’économie du pays. Nous analyserons particulièrement les insuffisances des politiques économiques envisagées en rapport avec la pauvreté.

Enfin, dans un troisième temps, nous recenserons les différentes sources de l’inflation et proposerons les mesures de politiques économiques à mettre en œuvre pour réduire ses effets sur la pauvreté.

  1. L’indice officiel des prix minimise l’inflation

Lorsqu’on examine le graphique ci-dessous donnant l’évolution de l’indice des prix, on en arrive à la conclusion selon laquelle l’inflation au Tchad est faible sur la période de 1995 à 2000.


    Graphique 1 : évolution de l’indice officiel des prix à la consommation à N’Djamena (base 100 en 1988) : source INSEED.

En ce qui concerne la période 2000-2001, l’on semble imputer la hausse des prix à la sécheresse qu’a connue le pays durant cette période. Il faut en effet relever effectivement au vu du graphique ci-dessous que l’indice des prix a été fortement influencé par les prix des produits alimentaires et principalement ceux des céréales.


    Graphique 2 : Indice trimestriel des prix de quelques postes (base 100 en 1994)

  Finalement la conclusion à laquelle aboutissent beaucoup d’analystes de la vie économique du pays comme la Banque Mondiale, le FMI, les journaux tels Jeune Afrique Économie est que l’inflation est faible et ensuite qu’elle est même maîtrisée. Si le premier constat est erroné, il en est de même de la logique qui les amène à conclure que la croissance du niveau des prix est maîtrisée. En effet, les statistiques officielles sont loin de la réalité et les populations tchadiennes qui vivent la situation en sont bien conscients. Déjà à l’examen du graphique ci-dessous, l’on se demande pourquoi les fluctuations dans la production agricole des années précédentes n’a pas produit les mêmes effets sur le niveau général des prix que pour la campagne agricole 1999-2000. En outre, l’examen approfondi du graphique montre que tous les indices ont eu la même inflexion à la hausse en début d’année 2000 (sauf les services). En réalité, la mauvaise pluviométrie ne semble qu’un prétexte à la hausse des prix des denrées alimentaires, l’origine de la hausse serait ailleurs.

Graphique 3 : Évolution de la production céréalière de 1990 à 2000 (en milliers de tonnes)

En pointillé : prévision de 2001. (Source : document AFRISTAT et INSEED)

  Principalement deux raisons tendent à prouver que les indices de prix ne reflètent pas la réalité :

-        Dans un premier temps, l’indice des prix officiel est un indice capital, comme dans la majeure partie des pays de la zone franc. Or les conditions de vie de N’Djamena ne peuvent être facilement généralisées à l’ensemble du pays. Il faudra pour cela montrer que les structures de consommation sont homogènes et que les prix évoluent de la même façon dans tous le pays. Ce qui est loin d’être le cas pour le Tchad. En effet, en ce qui concerne les produits vivriers par exemple, les prix dépendent des quantités produites qui elles-mêmes sont fonction de la répartition géographique de la pluviométrie dans le pays. Si deux villes voisines peuvent avoir la même tendance d’évolution des prix (comme c’est le cas de Moundou et Sarh) il n’en va pas de même pour des régions éloignées car les moyens de communication ne sont pas très développés, surtout en saison de pluie. Le champ pétrolier est situé au sud du pays. Et l’accroissement de la population occupée dans cette zone et les compensations effectuées dans le cadre des déguerpissements ainsi que le fort accroissement de la population expatriée crée une forte croissance de la demande de biens et services. Cette croissance de la demande se caractérise aussi et surtout par un gonflement de besoins nouveaux : logements décents, restauration, produits frais, pour ne citer que ceux-là. Ainsi, la zone pétrolière est un pôle important d’inflation. Cela a commencé à se répandre et à se faire sentir au loin. A Kélo, une ville moyenne située à une centaine de kilomètres de Moundou par exemple, le prix de l’œuf a triplé en intervalle de deux ans, passant de 25 Francs à 75 Francs aujourd’hui. A Moundou, on enregistre une forte demande en logements, modernes comme traditionnels. Les expatriés, disposant de revenus importants, ajoutent au phénomène. En effet, ceux-ci ne discutent pas les prix fixés par les commerçants, ce qui amènent ces derniers à avoir une certaine flexibilité dans leur politique de prix.

-         Dans un second temps, il faut noter que même pour la ville de N’Djamena l’évolution de l’indice des prix ne reflète pas la réalité. En effet, les coefficients budgétaires sont ceux de 1988. Or, depuis cette date, il y a eu un certain nombre de changements importants qui, à notre avis, ont affecté durablement la structure de consommation des ménages. Il s’agit entre autre de :

-       Le relèvement du niveau des salaires intervenu au Tchad en 1990 après la longue période de demi-salaire tristement célèbre auprès des fonctionnaires tchadiens ;

-       Les changements politiques intervenu tour à tour : changement de régime, démocratie qui se traduisent par une autre appréciation du climat social ;

-       Les politiques d’ajustement structurel notamment la dévaluation du franc CFA intervenu en 1994, la libéralisation des prix, les privatisations, etc. qui ont affecté, comme dans la plupart des économies de la sous-région, les ménages. Un des effets attendus de cette dévaluation est justement que les ménages se tournent vers les biens de consommation locale. L’autre conséquence de cette politique monétaire est qu’elle a diminué le pouvoir d’achat des ménages.

-       La reprise de la croissance économique de ces dernières années caractérisée principalement aujourd’hui par la baisse du chômage.

Ces éléments sont à notre avis de nature à rendre caduque les coefficients de pondération des indices de prix. Il est à notre avis raisonnable de supposer qu’une correction de cette base pourrait se traduire par une croissance plus forte de l’indice général des prix.

En effet, en ce qui concerne les deux premiers éléments par exemple, ils se traduisent par un relèvement du revenu des ménages et donc une hausse de la consommation finale des ménages. La dévaluation quant à elle, a pour conséquence, du moins théoriquement, une réallocation des ressources des produits importés, devenus plus chers, vers les produits locaux. Mais il faut noter ici que cela ne peut se réaliser que si les quantités consommées de ces produits importés peuvent soit être substitués soit être réduites. Or en ce qui concerne le Tchad où existe un tissu industriel très léger et où la propension à consommer les biens importés est un phénomène plutôt culturel qu’économique, on ne peut s’attendre véritablement que ces quantités importées baissent. Par ailleurs, en ce qui concerne les ménages rurales agricoles, l’autoconsommation étant forte, l’augmentation des recettes tirées des produits exportés pourrait se traduire, comme dans le cas du Togo, par un accroissement de la demande en produits importés Quant au dernier élément cité, on peut raisonnablement supposer qu’il introduit sur le marché des biens une autre classe de consommateurs, plus jeunes, plus nanties puisque d’une manière générale employés de grandes firmes internationales et du secteur privé, d’une manière générale. Il fut ajouté à ce titre également l’introduction de nouveaux produits sur le marché.
 
                                                2.     L’inflation est bien réelle

Le phénomène est donc, à notre avis bien réel. Et l’on est en droit de s’attendre à ce que cela s’intensifie et se généralise sur tout le territoire tchadien. En effet, la croissance économique annoncée est à venir et il faut donc s’attendre à ce que lorsque les différentes sources de l’inflation se soient réalisées, l’on arrive à la situation de certains pays tels le Gabon où le coût de la vie est très élevé et où les populations rurales sont restées très pauvres.

Montrons dans cette section que l’augmentation des prix n’est pas prête à s’estomper. Pour cela examinons l’évolution de la demande et de l’offre.

  1.                             Déséquilibre structurel entre offre et demande

En effet, d’après la théorie économique, l’effet de la croissance sur les prix n’est qu’un effet transitoire car la hausse de la demande devra être suivie d’une hausse de l’offre. Dans le cas du Tchad, que va-t-il se passer ?

Il est certain que le tissu industriel du Tchad, encore très légère, laisse une grande place à de nouvelles unités de production. De même, en ce qui concerne les structures déjà en place, la faiblesse de la production accompagnée des techniques de production très vieillissantes peuvent favoriser leur essor. Cependant, à ces opportunités théoriques de développement s’oppose des difficultés structurelles qui, à notre avis, sont de nature à constituer des obstacles, ou du moins ralentir le développement industriel du Tchad par apport des investissements directs étrangers.

   L’un des obstacles les plus importantes est l’enclavement du pays. En fait, il s’agit moins de l’état d’enclavement que de la mondialisation et des regroupements régionaux. En fait, il s’agit ici de dire que pour qu’une entreprise internationale puisse s’installer ou se développer dans ce nouveau contexte, il faudra qu’il trouve des avantages concurrentiels à long terme dans le pays, dont l’un des plus importants est la compétitivité en termes de prix. Dans le cas du Tchad, le climat politique tend à s’assainir, il y a des programmes importants de construction d’infrastructures routières. Du coté des juridictions, beaucoup d’efforts restent à faire, en ce qui concerne la mise en œuvre des législations internationales, en matière de droits des affaires, OHADA notamment. Le point d’achoppement se trouve surtout au niveau des coûts de production. En effet, dans un contexte inflationniste et sur un marché de l’emploi restreint où le recours au personnel expatrié est important, pour qu’une entreprise s’installe, il faut que dans les pays voisins elle ne puisse pas avoir des avantages concurrentiels. Notre propos ici est que si l’Etat tchadien ne met en place un système incitatif et n’assainie pas le climat économique (maîtrise de l’inflation), l’accroissement de la demande intérieure favorisera le développement des pays voisins, notamment le Cameroun et le Nigeria qui disposent des avantages concurrentiels importants en terme de main-d’œuvre, d’infrastructure et qui, en plus ont l’avantage de partager une longue frontière avec le Tchad (ce qui réduit les coûts de transport). Ce qui se passera alors simplement c’est l’accroissement des importations puisque les accords de libre échange (que cela soit dans le cadre du CEMAC ou du GATT) ne peuvent permettre au Tchad de faire du protectionnisme. Les entreprises d’import-export se développeront fortement (c’est déjà le cas aujourd’hui). Mais les avantages que confère le secteur informel pourront-ils inciter les opérateurs à accroître la taille de leurs structures pour être visible ? Dans ce schéma, le devoir de l’Etat est de mettre en place un programme économique qui puisse rendre le pays compétitif. Cela passe évidemment par la maîtrise de ce qui se passe sur le marché de l’emploi : maîtrise de la hausse des salaires, efforts importants en matière de formation professionnelle. Mais en plus de cela, il faut mettre en place une politique d’industrialisation assez lourde de sorte à réduire les coûts de production des petites unités : secteur énergétiques, secteur des bâtiments, secteur minier.

  1.                Réapparition du syndrome hollandais grâce à la démocratie ?

Il est crucial de se demander quel sera le comportement des dirigeants politiques durant cette phase d’exploitation.

   On sait en effet que l’objectif de tout parti politique c’est de conquérir le pouvoir et d’y rester. Il se pose ainsi le problème de la compatibilité de l’objectif d’une planification de long terme avec les objectifs de court terme du parti au pouvoir. Ce dernier en effet, cherchera, une fois au pouvoir de mener des actions de nature à se faire réélire : politique sociale hasardeuse, investissement de prestige et absence d’une politique restrictive favorisant une croissance de long terme. N’assisterons-nous pas alors à des politiques budgétaires expansionnistes favorisées par l’assurance de disposer des ressources nécessaires au financement des dépenses d’éducation, de santé et autres signés dans le cadre des accords avec les bailleurs ? En clair, l’existence du Comité de gestion des recettes pétrolières ne favorisera-t-elle pas une gestion calamiteuse des autres recettes de l’Etat ? Nous répondrons de notre part par l’affirmative. En outre, il faut signaler que les recettes fiscales pétrolières sont en réalité très volatiles, ce qui pose finalement un problème de gestion budgétaire aiguë aux décideurs économiques. La crainte à ce niveau serait alors que de déficits budgétaires importants puissent exister et que ces déficits soient financés par endettement extérieur.

  1.                                   Finalement quel impact sur le revenu réel ?

La recherche effrénée de la croissance économique ne doit pas nous faire oublier les années difficiles de l’ajustement structurel. Car si l’objectif de croissance élevée est fondé, l’on doit avoir à la tête qu’une bonne croissance est une croissance « qui génère le plein-emploi et la sécurité des moyens de subsistance, encourage la liberté et le contrôle de l’individu sur sa destinée, distribue les avantages équitablement et favorise la cohésion et la coopération sociale et préserve l’avenir du développement humain »[1][1]. Le projet pétrolier est certes une occasion unique pour remettre le pays sur la voie du développement économique. Mais cela correspondra-t-il à une bonne croissance économique ? Ne sera-t-elle pas plutôt une croissance appauvrissant ? Dans les paragraphes qui suivent nous tenterons d’analyser l’impact que ce projet aura sur l’économie et surtout sur le bien-être des populations.

Comme nous l’avions souligné plus haut, pour l’instant, l’effet que les populations urbaines ressentent, c’est la reprise de l’emploi et l’inflation. Abordons la question sous l’angle de l’influence de l’inflation sur le niveau de vie des ménages.

Nous ne nous attarderons pas outre mesure sur les conséquences classiques courantes de l’inflation, sujets que la littérature économique a traité de manière approfondie. Signalons seulement au passage qu’une inflation forte :

-         réduit le contenu informationnel des prix, ce qui les empêchent de jouer leurs rôles dans l’allocation des ressources ;

-         a un impact psychologique négatif sur la population ;

-         a un effet négatif sur l’investissement.

Il est indéniable que le projet pétrolier aura un impact positif sur le revenu nominal des populations urbaines et rurales. Mais l’augmentation des prix viendra atténuer cet effet. Et la question essentielle à ce niveau est de savoir quel effet l’emportera.

v    Au niveau des populations urbaines :

L’effet a ce niveau est indéniable : l’impact du projet pétrolier est favorable sur l’emploi et sur les salaires. Au niveau de l’emploi, on pourrait enregistrer une baisse importante du chômage due à la hausse de la demande des sociétés pétrolières mais aussi des autres sociétés annexes qui s’installent. En ce qui concerne les sociétés pétrolières uniquement, il est prévu que le projet crée environ 4000 emplois directs. Les restructurations intervenues dans les secteurs bancaires et des télécommunications et la croissance qui s’en est suivie sont autant d’opportunité qui se sont crées pour les jeunes tchadiens qui ont une certaine formation professionnelle. A l’exemple de l’ensemble du secteur moderne tchadien, le graphique suivant donne l’évolution de l’emploi au sein de 5 entreprises suivies par le service de la Comptabilité Nationale du Tchad. Le graphique d’après donne, quant à lui, le niveau moyen des salaires au sein de ces entreprises.

Graphique 4 : Effectif moyen employé dans 4 entreprises modernes suivies par le service de la Comptabilité Nationale (source : INSEED)

Graphique 5 : Evolution du salaire moyen mensuel dans 5 entreprises modernes de la ville de N’djamena.

   Si la reprise de l’emploi est nettement visible sur le graphique 1, par contre le niveau moyen des salaires ne reflète pas une amélioration des revenus. Si l’on y ajoute l’effet de l’inflation on pourrait arriver à la conclusion que sur la période il y a une baisse du pouvoir d’achat des ménages concernés.

En ce qui concerne le secteur public, l’on n’a pas assisté à une augmentation des salaires depuis les ajustements effectués au lendemain de la dévaluation du franc CFA. L’évolution des salaires dans ce secteur ne peut ne peut être continu comme celui du secteur privé où les salaires sont, au moins théoriquement, négociés au moment de la signature des contrats. Il faut noter déjà que le niveau des salaires à la fonction publique tchadienne est plus faible. Et si l’on suppose en plus que ces salaires ne peuvent évoluer que par sauts successifs dont l’amplitude ne peut être indexé au coût de la vie, l’on se rends compte combien la croissance engendrera une inégalité sociale importante entre salariés.

Quelles conséquences pour le service public ?

On peut se rendre compte que cette situation ne pourra que favoriser la corruption et le clientélisme et créer de la démotivation. Comme on peut le constater dans certains pays tels la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le salaire bas, source de demotivation, devant le coût de la vie, en perpétuelle hausse, engendre une paupérisation qui n’est supportable, pour les fonctionnaires, que grâce aux pots de vin.

  v    Au niveau des populations rurales

Sans investissement important on ne peut assister à une amélioration de la production des cultures vivrières habituelles. Tout au plus on pourrait assister à une spécialisation dans certaines cultures nouvelles telles les salades afin de répondre aux besoins nouveaux. En effet, pour qu’il y ait hausse de la production dans un contexte où les techniques agricoles sont rudimentaires et où la production dépends des aléas climatiques, il faudra prévoir des investissements importants, ces investissements devant être axés entre autres sur les techniques d’amélioration des rendements et la lutte contre l’exode rural. En effet, le développement de l’éducation, l’attrait pécuniaire des villes accélérerons la baisse de la population active agricole et mettront en péril le développement de ce secteur. Pour l’agriculture d’exportation, le schéma auquel on doit s’attendre est l’abandon progressif de la culture du coton surtout que les cours de cette matière première ne cessent de chuter. Il est possible que la réorientation se fasse au profit des cultures vivrières destinées pour la commercialisation dans les centres urbains (salade, oignons, tomates, etc.).

En outre, en ce qui concerne l’élevage, effectivement dans ce secteur, on peut s’attendre à une intensification de l’élevage de poulets de chair, porcs, etc. qui répondent aux besoins nouveaux. Il est cependant illusoire de penser que les moyens de production pourront permettre de réaliser des gains substantiels à moins que les ONG de développement intensifient leurs actions dans le sens de la distribution de crédits et l’assistance technique. Sans cela, on ne peut assister à une accumulation de capital suffisant à même de financer les activités. Il faut noter également que le secteur élevage est très peu organisés. On constate tout au moins quelques opérateurs, qui, le plus souvent sont dans le cercle du pouvoir et qui s’accaparent de tous les bénéfices en imposant des prix qui sont très peu corrélés aux coûts de production. Il est connu des noctambules des quartiers Diguel, ; Dembé et Chagoua que l’exportation du bétails sur pieds se fait la nuit sur le ponts Charles de Gaulle, au mépris des législations en la matière.

Examinons maintenant l’évolution des dépenses.

Il est impossible que l’inflation puisse s’arrêter au niveau des centres urbains. L’on doit en effet s’attendre à ce qu’elle se propage des pôles vers la périphérie. En effet, le renchérissement des biens importés ne peut s’arrêter aux milieux urbains. En outre, en ce qui concerne les produits locaux, on ne peut éviter que la hausse des salaires dans les centres urbains se répercute au niveau des prix des biens produits. Certes, il est vrai que le développement des infrastructures routières atténuera les coûts de transports de ces biens. Mais dans le même temps, il permettront l’ouverture sur d’autres biens de consommation. Du coté des services publics, le programme de développement arrêté de concert avec la Banque Mondiale est que les ressources devront servir, dans une grande part aux secteurs tels la santé, l’éducation, l’agriculture et les infrastructures. L’Etat fera ainsi en sorte que les services publics soient disponibles pour ces populations. Mais peut-on envisager la gratuité de ces services ? Il ne peut en être évidement le cas. On peut donc s’attendre à ce que les besoins des populations rurales s’accroissent alors même que leurs ressources ne pourront leur permettre de s’en offrir. La question qu’il importe de se poser est donc de savoir quel sera l’impact sur leur perception de bien-être ? C’est pourquoi la politique consistant simplement à réduire la pauvreté d’existence par l’offre de services publics ne peut être considérée comme une politique efficace de réduction de la pauvreté. La réduction de la pauvreté implique, comme l’ont souligné Geoffrey J & Al.[2][2], que les pauvres puissent participer à la croissance et non simplement bénéficier des fruits de cette croissance. En plus, l’imprévisibilité des cours du pétrole ne peut assurer une stabilité des recettes budgétaires. Ce qui se traduira alors par une instabilité de la qualité (prix, disponibilité, etc.) des services offerts à moins de recourir au fonds pétrolier ou à l’endettement, ce qui n’est pas à exclure.

CONCLUSION
    On a semble-t-il tout dit sur le très médiatisé projet pétrolier tchadien. On a tout dit mais on n’a pas dit l’essentiel. En effet, si le débat sur les conséquences écologiques sont en train de s’estomper, si celui concernant le partage « inéquitable » des revenus pétroliers entre le consortium, le Cameroun et le Tchad tient encore en haleine les Tchadiens, manifestant subitement un nationalisme hystérique, si par ailleurs l’on spécule sur le comportement qu’adopteront les dirigeants politiques, l’on s’est très peu interrogé sur les politiques macroéconomiques envisagées, leurs efficacités et les conséquences de ce vaste projet sur le niveau de bien-être de la population.

   L’un des phénomènes qui marquent aujourd’hui durablement la zone pétrolière et la capitale est la croissance continue des prix du panier de la ménagère depuis quelques années déjà. De 1994 à 2001, les prix ont augmenté de plus de 57% entre les deux dates dans la capitale (voir tableau ci-dessous). Et seulement entre 2000 et 2001, on a enregistré une croissance de 23,4%. Ces taux sont au dessus de la moyenne de la zone CEMAC.

  Evolution de l’indice officiel des prix à la consommation de 1994 à 2001 (base 100 en 1994)

Année

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Indice des prix

100

109,01

121,95

129,15

134,83

123,34

127,67

157,50

      Dans la zone pétrolière, la forte croissance du coût de la vie n’est malheureusement pas appréhendée par les statistiques officielles, mais d’après les témoignages qui nous parviennent de la zone, on doit s’attendre à une hausse plus importante depuis deux ans au moins. Durant la même période cependant, le niveau des revenus des salariés n’a pas augmenté dans la même proportion. Que dire des ménages ruraux, soumis aux desiderata climatiques, au cours des marchés du coton en chute depuis plusieurs années et incapable d’accroître leurs productions. Quelles conséquences aura l’exode rural sur le niveau de la production agricole et les prix des produits agricoles ? Quel sera le comportement des dirigeants politiques devant la grogne sociale qui ne manquera pas de se manifester face à la détérioration continue du pouvoir d’achat ?

   En ce qui concerne le premier point, on peut remarquer que la hausse des prix des produits agricoles est artificiellement créée par les commerçants mais aussi par la hausse de la demande. Et cela ne profite pas aux producteurs, peu organisés et qui sont plus ou moins déconnectés des marchés sur lesquels les commerçants échangent avec les consommateurs finaux. Même si croissance des prix au niveau des marchés ruraux il y a, on ne peut imaginer qu’elles puissent compenser la perte en pouvoir d’achat due à l’accroissement des charges dont fait face les ménages ruraux (coûts de production, prix des biens industriels, coûts de la santé, etc.).

   L’attrait de plus en plus croissant qu’exerce les villes sur les jeunes ruraux créera certainement un déficit en production agricole et renforcera la croissance des prix agricoles. On assistera alors à une forte dépendance vis à vis de l’extérieur et gare alors à l’inflation importée ! Cette inflation importée sera d’autant plus forte que le pouvoir en place ne favorisera pas la concurrence dans le secteur des entreprises d’import-export. En effet, si une poignée de personnes détient le monopole de l’importation de certains biens, elles pourront fixer, de manière discrétionnaire, les prix dans un contexte de libéralisation des prix.

   Quel sera alors le comportement des dirigeants politiques tchadiens ? On sait que le but de tout parti politique est de conquérir le pouvoir et d’y rester. On comprendra donc que les objectifs des dirigeants politiques soient de conserver l’électorat et de dorer leurs images politiques. Dans le contexte particulier du Tchad on ne sera pas surpris de constater que le pouvoir cherchera à satisfaire la grogne sociale en augmentant les salaires à chaque revendication, à se lancer dans les politiques budgétaires expansionnistes dans le seul but de faire un bon mandat, sans souci du lendemain et sans assurance de la stabilité des recettes publiques. Syndrome hollandais et démocratie, tout un débat….. Au niveau du secteur privé, la faiblesse de l’offre de travail qualifiée face à une demande croissante créera d’elle-même une augmentation des salaires. Et un spirale inflationniste se mettra alors en place…

   A quoi peut-on alors s’attendre au bout de quelques années ? Il n’est pas illusoire de penser qu’on aurait atteint la situation du Gabon dont le contraste est saisissant entre le milieu urbain, Libreville notamment, dont le revenu par tête est l’un des plus élevé d’Afrique et la zone rurale demeurée extrêmement pauvre. A qui profitera la croissance économique ? La Banque Mondiale table sur les conditions d’une croissance à long terme en insistant sur l’investissement en éducation, santé et infrastructures. D’ici là, il faut que la population ressente une amélioration de son bien-être pour assurer une stabilité politique. Ces mesures envisagées de concert avec le gouvernement sont donc insuffisantes. Ce qu’il faut, c’est de chercher absolument à ce que les pauvres participent à la croissance et non pas leur faire bénéficier bonnement les fruits par une simple politique sociale de redistribution. Ainsi, l’Etat devra absolument mettre en place une politique permettant d’accroître la production nationale (agricole comme industrielle) et endiguer l’accroissement des importations. Il devra également, sans tarder, favoriser la formation professionnelle de sorte à ce que l’ajustement de l’offre à la demande sur le marché de l’emploi ne se fasse pas par les prix et un recours à la main-d’œuvre étrangère. Cette politique devra permettre aussi de se mettre à l’abri de la menace que constituent l’intégration économique et la mondialisation pour l’économie nationale fragile et très peu compétitif à ce stade. L’attrait de l’économie devra se faire aussi par un effort d’industrialisation lourde (mine, énergie, bâtiment) favorisant l’installation d’industries plus légères. Par ailleurs, une politique des dépenses publiques responsable devra prévaloir durant toute la période d’exploitation, de sorte à ce qu’un recours à un endettement important pour financer les déficits publics (ce risque est très important puisque les recettes pétrolières sont indexées sur les cours du pétrole qui sont de nature très volatile) ne réduise à néant l’objectif consistant à épargner les revenus du pétrole pour les générations futures.

   Moi, j’en veux pour preuve ce vieux proverbe Peul: « il faut creuser les puits aujourd’hui pour étancher les soifs de demain » !!

[3][1] Problèmes économiques n°2.510-511 (p.69)
[4][2] Finances &Développement, Décembre 2001, p49

BIAKA TEDANG Djoret 

Acte par lequel est prévu et autorisé les recettes et les dépenses de l’État pour l’année civile, le projet du budget 2005 du gouvernement tchadien, selon AFP (agence française de presse) le 30 septembre 2004, nous indique que, le gouvernement tchadien a annoncé jeudi avoir adopté le projet de loi de finances 2005 qui prévoit une hausse de 15% de ses dépenses et de ses recettes.

Cette même source indique que, le budget de l'Etat tchadien pour l'année prochaine table ainsi sur des recettes d'un montant de 527,619 milliards de francs CFA (près de 806 millions d'euros), en hausse de 15%, et des dépenses d'un total de 558,760 milliards de francs CFA (853 millions d'euros), elles aussi en progression de 15%, a précisé un communiqué du gouvernement. Et que ce projet de budget 2005 de l'Etat tchadien prévoit notamment une augmentation de 8% des traitements des enseignants et de 5% de ceux des agents de la santé publique et de l'action sociale. Elle annonce également le recrutement de 2.931 agents dans l'administration publique, ainsi que l'augmentation des ressources financières de la caisse nationale de retraite pour assurer le paiement régulier des pensions.

L’établissement d’un budget est régi par plusieurs règles fondamentales. Entre autres l’unité, l’universalité et l’annualité. L’importance du budget dans la vie économique d’un pays, exige quelques interrogations. Quelle politique d’orientation le gouvernement envisage-t-il de prendre au cours des trois prochaines années ? En quoi la politique budgétaire actuelle peut-elle changer le quotidien des Tchadiens (nes) ?

La politique budgétaire du gouvernement tchadien confirme de se servir de son pouvoir d’imposition et de répartition des dépenses pour influencer la conjoncture économique. C’est le cas dans tous les pays du monde et le Tchad ne fait pas exception.

Dans le projet du budget 2005, les dépenses dépassent les recettes de 31,141 milliards de francs CFA (près 47 millions d’euros). Ce qui laisse prévoir déjà, un déficit prévisionnel. Le contraire pourra permettre de dégager un excédent budgétaire. Surtout donner au gouvernement, une marge pour financer certains secteurs prioritaires tels la santé, l’éducation, la recherche scientifique. Peut-être même de rembourser une partie de la dette extérieure du Tchad.

À propos, le gouverneur de la banque des États de l’Afrique Centrale, Félix Mamalépot déclarait « le Tchad connaît une période de forte expansion surtout à cause de l’accroissement de la production et des exportations pétrolières (+37%). » Supposons que cette hausse prévisionnelle de 15% des dépenses (558.760 milliards de FCFA) et des recettes (527.619 milliards de FCFA) par le gouvernement au budget de l'exercice est due aux retombés du pétrole. Il est vrai que les recettes connaîtront une augmentation de 15% par rapport à celles de l’exercice en cours. Mais elles ne seront pas suffisantes pour un équilibre budgétaire en 2005.

Dès lors quelle est la solution face à une situation qui semble conduire vers un déficit budgétaire. Il va falloir que gouvernement tchadien impose une certaine rigueur dans la gestion des finances publiques. Et surtout, adopter une philosophie directrice, pouvant conduire chaque année à un budget équilibré.

Enfin la hausse prévue de 15% des dépenses (558.760 milliards de FCFA) et des recettes (527.619 milliards de FCFA) par rapport au budget en cours mène au constat que jouent les revenus pétroliers pour l’économie du Tchad. Il est temps pour le gouvernement d’investir davantage les secteurs mères : l’agriculture et l’élevage. Car le Tchad est essentiellement un pays agropastoral. Le revenu pétrolier n’est qu’un plus et rien d’autre.

Lona Ouaidou, Ramadan

La tendance à l'intégration économique entre les nations a commencé depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Ce mouvement observé résulte en partie à de changements technologiques et de considérations géopolitiques.

Étant donné la sensibilité du thème, l'analyse portera en grande partie sur les obstacles que la CEMAC rencontre à notre avis pour la mise en œuvre des normes établies par les pays membres.

Pour la petite histoire, rappelons que « la CEMAC» est née de la volonté des Gouvernements de six Etats Membres de l'ancienne UDEAC (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, Tchad). Le 16 mars 1994, est la date de la ratification à N'DJAMENA au TCHAD du traité instituant la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC).
En effet, dans le cadre de cette Communauté, les Gouvernements des Etats membres ont réaffirmé leur attachement aux principes de liberté et de démocratie et se sont engagés à :
- Développer ensemble toutes les ressources humaines et naturelles de leurs Etats pour le bien-être de leurs peuples dans tous les domaines.
- donner une impulsion nouvelle et décisive au processus d'intégration en Afrique Centrale par une harmonisation accrue des politiques et des législations de leurs Etats.
- assurer la convergence des performances de leurs politiques économiques au moyen du dispositif de la surveillance multilatérale etc.»
Source : CEMAC

Comme en témoigne cette brève historique et les initiatives qui en ont découlé, le processus d'unification sous régionale (union monétaire, Marché commun, coordination des politiques économiques, Politique agricole commune, harmonisation fiscale, etc.) est un projet de grande envergure. La 9ème session de la conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement des pays membres de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC) tenue à Yaoundé du 24 au 25 juin 2008, a beaucoup intrigué quant à la beauté des résolutions à court, moyen et long termes d'une part, et à l'incompréhension de son retard quant au décollage proprement dit du processus d’intégration en Afrique Centrale, d’autre part !

À priori, quand on analyse la CEMAC, on remarque tout de suite, une idéologie presque inspirée de l’ancienne UDEAC mais avec une différence que la CEMAC est plus modérée et inclusive. Bref, une différence qui reste toujours marquée sur les discours et écrits alors que la priorité demeure l’atteinte d'un marché commun en Afrique Centrale. C'est à dire une zone dans laquelle il n'y aurait ni impôts ni quotas sur les Biens et Services traversant les frontières des pays membres de l'union.
Toutefois, on est en droit de se demander vraiment ce qui retarde la CEMAC à prendre son envol en dépit de nombreuses et bonnes résolutions prises depuis sa création ?

L'intégration économique au sein d’une institution comme la CEMAC implique la coopération des pays membres sur un large éventail de politiques économiques et sociales. Ceux-ci doivent se mettre d'accord sur des questions clés : comme le niveau d'un tarif extérieur commun, le soutien des prix agricoles, les politiques industrielles concernant par exemple le montant des subventions qu'il convient d'accorder aux secteurs en déclin ou la façon dont il faut traiter les monopoles. Toutes ces politiques doivent également être coordonnées aussi bien au niveau des institutions de la CEMAC que des États membres.

Plusieurs facteurs entravent le décollage de la CEMAC. Cependant, à notre humble avis, trois facteurs majeurs pourraient expliquer les difficultés que confronte aujourd’hui cette institution sous régionale :
1 - Les crises politiques et militaires que certains pays membres comme le Tchad, sont victimes. L’instabilité politique au sein d’un pays membre contraint en général les autres pays à attendre, elle est la source de plusieurs reports dans la mise en œuvre des politiques adoptées. Les échéances sont de moins en moins respectées.
 
2 - La seconde question concerne la répartition des bénéfices de la coopération. Les ressources des Etats membres de la CEMAC ne sont pas égales. Les différents accords bénéficient plus à certains pays que d'autres. Cela pousse certains Etats à s’ouvrir moins dans l’application des politiques qui peuvent les lésées. Une façon de sécuriser des intérêts vitaux.

3 - Le troisième facteur et le plus sensible est le transfert de souveraineté des gouvernements nationaux, une question propre aux institutions interétatiques. Les décisions au sein de la CEMAC concernent tous les Etats membres, elles nécessitent au préalable un transfert de compétences des Etats vers l’institution.  Il reste que les Etats sont moins enclins à s’adonner à des pratiques les empêchant à gouverner de manière indépendante. Une explication avancée par divers spécialistes de la sous-région pour interpréter l’écart incompressible entre l’adoption des politiques et la mise en œuvre de ces dernières.

Dans ce contexte aussi complexe, si un pays estime que ses gains seraient minimes ou même qu'il subirait des pertes, même si pour d'autres membres les bénéfices sont importants, il peut donc tenter d'influencer la politique commune afin d'obtenir un meilleur résultat. A défaut, c’est tout une panoplie de pirouettes que ce pays adopte pour retarder l’application d’une mesure de la CEMAC.

L’avenir nous renseignera plus sur ce retard et nous aurons plus de précisions par rapport aux trois difficultés du décollage.

Ramadan Lona Ouaïdou

« Le capital est seulement le fruit du travail et il n’aurait jamais pu exister si le travail n’avait tout d’abord existé. » Abraham Lincoln.

Grande préoccupation pour l’ensemble de la population tchadienne, le travail a toujours constitué un enjeu vital, voire une nécessité omniprésente dans notre vie quotidienne. En plus de favoriser l’épanouissement humain, le travail est le symbole de la dignité. Une valeur qui sous-tend et maintien les liens sociaux. Malheureusement, nos dirigeants ne l’entendent pas de cette oreille.

Mais qu’en est-il exactement de la situation de l’emploi au Tchad ? Existe-t-il réellement une politique d’emploi au Tchad ? Si oui, ces politiques sont-elles efficaces ?

D’abord, il faut observer le résultat du travail de la population tchadienne par le biais du produit intérieur brut (PIB) pour s’en apercevoir que notre État ne gère pas vraiment le système d’emploi en tant que tel.

D’une part, selon RGPE (recensement général de la population électorale) de 1993, le taux de chômage atteint les 36%, le PIB en valeur nominale (2001) équivaudrait à 1089 milliards de F CFA. Le PIB par tête (1000 F CFA) 142 mille et le revenu par habitant, 126 mille. Ces données moins compliquées à analyser nous amènent à voir que le non-emploi, le sous-emploi, l’emploi atypique sont la cause essentielle de la mauvaise situation économique, politique et sociale que nous connaissons.

D’autre part, le chômage, la précarité des emplois et l’augmentation considérable de la population non active exige de nous à nous poser cette question : il y a une réelle politique d’emploi au Tchad ?
En effet, la politique d’emploi qui existe aujourd’hui est obsolète et inefficace à en juger les données statistiques. De plus, les bouleversements socio-politiques que connaît notre pays sont à n’en point douter un des signes de la fragilité et de l’inadéquation de la politique actuelle. La conjecture économique peu favorable vient compliquer davantage la création des entreprises et par voie de conséquence, des emplois.  Alors que faut-il faire dans ces conditions ? Il est urgent que le gouvernement prenne ses responsabilités.

Le président de la République en s’adressant à la nation lors du traditionnel message du nouvel an, a placé l’année 2004 sous le signe de l’espoir et du travail.

Par ce discours d’espoir doit-on entendre qu’enfin le Tchad mette des moyens pour palier à l’infrastructure économique ? Doit-on penser que le gouvernement tchadien va se pencher sérieusement sur les effets que l’ajustement structurel a causés en ce qui a trait à l’emploi ? Peut-être que l’avenir va mieux nous éclairer sur ces interrogations.

Toutefois, malgré la présence des grands travaux à haute intensité de main œuvre, force est de constater que le taux de chômage reste élevé et la main d’œuvre demeure quelquefois sous exploitée à cause des mauvais choix politiques et de la jungle qui sévit sur le marché du travail où les entreprises les plus opportunistes règnent sans lois et sans scrupules, laissant ainsi les travailleurs dans l’appauvrissement continuel. Et même s’il y a un besoin de main d’œuvre dans certains secteurs, il n’existe pas une vraie politique capable de créer des emplois stables et durables.

Même avec le projet pétrole qui, à notre sens est l’un des projets les plus importants de la sous-région en termes de revenus et de création d’emplois, on est en droit de se demander si les « pressions globales » cautionnées par certains dirigeants politiques nationaux ne vont pas saboter la pérennité des milliers d’emplois au détriment de leurs intérêts mercantilistes. N’ayons pas peur de le dire, l’entreprise privée n’est pas là pour aider les pauvres travailleurs. Au contraire, les compagnies privées ne sont soumises à aucune réglementation tendant à pallier au chômage. À cela s’ajoute le manque de stratégie efficace, de volonté et de détermination de nos autorités  à créer non seulement des conditions favorables aux investissements nationaux et étrangers, mais aussi inciter les compagnies à embaucher plus du monde en absorbant par exemple le tiers des charges sociales des entreprises.

Mais d’autre part ce n’est pas de la faute des entreprises privées, elles sont confrontées aussi à d’énormes difficultés. Parmi celles-ci, on peut noter entre autres l’insécurité, les coupures permanentes d’électricité, les tarifs très élevés d’électricité que les entreprises ont l’impression de travailler que pour payer les charges d’exploitation et les coûts de main d’œuvre. Les tarifs douaniers très élevés (protectionnisme insensé), l’absence de politique stimulante freine l’action des entreprises à embaucher la main d’œuvre. Cela est valable surtout pour les PME, car les grosses multinationales peuvent dans certains cas s’en passer du travail humain à cause de la technologie (la robotisation).

Bref, le chômage résulte d’abord d’un choix politique. La lutte contre le chômage n’est pas une chose facile certes, mais avec une certaine volonté et détermination des pouvoirs publics, on peut endiguer le phénomène. Pour ce faire, nous estimons qu’il faudrait d’abord recenser les causes du chômage, car ce qui manque ce n’est pas le travail, mais l’emploi. Il faudrait aussi se demander si le gouvernement tchadien maintient le chômage pour avoir à payer des salaires plus bas ? Stratégie politique ? Mais la vision du partage de la richesse nationale oblige que le gouvernement place la lutte contre le chômage parmi ses priorités.

La question du chômage n’étant pas fondamentalement économique, il faut voir la question sous d’autres angles. Ainsi, il faudra également s’engager dans la lutte contre les inégalités sociales, contre les injustices, contrôler les mouvements de capitaux, les paradis fiscaux. Pour y arriver, une véritable politique de l’éthique sociale s’impose. Autre démarche possible et non la moindre, c’est de contrôler si ce n’est arrêter l’hémorragie de la privatisation des secteurs clés tels que la société d’eau et d’électricité, les télécommunications, etc. Enfin, les nombreuses mutations que connaît l’organisation du travail nécessitent une réelle adaptation des politiques de plein emploi. Le marché du travail va en dépendre énormément. Il sera donc judicieux de mettre sur pied des vraies lois du travail pour l’ensemble des opérateurs économiques et particulièrement des grosses entreprises privées.

Lona Ouaidou, Ramadan

 

L'économie tchadienne offre un visage contrasté. Elle subit non seulement les conséquences d'un oligopole mondial, mais elle est en proie à des difficultés internes. Quelle est la vision des acteurs politiques tchadiens face à cette nouvelle donne ? Existe-t-il une réelle volonté politique à sortir l'économie tchadienne de ces défis et enjeux ?

La concentration du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif (suscite des nombreuses interrogations) quant à la capacité politique des pouvoirs publics à relever les défis des enjeux économiques de l'heure. Les choix politiques et économiques jusqu'à présent mis en place ne tiennent malheureusement pas compte du contexte économique mondial. Pire, ces choix ne font pas une analyse optimale des enjeux actuels de l'environnement d'un marché de plus en plus rigide.

L'économie Tchadienne fait face à des défis énormes à savoir : la réduction de la pauvreté grâce à une croissance économique créatrice d'emplois, l'amélioration de certains indicateurs tels que l'espérance de vie, la mortalité infantile, l'état nutritionnel, la relance économique, le problème des infrastructures économiques, etc. Peut-on affirmer que ces défis que rencontre notre économie sont dus essentiellement à la naissance d'une nouvelle démocratie au Tchad ? C'est-à-dire une démocratie caractérisée par un régime politique ou la transition a imposé l'émergence d'institutions démocratiques multipartites dont les acteurs importants sont issus pour la plupart du récent régime autoritaire.

Il est à noter que cette démocratie balbutiante, de façade, est en en train d'être construite dans une atmosphère de crise économique et sociale qui met en évidence le fossé entre pauvres et riches. Ainsi, les très grandes inégalités sociales, l'avènement d'un simulacre de démocratie au Tchad ne peut à elle seule expliquer la montée de tous ces défis sociaux et économiques.
La situation ne peut être redressée sans une forte volonté politique. Pour l'instant cette volonté politique est absente. Il n'y a que de discours d'intention mais aucun acte concret pour endiguer ce problème aux conséquences indescriptibles. La preuve en est que le Tchad compte plus de pauvres que dans la plupart des pays sous-développés. Alors qu'on parle de la lutte contre la pauvreté depuis que le projet pétrole est finalisé. Censé remettre sur les rails l'économie tchadienne, le projet pétrole paraît de plus en plus aux des Tchadiens comme un leurre. Pour une raison simple : la relance économique n'est pas observée comme elle devrait l'être. Pourtant, on ne cesse d'en faire la propagande.
Le constat qu'on peut faire de la situation, c'est qu'on a l'impression que les enjeux économiques sont tellement importants que le pouvoir exécutif met l'accent sur plus la délégation davantage que sur la représentation des affaires publiques. On a l'impression que les enjeux économiques créent ou (favorisent) ce qu'on peut qualifier d'oligarchie émergente au Tchad.
Sans pour autant être pessimiste, le caractère excessivement concentré de l'économie tchadienne aux mains d'une oligarchie ne facilite pas la tâche afin de relever les défis économiques qui, à notre sens, restent paradoxaux et empêchent la relance de l'économie nationale et par conséquent le développement.

Finalement, peut-on toujours croire aux discours et au patriotisme des hommes politiques tchadiens qui s'acoquinent avec l'élite économique, flirtent avec des corrupteurs, faufilent entre leurs investissements personnels et leurs responsabilités publiques ? Qu'ils prennent conscience de la situation et concentrent leur effort pour relancer vraiment l'économie du pays ! Une de leur priorité doit être de rétablir l'eau, l'électricité et la sécurité qui sont les premières conditions d'une économie nationale viable.
L’eau est trop précieuse pour être confiée aux forces du marché. L’accès à l’eau est un droit fondamental de la personne. Les ententes de l’organisation mondiale du commerce(OMC), de pair avec les autres ententes commerciales nient l’existence de ce droit au profit des droits des sociétés. L’eau c’est la vie, car la vie n’est pas une marchandise.

Lona Ouaidou, Ramadan

S'il y a ingérence de l'État tchadien dans le conflit armé du Darfour ? Cela doit soulever des interrogations quant à son impact sur l'ensemble des variations à court terme de l'activité économique tchadienne et ses contrecoups sur l'indice des prix, le taux de chômage, le P.I.B, la balance commerciale, etc.

La conjoncture économique fait aujourd'hui l'objet d'une surveillance permanente des "observatoires économiques. Malgré d'impressionnants résultats statistiques des institutions de Breton Wood, force est de constater que la conjoncture économique tchadienne est restée au point mort. Une gestion saine de la conjoncture devrait faire resurgir le plein emploi parce que les entreprises n'hésiteront pas à embaucher, à octroyer des salaires décents ; où les prix augmentent moins vite que les revenus ; où la tendance à consommer et à épargner est moyenne, où le pouvoir d'achat des consommateurs serait proportionnel à l'indexation du coût de la vie, etc.

Le conflit armé du Darfour à des répercussions au Tchad. Cette situation engendre l'insécurité et crée ainsi l'instabilité sur l'ensemble du territoire national. Cette perturbation à des impacts sur les objectifs à atteindre du gouvernement tchadien. À savoir : la relance de l'économie nationale afin de lutter contre la pauvreté. En effet, un conflit armé crée non seulement l'instabilité et de dépenses exorbitantes, mais aussi ne favorise pas un climat propice à l'investissement facteur majeur de la croissance économique.

La guerre au Darfour pourrait favoriser la sortie massive des capitaux. Tout compte fait, les détenteurs des capitaux sont d'abord attirés par les plus forts rendements offerts mais aussi par la sécurité que représente, pour leurs avoirs, une telle expatriation. Pour certains propriétaires (investisseurs) privés tchadiens, ils ne voudraient ni investir dans un projet local ni déposer leurs avoirs à la banque pour des raisons de sécurité. Par contre, pour les propriétaires qui décident d'investir hors du Tchad cela constituera un problème pour le pays, dans la mesure où, les gains en capital ont été réalisés localement mais ne sont pas réinvestis dans l'économie nationale qui, il faut le rappeler, en a vraiment besoin pour sa relance.

Non seulement l'économie tchadienne subit un oligopole de quelques personnes mais la grande partie de sa production ne satisfait que les besoins de la classe des possédants. La situation économique du Tchad étant déjà précaire, nos dirigeants doivent tout d'abord prioriser l'intérêt national avant de s'engager dans des conflits armés aux conséquences coûteuses.

Les politiques économiques mises en place favorisent la création des fortunes privées et l'enrichissement illicite de la classe politique dirigeante. Ce qui a pour conséquence une montée croissante de l'influence des individus non élus sur les décisions de l'État.

Enfin, s'ingérer dans un conflit aux effets destructeurs et paradoxaux et dont les perdants seront les Tchadiens, le gouvernement doit concentrer ses énergies à sa politique intérieure en engageant une vraie politique économique. Ceci ne fera que profiter aux travailleurs, aux consommateurs, aux petites entreprises, aux intérêts étrangers, à l'État ainsi qu'à tous les Tchadiens(nes).

Lona Ouaidou, Ramadan

Dévaluation du Franc CFA, ajustement structurel, subventions « déloyales » agricoles de certains pays occidentaux sont à la base de cette crise du coton au Tchad. Ajouter à cela, la mauvaise gestion de la première source de rentrée de devises dans le pays.

Créée en 1971, la Cotontchad (Société cantonnière du Tchad) connaît aujourd’hui une grave crise. Les différents efforts de l’État se sont avérés inefficaces pour sortir cette société du marasme. Spécialisée dans l’achat de coton graine, de l’égrenage et de la commercialisation de la fibre ainsi que des produits de la graine ; la Cotontchad à un capital de 4,256 milliards de FCFA et représente plus de 30 % du PIB du Tchad.

Mais comment expliquer que la Cotontchad qui a été la seule société cotonnière africaine jadis maîtresse de son produit sur le marché international soit passé aujourd’hui à côté de ses objectifs ? Cette crise est-elle une simple détérioration des termes de l’échange ? Une absence d’une véritable politique du coton ? Ou alors, des erreurs stratégiques de l’État tchadien ?

Les vraies causes à cette crise sont :
-D’abord, la privatisation en 2000 de l’huilerie savonnerie de la Cotontchad.
-Ensuite, le désengagement de l’État en 1999 et la mise en place d’un plan de stratégie des reformes.
-Enfin, les fluctuations du marché international et les nombreux choix erronés de l’État par démanteler ce géant de l’économie tchadienne.

A ces trois causes, il faut ajouter des problèmes de gestion. Celui des subventions agricoles des pays occidentaux. Par exemple, les États Unis subventionnent non seulement la production mais aussi l’exportation de leur coton. Cela a eu pour conséquence : la diminution des exportations du coton tchadien.

Autres conséquences immédiates : la Cotontchad a procédé à des licenciements de son personnel ainsi qu’à la fermeture de la plus part de ses usines.

De ce qui précède, l’État tchadien a un choix : ne pas se désengager de ses responsabilités. Il faut une politique commerciale cohérente. Et que cette politique s’adapte au plan des reformes.

Autrefois, la Cotontchad avait une bonne méthode de commercialisation du coton. Par exemple, le fait de vendre directement le coton à travers son réseau d’agents. Ce qui a l’avantage d’éviter des intermédiaires.

Une des perspectives qui pourra être salutaires pour l’État tchadien serait de faire preuve de bonne volonté, d’exiger que la Cotontchad puisse commercialiser elle-même sa fibre à la filature. Et aussi d’entamer un processus de financement de la production et de s’assurer de la transparence en matière de gestion. Le marché du coton est devenu de nos jours un problème majeur pour les pays sous développé. L’État tchadien doit aujourd’hui penser à une politique de diversification des ressources naturelles afin d’éviter ou de minimiser les crises à venir.

Espérons que la nomination dare-dare d’Ibrahim Malloum, un connaisseur de la filière pourra relancer la filière coton. Mais aussi soit l’occasion de gérer la Cotontchad dans la transparence.

Lona Ouaidou, Ramadan

Supposée être le reflet de l’histoire de sa société, l’administration publique tchadienne fortement influencée par le modèle français, connaît malheureusement un déficit depuis fort longtemps. Son inadaptation aux réalités socio-culturelles et aux nombreux changements mondiaux en matière de gestion publique est à n’en point douter, un frein au développement de la société tchadienne.

L’avènement du Tchad à l’ère pétrolière suscite déjà beaucoup d’espoir et d’enthousiasme au sein de la population tchadienne, déjà amoindrie par l’anarchie politique. Mais avec une administration quasi inexistante et presque à la remorque des plus nantis, il y a lieu de se demander si cet espoir n’est pas que dessin chimérique. Il en est de même pour le collège de contrôle qui aura toutes les misères du monde pour remplir sa mission.

En effet, la population tchadienne compte aujourd’hui sur les revenus du pétrole afin d’avoir accès aux biens de première nécessité et à un changement surtout dans le contexte social où d’importantes études comparatives ont montrées qu’elle est l’une des populations la plus pauvre de l’Afrique.

L’administration publique tchadienne faisant face au libéralisme politique et ses corollaires des libertés individuelles connaît un déséquilibre qui se traduit par le manque de volonté, le clientélisme, la corruption et la résignation.

Est-ce que ce déséquilibre administratif est dû à un pouvoir fortement centralisé ou simplement à un pouvoir très dirigiste ? La question reste donc posée.

En 1998, on avait assisté à une tentative de réforme de l’administration dans le but de lui donner sa place sinon de lui rendre ses lettres de noblesse. La cellule technique chargée du suivi de la mise en œuvre de la réforme de l’administration publique (CESRAP) créée en décembre 1998, rattachée auprès du ministère de la fonction, du travail, de la promotion de l’emploi et de la modernisation était supposée apporter des solutions aux maux dont souffre l’administration publique tchadienne.

Cette cellule technique, scindée à deux étapes, était composée du comité de pilotage et de la commission technique interministérielle chargée de la réforme, avait fait des recommandations. Malheureusement, ces recommandations n’ont pas été convenablement mises en pratique. En effet, l’échec de cette réforme ne nous surprend guère, car sa démarche laissait pressentir déjà un doute quant à l’absence d’une réelle évaluation endoformative et récapitulative qui, à notre sens, est une étape très importante dans un pareil processus.

Le temps nous a vite rattrapé et nous constatons malheureusement que les recommandations qui ont été faites sont restées muettes jusqu’à date. Et nous continuons à payer fort le fruit de notre mauvaise gouvernance. La manne pétrolière n’est pas en reste de cette mauvaise gouvernance. La preuve, un premier versement de 6,5 millions de dollars porté le 24 novembre sur un compte offshore du gouvernement tchadien, risque fort d’être mal géré simplement parce que notre administration n’est pas suffisamment organisée et responsable. En effet, comme dans bien d’autres cas, ce n’est pas un problème de ressources, mais plutôt un problème d’utilisation (savoir-faire) de ressources qui fait défaut dans notre pays.

Le collège de contrôle et de surveillance des ressources pétrolières (CCSRP) n’aura pas la tâche facile, car il est confronté à une administration pléthorique et en grande partie très bureaucratisée avec toutes les conséquences que cela comporte. Or, pour que le Tchad sorte de sa léthargie actuelle et s’oriente davantage vers une bonne gouvernance, nous pensons qu’il devrait remplir un certain nombre de conditions préalables, à savoir : l’État de droit, la démocratie et par conséquent, une administration impartiale et compétente. Si ces préalables ne sont pas remplis, il serait très difficile au collège de contrôle d’assurer une bonne opération. Les conditions paraîtront peut être trop exigeantes, mais elles sont indispensables, voire sine quoi non.

Il faut admettre que pour un pays comme le Tchad qui fait désormais partie des pays producteurs de pétrole, il est qu’à même indispensable de s’assurer d’une administration efficace et transparente. Par ailleurs, nous ne sommes pas pour autant pessimistes. Au contraire. Mais nous pensons énergiquement qu’il est temps de réfléchir sérieusement sur la question de notre administration publique. Pour ce faire, il faut évidemment aussi tenir compte de notre culture politique qui se veut un changement radical dans son ensemble. La culture politique tchadienne doit évoluer avec son temps.

Les revenues pétrolières devraient permettre au Tchad d’accélérer la réalisation des objectifs du millénaire parmi lesquels la lutte contre la pauvreté, la relance économique pour ne citer que ceux-là. Aussi, pour atteindre ces objectifs, il faudra plus de volonté politique et de responsabilité dans le sens de la bonne gouvernance. C’est là tout le grand défi du collège qui est de s’assurer que les ressources seront utilisées de manière efficace et efficiente afin d’améliorer les conditions de vie de tous les tchadiens. Surtout de s’assurer aussi à ce qui n’y est pas une confusion entre la bourse publique et la bourse du prince.

Finalement, nous ne le dirons jamais assez, une bonne redistribution équitable et efficiente des ressources économiques est quelque part conditionnée par la présence d’une administration responsable et dynamique.

Lona Ouaidou, Ramadan

Les économistes-interventionnistes prétendent qu’une politique macroéconomique discrétionnaire contribue à stabiliser l’économie. On pourra une fois de plus, apprécier la justesse de cette assertion dans le contexte actuel où le gouvernement tchadien envisage gérer une partie des revenus pétroliers pour d’autres fins.

Au regard  de ce qui se passe au Tchad, et surtout, récemment avec l’approbation de la modification de la loi 001 sur la gestion des revenus pétroliers qui comporte un ensemble de dispositions très important et faisant fi des préoccupations de la banque mondiale (garante du projet pétrole Tchad-Cameroun), tout porte à croire que l’étau se serre davantage au sein du gouvernement tchadien en matière de bonne gouvernance.

Le 10 novembre 2005, le ministre de la communication, Moussa Doumgor disait « nous avons besoin de ces fonds maintenant pour assurer le développement et la paix du pays ». Aussi, selon le compte rendu du conseil extraordinaire des ministres daté du 8 novembre 2005, on peut lire « les retouches opérées sur la loi No1/PR/99 visent à établir une approche réaliste dans la gestion des revenus pétroliers en intégrant d’une part la satisfaction des priorités présentes, et d’autre part la préparation de l’avenir des populations ».

Cette approche est ambitieuse et paradoxale, du moment où rien de concret n’est légué à la génération future. Comment peut-on expliquer ou comprendre que le gouvernement tchadien jusqu’à présent n’a pas pu justifier et avancer des arguments valables par rapport à la gestion des revenus pétroliers depuis 2003. Et tout d’un coup, il mise aujourd’hui sur les fonds destinés à la génération future pour assurer le développement et la paix ?

Naturellement, le Tchad fait face à des problèmes de trésorerie. Mais cela est le résultat de la mauvaise gestion de deniers publics. De là à rapatrier les fonds destinés à la génération future, il y a bien des ambitions sous-jacentes que nourrissent nos gouvernants. Ce « détournement paradoxal » ne doit en aucun cas occulter les problèmes de trésoreries et donc de bonne gouvernance. Les 36 millions et plus qui dorment dans le compte des générations futures, même rapatriés, ne résoudront pas le problème de bonne gouvernance dont souffre le Tchad.

De plus, on est en droit de se demander si l'instabilité politique qui est présente depuis belle lurette au Tchad n’est pas due à l’incapacité du gouvernement tchadien à faire preuve de plus de responsabilité politique et d’équité en matière de redistribution de la richesse nationale ?

Il y a deux grands défis économiques à relever. D’abord, il faut faire face à un déficit exponentiel. Ensuite, il faut faire face à un ralentissement récurrent de l’économie avec un taux de chômage qui ne parvient pas à diminuer.

Pour solutionner ce problème, il va falloir mettre sur place un programme de réduction des déficits à long terme. Mieux encore, il faut diminuer considérablement les dépenses de l’État et structurer la réduction du déficit. Ces politiques pourront favoriser la reprise de l’économie nationale. Finalement, ces mesures de réduction globale du déficit pourraient rétablir la confiance des investisseurs et donc la relance de l’économie. Et la population pourra ainsi croire encore à la capacité du gouvernement à maîtriser la situation. Et se passer ainsi de la loi 001.

Lona Ouaidou, Ramadan

« Le monde est maintenant dirigé par un casino financier mondial. Des banquiers anonymes et de spéculateurs en fonds de placement en sont les maîtres. C’est une machine qui fonctionne dans le secret. Chaque jour, deux billions de dollars s’échangent à travers globe. L’objectif : le profit rapide avec comme conséquence la turbulence des marchés boursiers. Ces nouveaux maîtres détruisent les économies des nations. Ils achètent et vendent des sociétés et utilisent des dirigeants politiques pour servir leurs intérêts » affirme DAVID KORTEN

Depuis que la Banque Mondiale a ouvert la voie aux ajustements structurels pour réduire la dette et consolider l’économie des pays africains. Ces derniers ont payé cher leur adhésion à cette stratégie. Le Tchad n’a pas échappé. Prenons l’exemple de la fameuse STEE (Société tchadienne d’Eau et d’Électricité).
Société anonyme d’économie mixte, la STEE traverse une crise particulière. Elle subit la pression des grands lobbies de la mondialisation économique. Pire, elle est d’une part la vache à lait du gouvernement et d’autre part le nid des bons de commandes. Malgré tous les efforts de partenariat et de la privatisation, elle est jusqu'à présent incapable d’assurer à sa clientèle un bon service. Tout en continuant à facturer sa clientèle, le plein tarif.

Le gouvernement tchadien a cédé à la pression de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, en remettant cette société aux mains des Barons de l’eau. Reconnu dans le monde des affaires comme l’une des plus grandes transnationales en matière de l’eau, Vivendi et son dauphin Suez possèdent ou contrôlent les compagnies d’eau dans plus de 120 pays, sur cinq continents.

C’est Vivendi que le gouvernement tchadien a choisi comme partenaire lors de la cette privatisation. Cette société a exigé du gouvernement tchadien qu’il déréglemente, éliminent les obstacles à l’investissement. En un mot d’abandonner le contrôle de ce secteur. Le gouvernement tchadien a fait preuve d’une maladresse en acceptant cette transaction nébuleuse. Vivendi est aujourd’hui dans le rouge. Elle est incapable de respecter ses engagements d’investissements. Résultat : des milliers d’abonnés sont privés d’eaux et électricité pendant des jours.

Ce manque d’approvisionnement en eau a eu comme conséquence l’apparition des maladies telles que le choléra, la déshydratation et la dysenterie. L’incapacité du gouvernement à reprendre en main la gestion des services d’eau et d’électricité, permet à cet transnationale d’imposer ses intérêts au gouvernement.
Le problème d’accessibilité à l’eau potable et à l’électricité au Tchad est alarmant. Aujourd’hui on consomme dans le monde sept fois plus de l’eau qu’au 19ème siècle. La population tchadienne, elle, paie en moyenne 12 fois plus cher le litre d’eau que les autres populations de la terre. Des robinets sont déconnectés parce qu’un nombre croissant des familles tchadiennes n’arrivent plus à payer leurs factures. Leur seule alternative est de s’approvisionner dans des sources d’eau non potable. Et bonjour les maladies de toutes sortes.

Un des responsables de cette situation est la Banque Mondiale (BM) avec sa politique de recouvrement des coûts. La BM exige comme condition indispensable, l’octroi de nouveaux prêts, la privatisation du secteur lié à l’eau et à l’électricité. Dans la majorité des cas, cela se fait au détriment des intérêts des pays en voie de développement.

Il serait souhaitable que le gouvernement et le conseil économique et social prennent leurs responsabilités. La liquidation de ces institutions publiques, voire le quasi-bradage des sociétés parapubliques à des sociétés étrangères, doit faire l’objet des débats publics. 
La privatisation de l’eau est immorale. Car l’eau n’est pas une marchandise. C’est un Bien commun d'importance majeure. Il représente la vie. Toute question concernant cette ressource doit faire l’objet d’un débat public. Les compagnies sont motivées par le gain des profits à tout prix. Alors que l’eau comme ressource naturelle doit être au service du Bien-Être des populations. Et non pas céder au monde des affaires. Le gouvernement tchadien doit renoncer à la privatisation de ce secteur stratégique pour l’intérêt national.

  Lona Ouaidou, Ramadan

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