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CNT, dés pipés. Ibédou fait volteface

Sep 14, 2021

Le vice-président du Conseil Militaire de Transition (CMT) et président du comité ad hoc chargé de la sélection des candidatures pour le futur Conseil National de transition (CNT), M.Djimadoum Tiraina Robert, a signé une note le 3 septembre passé. Dans sa note aux parlementaires, il explique le contexte du pays et le processus de sélection des candidats du futur CNT. Le Comité Adhoc a fixé la date de clôture des dossiers au 10 septembre. Pourquoi cette note a déclenché une véritable course à l’échalote? Pourquoi les dés semblent être pipés? Et enfin, pourquoi en cette période charnière, Mahamat Nour Ibédou, le défenseur des droits humains a changé de stratégie? A-t-il fait le bon choix?

D’abord, beaucoup de Tchadiens, certains partis politiques et plusieurs organisations de la société n’ont cessé de dénoncer la précipitation et l’obstination du CMT à vouloir mettre en marche le CNT avant le Dialogue. Il est évident que ce choix fera de cet organe une chambre d’enregistrement sans véritable légitimité. Le CMT pouvait bien gouverner par ordonnance et laisser la main aux assises du Dialogue National Inclusif (DNI) de désigner les membres de cette instance. Cela aura l’avantage du consensus et donnera un parfum de légitimité. Hélas le CMT a opté pour un modèle aux forceps. Que cache-t-il? Aussi, la note du président du comité ad hoc a déclenché une bousculade au siège du comité ad hoc. La cohue donnait l’impression d’un grand tirage de tombola où chaque joueur espère gagner le gros lot. Pour être sure de tirer le bon numéro, plusieurs candidats se sont rués vers les sondages des insondables marabouts et sorciers en se léchant les babines tant les avantages pécuniaires de faire partie du CNT sont mirobolants.

Ensuite, le sésame recherché par les candidats sera difficile à avaler tant la junte et ses amis cachent leurs jeux. Selon plusieurs sources, cette ruée ressemble fort bien à de la poudre de perlimpinpin destinée à masquer les « vraies affaires ». Selon des sources, la liste du CNT serait prête depuis 2 mois avant même que la note du vice-président Tiraina Robert ne soit publique. L’ex-parti au pouvoir le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) et ses alliés auraient 32 représentants. Les partis politiques représentés à l’Assemblée Nationale auront, peut-être, 15 sièges. Les 41 places restantes seront partagées entre les différentes corporations, l’armée, les jeunes, les femmes, les personnes ressources, la société civile, etc. Pour être adoptée, une loi doit recueillir le 2/3 des voix. Un choix savamment partagé qui fera beaucoup des mécontents, mais permettra à l’ex-parti d’asseoir son hégémonie malgré la transition. Selon des sources proches du CMT, la majorité des députés de l’ex-parti au pouvoir MPS ne fera pas partie du CNT. Les caciques du parti craignent de s’engluer dans des interminables chicanes. Chose certaine avec 93 places en tout et pour tout, beaucoup d’anciens députés de la majorité seront mécontents. Et beaucoup des nouveaux candidats à la candidature n’avaleront pas le sésame convoité.

Enfin, Mahamat Nour Ibedou, président de la Convention Tchadienne de Défense des Droits de l’Homme (CTDDH) figure imposante du mouvement Wakit Tama a décidé de changer de pieds. Désormais il compte participer au Dialogue National Inclusif (DNI) tout en restant membre actif de Wakit Tama qui dénonçait le CMT, le qualifiant d’illégitime et qui réclamait un CNT issue d’un DNI, seul endroit légitime pour le composer. Le matin du même jour, M. Ibédou défilait en réclamant un vrai CNT, un vrai Dialogue  en dénonçant aux côtés de ses amis le coup d’État. L’après-midi du même jour, il annonce sa participation au dialogue et des sources laissent entendre qu’une place lui est réservée au CNT et même plus. Durant le dur règne du Maréchal, Ibédou a été intransigeant et solide, mais par cette volte-face il vient d’entacher sa crédibilité. Lui et son organisation disent changer de stratégie, mais il n’est aucunement question de stratégie. Il est question de cohérence. Pour des milliers des Tchadiens, Ibédou représentait quelque chose de propre. Hélas! il vient de se tromper en faisant le mauvais choix : collaborer.

Pourquoi avoir résisté 30 ans pour céder au moment crucial? Cet acte interroge. M. Ibédou n’est pas cohérent comme l’ont été Dobian et d’autres. Tous pareils? Dans tous les cas presque tous sont incohérents. Incohérents dans leurs démarches. Incohérents dans leurs choix. La contraction, l’incohérence est devenue la nature des acteurs politiques et des leaders de la société civile tchadienne. Sinon comment comprendre par exemple que Wakit Tama est en contradiction avec sa propre mission. Tout le monde a oublié que cette plateforme a été créée pour contester la dernière élection du feu Maréchal Deby Itno. A sa mort une nouvelle donne politique s’est enclenchée, mais Wakit Tama n’a pas redéfini sa mission pour l’adapter au nouveau contexte. C’est leur péché originel qui risque de tuer leur mouvement. Croire qu’une partie d’eux peut participer au DNI et une autre partie crier au coup d’État est plus qu’une contradiction. La cohérence en cette période de transition est une grande vertu. Et l’incohérence, une hérésie dangereuse.

Bello Bakary Mana

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