CMT, 100 jours pour quel bilan?

Juil 28, 2021

Donc le Conseil Militaire de Transition (CMT) vient d’écouler son 100e jour au pouvoir ce mercredi 28 juillet. Il a été créé le 20 avril par un cercle restreint de militaires hauts gradés avec l’appui actif de la France deux jours après la mort du Maréchal président Idriss Deby Itno. Deux raisons ont, dit-on, motivé la mise en place du CMT : la situation politico-militaire volatile qui prévalait et le refus du président de l’Assemblée nationale (PAN), Haroun Kabadi, d’assurer l’intérim. Pour se donner une légitimité de facto, la junte a adopté une charte de transition qui contient tous ses engagements. 100 jours plus tard, quel est le bilan positif ou négatif du CMT?

Le positif

D’abord, un gouvernement de transition a été rapidement nommé. C’était une bonne chose. Il ne fallait pas laisser les Tchadiens dans l’expectative et les supputations politiciennes. La nature a horreur du vide. La politique encore plus. Cette installation du CMT a permis d’éviter le chaos pour certains. Pour d’autres le CMT est plutôt une machine illégitime qui a validé la succession dynastique au sommet de l’État. Tout compte fait, le CMT s’est installé cahin-caha. Et a rapidement annoncé Pahimi Padacké Albert (PPA) comme Premier ministre de Transition (PMT). Des noms d’autres leaders avaient circulé. Il semblerait que PPA a été choisi par défaut lorsque les autres faisaient de la résistance à la junte. PPA a su être opportuniste en proposant lui-même ses services.

Le mi-positif, mi-négatif

Aussi, très vite il s’est attelé à la formation du gouvernement. Personne n’est dupe. Ce gouvernement est l’œuvre de la junte. Certaines personnalités publiques sont entrées dans ce gouvernement de transition par devoir à leur pays en temps de crise. Des fortes têtes comme Mahamat Ahmat Alhabbo, secrétaire général du Parti pour les libertés et le développement (PLD) du défunt professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh. Ils ont peut-être troublé voire déçus certains, mais faire de la politique c’est aussi savoir, parfois, faire des concessions. Le gouvernement s’est mis par la suite au travail. L’Union africaine (UA) est entrée en scène avec le résultat qu’on connaît. Son premier choix comme Haut Représentant le sénégalais Ibrahima Fall est rejeté. Un nouveau est nommé, il s’agit du Congolais Basile Ikouébé. Il est arrivé dans la capitale tchadienne, N’Djamena, en mode incognito,  presque sur les pointes des pieds. Pourquoi? Qu’est-ce que cela augure ? Quelle lecture faut-il en faire? Il est trop tôt. Pour l’instant, il faudra donner la chance au coureur comme on dit.

Le négatif

Depuis la formation du gouvernement, rien ne semble avoir avancé à un rythme respectable. 3 mois sont consommés, il ne reste plus que 15 mois. Pour y arriver à respecter les échéances, il faudra accélérer le rythme. Le temps est un redoutable ennemi, mais la junte semble traîner des pieds sans aucune raison sinon qu’elle a, peut-être, des intentions cachées.

Ensuite, le Conseil National de Transition (CNT) annoncé depuis lors est toujours dans les limbes. Un comité chargé de sélectionner les candidatures patauge encore dans « l’a peu près-isme ». Les réunions se succèdent pour travailler, dit-on, les textes, les critères, les cv etc. Dans cette nouvelle machine, l’ex-parti au pouvoir le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), ses amis, ses alliés jouent du coude. Les organisations de la société civile, proches du CMT et celles loin de la junte s’accordent sur un fait : le rythme est lent. Trop lent. Pire, aucun signe de la part du CMT pour commencer à réfléchir sur une des conditions imposées par l’UA : la modification de la charte de transition. 

De plus, depuis quelques semaines, le PMT flanqué du ministre d’État chargé de la Réconciliation nationale et du dialogue ont lancé un ultimatum aux partis politiques et aux organisations de société civile de faire parvenir les noms de leur représentant au comité chargé d’organiser le Dialogue national. La méthode choisie interroge. Et les conséquences sont déjà visibles et audibles. Des scènes disgracieuses ont emmaillé les rencontres qui ont, pour la plupart, fini abruptement. C’était une foire d’empoigne. Elle a été inaugurée à l’hôtel Radisson Blu par les partis politiques pour la désignation de 15 des leurs. Tous les Tchadiens ont vu les images, entendu les invectives. Ce n’était pas beau à voir. Ces disputes sont le reflet de la médiocrité d’une bonne partie des hommes et des femmes politiques du pays. Le lendemain, c’est au tour des organisations des jeunes de s’étriper presque à coup des coups de poing. Oui les jeunes, il est tentant de dire que la relève est prête pour la suite du désordre organisé depuis des décennies. Et les médias dans cette foire de positionnement? Ils ont, semble-t-il, déjà des représentants cooptés on ne sait pas par qui. Ni par quelle alchimie. Il s’agit pour la plupart des « journaleux béni-oui-oui » qui ont brillé ces dernières années par leurs complaisances que par leurs intégrités journalistiques. Il y a quelque chose de malsain et d’odeur puante…

Enfin, il est temps que le CMT et le gouvernement de transition changent de méthode. Il est inconcevable de réunir des centaines d’acteurs politiques et de la société civile en leur demandant de désigner leurs représentants. Cette approche ne peut donner que des scènes de désolation. Cette méthode donne l’impression que c’est voulu, organisé et cautionné en haut lieu. Il est temps que le CMT et le gouvernement proposent aux Tchadiens une méthode bien définie avec des critères précis. Sinon, sinon ces scènes disgracieuses annoncent un combat des coqs au lieu d’un dialogue apaisé.

Alors que faut-il dire de ce bilan des 100 premiers jours? Réponse : il est largement négatif. Non pas par la faute des Tchadiens. Ni par celui de l’UA et de la communauté internationale. C’est en grande partie par la faute de la junte qui croyait qu’il suffisait de prendre le pouvoir par la force. Et de crier « ciseaux » pour que tout se fasse. Pour que les Tchadiens leur obéissent aux doigts et à l’œil. Non. Les Tchadiens veulent du changement, ils sont décidés à l’obtenir vaille que vaille même au prix des coups de poing.

Bello Bakary Mana  

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