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Covid-19, visite à l’hôpital de Farcha

Avr 01, 2020

Depuis le 19 mars, le Tchad vit au rythme de la pandémie Covid-19. Dans une série de reportages, nos journalistes se sont rendus sur le terrain pour raconter les réalités vécues. Reportage.

Mardi 31 mars. 12h 00. Quartier Farcha Zaraf, situé à l’ouest de la Commune N° 1 de la ville de N’Djamena. Au loin, un bâtiment blanc-cassé se dresse, c’est l’hôpital provincial dédié à la prise en charge des malades du Covid-19.

À l’entrée, devant le grand portail un groupe de quelques personnes discutent. À côté d’eux, un agent de sécurité grand, gringalet, casquette vissée sur la tête monte la garde. Il nous interpelle en Arabe locale « Tou do rou chounou ? Que voulez-vous ? »

« Nous sommes journalistes. C’est pour un reportage », répond ma collègue. D’accord, dit-il. Et rajoute, « attendez quelques minutes » d’un air sérieux dans sa tenue de vigile. Il se prend pour un militaire, mais sans fusil. Quelques minutes plus tard un vrai militaire de la force multinationale mixte se présente et nous demande une seconde fois, pour certainement confirmer l’information en possession, l’objet de notre visite. Après lui avoir reformulé la même réponse, il nous oriente vers le bâtiment où est écrit : consultations externes. Une interrogation nous traverse l’esprit « sont-ils en train de confondre l’objet de la visite ? Nous conduisent-ils pour faire le test Covid-19 ? ». Vite, cette interrogation se dissipe.

Dans la cour de l’hôpital, le corps soignant et les agents de sécurité déambulent. Une ambiance de quiétude plane comme pour narguer le dangereux et désormais célèbre coronavirus. La simple évocation de son nom suscite des débats où on entend toute sorte d’opinions allant des « thèses complotistes » à l’invulnérabilité des Africains, surtout des Sahéliens grâce au climat chaud et aride.

Dans le bâtiment, un médecin lunette fixée au visage, blouse blanche, laissant traîner négligemment son stéthoscope sur le coup nous attend. Après les salutations d’usage, il nous renvoie aussitôt, pour se débarrasser de nous, vers un autre bâtiment de l’administration pour, dit-il, avoir l’accord du directeur pour le reportage.

Dans les couloirs du bâtiment administratif, l’administrateur gestionnaire de l’établissement, lui aussi habillé en blouse blanche nous accueille sourire au visage. Un sourire qui nous laisse croire qu’enfin, le reportage va démarrer et que nous sommes entre bonnes mains. Il nous conduit dans son bureau. Et dit d’un ton sec « le directeur de l’hôpital est en réunion ». Pis, il réclame un ordre de mission. Surpris nous tentons de lui faire comprendre que le reportage est d’intérêt public et la pandémie est une affaire de santé publique. Bref, qu’il a tout intérêt à laisser le reportage se dérouler. L’administrateur recule le siège de son bureau, prend et grand souffle. Et répond « ces derniers temps la désinformation sur les réseaux sociaux a amené les autorités à prendre des mesures strictes. Pas de reportage sans ordre de mission », dit-il fermement. Nous tentons de le convaincre que le reportage, si accepté, permettra aussi de contrecarrer la désinformation sur le Net. Notre vis-à-vis n’est pas convaincu par nos arguments. Nous prenons congé de lui.

À la sortie, nous prenons quelques photos du bâtiment et de la grande porte de l’entrée. Le temps de dire au revoir aux vigiles, le vigile réagit violemment et tente de confisquer ou de supprimer les photos. Nous résistons, ils lâchent prise.

Sur la route du retour, derrière les pétarades de notre motocyclette, une ambiance paisible se dégage de l’hôpital. En ville, un léger climat angoissant flotte sous un soleil de plomb. N’Djamena, la capitale bruisse de rumeurs, d’histoires entendues dans la rue ou lues dans les réseaux sociaux. La ville vit au ralenti comme tétanisé par les « ont dits » sur le coronavirus.

 Lundi 4 mai, un mois plus tard. Le ministre de la Santé publique, Mahamoud Youssouf Khaya, est interpelé par les élus sur la capacité d’accueil de cet hôpital. « Je ne savais pas  qu’il n’y avait pas de la place à l’hôpital de Farcha », répond-t-il. Pour le ministre, l’hôpital dispose de plus de 84 lits libres pour accueillir des personnes infectées.

Un médecin réquisitionné pour travailler dans cet hôpital informe la rédaction, sous sceau de l’anonymat, que le laboratoire pour les analyses ne fonctionne pas. Il soutient que l’hôpital de Farcha a eu plusieurs difficultés « mais les responsables veulent faire croire que tout va bien. Il suffit seulement de relever les insuffisances et les réparer mais les gens préfèrent faire les choses à leur manière. Normalement un hôpital n'est pas un lieu où on cache des choses », déplore le médecin. Selon lui les différentes aides en matériels reçu par le Tchad donne de l’espoir.

L’espoir, c’est ce qui a permis à Mathias Debin de s’en sortir. Il faisait partie des patients de cet hôpital de Farcha. Guéri, il témoigne « le traitement dont nous bénéficions, c’est essentiellement de la Chloroquine, composée de Azimax et de la vitamine C. Les médecins viennent régulièrement faire le suivi de la dose prescrite. Nous prenons ces médicaments 3 fois par jour, chaque 8 heures de temps, sur une période de 10 jours ». Après ce délai, un test de confirmation est fait pour vérifier l’état de santé du patient. Selon Mathias, la prise de ces médicaments n’est pas sans risque. Il y a des patients qui vomissent régulièrement lors du traitement. « D’autres par contre ont bien fini leurs traitements. Je ne sais pas si ça varie d’une personne à une autre », ajoute-t-il.

Le guéri de la Covid-19 apprécie la bravoure du personnel soignant à l’hôpital provincial de Farcha. « Globalement, j’ai beaucoup apprécié leur courage. Le corps soignant était vraiment inlassable. Les agents venaient constamment nous encourager et nous suivre. Mais s’il y a une condition que j’ai vraiment déplorée étant là-bas c’est surtout l’aspect alimentaire. On ne mangeait pas tellement à notre faim, contrairement à ce que les gens pensent » dit-il.

Orthom L’Or
Rosalie Zihoulbé

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