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Kouri-Bougoudi : démolitions et déguerpissements

Jui 07, 2022

Après des affrontements intercommunautaires autour d’un site d’orpaillage la semaine surpassée à Kouri-Bougoudi dans l’extrême Nord du pays qui ont fait de dizaines de morts. Le président du conseil militaire de la transition (PCMT), le général Mahamat Idriss Deby a ordonné l’évacuation du site et de mettre un camp militaire. La démolition et le déguerpissement des orpailleurs sont interprétés de différentes manières par les analystes. Reportage

Trop c’est trop. Le gouvernement refuse de tolérer les conflits intercommunautaires. Après les affrontements intercommunautaires autour du site d’orpaillage de Kouri-Bougoudi qui a fait de dizaines de morts, le PCMT en déplacement dans la localité a ordonné la fermeture du site et le déguerpissement à Wour, chef-lieu du département. Depuis le samedi dernier, plus de 500.000 orpailleurs de plusieurs nationalités à la recherche de métal précieux ont été déplacés à Wour par l’armée nationale. Ce déguerpissement est analysé par différentes manières par les intellectuels.

Pour l’ancien ministre de la Justice, garde de sceaux et enseignant chercheur, Pr Ahmat Mahamat Hassane, le grand BET fait partie des provinces du pays sur lesquelles le gouvernement central depuis les indépendances n’a jamais eu le contrôle total. Selon lui, ce sont les zones qui échappent au contrôle et à la légalité républicaine du pouvoir central. Il rappelle qu’en 1972, le président Ngarta Tombalbaye en visite au Tibesti avait constaté déjà cette carence de l’État et de l’administration dans l’extrême Nord du pays qui ballotte entre la Libye et le Tchad. Ahmat Mahamat Hassan affirme que cette absence de l’État avait poussé le président d’alors à créer la garde nationale nomade du Tchad (GNNT) en intégrant les ressortissants du Tibesti et du Batha. L’enseignant chercheur soutient que pour le cas de Kouri-Bougoudi, l’exploitation de l’or échappe de nos jours au contrôle de l’autorité centrale et créée de risques et de bagarres entre les orpailleurs et prend une allure de conflit intercommunautaire. Il précise que ce n’est pas un conflit intercommunautaire, mais plutôt un groupe des orpailleurs qui ont pris des armes et ont remplacé les autorités locales dans le seul but d’accaparer les terres.

L’ancien ministre de la Justice, garde de sceaux sous le défunt président estime que cette situation est grave et le PCMT est allé mettre en place une base militaire et a demandé aux chefferies traditionnelles d’apporter leur contribution pour pacifier la zone. Pour le Pr Ahmat, c’est une bonne décision, mais la décision centrale, c’est que l’État ne s’est pas imposé. Il suggère qu’il faut revigorer l’autorité de l’État sur place. « La base militaire ne suffit pas, ça risque de créer un défi de rapport de force. Il faut plutôt impliquer les populations elles-mêmes dans la reconnaissance du pouvoir central », dit-il. Le juriste ajoute que ça serait une grande première, si le PCMT arrive à pacifier le Tibesti et notamment la zone des orpailleurs avec d’étrangers venant de l’Ouest du Soudan et qui ont des armes pour défier l’autorité de l’État et des autorités traditionnelles. Le Pr Ahmat Mahamat Hassan souligne que c’est important et les Tchadiens attendent de voir les effets.

La découverte de l’or dans les montagnes du Tibesti en 2012 a déclenché une ruée vers l’or des pays voisins et des autres régions du Tchad provoquant ainsi de tensions et parfois des affrontements meurtriers.

Jules Doukoundjé

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