La transition expire bientôt, deux universitaires donnent leurs avis

Mai 31, 2022

Seulement 4 mois pour consommer les 18 mois prévus pour la transition au Tchad. Le spectre de prorogation taraude les esprits des Tchadiens. Pour éclairer la lanterne de ses lecteurs, Ialtchad a donné la parole à deux analystes. Selon professeur Ahmat Mahamat Taboye, enseignant chercheur et ancien ministre la prorogation ne fait pas de doute. Dr Saleh Bakari, lui estime que le Tchad entre dans l’histoire en reculant. Analyse et reportage sur les enjeux.

Les Tchadiens s’interrogent sur les enjeux de la transition en cours. Les 18 mois de transitions sont pratiquement consommés, deux fois, le dialogue national inclusif (DNI) est reporté, le pré-dialogue des politico-militaires est à la traîne. Selon professeur Ahmat Mahamat Taboye, enseignant chercheur et ancien ministre sous Idriss Deby, la transition est une période d’exception. Lorsqu’on voit les gens sortir pour manifester, dit-il, c’est leur droit, mais ils ont aussi de devoirs de retenu. « Dans une telle période, le droit de manifester doit être suspendu. La raison, la sécurité du citoyen et de l’État ne dépend que des autorités de la transition. Elles seules doivent la piloter. On ne peut pas s’autoriser pendant la période de transition à faire ce qu’on veut. Cette vacance de pouvoir ou de la gouvernance ne peut être gérée que par les autorités transitoires », explique M. Ahmat Taboye. La transition devrait s’organiser et nous organiser de telle sorte à nous sortir de cette période difficile que nous avons connue après de la mort brusque du maréchal du Tchad Idriss Deby Itno, estime le Pr Taboye. C’est un vide politique qui doit être comblé par tous les membres de la communauté tchadienne, souligne-t-il. Ce qui sous-entend à son avis, une entente, un dialogue, le pardon et surtout des méthodes. Pour lui, on ne doit pas aller dans tous les sens. « Ce qui nécessite d’être souligné, on a craint le pis après le décès du maréchal. Les débâcles, la catastrophe ou la violence. Pour moi, si les gens le croient ou pas, notre armée a démontré qu’elle ne sait pas tirer seulement que sur des cibles militaires, mais elle a réussi à nous sauver de débâcles et de la vacance de l’État. Notre armée a réussi a mettre la sécurité jusqu’à nos frontières », dit-il.

Concernant transition, M. Ahmat Taboye indique qu’en toute logique les 18 mois ne suffisent pas. « Il ne reste que 4 mois, soyons réalistes, les politico-militaires sont dehors d’autres sont mécontents. Je ne pense pas que la présidence du CMT ne puisse régler en 4 mois tout ce problème-là. En toute sincérité qu’on le veuille ou pas on aura la prolongation », analyse le professeur. Pour le dialogue de Doha, il dit avoir appris qu’il y a eu des propositions et un accord de paix. Si c’est cela, c’est une bonne chose, mais il faut que cet accord de paix vienne à N’Djamena et soit porté à la connaissance d’autres composantes politiques du pays, soutient-il. « Tout ce qui se passe dans ce pays-là c’est la gestion de la gouvernance de l’État. Nous sommes dans un pays vaste, de 1 284 000 km2 peuplé par peuplade de petites communautés juxtaposées. Ces peuplades sont éloignées par l’espace et la tradition. Il faut amener tout ce monde à s’entendre et avoir un bien commun, un destin national. Ce ne serait pas possible de la faire en 4 mois ou 18 mois », assure Ahmat Taboye.

« On entre dans l’histoire en reculant »

L’historien Dr Sali Bakari, lui aussi enseignant chercheur estime que le pouvoir militaire a été mis sur pied par un impératif de paix et de sécurité. Malheureusement, constate-t-il, que la recrudescence de la violence telle que les conflits intercommunautaires, les manifestations et dernièrement les confrontations qui se sont déroulées à Kouri Bougoudi dans le Tibesti sont déplorables. D’après Dr Sali Bakari, tout porte à croire que la transition sera prorogée. Selon lui, il y a une autre lecture de la chose.  L’historien précise que la transition ne se résume pas seulement sur la durée de 18 mois. Mais c’est une occasion pour refaire un nouveau Tchad, dit-il. Même si on organise un dialogue et des élections, cela ne va pas résoudre le problème des Tchadiens indique l’enseignant chercheur. « Ce que les Tchadiens veulent n’est pas un agenda qui se focalise sur les élites politiques du pays ou sur les partenaires. Ils ont besoin d’être nourris, logés, bien se soigner, des routes pour bien circuler », dit-il. À son avis, c’est difficile à comprendre qu’on soit en 2022 et le taux de couverture en électricité ne soit que de 10%. « Les Tchadiens vivent dans leur propre pays comme s’ils étaient des étrangers. Cela n’est pas normal. Il faut qu’on passe de pacte de sécurité qu’on nous a plongé depuis 1960 jusqu’aujourd’hui à un pacte social. La paix et la stabilité c’est fondamental, mais il n’y a pas que cela », affirme Dr Sali.

L’historien pense que les autorités doivent comprendre que la marche contre la présence militaire au Tchad organisée le 14 mai dernier n’est qu’une expression de la colère d’un peuple. Un peuple qui a trop souffert, qui vit dans la pauvreté et qui pense que c’est la France qui devrait être à l’origine de sa souffrance, explique-t-il. « Les organes de transition doivent revoir leur manière de lire les évènements, les évaluer. Prendre des décisions dans les circonstances pareilles », assure Dr Sali. Pour l’analyste, le Tchad entre dans l’histoire en reculant. Aujourd’hui, soutient l’enseignant chercheur, personne ne croit en ce que dit les gouvernants. « le peuple a atteint un niveau de rupture de confiance. Le peuple ne s’intéresse pas à celui qui parle, mais à celui qui parle qu’est-ce qu’il produit comme acte. Ce n’est pas le propre du Tchad, mais pareillement dans beaucoup d’autres pays africains. La confiance ne peut s’établir que si l’élite assume sa responsabilité. Privilégier l’intérêt général au détriment de l’intérêt personnel (clan, ethnie ou région) », conclut-il.

Moyalbaye Nadjasna

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