Mendicité infantile : pistes de solution pour endiguer le phénomène

Avr 04, 2022

Le centre Al-mouna a organisé ce vendredi, 02 avril 2022 dans sa grande salle d’auditorium une conférence-débat.  C’est un échange public sur le thème : « la mendicité infantile prend de l’ampleur au Tchad, à qui la faute ? Comment l’éradiquer ? » les panellistes face à l’assistance, sont le professeur Ahamat Mahamat Hassan, juriste Enseignant Chercheur, M. Dodom Ndildongar, Directeur de l’Enfance au ministère de la Femme et de la Petite Enfance, M. Idriss Hamat Kréo, Directeur adjoint de la tutelle, des collectivités autonomes, du ministère tchadien de l’habitat et d’urbanisme et à la facilitation, M. Arthur Ali Nguetel, coordonnateur de REASPET. Reportage.

Pour planter le décor de ce débat, Professeur Ahamat Mahamat Hassan affirme qu’il participe au panel de ce débat en tant qu’ancien enfant mendiant. Selon lui, son intervention est axée sur l’aspect prévention et protection des droits de l’enfance. En bon pédagogue, Pr. Ahamat rappelle que la pratique de la mendicité au Tchad est faite par les enfants « mahadjirines » reconnus sous l’appellation de Talibé en Afrique de l’Ouest. À l’origine dit-il, la pratique de l’islam aurait recommandé que les enfants soient confiés à un maître coranique appelé Marabout ou Alfaki. « Ce dernier est censé de former les enfants à bien connaître le Saint Coran et le Hadis du prophète. Autrement, l’enfant est promis pour être au paradis », explique l’Enseignant chercheur. A son avis, le fondement de cette pratique se trouve dans le quatrième Sourate Alnissa versets 99 à 100. « Celui qui quitte sa demeure pour le sentier de Dieu trouvera beaucoup de lieux de refuge et de difficultés. Et s’il trouve la mort, sa récompense est entre les mains d’Allah, car le Seigneur est Miséricordieux. Ces versets ne concernent pas le Coran, mais le Prophète Mohammad et ses compagnons dans leur migration de la Mecque à Médine chez ses parents maternels », a souligné Pr. Ahamat. C’est le vécu de l’islam chez nous qui donne fausse cette interprétation, dit-il.

Aujourd’hui, déclare le juriste, les marabouts ont transformé la pratique en une exploitation de l’enfance. Dans le jargon juridique on parle de traite de personnes affirme le consultant. « Le marabout est à la maison et chaque enfant est obligé d’apporter tel montant dans la journée. Ils se retrouvent dans les rues de N’Djamena la capitale et déambulent parmi les véhicules. Ils tendent la gamelle aux gens avec de grosse cylindrés présumés riches », souligne l’Enseignant Chercheur. Il signifie que de grandes personnes mêmes d’autres nationalités hommes et femmes supposées aveugles sont plongées dans cette pratique. Il fait remarquer certaines gens ferment les yeux pour escroquer les citoyens dans la rue. Quelques-uns révèle Pr Hassan, louent les enfants des autres, ils les habillent mal et salles pour attirer la pitié et forcer la générosité.  « Le phénomène prend effectivement une autre allure. La victime c’est l’enfant, il n’est pas instruit, il n’a pas de droit et de devoir. La faute revient aux parents d’abord, mais également à l’État. Les enfants constituent de maillons faibles de la société. L’enfant peut être récupéré par les terroristes pour aller placer une bombe quelque part », avertit-il.

Intervenant à son tour, M. Dodom Ndildongar, Directeur de l’Enfance signifie que cette situation préoccupe bien sûr le gouvernement. A son avis, la création de la direction de petite Enfance en est une preuve. Beaucoup de textes et lois, dit-il, sont édictés en vue de corriger les risques encourus par l’enfant. Le directeur informe que les partenaires notamment les agences onusiennes et les ONG contribuent valablement pour lutter contre les privations des droits de l’enfant. Il constate tout de même que la pratique de la mendicité au Tchad prend une proportion inquiétante. Il cite les cadres juridiques de protection de l’enfance. Ce sont la Déclaration Universelle de Droit de l’Homme de 1948, et la Convention internationale de Droits de l’Enfant. Ces textes supranationaux stipulent que « l’enfance a droit à une aide et une assistance spéciale compte tenu de sa vulnérabilité. La famille est un milieu naturel propice à la croissance de l’enfant. » En poursuivant son exposé, M. Dodom Ndildongar a signifié que l’article 20 de la CDE, dégage quatre principes fondamentaux garantissant le droit de l’enfant. Ce sont dit-il, la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, principe de vie, de survie et de développement et le principe de l’inclusion et la participation. « Au regard de tous ces principes, toute pratique qui porte atteinte au droit d’un enfant doit attirer notre attention. En analysant ces principes directeurs, on se rend compte que tout enfant mendiant est privé de ses droits, quelles que soient les causes qui l’exposent à cette pratique. La mendicité prive les enfants à leurs droits à l’éducation, à la santé, au développement socioaffectif », clarifie le Directeur de l’Enfance. D’après lui, les catégories des enfants sujets à la mendicité sont entre autres, les enfants orphelins, ceux issus de familles démunies, et les mahadjirines.

Fédérer les actions pour corriger le phénomène

Abordant l’aspect actions du gouvernement, M. Dodom Ndildongar cite le décret de 1963 relatif à la protection de l’enfant et de l’adolescent. Selon lui, ce texte réglemente la circulation des mineurs de moins de 16 ans. Le Code pénal du 8 mai 2017 (articles 184, 185, 186 et 187) considère la mendicité comme un délit. Malheureusement déplore-t-il, pour les textes au Tchad souffrent toujours de leur applicabilité. En décembre 2020 rappelle le directeur, mme le ministre de la femme a organisé à l’endroit des maîtres coraniques une formation en collaboration avec le Conseil Supérieur des Affaires islamiques(CSAI). La formation précise-t-il, portait sur les besoins fondamentaux et les droits de l’enfant. Il évoque aussi dans la logique des actions du gouvernement, le programme d’éradication de la mendicité axé sur trois composantes. Il s’agit d’après lui, le retrait et la prise en charge des enfants mendiants, la communication politique et sociale pour un changement de comportement et la prévention de la mendicité à travers le renforcement des initiatives communautaires. S’agissant de la responsabilité, M. Dodom Ndildongar note qu’elle est partagée, mais l’essentiel, c’est de fédérer les actions pour corriger ce phénomène. Mais les parents sont les plus interpellés, insiste-t-il.

Pour le dernier panelliste, M. Idriss Hamat Kréo, Directeur adjoint de tutelle des collectivités autonomes, MATHU, différentes raisons amènent les enfants à être dans la rue. La mendicité est aujourd’hui un phénomène social et c’est la responsabilité de tout le monde, indique-t-il. Pour lui, les facteurs favorisants sont la pauvreté, le sous-emploi, la mauvaise gouvernance, la corruption impactent négativement sur la société. « Le centre d’espoir de Koundoul aux années 70 et 80 était un centre de référence, aujourd’hui il ne compte que quelques hectares.  Lorsqu’on apprend qu’une mission va passer, c’est une grande mobilisation des enfants. Après, tous les enfants regagnent les marchés. C’est une irresponsabilité des gens qui ont la charge de nos institutions », dévoile-t-il. En 2015 soutient-il, un arrêté ministériel interdisait la mendicité, certains mendiants ont été envoyés vers ce centre, mais actuellement, le phénomène reprend de bel.  Le directeur estime que ce qui se passe, c’est une bombe à retardement. Il s’inquiète que ces enfants deviennent des délinquants, des braqueurs et la société sera mise à mal. Il déplore nos frontières poreuses qui favorisent aussi l’infiltration des mendiants étrangers. D’après lui, on a que des mesures cosmétiques au Tchad.

Moyalbaye Nadjasna

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