Le port d’Armes blanches toujours d’actualité

Déc 29, 2021

Les armes blanches (couteaux, flèches, coupe-coupe et machettes, etc.) sont vendues comme de cacahouètes. Elles sont très faciles à se procurer. Certains acquéreurs les accrochent autour de leur taille. Et en font usage pour une banale divergence. Ces armes sont utilisées ces derniers jours dans plusieurs assassinats. Reportage.

Armes blanches (couteaux, flèches, coupe-coupe et machettes, etc.) sont fabriquées d’une manière artisanale. Il est facile d’en acquérir dans la capitale tchadienne, N’Djamena. Ces armes sont même vendues dans la rue par des marchands ambulants. Selon les commerçants, la vente des couteaux est une activité comme toute autre activité commerciale. Son exercice génère aussi des bénéfices.

Ali Ousmane possède une boutique au grand marché. On trouve dans sa boutique différents articles comme des chemises, chapeaux et des couteaux. Le prix des couteaux varie selon la taille et la grosseur. Pour lui, sa boutique est une référence dans la vente des couteaux. Le commerçant peut vendre n’importe quel produit selon Ali, pourvu que la vente lui profite. Il justifie le port des armes blanches, « l’insécurité bat son plein à N’Djamena. Se promener sans une arme blanche dans une ville pareille est très dangereux pour un homme. Le couteau assure ma défense en cas d’agression ».

Les armes blanches par essence servent à couper, égorger les animaux, mais certains les utilisent pour tuer autrui. Les porteurs d’armes blanches à N’Djamena ne se cachent pas. Les plus utilisés sont, le couteau et la machette. Les porteurs les dissimulent dans les vêtements, d’autres les brandissent. Des endroits comme les marchés, les bars, les cabarets sont des sanctuaires de la mort. Protection, méfiance, habitude ou simple imitation, sont les raisons du port d’armes blanches selon les porteurs. Ces armes blanches font beaucoup de victimes dans les villes et les villages du pays.

M. Monodji Zacharie, cordonnier estime que les armes blanches sont utilisées de façon déraisonnable. Il cite par exemple l’assassinat par coup de couteau de l’humoriste colonel Dinar, du journaliste Modilé Belrangar et dernièrement du surveillant du lycée Toumaï. Dans les conflits éleveurs-agriculteurs, ce sont les armes blanches qui font plus de victimes, dit-il. Selon lui, aujourd’hui, il est risqué de se promener sans une arme blanche. « Certaines personnes vont te demander de faire un travail et à la fin, ils vont te menacer avec une arme blanche. Si tu n’es pas armé, elles vont te déposséder de tout. Quelquefois tu vas y laisser ta vie. Alors je porte le couteau pour me défendre en cas d’agression », explique-t-il. Même au village, on ne part pas aux champs les mains vides, dit Zacharie. Il faut porter sa sagaie ou sa machette pour sa légitime défense, poursuit-il.

Hissène Ali gère sa boutique alimentaire au quartier N’Djari dans le 8e arrondissement. Il raconte qu’un soir, il a été victime d’une agression à main armée. La scène s’est produite il y a 4 ans. Souvent, dit-il, ces mauvais souvenirs lui reviennent à l’esprit. Aujourd’hui, M. Hissène ne se sépare jamais de son couteau. « Je mets ma machette sous mon oreiller quand je dors. Les voleurs sont partout. Alors si je ne suis pas armé, ils vont me déposséder de tout mon argent ». Il affirme également que même pour faire un dépôt à la banque, tu es obligé de porter le couteau. Les pickpockets vont te tendre un piège quelque part selon le boutiquier, pour emporter ton argent. M. Hisseine dit qu’il ne porte pas son couteau dans l’intention de faire du mal. Il en fait usage lorsque sa sécurité est menacée.

Les citoyens ne croient plus aux institutions de sécurité que l'État affirme, M. Djerambeté Valentin, sociologue doctorant en Développement durable. C’est une des raisons du port d’arme blanche par certains Tchadiens, dit-il. « Il y a la recrudescence de l'insécurité. Ceux qui portent les armes blanches préfèrent assurer eux-mêmes leur sécurité. Ils ne font pas confiance à l'appareil sécuritaire de l’État ». Le sociologue soutient que les forces de sécurité sont plus concentrées au centre de la ville. La patrouille n’est pas régulière dans les zones reculées, insiste-t-il. Les populations rurales pratiquent l'autodéfense, chacun est contraint d’assurer sa propre sécurité, dit M. Valentin.

« Le port d'arme blanche est aussi culturel dans certains milieux du pays. Et avec l’exode rural, certains concitoyens ruraux apportent ce comportement dans les grands centres urbains », conclut le sociologue.

Kouladoum Mireille Modestine

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