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Les hommes du président de la transition (1)

Déc 27, 2021

Abakar Abdelkérim Daoud alias Kirekeyno, le protecteur. Il fait partie des hommes du président de la transition (PCMT) Mahamat Idriss Deby Itno, sinon le seul homme puissant de la transition. Plusieurs personnes grouillent dans les couloirs de la présidence. Beaucoup font croire qu’ils ont du pouvoir et de l’influence, mais lui ne fait pas de bruit. Qui est-il? Quel est son rôle? Quelle influence a-t-il ? C’est le premier article d’une série de deux sur les hommes de la transition. Nous commençons avec le Chef d’état-major général des armées (CEMGA).

Certains disent qu’il est le paratonnerre du président de la transition. D’autres vont plus loin en disant qu’il est le protecteur et le bras armé du PCMT. Parce qu’avant sa mort et surtout lors de l’attaque, le défunt président lui aurait confié le PCMT, Mahamat Idriss Deby Itno, en lui demandant de veiller sur ce fils contesté par son large entourage familial et jalousé par sa fratrie. Abakar Kirekeyno a juré de tenir cette promesse, lui, le plus fidèle de tous les fidèles du Maréchal.

Selon nos sources, Abakar Abdelkérim Daoud est né à la fin des années 60 à Bâgourfou, un petit village situé à 20 km d’Iriba, la capitale de la province de Wadi Fira. Ceux qui le connaissent plus intimement précisent qu’il est né en 1968. Il est du clan Naoura. Il a abandonné l’école très jeune, le plus grand regret de sa vie, pour entrer dans l’armée en 1985 au côté du populaire et défunt commandant en chef de l'Armé nationale tchadienne (ANT) Hassan Djamouss dont il a été le garde-corps. Il lui est resté fidèle en faisant partie des 74 combattants de l’Action du 1er  avril qui ont bravé l’ex-président Hissène Habré en gagnant le Darfour et en fondant le Mouvement patriotique du Salut (MPS). C’est durant ce périple que la mort l’a séparé de son mentor Hassan Djamouss. Le Maréchal, à l’époque simple colonel, le récupère. Et lui donne le surnom de « Kirekeyno ». Un petit nom qui signifie en langue Béri « le petit qui ne fuit pas face à l’ennemi ». D'autres sources disent que ce surnom lui est plutôt attribué par H. Djamouss lors de l'incursion de l'ANT à Matena Alsara en territoire libyen. C’est dire combien le jeune militaire-combattant a impressionné par sa bravoure et sa fidélité celui qu’on décrit comme un des militaires le plus rusé, le plus stratège de sa génération qui a réussi à se hisser à la tête de son pays en éliminant presque tous les obstacles. Et qui comptait, les yeux fermés, sur ce jeune soldat.

Tour à tour Kirekeyno est passé, en 1990, garde du président Deby Itno, chef de la Sécurité présidentielle et commandant de cette même Garde, deux ans plus tard. En 1992, à la tête de ses hommes, il part au Lac Tchad contrer l’avancée des rebelles « Habreistes » du Mouvement pour la démocratie et le développement (MDD). Au combat, il s’est gravement blessé. Il perd un bras. Il est évacué en France où il apprend quelques mois plus tard qu’il y de la discorde au sommet de l’État entre les deux leaders, Idriss Deby Itno et Abbass Koty. De sa chambre d’hôpital, il s’arrange pour avoir le défunt Maréchal au téléphone. Presque en pleure il le supplie de s’entendre avec M. Koty pour le bien-être du pays, mais aussi en mémoire de tous les sacrifices consentis par les amis et les frères de lutte tombés aux combats et marqués au fer comme lui. Kerekeyno, dit-on, est un homme sensible qui a horreur de la guerre parce qu’il en connaît le prix. Même lorsqu’il la mène, il opère avec humanisme en respectant les règles de la guerre traitant avec déférence ses ennemis.

En 1993, il passe commandant du régiment des escadrons blindés. Il est nommé colonel en 2004, puis deux fois commandant de la Gendarmerie, Chef des opérations dans la région du Borkou Ennedi Tibesti (BET). Le Maréchal refuse de le laisser loin de lui. En février 2008, il a été remis à la tête de la Gendarmerie. En 2010 il est l’artisan de la victoire de la bataille d’Amdam qui a été fatale à la rébellion des frères Erdimi. Son courage et sa fidélité lui ont permis de gravir la hiérarchie militaire pour être le Chef d’état-major Général des armées premier adjoint et commandement militaire de la Zone Est à Abéché. De 2018 à 2019 il est nommé conseillé à la Direction générale de service de sécurité des institutions (DGSSIE) avant d’occuper le poste de chef d’état-major général des armées du Tchad.

Une anecdote circule au sujet de cette responsabilité lorsque le défunt lui annonce qu’il a besoin de lui à ce poste. Sans enthousiasme, il a, calmement, dit « merci président, mais je sais que dans 90 jours vous me remplacerez ». Le Maréchal le fixe du regard et lui dit, «  Tu as toujours été un fidèle. Tu seras mon dernier CEMGA, Abakar. Je dis bien mon dernier CEMGA jusqu’au jour où je ne serai plus au pouvoir. »

Sursautant, les yeux grands ouverts d’étonnement, Kirekeyno accepte le deal. Quelques mois plus tard, il s’engage, corps et âme pour contrecarrer l’offensive des rebelles du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT) lors de leur percée à quelque 300 km de la capitale là où le Maréchal a perdu la vie. Lors du départ du Maréchal vers le champ de bataille, il conseille à son fils Mahamat Idriss Deby Itno de ne pas s’éloigner de ce fidèle soldat, Kirekeyno. Sur-le-champ des combats, sentant sa troupe faiblir, le Maréchal intima l’ordre à Kirekeyno, en opération de ratissage sur le front de Ziguey, de rapidement le rejoindre. Le CEMGA roula toute la nuit, mais arriva trop tard. Le Maréchal serait atteint et mort. La troupe se replie sur la capitale, les consultations commencent. Qui pour succéder le renard du désert? Après moult tergiversations et conciliabules, Abakar Kirekeyno, fort de sa position de CEMGA, tranche, «  C’est Mahamat Idriss Deby Itno alias « Mahamat Kaka » qui doit diriger cette transition », a-t-il lâché. Un choix par fidélité au défunt Maréchal. Fin des débats. Depuis, il y veille sur le PCMT comme les prunelles de ses yeux. Le président de la transition aussi ne jure que par lui. Il est resté fidèle, disent ses proches, parce qu’il a en tête la promesse prémonitoire du président d'être le dernier CEMGA du soldat Deby Itno. Une promesse qui s’est révélée exacte. Kirekeyno est bel et bien le dernier CEMGA du Maréchal. Il s'est mue en protecteur du nouvel homme fort du pays, le général d’armée Mahamat Idriss Deby Itno.

Bello Bakary Mana

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