Quatre mois après les évènements du jeudi 20 octobre 2022, appelés communément « jeudi noir » par certains partis politiques et les militants de la société civile, la Commission nationale des Droits de l'Homme (CNDH) a rendu public son rapport sur ces évènements. Un rapport qui n’épargne ni le gouvernement d’union nationale, ni la présidence de transition. Le président de la CNDH a été convoqué à la présidence.
La présidence tchadienne n’a pas apprécié ce rapport. Le président de la CNDH M. Mahamat Nour Ibédou a été convoqué pour explications. Il a défendu le contenu du rapport en maintenant tout ce qui a été écrit. Et a affirmé à la présidence de le de le démettre ou de trouver quelqu’un d’autre plus soumis. M. Ibédou nommé au début de la première phase de transition n’a pas cessé d’affirmer son indépendance vis-à-vis de la présidence et de la primature.
C’est un rapport qui accable la présidence de Mahamat Idriss Deby Itno et le gouvernement d’union nationale de M. Saleh Kebzabo. Le contenu de l’enquête qui a été menée auprès des victimes, dans les hôpitaux, chez les forces de l’ordre parle d’un total de 128 manifestants tués sur toute l'étendue du territoire national, 518 blessés recensés dans les différents hôpitaux et centres de santé, 943 personnes arrêtées et 12 personnes sont portées disparues. « La CNDH n’a pas pu obtenir les informations relatives aux personnes disparues ailleurs qu’à N’Djamena » dit le rapport. Pas plus tard qu’il y a deux jours dans une tournée en Europe pour expliquer le point de vue gouvernemental, le ministre de la Communication a affirmé sur le plateau de TV5 Afrique qu’il ne s’agit plus d’une cinquantaine de morts, mais 73. Le rapport de la CNDH va plus loin.
Il faut noter que le récapitulatif de ces manifestations après les audiences foraines du procès de Korotoro, donne un effectif de 943 arrestations, 435 détenus, 265 personnes condamnées, 158 autres inculpées et 487 sont libérées. Le rapport doigte les militaires de la présidence et des civils lourdement armés responsables des massacres.
Dans le même rapport, la CNDH recommande au Gouvernement de réparer les préjudices subis par les victimes innocentes de ce 20 octobre 2022, de libérer toutes les personnes arrêtées lors des manifestations de ce « jeudi noir », de prendre des mesures pour garantir la sécurité des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme dans l’exercice de leurs métiers.
La CNDH appelle aussi les partis politiques de respecter les lois et les textes de la République, de privilégier le dialogue et la négociation lors des revendications politiques, de promouvoir l’unité nationale et faire prévaloir l’intérêt général. De plus, le rapport demande aux partenaires du Tchad d'accompagner le gouvernement pour une transition politique apaisée, d’encourager et d’appuyer l’organisation des missions de monitoring.
Dans ce rapport, la CNDH rappelle que le 20 octobre 2022, plusieurs villes du Tchad, dont la capitale N’Djaména, ont été le théâtre de marches de protestation contre la prolongation de la durée de la transition et le maintien du Général Mahamat Idriss Deby Itno à la tête du pays pour 24 mois supplémentaires. C’est une des recommandations adoptées par le Dialogue National Inclusif et Souverain (DNIS). Des recommandations qui ont suscité un vif mécontentement au sein d’une partie de la population tchadienne, parce que contraires aux engagements pris par le Conseil Militaire de Transition (CMT) pour donner suite au décès du président Idriss Deby Itno en avril 2021. Le CMT promettait de rendre le pouvoir à un gouvernement civil à l’issue d’une transition de 18 mois.
À la suite de cela, des marches de protestation ont été organisées dans les villes de N’Djaména, Bongor, Doba, Sarh et Mongo en dépit de leur Interdiction par un arrêté du ministère de la Sécurité Publique et de l’Immigration. Ces manifestations ont été violemment réprimées par les Forces de Défense et de Sécurité (FDS), causant des graves violations des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Le rapport d’enquête de la CNDH a concerné essentiellement les villes les plus touchées par la répression notamment N’Djaména, Moundou, Doba, Koumra et Sarh, dit le document.
Narhinguem Anastasie