Il y a 6 mois et quelques jours depuis que le Président Idriss Deby Itno est mort. Et bientôt le pays aura consommé la moitié du délai de 18 mois réclamé par la junte militaire. Je réfléchissais à haute voix en monologuant comme un fou : qu’est-ce qu’il faut retenir de ces 6 mois? Je repose la question autrement. Qui sont les perdants et les gagnants de ces 190 jours? J’ai décidé d’écrire 2 chroniques. Vous lisez la première chronique, en 3 volets, que j’ai intitulée : les grands perdants.
Bon, les faits sont là. Ils sont têtus, mais ils sont vrais. Le fils du défunt président Mahamat Idriss Deby Itno a pris le pouvoir par la force pour dit-il, à voix basse, le rendre plus tard aux civils. Et puis clopin-clopant, il risque de le garder pour lui, rien que pour lui. Les fâcheries étouffées du palais commencent à sortir dans la rue et dans les réseaux sociaux. Les informations provenant du bord du fleuve Chari confirment qu’une lutte fratricide entre les enfants Deby est engagée pour héritier de la République. Oui la République du défunt papa Maréchal. Un des fils a même créé son parti politique. L’ambiance n’est plus à la fraternité parmi la ribambelle des princes. Le Roi est mort, vive le Roi. Pour l’instant, l’entreprise d’accaparement du pouvoir tourne à plein régime pour le président de la transition. Ceux qui l’ont aidé et soutenu, volontairement ou involontairement, sont définitivement des perdants. Oui, ils sont des grands perdants. Pourquoi? Pour 2 raisons. Un, ils n’ont pas compris l’enjeu. Deux, ils ont raté un rendez-vous avec l’histoire.
Et ces perdants sont, j’ouvre la première enveloppe…
C’est Haroun Kabadi, dit « le Druide ». Que dire de lui? Il avait tout à gagner, il a presque tout raté. La Constitution l’autorisait d’assurer automatiquement l’intérim et d’organiser des élections dans les 90 jours, il refuse prétextant le contexte sécuritaire complexe du pays. Pourtant, il était le dauphin constitutionnel légal. Comment interpréter ce refus? Haute trahison? Peur? Sagesse? Si j’étais à sa place, j’aurais assumé mes responsabilités. Pour les questions sécuritaires, il aurait pu appeler à un cessez-le-feu entre les rebelles et l’armée loyaliste pour éviter de transformer la capitale en poudrière. Tout le monde aurait intérêt. À sa place, je forme un gouvernement d’union nationale en prêtant serment et en démontrant n’avoir aucune velléité de confisquer le pouvoir. Il pouvait, compte tenu du contexte, demander un délai supplémentaire de 2 ans de transition. Il amnistie tout le monde s’il le faut, réorganise l’armée, lance une conférence nationale souveraine entre tous les Tchadiens, limite, pour 10 ans, la création des partis à 4 grandes familles politiques. Et à la fin organise des élections législatives et présidentielles et passe la main aux vainqueurs. Il sera un héros et peut se retirer tranquillement au village ou à l’étranger en ayant le sentiment d’avoir rendu un ultime service à son pays. Ça, c’est le scénario idéal. Même dans le pire des scénarios, il pouvait s’imposer et tenir son « bout de bâton » comme on dit. Advienne que pourra.
Ben non! Kabadi a fait un autre choix. Celui de continuer à éreinter sa vie du haut de sa respectable longévité. Il a préféré être perdant que gagnant. Peut-être qu’il a été forcé à être perdant. Peut-être il aurait aimé au fond de son cœur être gagnant. Et faire gagner pour une fois le Tchad. Toutefois, il est encore là. Il est remis à la tête du Conseil national de transition (CNT), organe législatif, après avoir refusé d’être à la tête du pays. 6 mois plus tard, je tente de comprendre la logique de son raisonnement, je n’arrive toujours pas.
…j’ouvre la deuxième enveloppe…
C’est Saleh Kebzabo, dit « Leuk, le lièvre ». On dit de lui qu’il est calculateur, fin politique, c’est le Maradona de la politique me disait un confrère journaliste. C’est le Djédjé Okocha renchérit un homme politique. J’avoue que Kebzabo est bluffant d’intelligence, de classe, de manière et de politesse. Il écoute beaucoup, mais au fond de son regard brille une malice particulière qui rassure et effraie. Au pays de ses parents peuls on l’aurait surnommé « Djiré », « Sabara » en Arabe locale. Il me rappelle le mythique livre des contes d’Abdoulaye Sadji et l’ancien président Léopold Sedar Senghor et l’histoire de « Leuk, le lièvre ». Un malin lièvre qui s’en sort toujours face à l’adversité.
Depuis plus de 10 ans, Kebzabo dit avoir pris ses distances avec le défunt président Deby Itno. Il dit l’avoir toujours accompagné en période crise, mais seulement en période crise. Et en signant des accords comme parti politique. Il clame n’avoir rien fait en son nom et contre la volonté du Bureau politique de son parti, l’Union nationale pour le Développement et le Renouveau (UNDR). À l’arrivée de la junte militaire, il a été ciblé, calculé pour aider. Il a lui aussi comme disent les Camerounais « calculé » la junte en quittant le mouvement Wakit Tama. On l’attendait comme Premier ministre du gouvernement de transition. Il rate le poste de peu. Il refuse alors d’être ministre. Il a préféré faire entrer deux de ses lieutenants. Il se réserve pour les futures échéances. Il est convaincu que son heure a sonné. Mais n’a-t-il pas raté la dernière marche du pouvoir en collaborant? Il aurait pu, définitivement, incarner l’avènement d’un Tchad nouveau sans se lier à la junte. Ainsi, il pourra jouer le rôle de garde-fou des dérives de la transition et émergera alors comme une autorité morale et politique incontestable. Il aurait gagné en se « présidentialisant » encore plus. Peut-être que les électeurs tchadiens lui sauront gré en lui confiant la destinée du pays lors des futures élections. Il semble avoir déçu beaucoup des Tchadiens. Il apparaît de plus en plus comme un perdant malgré qu’il souffle le chaud et le froid. La stratégie du « lièvre », qui consiste à dormir d’un œil, risque de l’emporter définitivement.
…et enfin, j’ouvre la troisième et dernière enveloppe.
C’est Mahamat A. Al Habbo , dit « l’intransigeant prof ». À son sujet, je me suis posé cette question : diantre, qu’est-il allé chercher dans cette galère? Il y a presque 20 ans qu’il a quitté le gouvernement Deby. L’intransigeant professeur a tenu 20 ans de privations et d’intimidations du père Deby. Il a jeté rancune et rancœur au fleuve Chari pour aller embrasser le fils Deby. Il est entré dans ce gouvernement, certainement, avec des intentions louables. Il a lui aussi cru comme son ami Kebzabo que le président de la transition est jeune, innocent et n’a aucune intention de s’éterniser au pouvoir. Il a visé un grand ministère régalien. Il l’a obtenu, le ministère de la Justice dans un pays où presque personne ne croit à cette institution. Son entrée au gouvernement a été fracassante. Les Tchadiens se souviennent de sa mémorable allocution lors de la passation de service. Une sortie qui a suscité de l’espoir et qui a été unanimement saluée. Au lendemain de sa sortie, il a été recadré en conseil des ministres, disent plusieurs sources. La solidarité gouvernementale a eu raison de l’intransigeance du professeur qui sentait que les Tchadiens avaient soif de justice. Et qui voyait dans les premières paroles du Grade des sceaux, une rédemption. Hélas, le prof a plié.
Depuis lors, il est à l’étroit et mal à l’aise dans ce gouvernement. Pourtant c’est une forte tête qui n’hésitera pas à démissionner aux premiers accros pensaient plusieurs observateurs. Le prof réalise que la politique en période de transition est plus abstraite que les chiffres et les théorèmes mathématiques. C’est du concret, du coup pour coup. Pourtant il a les ressources nécessaires comme lorsqu’il enfanta l’Alliance Victoire en professant la théorie du candidat unique de l’opposition face à Deby et où son collègue Kebzabo trébucha pour céder la place à Me Théophile Bongoro. À sa place j’aurais démissionné pour me consacrer à rebâtir mon parti (le Parti pour les Libertés et le Développement, PLD). Un parti cassé, saccagé par le défunt président. Le PLD n’a presque plus des militants, ils sont partis ailleurs. Très peu sont restés. Il semblerait que ce sont eux qui insistent pour qu’Al Habbo reste encore ministre espérant que le PLD se refait des forces. Le ministre de la Justice a beaucoup à gagner en reprenant sa liberté. Il est minuit moins 5 minutes pour lui et sa formation politique. Parce qu’il continue de bénéficier de son image d’homme intransigeant et de celui d’homme intègre de son ex-chef leader disparu, le prof Ibni Oumar Mahamat Saleh. Le temps passe et Al Habbo semble de plus en plus pris dans la mélasse de la junte. S’il se défait de ce piège, il gagnera et fera gagner le pays en jouant le contrepoids à la junte. Sinon il restera un perdant de plus de cette tragique transition qui ne compte ni transiter ni transiger tellement le chef de la junte est embarqué dans une logique de confiscation du pouvoir.
Bello Bakary Mana
Le cancer du sein est le cancer le plus diagnostiqué chez les femmes dans le monde, avant et après la ménopause. Selon l’organisation mondiale pour la Santé (OMS), une femme sur 9 sera atteinte d’un cancer de sein au cours de sa vie et une sur 27 en mourra. Au Tchad, comme dans bien d’autres pays en développement, ce mal tue et continue de traumatiser les femmes. Le mois d’octobre, appelé aussi octobre rose, devrait permettre à toutes les forces vives de la nation de faire bloc et de se pencher sur ce fléau qui menace notre pays. Chronique.
Octobre rose, ou mois de campagne de communication destinée à sensibiliser sur le dépistage du cancer de sein. Au Tchad, il n’y a pas un chiffre officiel, mais l’augmentation des cas donne froid au dos. Selon le président de la ligue tchadienne de lutte contre le cancer, plusieurs nouveaux cas sont enregistrés chaque année au Tchad. L’annonce du Dr Manikassé devrait sonner fort et pousser toutes les parties prenantes à peser sur la cloche et agir urgemment.
Phénomène encore méconnu ou sous-estimé, ce type de cancer continue pourtant inexorablement sa progression, surtout dans les pays en développement comme le nôtre, plus que partout dans le monde. Si le taux de survie dans ces pays est exceptionnellement bas, c’est parce que la honte de la maladie, le manque d’informations sont autant d’obstacles qui dissuadent les malades à consulter un médecin avant que cette maladie n’atteigne un stade avancé et incurable.
Dans le cadre de la lutte contre ce fléau, force est également de constater que de nombreux obstacles existent pour mener à bien le combat. Notamment le manque de sensibilisation de la population, le manque de ressources, l’absence de programmes et de politiques de lutte contre le cancer, mais aussi le manque d’infrastructures médicales et des personnels qualifiés, sans parler des coûts élevés des thérapies anticancéreuses.
Le cancer jette dans la précarité les malades, on a besoin de fonds et d’un engagement en faveur de l’amélioration du traitement des femmes, une fois qu’elles sont diagnostiquées. L’absence d’accès au diagnostic et de matériel de radiologie en particulier pour les femmes en zones rurales est un réel problème.
Il a été constaté que les progrès sont lents, malgré l’immense connaissance dont disposent les médecins qui s’accordent à dire que l’heure est plus que jamais à la sensibilisation si l’on sait que les nouveaux médicaments contre le cancer, surtout du sein, permettent de prolonger la survie, mais pas de les guérir complètement parce que les tumeurs deviennent résistantes. Donc notre principal espoir par rapport à ce mal, c’est de prévenir la maladie, plus que de la soigner.
Au-delà de la recherche médicale et des traitements adaptés, certaines pratiques et quelques habitudes saines de vie, peuvent diminuer les risques de développer un cancer du sein ou d’en mourir. L’observation régulière des seins et la mammographie de dépistage sont des exemples pratiques qui peuvent faire la différence.
Il est donc primordial que les femmes tchadiennes soient conscientes du fait qu’elles peuvent juguler cette tendance à la mortalité en étant de vraies actrices dans le combat. Il faudra aussi adopter des habitudes saines de vie pour mettre toutes les chances de leur côté.
Les Ministères concernés, tels que le Ministère de la femme, de la famille et de la petite enfance et enfin le Ministère de la Santé publique devraient mettre en place un programme de sensibilisation visant à apprendre aux femmes à pratiquer l’auto-examen de leurs seins. Ces ministères devraient aussi aller dans les écoles, les marchés, dans les mosquées et dans les églises pour parler davantage de ce mal qui menace sérieusement la santé des femmes du pays. Aujourd’hui, la lutte contre le cancer du sein au Tchad reste un vaste chantier.
Jules Doukoundjé
Les coupures intempestives de l’électricité par la Société nationale d’Électricité (SNE) reprennent de plus belle. Qu’est-ce qui peut être à l’origine de cette impasse opérationnelle?
Pourtant, lors d’un point de presse fait, le 3 avril passé, à la Direction de la production à Farcha, son Directeur Général M. Mahamat Adoum Ismaël, s’est excusé pour les manquements et désagréments causés aux clients. Il l’avait si bien signifié en affirmant que « l’électricité est un important levier de développement d’un État qu’on ne peut au 21e siècle, s’en passer. », par la même occasion, il informait la presse que, la SNE a réceptionné un nouveau moteur MBH en provenance d’Allemagne d’une puissance de production de 4MW.
De plus un autre générateur était commandé et devait être fourni. Ces acquisitions devraient, en principe, permettre d’avoir une puissance disponible de 80 MW, supérieure à celle annoncée en septembre 2020, qui était de 70MW. Les abonnés avaient cru à ces déclarations comme des paroles d’évangile. Et voilà que la SNE renoue avec ses vieilles vilaines habitudes. Dans les « causeries N’Djamenoises », on entend les mêmes refrains enduits de grande lassitude, « la SNE nous fatigue, cette société ne vaut rien du tout. Il faut, peut-être, de la concurrence qui la forcera à améliorer ses services. Les clients souffrent ». Surtout les petites et moyennes entreprises (PME) comme les commerçants, les tenanciers des ateliers de soudure, etc.
La ville a repris avec la saga des groupes électrogènes. Ils rythment le pool de la ville de leurs sons inconfortables à l’oreille et de leurs odeurs de carburant qui picotent les narines. Récemment, une vaste opération de contrôle des abonnés a été effectuée. Pour quel résultat s’interrogent les N'Djamenois ? Certains disent qu’ils font des abonnements des chaînes de télévision qui s’épuisent sans qu'ils en profiter. Souvent c’est à 1h ou 2h du matin que certains foyers sont ré-alimentés en électricité. D’autres recours aux petits lampadaires pour s’éclairer. Ce qui engendre d’autres dépenses hors budget. Pendant la période de chaleur intense, la SNE, justifie ses délestages par la température élevée, œuvre de Dame Nature. « La température ambiante est de 45°C en période de chaleur et cela monte jusqu’ à même à 70°C dans la salle des machines. Cela impacte fortement le rendement des moteurs», avait expliqué le DG de la SNE le 04 avril dernier à Farcha. Mais nous sommes actuellement en saison de pluie et la température oscille entre 25°C à 30°C. Et les délestages ont repris à un rythme effarant.
Un autre problème à la Une des causeries, c’est la baisse de tension électrique. L’électricité de la SNE est toujours de très faible tension. On a beau fait recours aux stabilisateurs, ils n’indiquent jamais 220 voltes. Les lampes ampoules s’allument et s’éteignent toutes seules. Autre problème, c’est la question des factures. Certains ménages qui utilisent les comptoirs mécaniques disent qu’ils reçoivent des factures arbitraires qui ne reflètent pas à leur vraie consommation. Le 04 avril dernier, M. Mahamat Adoum Ismaël, disait à la presse que la baisse de tension dans certains quartiers est due à la fraude. « Plus d’un tiers de personnes s’alimentent au mépris des règles élémentaires établies par la SNE. Cette délinquance prive la société de ses ressources pour garantir sa pérennité », avait-il précisé.
A la même date, le DG de la SNE dévoilait sa stratégie d’électrification à court, moyen et long terme adopté par le gouvernement à travers le Plan d’Urgence d’Accès à l’Électricité(PUAE) 2021-2023. Le taux d’électrification devrait passer de 6,4% à 38,12%. Pour l’instant, disent certains clients de la SNE, c’est le concret qui les intéresse et non les projections. La preuve, chaque jour ils sont plongés dans le noir. « La SNE doit nous satisfaire. Nous ne sommes pas contents de sa prestation. Ces coupures intempestives détruisent quelquefois nos appareils. Sous d’autres cieux, les gens porteraient plainte pour de tels désagréments. Nous sommes très gentils au Tchad. Il faut que cela change », lance tout furieux M. Rongarti Banyo, un habitant de Moursal, dans le 6e arrondissement de N'Djaména. Espérons que les « dieux africains » de l’électricité entendent ces plaintes.
Moyalbaye Nadjasna
La nomination par décret le 17 août dernier de l’ancien président Goukouni Weddey, comme président du Comité Technique Spécial, relatif à la participation des politico-militaires au Dialogue National Inclusif (DNI) n’a pas fait l’unanimité. Certaines associations des droits de l’homme et certains intellectuels expriment leur inquiétude par rapport aux choix des membres de ce comité.
L’ancien président Goukouni Weddeye a été nommé président du comité spécial. Il est composé de 29 membres. Ce comité à pour mission de négocier avec les politico-militaires et les convaincre à participer au DNI. Un forum qui, selon plusieurs sources, aura lieu en novembre prochain. C'est une rencontre importante qui permettra de déboucher sur un gouvernement de transition qui se chargera d’organiser des élections libres, transparentes et démocratiques. Mais, après la publication du décret, certains membres du comité technique sont l’objet de vives critiques des associations de défenseurs de droits de l’homme et de une frange d’intellectuels.
Pour certaines associations des droits de l’homme et certains intellectuels, ce n’est pas la nomination de l’ancien président qui pose problème, mais c’est l’utilisation de son image en tant qu’homme charismatique pour servir et protéger les intérêts d’un clan qui inquiète. Se prononçant sur la nomination du comité technique spécial, le secrétaire général de la convention tchadienne des droits de l’homme (CTDH), M. Mahamat Nour Ibedou, affirme que ce décret n’a aucun sens. Et que l’opportunité d’aller vers les opposants armés doit relever du DNI et non de la décision du président du CMT. « Il faut regarder la liste de la délégation pour comprendre que le CMT a des objectifs obscurs. Cette liste est dominée par certains groupes ethniques dont les membres appartiendraient en majorité à l’opposition armée », soutient le SG de la CTDH. Selon M. Ibedou, ramener des mécontents armés de l’extérieur pour les faire participer au dialogue devrait être pris au sérieux. Le défenseur des droits humains estime que le problème des politico-militaires semble devenir un problème familial et clanique. « Les gens sont choisis sur la base de leur proximité avec la rébellion. Ce décret est nul. Et je répète n'a aucun sens », dit ce dernier. Mahamat Nour Ibedou a également évoqué aussi les coûts financiers que le trésor public va décaisser. A son avis, les membres du comité technique auront des indemnités pharaoniques et seront aussi des porteurs de valises pour l’achat des consciences de la rébellion.
Analyse d’un analyste
Que dire face à ce tiraillement? Certains intellectuels soutiennent que la nomination de l’ancien président Goukouni Weddey comme président du comité technique spécial en charge de négocier avec les politico-militaires n’est pas en soi une mauvaise chose. Seulement elle donne l’impression que le pays n’a pas tellement évolué car les acteurs qui ont fait partie de troubles fratricides se sont recyclés en juges et parties. Il y a une espace schizophrénie collective indicible. Toutefois, beaucoup d’analystes pensent que l’ancien président serait la personne la mieux indiquée pour conduire ce comité, vu son âge et son expérience. Pour le sociologue Mbété Félix, l’ex-président apparaît comme un homme intègre pour ce poste. Selon lui, même si pendant longtemps l’ancien président n’apparaît pas en public, cette nomination est logique, en ce sens que Goukouni Weddeye a l’expérience de la rébellion. Il serait dit-on écouté et respecté dans le milieu de la rébellion. S’agissant de la divergence du comité d’organisation du dialogue, il souligne que les divergences devraient enrichir le débat. Au final aller au dialogue sans une partie de la classe politique serait regrettable pour le pays. Et qu’il faudrait arriver à mettre tout le monde d’accord sur un minimum avant l’organisation de ce DNI. Vaste mission tellement les acrimonies, les rancunes et les rancœurs ont jalonné la vie de ce pays. Peut-être, peut-être que ce dialogue sera l’occasion de se vider le cœur. Et de repartir du bon pied, enfin peut-être…
Jules Doukoundjé
Sur les 18 mois prévus pour une transition militaire après la mort du maréchal Deby Itno le 20 avril dernier, plus de 100 jours se sont écoulés. Une feuille de route a été adoptée le 29 juillet passé en conseil des ministres. Trois points fondamentaux en sont ressortis. Certaines plateformes des organisations de la société civile et certains leaders de l’opposition rejettent le décret portant création du comité du dialogue national inclusif.
Les trois axes de la feuille de route de la transition sont : la sécurité, la défense, le dialogue national inclusif, la réforme de textes juridiques issus du dialogue, l’organisation d’un référendum et des élections générales libres et transparentes. Selon le document, la Feuille de Route vise à assurer notamment la continuité de l’État, à préserver les acquis de paix et de stabilité, à poursuivre les projets et programmes de développement.
Premier point, la sécurité et la défense : c’est dans le but de préserver l’intégrité du territoire national et d’assurer le désarmement effectif des civils. « La sécurité des institutions de la transition, des personnes et des biens, la consolidation de l’État de droit et la démocratie, la gouvernance économique et financière doivent être garantis. Le climat sociopolitique apaisé ; les engagements internationaux respectés par le Tchad » sont aussi les autres objectifs de cet axe. Selon le document, cet axe prévoit 22 actions pour un coût de 298,63 milliards de FCFA, soit 30,0% du coût global de la Feuille de Route.
Deuxième point, le Dialogue national inclusif (DNI). La feuille de route note que le gouvernement va veiller à ce que la période de Transition ne soit l’occasion ni d’exactions ni d’actes de vengeances préjudiciables à la cohésion de la Nation. Toujours selon le guide transitoire, les responsables de la transition vont poursuivre les efforts de sensibilisation afin d’apaiser les tensions communautaires et parvenir ainsi à une cohabitation pacifique entre tous les Tchadiens. « Ce dialogue n’éludera aucun sujet d’intérêt national. Il décidera d’un nouveau contrat social pour notre peuple. Le Conseil Militaire de Transition (CMT) et le Gouvernement seront les garants d’un dialogue apaisé, inclusif et bénéfique pour le pays. Ce dialogue pourrait être organisé durant les mois de novembre-décembre 2021 », précise la feuille de route. Pour les finances, le DNI prévoit 46 actions estimées à 424,27 milliards de FCFA, soit 42,6% du coût global de la Feuille de Route.
Des contestations de certaines organisations de la société civile
Plusieurs acteurs déclarent que la composition du comité du DNI n’est pas représentative des acteurs majeurs de la vie politique, sociale et économique. Ils soutiennent que, si ces acteurs ne sont pas suffisamment représentés, cela pourrait rendre exécutoire les décisions et recommandations issues du DNI. Lors de son point de presse, le 05 août dernier monsieur Salibou Garba, président national du parti ADN propose que le DNI revête le caractère de la conférence nationale souveraine de 1993. « On ne ruse pas avec le sort de tout peuple pour la sauvegarde ou la conquête des intérêts personnels ou des petits groupes », déclare Salibou Garba. La plateforme Wakit Tama, rejette purement et simplement le décret 101 du 2 juillet 2021, portant création du comité d’organisation du Dialogue national inclusif, même refrain repris par plusieurs plateformes comme la République en marche. Wakit Tama exige que les politico-militaires soient impliqués à ces assises nationales. Pour eux, la préparation d’un évènement si important pour l’avenir de notre pays doit faire l’objet d’une attention particulière. Lors de son adresse à la nation le, 10 août, le président du CMT, le général Mahamat Idriss Deby fait mention de la participation des politico-militaires au dialogue national. Un comité technique a été mis sur pied le 13 août passé pour examiner les conditions de participation. Les membres du Comité d’organisation sont connus également, le président de l’UNDR Saleh kebzabo occupe le poste de 1er vice-président.
Le dernier axe de la feuille de route consiste à réformer les textes juridiques suivant les résolutions issues du Dialogue et organiser un référendum constitutionnel ainsi que des élections générales libres et transparentes. La mise en œuvre des actions de cet axe a un coût de 273,65 milliards de FCFA, soit 27,5% du coût global de la Feuille de Route. Le document dit aussi que la prise en charge des organes de transition est estimée à 40 milliards de FCFA.
La coordination, le suivi-évaluation de la Feuille de Route seront assurés par deux (02) organes notamment, un Haut Comité de Pilotage et un comité technique. Les recommandations soulignent les missions de négociations bilatérales et l’organisation d’un colloque ou une conférence avec les bailleurs de fonds. La grande question est : qui acceptera de financer ce budget faramineux? Est-ce une stratégie du CMT et du gouvernement pour reporter la Transition? Pour la noyer? Mystère et boule de cristal.
Moyalbaye Nadjasna
Le dialogue national inclusif en vue risque d’être transformé en un ring de combat national inclusif. Chronique.
« Le problème que le dialogue va créer risque d’être plus grand que le problème que le dialogue veut résoudre » a posté le slameur Didier Lalaye alias Croquemort sur sa page Facebook. Il a peut-être raison d’exprimer une telle inquiétude. Car, déjà, rien qu’avec les réunions préparatoires au sein des forces vives de la nation, des scènes dignes des films ont été offertes aux Tchadiens.
« Je n’ai peur de personne moi », se bombe le torse un chef de parti politique qui prend position devant un autre. « Il y a de grandes personnes qui raisonnent comme des gamins », sermonne un autre. Le climat n’était pas convivial ni amical entre les chefs des partis politiques qui se sont comportés comme des fanatiques. Bon, revenons aux faits.
Jeudi 15 juillet. Les chefs des partis politiques se sont réunis suite à l’appel du ministère de la Réconciliation nationale et du Dialogue. Objectif : désigner 15 représentants des partis politiques au sein du comité d’organisation du fameux dialogue national inclusif. Dès l’ouverture des travaux, la salle s’est enflammée. Les débats autour de la procédure et des critères de désignation ont été houleux, au point où des responsables politiques ont failli venir aux mains. Il a fallu que le ministre en chargé de la Réconciliation, Acheikh Ibn-Oumar intervienne pour les recadrer avant que la tension ne baisse. La procédure a été suspendue. Ce n’est pas tout.
Samedi 24 juillet. C’est autour des jeunes de se réunir pour désigner leurs cinq représentants. Comme leurs aînés, ils ont réédité le même scénario. Eux ont mieux fait mieux que leurs aînés en se donnant des coups. Des candidats boutés ont déchiré tous les documents relatifs à la procédure des élections. Des tiraillements à chaud, des bousculades, heureusement que des coups de poing n’ont pas été distribués. Une image « honteuse » laissée par ces leaders des associations de la jeunesse. La procédure, elle aussi, a été suspendue.
À quoi s’attendre le jour du dialogue où toutes les forces vives de la nation vont se retrouver ? La question reste posée. Mais déjà, on a un avant-goût du climat qui va régner lors de ces assises. Il est fort probable qu’on se retrouve avec des Jet Li, Jacki Chan, Jean-Claude Vandame, Bruce Lee, dans la salle le jour J du grand jour vu ces tensions. Si c’est le cas, il faut s’attendre à un « combat national inclusif » au lieu d’un dialogue national inclusif. Comme quoi le dialogue risquerait d’être transformé en un grand ring national. Et personne ne clamera que le slameur Didier Lalaye alias Croquemort n’a pas prévenu. Pourvu qu’il n’y ait pas des morts.
Christian Allahadjim
Le président Deby Itno n’est plus. On a tout dit sur lui. En bien et en mal. Moi, le premier. Il faudra se résoudre à tourner la page. Avant de la tourner, je voudrais revenir commenter une fois encore les évènements de ces dernières semaines.
Mort du président
Version officielle : Le Maréchal est mort au combat les armes à la main. Il est mort comme il a vécu, intensément. Depuis qu’il est entré dans la vie des Tchadiens, il y a bien longtemps, il avait quelque chose qui le distinguait de ses prédécesseurs : sa patience. Une patience mesurée, calculée, réfléchie qui a fait craquer amis et adversaires. Sa patience était sa plus grande force. Lors de son dernier meeting, il avait demandé pardon aux Tchadiens pour s’être emporté. Les Tchadiens, je pense, lui ont déjà pardonné.
Version non officielle : Le Maréchal aurait été assassiné? Par qui? Pourquoi? Mystère et boule de cristal. Je n’ai pas arrêté de fouiller. D’interroger. De questionner. Je continue à m’interroger. Je n’ai comme réponses que des histoires invraisemblables. Sans têtes. Ni queues. Ces histoires mises ensemble ne tiennent pas, comme on dit, la route. Sacré Maréchal. Du haut des cieux, il dira certainement…. « en faite….disons… », son expression favorite. Et passera à une autre expression, « restez unis, mais dans la République… ». Il a marqué ce pays. En bon ou en mauvais. Chacun fera ses comptes.
Mythe?
Un mythe est-il en cours d’être né? Difficile de se prononcer. Si j’étais le conseiller du Maréchal, je lui aurais suggéré d’être Empereur. Un peu comme Napoléon. Tiens son autre surnom « le Napoléon d’Afrique », attribué par le journaliste français Pierre Elkabbach, un de ces jours où son pouvoir avait vacillé. Et qu’il a réussi à s’en sortir.
Le président Deby Itno n’aurait-il pas pardonné au président de l’Assemblée nationale (PAN) de refuser de lui succéder? Je crois que oui. Parce que la toile d’araignée tissée par le défunt serait difficile à détricoter par le PAN. Alors pourquoi accepter?
Non, la bonne question c’est : pourquoi avoir refusé?
D’abord est-ce pas par loyauté? Presque 30 ans au côté du Maréchal. Le PAN Haroun Kabadi (HK) a refusé d’assumer l’intérim que lui reconnaissent les textes transitoires de la Constitution. Il a refusé donc le pouvoir au pays des hommes qui aiment le pouvoir. Pourtant c’est un homme de pouvoir. Qui a sa place aurait refusé? Peu de personne pour ne pas dire personne. Est-ce ce refus n’est pas plutôt de la sagesse? De l’intelligence? Il a donné ses raisons : maladie et âge respectable. Quoi d’autre aurait empêché HK? La peur? Je ne crois pas. Le manque d’ambition? J’en doute. Du haut de ses 70 ans passés, seul lui sait pourquoi. Il faut respecter sa décision. Mais on finira par le savoir un jour. Peut-être que l’écrivain Ali Abdramane Haggar a raison de dire qu’il a manqué de courage. Mais peut-être que HK a totalement raison d’avoir refusé. Et réserve aux Tchadiens une grosse surprise.
Toujours est-il que HK est encore à la manette. Presque omniprésent. L’Assemblée Nationale après être dissoute par la junte est reconduite avec HK à sa tête jusqu’à la mise en place du nouveau Conseil National de transition (CNT). Fort probablement que le même Kabadi sera à la tête du CNT. En cette période difficile, il serait plus utile là qu’ailleurs.
Entre-temps, que deviennent les partisans de l’ex-régime? Les opposants? La société civile? Les politico-militaires? Chacun se cherche. Chacun voit midi à sa porte.
Avez-vous découvert, comme moi, lors des funérailles que le Tchad était presque la « Corée du Nord de l’Afrique ». Je n’exagère pas. J’ai une preuve qui plaide pour ma farfelue thèse : les pleureuses de la Place de la Nation le jour des funérailles. C’était hallucinant. Non? C’était de l’émotion? Ok mais…
Avez-vous constaté aussi que, au lendemain du décès du Maréchal, les informations n’ont pas aisément circulé. Tout a été verrouillé aux premiers jours et aux premières heures. Les rumeurs et les « fakes news » ont envoûté les Tchadiens. Bref, c’était plus de peur que de la rumeur vénéneuse. Bon en notre « République presque Gondwanaise » on a réussi, pour l’instant, une succession dynastique en douceur. Le cataclysme prévu s’est éloigné, mais il faut continuer à surveiller la « marmite Tchad » comme du lait sur le feu ardent des passions du pouvoir.
Enfin, les Tchadiens ont un Conseil Militaire de Transition muet. Pas étonnant ce sont les plus gradés de la grande muette. Ils ont également un Premier ministre sans envergure. Ils feront avec. Ils ont opposition démocratique « gaga », ils l’observent. Ils ont société civile fâchée, ils la surveillent. Ils ont une diaspora excitée, ils s’en amusent. Malgré à ces tensions, les Tchadiens sont, étonnement, stoïques. Un vieux papa m’a dit « mon fils, les gens s’agitent, mais Allah à son plan ». Allah? Avec le ramadan, je lâche prise. J’avais envie de lui crier « Allah n’est pas obligé » comme le titre du roman du célèbre écrivain ivoirien Amadou Kourouma. Je me suis abstenu. Et j’ai monologué dans ma barbe, « sacré Tchadien, fataliste au bout du bout du bout ».
Bello Bakary Mana
Au lendemain des obsèques nationales du président Deby, la situation politico-militaire semble peu à peu se détendre. Le groupe rebelle du FACT se dit prêt au dialogue. Analyse.
La menace rebelle qui plane sur N’Djamena, la capitale politique tchadienne, semble levée, à en croire la déclaration du chef du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), Maqamat Mahdi Ali. Pourtant, il y a quatre jours, les rebelles menaçaient encore de marcher sur N’Djamena bien que le président Deby soit tué au front. Cette menace a laissé les habitants de la capitale dans une confusion et une inquiétude. Revirement au lendemain des obsèques nationales du président Deby.
Sur les ondes de la Rfi, le chef rebelle Maqamat Mahdi Ali a déclaré, ce samedi 24 avril, être pour une issue politique à la crise actuelle au Tchad. Et prêt pour un cessez-le-feu pour dialoguer au tour d’une table avec toutes les composantes de la vie politique et sécuritaire du Tchad. Étant donné que la crise politico-militaire actuelle est née avec la mise sur pied d’un Conseil Militaire de Transition (CMT). Lequel CMT qui est contesté par les rebelles, une grande partie de la classe politique et de la société civile tchadienne. Presque tous réclament un dialogue inclusif et un retour à l’ordre constitutionnel.
Qu’est-ce qui aurait influencé Mahamat Mahdi Ali, pourtant déterminé avec ses éléments à renverser le pouvoir de N’Djamena ? Est-ce les frappes des forces françaises ? Est-ce la déclaration d’Emmanuel Macron aux funérailles de Deby ? Certainement les deux.
Le 22 avril, soit à la veille des obsèques du président Deby, le groupe rebelle s’est fendu d’un communiqué dans lequel il déclare avoir été bombardé par les forces françaises, sur ordre de la junte militaire au pouvoir. Selon le chargé de communication du groupe rebelle, « l’opération visait à éliminer physiquement leur leader. Mais elle a échoué. » Ces frappes, bien que le bilan n’ait été communiqué jusque-là, auraient considérablement réduit les capacités humaines et matérielles du Fact, déjà affaibli par les combats dans le Kanem.
L’autre élément qui aurait dissuadé le FACT à renoncer à son engagement à renverser le pouvoir en place à N’Djamena est la déclaration aussi musclée que sérieuse du président français Emmanuel Macron. « La France ne laissera jamais personne remettre en cause ni aujourd’hui ni demain l’intégrité et la stabilité du Tchad », a déclaré Emmanuel Macron aux obsèques de Deby. Cela justifie valablement les frappes qui ont été menées sur le groupe rebelle replié au nord du Tchad.
Reste à savoir si le CMT accédera aux demandes des rebelles et de la classe politique qui réclament un dialogue inclusif pour une transition apaisée. Et le CMT, en quête d’une légitimité, n’a rien à perdre en acceptant ce dialogue.
Christian Allahadjim
Plus que quelques heures, quelques jours…puis c’est fini. La campagne électorale sera bouclée. Les Tchadiens iront aux urnes faire leur choix. La campagne était tellement terne que j’avais eu la peur de la page blanche. Heureusement que le Maréchal candidat était là. Il trouvait toujours une manière de faire parler de lui même si ce n’était pas de la bonne façon. Ma peur de la feuille blanche s’est donc envolée. Je ne me suis pas efforcé pour résumer et commenter les sorties agressives presque vaniteuses du candidat Deby Itno. Je m’interroge au moment d’écrire cette chronique. Que cache la nervosité du Maréchal ? Deux célèbres journalistes, sous d’autres cieux, avaient écrit un livre. Et l’avait titré : Un président ne devrait pas dire ça.
J’ai choisi de m’inspirer du titre de leur ouvrage pour intituler ma modeste chronique : Un président sortant ne devrait pas dire ça.
Récapitulatifs et commentaires…
Le 13 mars passé, c’était le jour du grand meeting tenu au stade Idriss Mahamat Ouya à N’Djamena, capitale tchadienne. La vedette était le candidat du Mouvement patriotique du Salut (MPS), parti au pouvoir, Idriss Deby Itno. Il s’était lancé dans un long discours dans un stade rempli à craquer, devant un public acquis à sa cause, il avait, plus d’une heure, fait le show. Il ne s’est attardé sur son bilan et son programme politique, le Maréchal a jeté tout par-dessus le mur du stade. Il s’en est pris violemment à ses opposants qui se sont retirés de la course et aux activistes. « N’en déplaise à ces illuminés, à ces officines extérieures… » jusqu’à là c’est la campagne électorale et c’est compréhensible. Mais tout a dérapé lorsqu’il a rajouté... « je leur dis ‘damboula hanakoum’ ».
L’expression « Damboula », en arabe tchadien, est une vulgaire insulte. Ces propos injurieux ont enflammé la campagne et les réseaux sociaux. Certains opposants ont appelé à sa démission immédiate. D’autres ont interpellé le procureur à s’autosaisir. Le Maréchal, Président peut-il dire cela ? Le débat faisait rage que….
Entre temps, le Maréchal est déjà dans le Tchad profond. Précisément à Amtimane et à Mongo, deux villes du centre du pays. Il bat campagne. Il se montre dans ses beaux jours à Mongo. Il est magnanime, miséricordieux. Il a accordé son pardon public à un compagnon récalcitrant. Un général qui quelques mois avant a été radié de l’armée pour avoir adressé une lettre critique au président. Il est bienfaisant le président. A Amtimane, le Maréchal était dans ses mauvais jours. Il était véhément. Il rappelle aux électeurs tchadiens le cadeau qu’il leur a apporté au prix du sang et des larmes : la liberté et la démocratie. Et précise, « la démocratie n’est pas venue en avion ni en autobus. Nous l’avons amenée par le combat, par le prix du sang ». Ces propos font réfléchir. Qu’a voulu dire le président ? Veut-il dire que le vote des Tchadiens n’a aucune importance ? Veut-il dire que seules les armes sont les moyens d’imposer une alternance? Un Maréchal ne devrait pas dire ça...
Quelques jours plus tard, le président sortant est dans la ville de Bongor. Il connaît bien celle-ci pour avoir été lycéen. Il était heureux comme tout, esquissant même quelques pas de danse Gourna avant de monter sur le podium. Il a fait des promesses pour tous et pour chacun. Et puis le naturel est vite revenu au galop, « celui qui tentera de perturber cette élection me trouvera sur son chemin ». Et oh surprise, le président avait un cadeau pour ses partisans. Abdelkader Mahamat dit Baba Ladé est présenté, béni et adoubé. Baba Ladé ? Enfin un cadeau grec au bongorois. Baba Laddé ne représente pas la région. Déjà qu’il peine à se représenter lui-même. Il n’a pas bonne presse dans ce coin du pays. Un président sortant n’a pas besoin d’un appui pareil.
5 avril, retour dans la capitale. Le candidat du consensus est dans le 2er arrondissement de la ville. Il prend la parole. Il s’enflamme. Il lâche des coups durs d’un ton guerrier, « qui peut empêcher ces élections ? Je jure, ces chiens errants…tout chien errant…ces chacals… qui tenteront d’empêcher le 11 avril prochain me trouveront sur leur chemin ». Menaces ? Frustration ? Simple provocation ? Le Maréchal a pris goût au buzz. Peut-être parce qu’en face, il n’y a pas de poids lourd politique. Ce pamphlet vise encore les opposants et les activistes qui veulent manifester le 11 avril, jour du vote. Les réseaux sociaux s’enflamment encore. Cette sortie rappelle celle du guide libyen Mouamar Kadafi, en son temps, lorsqu’il traitait ses opposants de « chiens errants, de chacal ».
Aux dernières nouvelles plusieurs opposants et acteurs de la société civile sont arrêtés. On les soupçonne de terrorisme selon le ministère de la Sécurité publique. Un candidat ne doit pas faire ça.
J’ai fini ma chronique, mais je n’ai toujours pas trouvé réponse à mon interrogation. Que nous cache le candidat président Maréchal Deby Itno ? Un Maréchal ne devrait rien cacher.
Bello Bakary Mana
La première Dame du Tchad Hinda Deby Itno est sur tous les fronts depuis le lancement de la campagne électorale pour la présidentielle d’avril 2021. Qu’est-ce qui fait courir la première Dame ?
C’est un secret de polichinelle que l’omniprésence de la première Dame aux côtés de son mari de président interroge. La secrétaire particulière du président Deby, Hinda Deby Itno est l’ombre de son époux. Elle est toujours là. En avant de la scène comme à l’arrière-scène. Les années passent et la première Dame semble prendre goût à la politique active. Ce qu’elle ne faisait pas même lorsqu’elle était la présidente de l’OF/MPS. Cette fois-ci, avec la présidentielle d’avril 2021, la première Dame se démarque et s’engage sur la scène politique.
Depuis le lancement de la campagne électorale, Hinda Deby Itno est engagée pour la cause de son époux, Idriss Deby Itno. Ce n’est plus la première dame qui se contentait d’accompagner son époux lors de ses tournées, ses campagnes. Cette fois, elle s’affirme, s’affiche et s’initie à la politique. Seule ou aux côtés de son mari candidat, elle bat campagne : à Abéché, à Massenya, à Bol, à Ati pour convaincre l’électorat de voter le candidat du consensus
Ce n’est pas tout. La surprise vient du fait que la première Dame apparaît sur les posters géants comme colistière de son mari candidat. Du moins pas sur les affiches officielles imprimées par la direction nationale de campagne. L’abus vient des bureaux de soutien au MPS qui affichent le couple présidentiel comme des colistiers. Sa présence sur les posters géants laisse penser cela. Comme le cas Joe Biden et Khamala Haris aux États-Unis ou Patrice Talon et Mariam Chabi Talata au Bénin. Ces exemples ont-ils inspiré Hinda Deby Itno ?
La nouvelle constitution prévoit le poste de vice-président qui est nommé et révoqué par le président. La première dame peut-elle ou veut-elle prétendre à ce poste?
Le dernier mot revient au président Idriss Deby Itno, s’il est réélu, peut-être, la première Dame Hinda Deby Itno sera récompensée comme vice-présidente pour « services rendus au parti et à son époux ». Enfin cette possibilité peut s’avérer loufoque, mais rien n’est à exclure dans cette République de béni-oui-oui.
Christian Allahadjim