Chronique

Chronique (80)

Les coupures intempestives de l’électricité par la Société nationale d’Électricité (SNE) reprennent de plus belle. Qu’est-ce qui peut être à l’origine de cette impasse opérationnelle?

Pourtant, lors d’un point de presse fait, le 3 avril passé, à la Direction de la production à Farcha, son Directeur Général M. Mahamat Adoum Ismaël, s’est excusé pour les manquements et désagréments causés aux clients. Il l’avait si bien signifié en affirmant que « l’électricité est un important levier de développement d’un État qu’on ne peut au 21e siècle, s’en passer. », par la même occasion, il informait la presse que, la SNE a réceptionné un nouveau moteur MBH en provenance d’Allemagne d’une puissance de production de 4MW.

De plus un autre générateur était commandé et devait être fourni. Ces acquisitions devraient, en principe, permettre d’avoir une puissance disponible de 80 MW, supérieure à celle annoncée en septembre 2020, qui était de 70MW. Les abonnés avaient cru à ces déclarations comme des paroles d’évangile. Et voilà que la SNE renoue avec ses vieilles vilaines habitudes. Dans les « causeries N’Djamenoises », on entend les mêmes refrains enduits de grande lassitude, «  la SNE nous fatigue, cette société ne vaut rien du tout. Il faut, peut-être, de la concurrence qui la forcera à améliorer ses services. Les clients souffrent ». Surtout les petites et moyennes entreprises (PME) comme les commerçants, les tenanciers des ateliers de soudure, etc.

La ville a repris avec la saga des groupes électrogènes. Ils rythment le pool de la ville de leurs sons inconfortables à l’oreille et de leurs odeurs de carburant qui picotent les narines. Récemment, une vaste opération de contrôle des abonnés a été effectuée. Pour quel résultat s’interrogent les N'Djamenois ? Certains disent qu’ils font des abonnements des chaînes de télévision qui s’épuisent sans qu'ils en profiter. Souvent c’est à 1h ou 2h du matin que certains foyers sont ré-alimentés en électricité. D’autres recours aux petits lampadaires pour s’éclairer. Ce qui engendre d’autres dépenses hors budget. Pendant la période de chaleur intense, la SNE, justifie ses délestages par la température élevée, œuvre de Dame Nature. «  La température ambiante est de 45°C en période de chaleur et cela monte jusqu’ à même à 70°C dans la salle des machines. Cela impacte fortement le rendement des moteurs», avait expliqué le DG de la SNE le 04 avril dernier à Farcha. Mais nous sommes actuellement en saison de pluie et la température oscille entre 25°C à 30°C. Et les délestages ont repris à un rythme effarant.

Un autre problème à la Une des causeries, c’est la baisse de tension électrique. L’électricité de la SNE est toujours de très faible tension. On a beau fait recours aux stabilisateurs, ils n’indiquent jamais 220 voltes. Les lampes ampoules s’allument et s’éteignent toutes seules. Autre problème, c’est la question des factures. Certains ménages qui utilisent les comptoirs mécaniques disent qu’ils reçoivent des factures arbitraires qui ne reflètent pas à leur vraie consommation. Le 04 avril dernier, M. Mahamat Adoum Ismaël, disait à la presse que la baisse de tension dans certains quartiers est due à la fraude. « Plus d’un tiers de personnes s’alimentent au mépris des règles élémentaires établies par la SNE. Cette délinquance prive la société de ses ressources pour garantir sa pérennité », avait-il précisé.

A la même date, le DG de la SNE dévoilait sa stratégie d’électrification à court, moyen et long terme adopté par le gouvernement à travers le Plan d’Urgence d’Accès à l’Électricité(PUAE) 2021-2023. Le taux d’électrification devrait passer de 6,4% à 38,12%. Pour l’instant, disent certains clients de la SNE, c’est le concret qui les intéresse et non les projections. La preuve, chaque jour ils sont plongés dans le noir. « La SNE doit nous satisfaire. Nous ne sommes pas contents de sa prestation. Ces coupures intempestives détruisent quelquefois nos appareils. Sous d’autres cieux, les gens porteraient plainte pour de tels désagréments. Nous sommes très gentils au Tchad. Il faut que cela change », lance tout furieux M. Rongarti Banyo, un habitant de Moursal, dans le 6e arrondissement de N'Djaména. Espérons que les « dieux africains » de l’électricité entendent ces plaintes.

Moyalbaye Nadjasna

La nomination par décret le 17 août dernier de l’ancien président Goukouni Weddey, comme président du Comité Technique Spécial, relatif à la participation des politico-militaires au Dialogue National Inclusif (DNI) n’a pas fait l’unanimité. Certaines associations des droits de l’homme et certains intellectuels expriment leur inquiétude par rapport aux choix des membres de ce comité.

L’ancien président Goukouni Weddeye a été nommé président du comité spécial. Il est composé de 29 membres. Ce comité à pour mission de négocier avec les politico-militaires et les convaincre à participer au DNI.  Un forum qui, selon plusieurs sources, aura lieu en novembre prochain. C'est une rencontre importante qui permettra de déboucher sur un gouvernement de transition qui se chargera d’organiser des élections libres, transparentes et démocratiques. Mais, après la publication du décret, certains membres du comité technique sont l’objet de vives critiques des associations de défenseurs de droits de l’homme et de une frange d’intellectuels.

Pour certaines associations des droits de l’homme et certains intellectuels, ce n’est pas la nomination de l’ancien président qui pose problème, mais c’est l’utilisation de son image en tant qu’homme charismatique pour servir et protéger les intérêts d’un clan qui inquiète. Se prononçant sur la nomination du comité technique spécial, le secrétaire général de la convention tchadienne des droits de l’homme (CTDH), M. Mahamat Nour Ibedou, affirme que ce décret n’a aucun sens. Et que l’opportunité d’aller vers les opposants armés doit relever du DNI et non de la décision du président du CMT. « Il faut regarder la liste de la délégation pour comprendre que le CMT a des objectifs obscurs. Cette liste est dominée par certains groupes ethniques dont les membres appartiendraient en majorité à l’opposition armée », soutient le SG de la CTDH. Selon M. Ibedou, ramener des mécontents armés de l’extérieur pour les faire participer au dialogue devrait être pris au sérieux. Le défenseur des droits humains estime que le problème des politico-militaires semble devenir un problème familial et clanique. « Les gens sont choisis sur la base de leur proximité avec la rébellion. Ce décret est nul. Et je répète n'a aucun sens », dit ce dernier. Mahamat Nour Ibedou a également évoqué aussi les coûts financiers que le trésor public va décaisser. A son avis, les membres du comité technique auront des indemnités pharaoniques et seront aussi des porteurs de valises pour l’achat des consciences de la rébellion.

Analyse d’un analyste

Que dire face à ce tiraillement? Certains intellectuels soutiennent que la nomination de l’ancien président Goukouni Weddey comme président du comité technique spécial en charge de négocier avec les politico-militaires n’est pas en soi une mauvaise chose. Seulement elle donne l’impression que le pays n’a pas tellement évolué car les acteurs qui ont fait partie de troubles fratricides se sont recyclés en juges et parties. Il y a une espace schizophrénie collective indicible. Toutefois, beaucoup d’analystes pensent que l’ancien président serait la personne la mieux indiquée pour conduire ce comité, vu son âge et son expérience. Pour le sociologue Mbété Félix, l’ex-président apparaît comme un homme intègre pour ce poste. Selon lui, même si pendant longtemps l’ancien président n’apparaît pas en public, cette nomination est logique, en ce sens que Goukouni Weddeye a l’expérience de la rébellion. Il serait dit-on  écouté et respecté dans le milieu de la rébellion. S’agissant de la divergence du comité d’organisation du dialogue, il souligne que les divergences devraient enrichir le débat. Au final aller au dialogue sans une partie de la classe politique serait regrettable pour le pays. Et qu’il faudrait arriver à mettre tout le monde d’accord sur un minimum avant l’organisation de ce DNI. Vaste mission tellement les acrimonies, les rancunes et les rancœurs ont jalonné la vie de ce pays. Peut-être, peut-être que ce dialogue sera l’occasion de se vider le cœur. Et de repartir du bon pied, enfin peut-être…

Jules Doukoundjé

Sur les 18 mois prévus pour une transition militaire après la mort du maréchal Deby Itno le 20 avril dernier, plus de 100 jours se sont écoulés. Une feuille de route a été adoptée le 29 juillet passé en conseil des ministres. Trois points fondamentaux en sont ressortis. Certaines plateformes des organisations de la société civile et certains leaders de l’opposition rejettent le décret portant création du comité du dialogue national inclusif. 

Les trois axes de la feuille de route de la transition sont : la sécurité, la défense, le dialogue national inclusif, la réforme de textes juridiques issus du dialogue, l’organisation d’un référendum et des élections générales libres et transparentes. Selon le document, la Feuille de Route vise à assurer notamment la continuité de l’État, à préserver les acquis de paix et de stabilité, à poursuivre les projets et programmes de développement.

Premier point, la sécurité et la défense : c’est dans le but de préserver l’intégrité du territoire national et d’assurer le désarmement effectif des civils. « La sécurité des institutions de la transition, des personnes et des biens, la consolidation de l’État de droit et la démocratie, la gouvernance économique et financière doivent être garantis. Le climat sociopolitique apaisé ; les engagements internationaux respectés par le Tchad » sont aussi les autres objectifs de cet axe. Selon le document, cet axe prévoit 22 actions pour un coût de 298,63 milliards de FCFA, soit 30,0% du coût global de la Feuille de Route.

Deuxième point, le Dialogue national inclusif (DNI). La feuille de route note que le gouvernement va veiller à ce que la période de Transition ne soit l’occasion ni d’exactions ni d’actes de vengeances préjudiciables à la cohésion de la Nation. Toujours selon le guide transitoire, les responsables de la transition vont poursuivre les efforts de sensibilisation afin d’apaiser les tensions communautaires et parvenir ainsi à une cohabitation pacifique entre tous les Tchadiens. « Ce dialogue n’éludera aucun sujet d’intérêt national. Il décidera d’un nouveau contrat social pour notre peuple. Le Conseil Militaire de Transition (CMT) et le Gouvernement seront les garants d’un dialogue apaisé, inclusif et bénéfique pour le pays. Ce dialogue pourrait être organisé durant les mois de novembre-décembre 2021 », précise la feuille de route. Pour les finances, le DNI prévoit 46 actions estimées à 424,27 milliards de FCFA, soit 42,6% du coût global de la Feuille de Route.

Des contestations de certaines organisations de la société civile

Plusieurs acteurs déclarent que la composition du comité du DNI n’est pas représentative des acteurs majeurs de la vie politique, sociale et économique. Ils soutiennent que, si ces acteurs ne sont pas suffisamment représentés, cela pourrait rendre exécutoire les décisions et recommandations issues du DNI. Lors de son point de presse, le 05 août dernier monsieur Salibou Garba, président national du parti ADN propose que le DNI revête le caractère de la conférence nationale souveraine de 1993. « On ne ruse pas avec le sort de tout peuple pour la sauvegarde ou la conquête des intérêts personnels ou des petits groupes », déclare Salibou Garba. La plateforme Wakit Tama, rejette purement et simplement le décret 101 du 2 juillet 2021, portant création du comité d’organisation du Dialogue national inclusif, même refrain repris par plusieurs plateformes comme la République en marche. Wakit Tama exige que les politico-militaires soient impliqués à ces assises nationales. Pour eux, la préparation d’un évènement si important pour l’avenir de notre pays doit faire l’objet d’une attention particulière. Lors de son adresse à la nation le, 10 août, le président du CMT, le général Mahamat Idriss Deby fait mention de la participation des politico-militaires au dialogue national. Un comité technique a été mis sur pied le 13 août passé pour examiner les conditions de participation. Les membres du Comité d’organisation sont connus également, le président de l’UNDR Saleh kebzabo occupe le poste de 1er vice-président.

Le dernier axe de la feuille de route consiste à réformer les textes juridiques suivant les résolutions issues du Dialogue et organiser un référendum constitutionnel ainsi que des élections générales libres et transparentes. La mise en œuvre des actions de cet axe a un coût de 273,65 milliards de FCFA, soit 27,5% du coût global de la Feuille de Route. Le document dit aussi que la prise en charge des organes de transition est estimée à 40 milliards
de FCFA.

La coordination, le suivi-évaluation de la Feuille de Route seront assurés par deux (02) organes notamment, un Haut Comité de Pilotage et un comité technique. Les recommandations soulignent les missions de négociations bilatérales et l’organisation d’un colloque ou une conférence avec les bailleurs de fonds. La grande question est : qui acceptera de financer ce budget faramineux? Est-ce une stratégie du CMT et du gouvernement pour reporter la Transition? Pour la noyer? Mystère et boule de cristal.

Moyalbaye Nadjasna

Le dialogue national inclusif en vue risque d’être transformé en un ring de combat national inclusif. Chronique.

« Le problème que le dialogue va créer risque d’être plus grand que le problème que le dialogue veut résoudre » a posté le slameur Didier Lalaye alias Croquemort sur sa page Facebook. Il a peut-être raison d’exprimer une telle inquiétude. Car, déjà, rien qu’avec les réunions préparatoires au sein des forces vives de la nation, des scènes dignes des films ont été offertes aux Tchadiens.

« Je n’ai peur de personne moi », se bombe le torse un chef de parti politique qui prend position devant un autre. « Il y a de grandes personnes qui raisonnent comme des gamins », sermonne un autre. Le climat n’était pas convivial ni amical entre les chefs des partis politiques qui se sont comportés comme des fanatiques. Bon, revenons aux faits.

Jeudi 15 juillet. Les chefs des partis politiques se sont réunis suite à l’appel du ministère de la Réconciliation nationale et du Dialogue. Objectif : désigner 15 représentants des partis politiques au sein du comité d’organisation du fameux dialogue national inclusif. Dès l’ouverture des travaux, la salle s’est enflammée. Les débats autour de la procédure et des critères de désignation ont été houleux, au point où des responsables politiques ont failli venir aux mains. Il a fallu que le ministre en chargé de la Réconciliation, Acheikh Ibn-Oumar intervienne pour les recadrer avant que la tension ne baisse. La procédure a été suspendue. Ce n’est pas tout.  

Samedi 24 juillet. C’est autour des jeunes de se réunir pour désigner leurs cinq représentants. Comme leurs aînés, ils ont réédité le même scénario. Eux ont mieux fait mieux que leurs aînés en se donnant des coups. Des candidats boutés ont déchiré tous les documents relatifs à la procédure des élections. Des tiraillements à chaud, des bousculades, heureusement que des coups de poing n’ont pas été distribués. Une image « honteuse » laissée par ces leaders des associations de la jeunesse. La procédure, elle aussi, a été suspendue. 

À quoi s’attendre le jour du dialogue où toutes les forces vives de la nation vont se retrouver ? La question reste posée. Mais déjà, on a un avant-goût du climat qui va régner lors de ces assises. Il est fort probable qu’on se retrouve avec des Jet Li, Jacki Chan, Jean-Claude Vandame, Bruce Lee, dans la salle le jour J du grand jour vu ces tensions. Si c’est le cas, il faut s’attendre à un « combat national inclusif » au lieu d’un dialogue national inclusif. Comme quoi le dialogue risquerait d’être transformé en un grand ring national. Et personne ne clamera que le slameur Didier Lalaye alias Croquemort n’a pas prévenu. Pourvu qu’il n’y ait pas des morts.

Christian Allahadjim   

Le président Deby Itno n’est plus. On a tout dit sur lui. En bien et en mal. Moi, le premier. Il faudra se résoudre à tourner la page. Avant de la tourner, je voudrais revenir commenter une fois encore les évènements de ces dernières semaines.

Mort du président

Version officielle : Le Maréchal est mort au combat les armes à la main. Il est mort comme il a vécu, intensément. Depuis qu’il est entré dans la vie des Tchadiens, il y a bien longtemps, il avait quelque chose qui le distinguait de ses prédécesseurs : sa patience. Une patience mesurée, calculée, réfléchie qui a fait craquer amis et adversaires. Sa patience était sa plus grande force. Lors de son dernier meeting, il avait demandé pardon aux Tchadiens pour s’être emporté. Les Tchadiens, je pense, lui ont déjà pardonné.

Version non officielle : Le Maréchal aurait été assassiné? Par qui? Pourquoi? Mystère et boule de cristal. Je n’ai pas arrêté de fouiller. D’interroger. De questionner. Je continue à m’interroger. Je n’ai comme réponses que des histoires invraisemblables. Sans têtes. Ni queues. Ces histoires mises ensemble ne tiennent pas, comme on dit, la route. Sacré Maréchal. Du haut des cieux, il dira certainement…. « en faite….disons… », son expression favorite. Et passera à une autre expression, « restez unis, mais dans la République… ». Il a marqué ce pays. En bon ou en mauvais. Chacun fera ses comptes.

Mythe?

Un mythe est-il en cours d’être né? Difficile de se prononcer. Si j’étais le conseiller du Maréchal, je lui aurais suggéré d’être Empereur. Un peu comme Napoléon. Tiens son autre surnom « le Napoléon d’Afrique », attribué par le journaliste français Pierre Elkabbach, un de ces jours où son pouvoir avait vacillé. Et qu’il a réussi à s’en sortir.

Le président Deby Itno n’aurait-il pas pardonné au président de l’Assemblée nationale (PAN) de refuser de lui succéder?  Je crois que oui. Parce que la toile d’araignée tissée par le défunt serait difficile à détricoter par le PAN. Alors pourquoi accepter?

Non, la bonne question c’est : pourquoi avoir refusé?

D’abord est-ce pas par loyauté? Presque 30 ans au côté du Maréchal. Le PAN Haroun Kabadi (HK) a refusé d’assumer l’intérim que lui reconnaissent les textes transitoires de la Constitution. Il a refusé donc le pouvoir au pays des hommes qui aiment le pouvoir. Pourtant c’est un homme de pouvoir. Qui a sa place aurait refusé? Peu de personne pour ne pas dire personne. Est-ce ce refus n’est pas plutôt de la sagesse? De l’intelligence? Il a donné ses raisons : maladie et âge respectable. Quoi d’autre aurait empêché HK? La peur? Je ne crois pas. Le manque d’ambition? J’en doute. Du haut de ses 70 ans passés, seul lui sait pourquoi. Il faut respecter sa décision. Mais on finira par le savoir un jour. Peut-être que l’écrivain Ali Abdramane Haggar a raison de dire qu’il a manqué de courage. Mais peut-être que HK a totalement raison d’avoir refusé. Et réserve aux Tchadiens une grosse surprise.

Toujours est-il que HK est encore à la manette. Presque omniprésent. L’Assemblée Nationale après être dissoute par la junte est reconduite avec HK à sa tête jusqu’à la mise en place du nouveau Conseil National de transition (CNT). Fort probablement que le même Kabadi sera à la tête du CNT. En cette période difficile, il serait plus utile là qu’ailleurs.

Entre-temps, que deviennent les partisans de l’ex-régime? Les opposants? La société civile? Les politico-militaires? Chacun se cherche. Chacun voit midi à sa porte.

Avez-vous découvert, comme moi, lors des funérailles que le Tchad était presque la « Corée du Nord de l’Afrique ». Je n’exagère pas. J’ai une preuve qui plaide pour ma farfelue thèse : les pleureuses de la Place de la Nation le jour des funérailles. C’était hallucinant. Non? C’était de l’émotion? Ok mais…

Avez-vous constaté aussi que, au lendemain du décès du Maréchal, les informations n’ont pas aisément  circulé. Tout a été verrouillé aux premiers jours et aux premières heures. Les rumeurs et les « fakes news » ont envoûté les Tchadiens. Bref, c’était plus de peur que de la rumeur vénéneuse. Bon en notre « République presque Gondwanaise » on a réussi, pour l’instant, une succession dynastique en douceur. Le cataclysme prévu s’est éloigné, mais il faut continuer à surveiller la « marmite Tchad » comme du lait sur le feu ardent des passions du pouvoir.


Enfin, les Tchadiens ont un Conseil Militaire de Transition muet. Pas étonnant ce sont les plus gradés de la grande muette. Ils ont également un Premier ministre sans envergure. Ils feront avec. Ils ont opposition démocratique « gaga », ils l’observent. Ils ont société civile fâchée, ils la surveillent. Ils ont une diaspora excitée, ils s’en amusent. Malgré à ces tensions, les Tchadiens sont, étonnement, stoïques. Un vieux papa m’a dit « mon fils, les gens s’agitent, mais Allah à son plan ». Allah? Avec le ramadan, je lâche prise. J’avais envie de lui crier « Allah n’est pas obligé » comme le titre du roman du célèbre écrivain ivoirien Amadou Kourouma. Je me suis abstenu. Et j’ai monologué dans ma barbe, « sacré Tchadien, fataliste au bout du bout du bout ».

Bello Bakary Mana

Au lendemain des obsèques nationales du président Deby, la situation politico-militaire semble peu à peu se détendre. Le groupe rebelle du FACT se dit prêt au dialogue. Analyse.

La menace rebelle qui plane sur N’Djamena, la capitale politique tchadienne, semble levée, à en croire la déclaration du chef du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), Maqamat Mahdi Ali. Pourtant, il y a quatre jours, les rebelles menaçaient encore de marcher sur N’Djamena bien que le président Deby soit tué au front. Cette menace a laissé les habitants de la capitale dans une confusion et une inquiétude. Revirement au lendemain des obsèques nationales du président Deby.

Sur les ondes de la Rfi, le chef rebelle Maqamat Mahdi Ali a déclaré, ce samedi 24 avril, être pour une issue politique à la crise actuelle au Tchad. Et prêt pour un cessez-le-feu pour dialoguer au tour d’une table avec toutes les composantes de la vie politique et sécuritaire du Tchad. Étant donné que la crise politico-militaire actuelle est née avec la mise sur pied d’un Conseil Militaire de Transition (CMT). Lequel CMT qui est contesté par les rebelles, une grande partie de la classe politique et de la société civile tchadienne. Presque tous réclament un dialogue inclusif et un retour à l’ordre constitutionnel.

Qu’est-ce qui aurait influencé Mahamat Mahdi Ali, pourtant déterminé avec ses éléments à renverser le pouvoir de N’Djamena ? Est-ce les frappes des forces françaises ? Est-ce la déclaration d’Emmanuel Macron aux funérailles de Deby ? Certainement les deux.

Le 22 avril, soit à la veille des obsèques du président Deby, le groupe rebelle s’est fendu d’un communiqué dans lequel il déclare avoir été bombardé par les forces françaises, sur ordre de la junte militaire au pouvoir. Selon le chargé de communication du groupe rebelle, « l’opération visait à éliminer physiquement leur leader. Mais elle a échoué. » Ces frappes, bien que le bilan n’ait été communiqué jusque-là, auraient considérablement réduit les capacités humaines et matérielles du Fact, déjà affaibli par les combats dans le Kanem.

L’autre élément qui aurait dissuadé le FACT à renoncer à son engagement à renverser le pouvoir en place à N’Djamena est la déclaration aussi musclée que sérieuse du président français Emmanuel Macron. « La France ne laissera jamais personne remettre en cause ni aujourd’hui ni demain l’intégrité et la stabilité du Tchad », a déclaré Emmanuel Macron aux obsèques de Deby. Cela justifie valablement les frappes qui ont été menées sur le groupe rebelle replié au nord du Tchad.

Reste à savoir si le CMT accédera aux demandes des rebelles et de la classe politique qui réclament un dialogue inclusif pour une transition apaisée. Et le CMT, en quête d’une légitimité, n’a rien à perdre en acceptant ce dialogue. 

Christian Allahadjim

Plus que quelques heures, quelques jours…puis c’est fini. La campagne électorale sera bouclée. Les Tchadiens iront aux urnes faire leur choix. La campagne était tellement terne que j’avais eu la peur de la page blanche. Heureusement que le Maréchal candidat était là. Il trouvait toujours une manière de faire parler de lui même si ce n’était pas de la bonne façon. Ma peur de la feuille blanche s’est donc envolée. Je ne me suis pas efforcé pour résumer et commenter les sorties agressives presque vaniteuses du candidat Deby Itno. Je m’interroge au moment d’écrire cette chronique. Que cache la nervosité du Maréchal ? Deux célèbres journalistes, sous d’autres cieux, avaient écrit un livre. Et l’avait titré : Un président ne devrait pas dire ça.

J’ai choisi de m’inspirer du titre de leur ouvrage pour intituler ma modeste chronique : Un président sortant ne devrait pas dire ça.

Récapitulatifs et commentaires…

Le 13 mars passé, c’était le jour du grand meeting tenu au stade Idriss Mahamat Ouya à N’Djamena, capitale tchadienne. La vedette était le candidat du Mouvement patriotique du Salut (MPS), parti au pouvoir, Idriss Deby Itno. Il s’était lancé dans un long discours dans un stade rempli à craquer, devant un public acquis à sa cause, il avait, plus d’une heure, fait le show. Il ne s’est attardé sur son bilan et son programme politique, le Maréchal a jeté tout par-dessus le mur du stade. Il s’en est pris violemment à ses opposants qui se sont retirés de la course et aux activistes.   « N’en déplaise à ces illuminés, à ces officines extérieures… » jusqu’à là c’est la campagne électorale et c’est compréhensible. Mais tout a dérapé lorsqu’il a rajouté... « je leur dis ‘damboula hanakoum’ ».

L’expression « Damboula », en arabe tchadien, est une vulgaire insulte. Ces propos injurieux ont enflammé la campagne et les réseaux sociaux. Certains opposants ont appelé à sa démission immédiate. D’autres ont interpellé le procureur à s’autosaisir. Le Maréchal, Président peut-il dire cela ? Le débat faisait rage que….

Entre temps, le Maréchal est déjà dans le Tchad profond. Précisément à Amtimane et à Mongo, deux villes du centre du pays. Il bat campagne. Il se montre dans ses beaux jours à Mongo. Il est magnanime, miséricordieux. Il a accordé son pardon public à un compagnon récalcitrant. Un général qui quelques mois avant a été radié de l’armée pour avoir adressé une lettre critique au président. Il est bienfaisant le président. A Amtimane, le Maréchal était dans ses mauvais jours. Il était véhément. Il rappelle aux électeurs tchadiens le cadeau qu’il leur a apporté au prix du sang et des larmes : la liberté et la démocratie. Et précise, « la démocratie n’est pas venue en avion ni en autobus. Nous l’avons amenée par le combat, par le prix du sang ». Ces propos font réfléchir. Qu’a voulu dire le président ? Veut-il dire que le vote des Tchadiens n’a aucune importance ? Veut-il dire que seules les armes sont les moyens d’imposer une alternance? Un Maréchal ne devrait pas dire ça...

Quelques jours plus tard, le président sortant est dans la ville de Bongor. Il connaît bien celle-ci pour avoir été lycéen. Il était heureux comme tout, esquissant même quelques pas de danse Gourna avant de monter sur le podium. Il a fait des promesses pour tous et pour chacun. Et puis le naturel est vite revenu au galop, « celui qui tentera de perturber cette élection me trouvera sur son chemin ». Et oh surprise, le président avait un cadeau pour ses partisans. Abdelkader Mahamat dit Baba Ladé est présenté, béni et adoubé. Baba Ladé ? Enfin un cadeau grec au bongorois. Baba Laddé ne représente pas la région. Déjà qu’il peine à se représenter lui-même. Il n’a pas bonne presse dans ce coin du pays. Un président sortant n’a pas besoin d’un appui pareil.

5 avril, retour dans la capitale. Le candidat du consensus est dans le 2er arrondissement de la ville. Il prend la parole. Il s’enflamme. Il lâche des coups durs d’un ton guerrier, « qui peut empêcher ces élections ? Je jure, ces chiens errants…tout chien errant…ces chacals… qui tenteront d’empêcher le 11 avril prochain me trouveront sur leur chemin ». Menaces ? Frustration ? Simple provocation ? Le Maréchal a pris goût au buzz. Peut-être parce qu’en face, il n’y a pas de poids lourd politique. Ce pamphlet vise encore les opposants et les activistes qui veulent manifester le 11 avril, jour du vote. Les réseaux sociaux s’enflamment encore. Cette sortie rappelle celle du guide libyen Mouamar Kadafi, en son temps, lorsqu’il traitait ses opposants de « chiens errants, de chacal ».  

Aux dernières nouvelles plusieurs opposants et acteurs de la société civile sont arrêtés. On les soupçonne de terrorisme selon le ministère de la Sécurité publique. Un candidat ne doit pas faire ça.

J’ai fini ma chronique, mais je n’ai toujours pas trouvé réponse à mon interrogation. Que nous cache le candidat président Maréchal Deby Itno ? Un Maréchal ne devrait rien cacher. 

Bello Bakary Mana

La première Dame du Tchad Hinda Deby Itno est sur tous les fronts depuis le lancement de la campagne électorale pour la présidentielle d’avril 2021. Qu’est-ce qui fait courir la première Dame ?

C’est un secret de polichinelle que l’omniprésence de la première Dame aux côtés de son mari de président interroge. La secrétaire particulière du président Deby, Hinda Deby Itno est l’ombre de son époux. Elle est toujours là. En avant de la scène comme à l’arrière-scène. Les années passent et la première Dame semble prendre goût à la politique active. Ce qu’elle ne faisait pas même lorsqu’elle était la présidente de l’OF/MPS. Cette fois-ci, avec la présidentielle d’avril 2021, la première Dame se démarque et s’engage sur la scène politique.

Depuis le lancement de la campagne électorale, Hinda Deby Itno est engagée pour la cause de son époux, Idriss Deby Itno. Ce n’est plus la première dame qui se contentait d’accompagner son époux lors de ses tournées, ses campagnes. Cette fois, elle s’affirme, s’affiche et s’initie à la politique. Seule ou aux côtés de son mari candidat, elle bat campagne : à Abéché, à Massenya, à Bol, à Ati pour convaincre l’électorat de voter le candidat du consensus

Ce n’est pas tout. La surprise vient du fait que la première Dame apparaît sur les posters géants comme colistière de son mari candidat. Du moins pas sur les affiches officielles imprimées par la direction nationale de campagne. L’abus vient des bureaux de soutien au MPS qui affichent le couple présidentiel comme des colistiers. Sa présence sur les posters géants laisse penser cela. Comme le cas Joe Biden et Khamala Haris aux États-Unis ou Patrice Talon et Mariam Chabi Talata au Bénin. Ces exemples ont-ils inspiré Hinda Deby Itno ?

La nouvelle constitution prévoit le poste de vice-président qui est nommé et révoqué par le président. La première dame peut-elle ou veut-elle prétendre à ce poste?

Le dernier mot revient au président Idriss Deby Itno, s’il est réélu, peut-être, la première Dame Hinda Deby Itno sera récompensée comme vice-présidente pour « services rendus au parti et à son époux ». Enfin cette possibilité peut s’avérer loufoque, mais rien n’est à exclure dans cette République de béni-oui-oui.  

Christian Allahadjim

Lorsque j’ai vu les images du président candidat Deby Itno, une seconde après sa publication, coude contre coude avec le chef des Transformateurs Succès Masra, je l’ai montré à un cousin. Il me répond : « Non, ces images sont truquées ». Je lui réponds, « non, elles sont authentiques ». Une autre personne entre dans la pièce. Il regarde les images, il a la même réaction, « non, c’est un montage ».

Un débat s’engage. Je leur dis « a priori, un président qui rencontre son compatriote, il n’y a rien de plus normal. Sauf que le timing est mauvais pour le jeune leader. Et excellent pour le Maréchal ».

Mes deux interlocuteurs lâchent, « tu as raison », mais ils avaient l’air sonné. Pourtant ils ne sont ni membres ni sympathisants des Transformateurs. Ils aimaient simplement l’audace de M. Masra. Ils sont déçus. « Il est comme les autres politiciens, je le présentais. », conclut une troisième personne qui s’est jointe à la discussion.

Voilà. Le génial Maréchal tacticien et stratège, président et candidat sortant vient de réaliser un coup fumant en s’appuyant avec succès sur Succès. Il vient d’effacer son « Damboula présidentiel » et a atténué « la bavure Dillo »

Le chef des Transformateurs vient par cette rencontre de rentrer dans la catégorie de « tous les mêmes », enfin peut-être...

Ensuite, la toile apprend la nouvelle et s’enflamme. Les internautes ont pris d’assaut les réseaux sociaux (RS) pour, en majorité, dénoncer M. Masra. Dans la précipitation, les Transformateurs ont tenté de faire barrage face au feu des critiques. C’était du parler pour parler.

Le lendemain : Conférence de presse au QG des Transformateurs. J’ai écouté et j’ai regardé avec beaucoup d’attention M. Masra accompagné de son Bureau Exécutif sur les RS. Certains ont la tête du mauvais jour. Il y a visiblement du gène dans les regards. La communication du chef était dispersée et surtout elle ne disait rien de plus que la veille. C’était de la redite. J’ai eu le sentiment qu’il parle trop. Il parle tantôt comme un gourou. Oui le gourou de la secte des transformateurs. Tantôt, comme un nationaliste entonnant les premiers mots du premier ver de l’hymne national tchadien : « Ta liberté… ». Et les autres membres du parti complètent le ver « …naîtra de ton courage ». Il y a quelque chose d’hallucinant.

Je ne le comprenais pas. Si j’étais là, je l’aurais certainement interpellé sur sa méthode de presbytérien. Une nouvelle religion est-elle née?

Il enchaîne son introduction avec des « la Terre promise », « Moïse », « Desmund Tutu », « Mandela », « De Klerk », « Martin Luther King » et tutti quanti pour nous convaincre que les Transformateurs ne sont pas un parti comme les autres, mais des « dialogueurs, des solutionneurs ». J’étais perdu. Succès et ses lieutenants sont sur leur comète. Ils parlent d’eux. Pour eux. À eux.

Les Tchadiens veulent qu’il explique le « pourquoi maintenant ? » de cette rencontre. Et s’il reconnaît avoir commis une erreur en acceptant de rencontrer le président Deby à ce moment précis. Mais tout cela lui passait par-dessus la tête.

Pourtant, les erreurs de Succès Masra sont nombreuses. Mais le public lui donnait l’avantage du doute. Et surtout donnait la chance au coureur parce qu’il représente la relève comme Yaya Dillo d’ailleurs.

Il en a commis des erreurs….

Première erreur : adopté la ligne dure avec ses marches et ses critiques acerbes. Aller rencontrer le président presque en catimini, il ne fallait pas. Il devait au moins annoncer la nouvelle avant d’aller à cette rencontre. Cet oubli voulu ou pas, a laissé un goût amer à ses admirateurs et aux Tchadiens.

Deuxième erreur : à quel titre est-il allé rendre visite à celui qui tire les ficelles de la non-reconnaissance de son parti?

Troisième erreur : Masra dans sa communication dit que le président le reconnaît enfin. Il affirme que le président demande qu’on arrête d’emmerder son parti. Il cherche donc la légalité et la légitimité à la présidence. Est-ce la bonne adresse? J’en doute…

Quatrième erreur : le jeune leader dit demander le report de l’élection présidentielle. Très bien. Est-ce qu’il faut le faire à la présidence? N’est-il pas plus indiqué de revendiquer l’annulation de cette élection devant les institutions en charge et devant les médias?

Cinquième erreur : cette rencontre précipitée avec le président et candidat Deby Itno a semé le doute chez les autres chefs de parti. Surtout dans le rang de la nouvelle génération qui demande un dialogue inclusif.

Enfin, après la conférence de presse, les Transformateurs et leur chef ne mesurent toujours pas les dégâts de cette rencontre improvisée. Une rencontre qui a permis au Maréchal d’apaiser les tensions. De baisser les pressions diplomatiques de plus en plus fortes sur son régime. Succès Masra a commis une boulette pour parler vulgairement. Il a servi sciemment ou inconsciemment d’oxygène à un pouvoir à bout de souffle, en bout de course. Pis, il n’en a même pas conscience.

Masra fait comme si rien ne s’est passé en appelant à une nouvelle marche. Sortez de votre bulle M. Succès. Le doute s’est installé. Il faut maintenant le dissiper en donnant des solides gages. Les Tchadiens n’en peuvent plus. Et n’en veulent plus de cette pratique « politicienne » de la politique.

Bello Bakary Mana                                                                                  

Le 16 novembre dernier, le Président de la République, Idriss Déby Itno, par un décret, a prolongé le couvre-feu en vigueur pour une période de deux semaines. Cette prorogation a fait réagir plus d’un Tchadien. Si le couvre-feu aide à contrecarrer la propagation de la pandémie à coronavirus, il est aussi à l’origine des cas d’accidents et d’autres exactions constatées à travers la ville de N’Djamena.

A l’approche de l’heure du couvre-feu, dans les quartiers périphériques de N’Djamena, la circulation devient intense et dangereuse.  Motocyclistes et chauffeurs roulent à tombeau ouvert pour regagner leurs domiciles, rapidement. Entre temps, dans certains carrefours, certains agents des forces de sécurité, matraques et chicottes en main, attendent impatiemment les « malheureux » qui dépasseront l’heure du couvre-feu.

Vers fin octobre, une scène, du moins scandaleuse, s’est produite au rond-point dit « double voie », sur l’axe Jacques Nadjingar dans le 7e arrondissement de N’Djamena. Une jeune dame au volant de sa moto a été interceptée vers 21h05mn par les forces de sécurité en faction pour veiller aux horaires du couvre-feu. Selon ses dires, elle se rendait au chevet de sa maman mourante à l’hôpital. « Je veux voir ma maman ! Ma maman est en train de mourir » lance-t-elle. Notre reporter qui a été lui également arrêté, malgré la présentation de sa carte professionnelle, suit de près la scène. La jeune dame, la trentaine environ, tente de s’expliquer en vain. Elle éclate en sanglots. Exacerbée par le comportement des forces de sécurité qui refusent d’entendre mots, elle se déshabille. Cet acte, une femme dénudée, qui devrait interpeller les éléments de force de sécurité ne les gêne absolument pas. Au contraire, « raboutoua » lance l’un d’eux en Arabe locale pour dire « attachez-là ». Sur la vingtaine de personnes arrêtées, personne n’arrive à venir au secours de la jeune dame. Il a fallu l’arrivée du « chef secteur » aux environs de 00h00 pour commencer à libérer certaines personnes, notre reporter y compris. 

Ce fait n’est pas isolé. Si de manière formelle, aucun acte officiel, ne fait exceptions aux personnes pouvant circuler au-delà des heures du couvre-feu, certaines catégories socioprofessionnelles en souffrent. Journalistes et personnels de santé par exemple qui finissent leurs services tard sont souvent victimes des exactions des forces de sécurité. Certains agents qui savent lire et écrire couramment le français comprennent facilement les « hommes de la presse », à la présentation de leurs cartes professionnelles.  Mais, il y en a d’autres qui refusent toutes explications. Parfois certains responsables des médias en sont victimes.  C’est le cas du rédacteur en chef de la Radiodiffusion nationale tchadienne qui a été battu par la force mixte alors qu’il rentrait du travail. L’affaire est actuellement pendante en justice. Les exemples sont légion. La sous-directrice de l’information en ligne de l’Agence tchadienne de presse et d’édition avait vu également sa moto arrachée à l’approche de l’heure du couvre-feu par les mêmes éléments de force de sécurité, alors qu’elle rentrait du bureau, après une séance de travail.

La recrudescence de ces exactions a fait réagir le bureau de l’Union des journalistes tchadiens (UJT). Par un communiqué, l’UJT a dénoncé « un traitement malveillant dont sont continuellement victimes les journalistes, souvent pris à partie par ceux-là mêmes qui sont censés les protéger dans le cadre de leur mission d’informer le public ». Selon l’UJT, il est aberrant qu’au nom de la lutte contre le Coronavirus soient quotidiennement l’objet de brimade, brigandage et de traitements dégradants de la part des éléments des forces de l’ordre malintentionnés déployés dans les rues.

Le couvre-feu fait vraisemblablement plus de victimes que la pandémie de coronavirus elle-même.  Chaque semaine des cas d’accidents sont enregistrés à l’approche de l’heure du couvre-feu. Ces faits doivent interpeller les autorités afin de recadrer les choses. Car, on le sait tous, les mesures barrières édictées pour contrecarrer la propagation de la Covid-19 sont foulées au pied par la population. Les attroupements et autres rassemblements ont repris de plus belle. Les débits de boisson sont pris d’assaut à condition de libérer les lieux avant 21h00. Seul le port de masque est d’actualité.

Enfin, le couvre-feu est devenu un vrai business à grand profit. Les engins récupérés sont systématiquement conduits à la Coordination située au quartier Moursal, plus exactement à l’École de Police. Pour récupérer son engin, le propriétaire doit débourser un montant. Le propriétaire d’une camionnette doit payer 100 000 F CFA. Une voiture berline, c’est 60 000 F CFA. Et 20 000 F CFA pour une motocyclette. Une fois collecté, personne ne sait où va cet argent. En cette période de crise, certains Tchadiens font les poches d’autres au nom de la Covid-19. Ce couvre-feu insensé devient de plus en plus un « couvre poche » au grand dam des citoyens. Il faudra, rapidement, arrêter ce couvre-feu sinon les dérapages iront grandissants.

La grogne aussi. Elle a déjà commencé avec les personnels soignants du centre de tests PCR à l’hôpital de la Référence de N’Djamena où le corps médical a décidé de travailler seulement de 8h à 14h. Alors qu’avant, ils travaillaient de 8h à 16h. Raison : Ils ne perçoivent pas les avantages liés à leur mobilisation par exemple de l’eau et de quoi se nourrir. Pourtant les tests PCR destinés à la gratuité au début, se paient aujourd’hui 15 000 F CFA par tête. L’argent dit on est collecté pour être acheminé vers une destination inconnue. Et les agents de santé mobilisés en première ligne pour combattre la pandémie sont abandonnés, le ventre creux et la gorge sèche, sans aucun scrupule. Cela aussi doit changer.

Ngonn Lokar Maurice

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