Chronique

Chronique (93)

Le Tchad a annoncé la rupture des accords de défense le liant à la France. Vous avez tous été surpris comme moi par cette annonce, tard dans la nuit dans, du communiqué du ministre des Affaires Étrangère tchadien Abdramane Koulamallah. Cette phrase dans le communiqué a attiré mon attention, « il est temps pour le pays d’affirmer sa souveraineté pleine et entière ». Si vraiment, c’est l’objectif, c’est une excellente nouvelle.

Après la surprise a suivi la confusion. Combien d’accords il y a? Quels sont les genres d’accords? Lesquels sont concernés? Quelles sont les différences ? Dans ma curiosité effrénée, je me suis tourné vers des experts pour différencier un accord  de coopération de défense d’un accord de défense tout court. Je vous explique en français facile, rapide et « gourloum »

Un accord de coopération de défense est un accord qui permet à des experts d’un État étranger de venir faire de la coopération en matière de défense. Il ne permet pas d’intervenir en cas d’agression contre l’État tchadien.

Un accord de défense entre deux pays. C’est un accord qui permet aux forces françaises d’intervenir en cas d’agression contre le Tchad. Le contraire est aussi vrai. Il permet aussi au Tchad d’intervenir si la France est agressée par un autre pays.

Maintenant, le communiqué du gouvernement tchadien ne précise pas de quel accord il s’agit? Concerne-t-il tous les accords? Les bases militaires françaises doivent-elles être démantelées? Ce qui continue a suscité beaucoup de confusions. Rien n’a été clair comme la sortie du président sénégalais Bassirou Djomaye Fall qui a clairement demandé le départ de l’armée française de son pays et la fermeture de ses bases militaires.

La France a dit prendre acte. Sans plus. Cette attitude s’explique par la crainte que la classe politique du pouvoir ou de l’opposition ne fassent de la « récupération politique » avec ce dossier. Et sciemment ou inconsciemment, ne pousse la rue tchadienne à s’enflammer. Mais entre les lignes du communiqué on peut décrypter que la France est ouverte à d’autres négociations pour un nouvel accord.

Il faut signaler deux choses importantes : le « timing » de cette sortie tchadienne et le contexte.

Le « timing », c’est après la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot au pays. Y a-t-il eu des discussions qui n’ont pas fait plaisir aux autorités tchadiennes? Qu’est-ce qui a été discuté?

Le « contexte », le Tchad est convoité par des puissances rivales comme la Chine, la Russie et même la Turquie compte tenu de sa position stratégique au Sahel. Un Sahel qui bouge et fait bousculer avec lui intérêts et convoitises.

Alors je me permets d’évoquer quelques  hypothèses…

Première hypothèse : Fort probablement les autorités tchadiennes et françaises discutent sur comment renégocier, réadapter, adoptés, prolonger, rajouter, choisissez le mot qui vous convient pour parachever les accords militaires. Il faut rappeler que la France a bien annoncé son intention de réaménager en diminuant son dispositif militaire en Afrique. Le Tchad en fait partie. Dans les discussions et les explications entre pays, le Tchad n’est peut-être plus satisfait de la nouvelle reconfiguration. Et donc jugerait inutile voire gênant la présence militaire française au pays. Ou il y a eu, peut-être, une mésentente.

Deuxième hypothèse : Le conflit soudanais, ses répercussions et ses implications au Tchad pourraient avoir créé des divergences entre les deux partenaires.

Troisième hypothèse : Ce sont les possibilités d’offre le redimensionnement de la présence militaire française pour faire des accords avec d’autres puissances. Par exemple la Russie, la Turquie ou la Chine. Ou bien alors cette possibilité permet aux autorités tchadiennes de faire monter les enchères et obtenir de la France un plus « chouia ».

Les anglais disent, « it takes two to tango », ( ça prend deux personnes pour danser le tango). Je crois que c’est parti pour une longue danse de tango entre les deux pays. Et au moment de publier ma chronique, je crois que rien n’est encore joué.

Mon téléphone sonne, c’est un appel du service de la presse présidentielle m’invitant à assister à un point de presse du président de la République.

Dimanche soir, 1er décembre. Il est 20h 15 min lorsque le président de la République s’adresse à la nation. Il confirme la rupture de la coopération militaire entre la France et le Tchad au motif que le présent accord est désuet. Que les temps ont changé. Et que cet accord n’apporte aucune valeur ajoutée dans la lutte contre le terrorisme et la défense de la patrie.  La clarification que j’attendais n’est toujours pas au rendez-vous. Le président a été prudent. Il soutient qu’il ne s’agit pas de remplacer une puissance par une autre, mais que c’est une question de souveraineté. Je suis arrivé à la conclusion qu’il y aura fort probablement un nouvel accord dans les jours et les mois prochains entre les deux pays. Je suis toujours confus.

Bello Bakary Mana

J’ai failli rater l’occasion d’aller vivre avec les confrères journalistes sur le terrain l’opération Haskanite. Il faut dire que c’était ma faute. J’étais injoignable. La technologie m’a joué un tour pour quelques 24h. J’ai été repêché par le ministère à la dernière minute après que j’ai pu me reconnecter au monde de la technologie. J’ai envoyé un message accusateur à qui de droit… 

Moi : « Finalement, vous êtes parti sans moi? Ou bien?... ».

La réponse m’est vite revenue..

Lui : « Bello, demain 6h du matin on se retrouve à la Base militaire Adji Kossei ».

J’ai hésité entre ces deux choix cornéliens. Aller voir, toucher, raconter, informer sur l’opération Haskanite au Lac ou bien participer à la consultation publique de la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA) qui veut adopter un cahier de charges de Web Télévision et de Web radio? Un sujet qui m’intéresse en tant que journaliste et  président de l’Association des Médias en ligne du Tchad (AMET). Moi et mes amis nous nous sommes préparés à y aller avec des arguments juridiques bien ciselés. Nous venions de sortir d’une empoignade médiatique avec la HAMA et son président au sujet de leur insistance à vouloir interdire illégalement aux médias en ligne la production audiovisuelle. J’avais envie d’aller en découdre gentiment avec mes amis de la HAMA. J’ai choisi d’aller faire des reportages sur-le-champ de l’opération Haskanite . D’autres collègues s’en sont occupés.

Vendredi 6h du matin. Je suis le premier à arriver au rendez-vous à la Base militaire Adji Kossei. Peu à peu, les autres arrivaient en petits groupes de 2, 3 personnes. Trente-cinq minutes plus tard, nous sommes 15 ou plus à embarquer.

6h 38 min. L’équipage démarre l’hélicoptère pour peut-être le chauffer avant le décollage. Les larges hélices bruyantes tournent à pleine capacité et donnent des petites secousses faisant dandiner les occupants. Les portes se font fermer par un jeune militaire, casque d’écoute à la tête comme dans un studio radio. L’avion bouge en dandinant plus fortement. Je croyais qu’il allait décoller sur place comme j’ai l’habitude de voir dans les films de guerre. Non, il a roulé un peu avant de prendre son envol. C’est réussi. Il était 6h 50 minutes. La vue aérienne était impeccable. Mes confrères se sont jetés sur leurs appareils photos ou téléphones pour photographier, faire des vidéos, comme pour se venger de l’interdiction de filmer lorsqu’on était au sol. Cette année la saison de pluie a été lourde. Des étangs d’eau et des zones inondées encerclent la capitale tchadienne, N’Djamena.

50 minutes plus tard, des îlots commencent à apparaître. Sommes-nous déjà au Lac? Des îlots, nous sommes passés à des îles de plus en plus grandes. De l’eau à perte de vue. Je me disais à moi-même, « je ne savais pas qu’il a autant d’eau dans la partie septentrionale de notre pays. Je me rends compte que la saison des pluies vient de finir. Et le pays a subi d’énormes inondations ». Je reviens à moi. Je demande au militaire assis en face de moi si on est au-dessus du Lac Tchad? « Oui. C’est un vol de 50 min à 1h de temps », me souffle-t-il à l’oreille. Je jette un coup d’œil sur la montre de mon téléphone. C’est exact. Il y a à peu près 45 min qu’on vole.

Ah! Le Lac Tchad est sous notre hélicoptère. Il est immense. Magnifique. Majestueux. Je n’avais vu que le bras à Bol, capitale régionale, il y a quelque 5 ans. Les bras m’en sont tombés. J’étais saisi d’une émotion indescriptible. Émotions et interrogations se bousculaient dans ma tête. Soudainement, une petite colère m’envahit. Je réfléchis à basse voix, « on n’a rien fait de ce don de Dieu. De cette immense ressource. On en tire que des miettes. On a rien fait pour l’exploiter, pour développer la région. Développer cette zone est la meilleure arme contre Boko Haram. Qui ne l’aurait pas fait à notre place? » Entre temps, l’hélicoptère baisse en altitude, la manœuvre évacue ma sourde colère. J’avais les yeux écarquillés de curiosité. Je tournais et retournais mon regard à travers le hublot ouvert aux vents qui nous servait de ventilateur.

7h 41 minutes. Atterrissage réussi. La porte s’ouvre. Les journalistes descendent en premier. Le ministre est dernier à descendre, crépitements des appareils. Bousculades des caméras. C’est le protocole d’usage. Des militaires partout. Fin du protocole. On se disperse, chacun accoure pour embarquer dans le premier véhicule militaire disponible destination la résidence du préfet. Je réussis à monter dans une des camionnettes. Le chauffeur roulait à grande vitesse. Les quelques minutes de route sont devenues un enfer. Il fallait s’accrocher sinon on peut facilement être éjecté du véhicule. Je me suis agrippé aux miliaires et à une roue de secours jeté au milieu de la caisse arrière. Le travail au terrain a commencé. Le journaliste est aussi un soldat, mais un soldat de l’information.

Bello Bakary Mana

L’annonce par l’Agence nationale chargée de la gestion des élections (ANGE) recalant le Secrétaire général du parti au pouvoir le Mouvement patriotique du Salut (MPS), Mahamat Zene Bada, des élections législatives a surpris les Tchadiens et la sphère politique. Personne ne l’a vu venir. L’Affaire continue de défrayer la chronique. Pourtant Zene Bada n’est pas seul, mais il est la tête d’affiche. Il y a 4 autres de ses compagnons qui ont subi le même sort. Il faut préciser que cette disqualification du SG est temporaire. Il a le droit de faire recours. Mais son entourage dit que « la bête politique est blessée ». Son amour-propre a pris un coup. Un coup dur. Il n’usera, peut-être pas, du droit de recours. L’obstacle judiciaire est insurmontable. Celui qui a prononcé le divorce du parti présidentiel de ses alliés de la coalition Tchad unie s’est fait à son tour divorcer des élections législatives par l’ANGE. Alors, comment Zene Bada n’a-t-il pas vu venir ce coup dur ?

D’abord, le père de la chansonnette improvisée « ial djidad kalamoum kammal » (les poussins sont achevés), « ial canards Kalamoum kammal » (les canetons sont achevés), faisant allusion à la défaite des candidats de l’opposition à l’élection présidentielle était trop sûr de lui. Tellement sûr de lui qu’il a oublié que son passé de condamné était son talon d’Achille. Qu’il a trop d’ennemis. Beaucoup trop. Il était difficile pour lui de tous les neutraliser. Ils sont partout, des entrailles de la présidence jusqu’au cœur de l’establishment du parti. Il était encerclé. Il était craint pour son ambition insatiable et ses capacités de tribun, mais aimé par les militants et surtout les militants N’djamenois pour sa générosité. Ses ennemis disent qu’il est brouillon, manipulateur, arrogant et méchant. Zene Bada dit un chef de parti sous le sceau de l’anonymat est à la fois tout cela.

Ensuite, le SG a commis plusieurs erreurs, dont 4 majeures

Première erreur. C’est d’avoir, après la mort de son ami, frère et compagnon le Maréchal Idriss Deby Itno, tenu la ligne dure durant les premiers moments de la naissance du Conseil Militaire de transition (CMT). Parti en France pour des soins, il a été éjecté de façon cavalière de son siège de SG du parti. Il revient, participe au Dialogue national et reprend son siège de SG pour être directeur de la campagne présidentielle sans assurer ses arrières.

Deuxième erreur. Au lendemain de cette élection présidentielle, en direct lors du banquet consacrant la victoire du candidat de son camp, le président Mahamat Idriss Deby Itno l’a rabroué publiquement sans mettre du tact au sujet de la chansonnette. C’était un désaveu et un avertissement. Comme on dit en pays peul « l’ami du papa n’est pas l’ami du fils ».  Ce que le Maréchal père Deby permettait à son ami et frère Zene Bada, le Général fils Deby ne le lui permet pas. Il a cru à la présidence qui le caressait à coup de « tonton ceci », « tonton cela » que la présidence de la future Assemblée nationale lui était réservée. Ce qui lui a fait pousser des ailes, affirment ses détracteurs.

Troisième erreur. C’est de n’avoir pas négocié son amnistie. Et surtout d’avoir été libéré provisoirement lors de sa détention à cause de décès dans sa famille. Le condamné s’est permis de sortir, mais n’est plus revenu. Une erreur incompréhensible, car il pouvait à tout moment être arrêté et remis en prison avant la grâce présidentielle. Et voilà que patatras il s’est fait prendre dans le « casier à homards »  par l’ANGE.

Quatrième erreur. Il a eu de la misère à se faire accepter à Bitkine au Guera, le berceau paternel. Il a fallu tordre des bras.

Question : À qui profite le « crime »? À beaucoup de monde. À commencer par la présidence qui se débarrasse de l’encombrant SG qui a cristallisé beaucoup de mécontentements de plusieurs candidats à la députation du MPS pour les législatives de décembre prochain. Cette disqualification permet aussi à la présidence de se donner une image de neutralité et de droiture face aux repris de justice qui encombrent les couloirs du parti. Et qui ambitionnent d’occuper des postes dans l’appareil de l’État et de la future Assemblée nationale. Les soutiens de Zene, eux, affirment en privée que cette disqualification n’est pas liée à sa condamnation. Elle n’est pas l’œuvre de l’ANGE, mais plutôt celle d’une main qui vient « d’en haut de l’en Haut »  et fait porter à l’ANGE le prononcé du divorce du « divorceur » au prétexte que son casier judiciaire est sale.

Enfin, « La grâce présidentielle ça sert à quoi? », lancent ses admirateurs. « Il n’a pas été amnistié », répliquent ses ennemis. Me Ahmat Idriss alias Lyadish avocat tchadien au Barreau Français exerçant hors du pays, affirme « il y a plusieurs motifs d’annulation de la décision de l’ANGE ». La saga Zene Bada est peut-être loin d’être fort clos comme disent les juristes.

Bello Bakary Mana

C’est pour la deuxième fois que la France à travers son Parquet national financier (PNF) vise le président tchadien Mahamat Idriss Deby Itno.

La première enquête concernait l’achat des costumes et le 23 août dernier, le journal français Mediapart a révélé que le patrimoine immobilier de Mahamat  Idriss Deby et sa famille est évalué à au moins 30 millions d’euros.  Ces révélations fracassantes lèvent le voile sur la crise entre l’Élysée et le Palais Toumaï.        

Depuis que le président tchadien Mahamat  Idriss Deby Itno a effectué une visite à Moscou en Russie en janvier 2024 et la récente visite du ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov, les relations entre la France et le Tchad ne sont plus au beau fixe. « Au lendemain de la mort du Deby père, la France a adoubé Deby fils pour préserver certains de ses intérêts comme la lutte le terrorisme dans le Sahel et d’autres accords bilatéraux signés entre la France et le Tchad au temps du Maréchal Idriss Deby Itno. Mais, le déplacement de Mahamat  au Kremlin pour rencontrer Poutine a été vu par les Français comme une trahison. Sinon comment comprendre que Mahamat Idriss Deby arrive en Russie le 24 janvier et dès son retour au pays, la France sort une histoire que le président dépense un million d’euros pour l’achat de costumes », estime des sources au Palais Toumaï de N’Djaména contactée par Ialtchad.  Les mêmes sources font savoir qu’avec cette deuxième enquête, c’est une pression que l’Élysée veut faire sur Mahamat Idriss Deby Itno par rapport à son rapprochement avec la Russie et d’autres partenaires considérés comme ennemis de la France.

« A ce stade, ce sont des biens immobiliers, des appartements de prestige de haut standing de luxe et d’autres appartenant à plusieurs membres de ce qu’on pourrait appeler le clan Deby. Ce sont des achats qui datent au début 2000 et ça peut évidemment concerner également les pratiques de Deby père tué en 2021 et de son fils Mahamat qui a pris les rênes du pays et élu dans les circonstances dénoncées par les ONG et certaines chancelleries occidentales », a justifié sur les antennes de RFI Fabrice Arfi, coauteur de l’enquête de Mediapart.

Cette affaire semble prendre de l’ampleur. Et a, apparemment vexé, selon les plusieurs sources, le jeune président tchadien qui est tenté de faire plus de place au Tchad à la Russie, mais qui semble hésité de peur que la France ne nuise à son fragile pouvoir. Pour l’instant, il maintiendra sa ligne : faire cohabiter l’ours russe (Russie) et le coq gaulois (France). Il boude la France, mais n’ira pas à la confrontation et à la rupture, disent plusieurs observateurs. « Il sera mieux avisé de faire le dos rond pour laisser passer la tempête. Malheureusement l’Élysée ne peut rien faire pour lui. En France la justice est indépendante », affirme l’entourage du président français.

Amadou  Voundia

Le Premier ministre Allah-Maye Halina a annoncé que l’année académique  2024-2025 au Tchad, l’admission est gratuite pour les filles dans toutes les universités  et les institutions de l’enseignement supérieur public. Cette déclaration du chef du gouvernement, encourageante semble être momentanée si d’autres mesures d’accompagnement ne sont pas prises pour permettre aux jeunes filles de finir le cursus primaire et secondaire.  

Beaucoup de filles s’inscrivent à l’école, mais peu franchissent le seuil du second cycle au Tchad. D’après l’Institut des statistiques de l’Unesco, le taux d’achèvement de l’enseignement primaire était de 38  %  en 2021. Cependant, le taux d’achèvement du premier cycle de l’enseignement secondaire relève de 14,1 %  pour les filles.

Certes, l’annonce du Premier ministre va  peut-être hausser le taux et augmenter le nombre de filles au supérieur. Mais le véritable problème est au niveau du cycle primaire à cause du phénomène de mariage précoce et de grossesse aussi précoce. « Je crois que c'est une annonce qui aura un effet positif. La proportion de la gent féminine au niveau de l'enseignement supérieur est très faible. Cela s'explique en grande partie par des choix familiaux lorsque les parents sont pauvres le réflexe est de privilégier la scolarisation des garçons au détriment des filles. Parce que pour plusieurs familles, la fille est faite pour le foyer », fait savoir Dr  Yamingué Bétinbaye,  analyste  politique et directeur du Centre de Recherche en Anthropologie et Sciences humaines. Il rajoute que les filles sont  confrontées à d'autres contraintes comme le harcèlement de leurs condisciples garçons, « et même de certains enseignants, du coup elles sont désorientées, découragées ».

Tout en saluant la déclaration du chef du gouvernement, Dr  Yamingué Bétinbaye martèle que l’État doit lever toutes les barrières qui entravent la scolarisation des filles tchadiennes. « Cela leur donne la possibilité de ne pas douter de leur chance d’accéder à l'enseignement supérieur. Il y a beaucoup de jeunes filles qui sont  à N’Djamena, après leur baccalauréat, elles ne réussissent pas à s'inscrire à l'université faute des moyens financiers. Elles sont obligées de blanchir une ou deux années pour aller à la recherche de ressources financières avant de s'inscrire dans un centre de formation ou à l’université », renseigne-t-il.

M. Bétinbaye suggère que pour maintenir les filles jusqu'au supérieur, il faudrait lever toutes les barrières qui entravent leur progression à l’école de la maternelle jusqu'au supérieur. « Il faut se mobiliser pour minimiser certains facteurs socioculturels coriaces et apporter du sang neuf dans la société tchadienne pour que la grande partie de la population accepte les mesures entreprises ».

Nadège Riradjim

Le Tchad rédige souvent des beaux textes et prend des décisions importantes pour régler certains problèmes. Toujours est-il que le respect et le suivi de ces décisions ne sont pas toujours au rendez-vous à cause du laxisme de l’État et de l’incivisme de la population.

À tout moment, les délais donnés pour l’application de telle ou telle autre décision sont soit reportés, soit suspendus. Pour preuve, la nouvelle mesure concernant le contrôle des pièces des engins à quatre roues et plus devrait entrer en vigueur pour la première fois le 25 juin dernier, mais vu la forte demande, le contrôleur général de la Police avait reporté une deuxième fois pour le 15 juillet. Selon les termes du communiqué du report, ce temps permettra aux retardataires de se conformer aux exigences.

Les usagers dénoncent les dérives de la force mixte, chargée du contrôle qui inflige des amendes importantes aux personnes en infraction et même celles en règle. Les forces de l’ordre, la gendarmerie, la police et la garde nationale et parlent d’un désordre orchestré par les usagers eux-mêmes.

Dans cet imbroglio, la responsabilité est partagée. L’incivisme des citoyens n’est pas tolérable. Il est difficile aux Tchadiens de respecter les moindres mesures hygiéniques. Les exemples sont légion : le déversement des ordures dans la rue, la défécation à l’air libre, le port de casque, l’interdiction de port d’armes à l’école ou dans des lieux publics, la corruption sont des interdits qui sont toujours d’actualité. Les forces de l’ordre qui sont censées faire appliquer les lois commettent elles-mêmes parfois des infractions. Du haut niveau des autorités jusqu’aux citoyens, les lois sont piétinées. Chacun y voit seulement son intérêt. Sinon comment comprendre que des lois, décisions et circulaires sont prises à chaque occasion sans impact considérable ?   Alors que nul n’est au-dessus de la loi. Peut-on développer un pays sans le respect les textes de la République ? Non. Impossible.

Amadou Voundia

J’ai pigé pour vous trois moments marquants de ces dernières semaines pour l’examiner froidement pour vous. Et  les analyser pour mieux les comprendre. J’avoue que c’est difficile, mais même tardif l’exercice vaut la peine…
 
D’abord, le programme du gouvernement Halina. Le nouveau Premier ministre (PM) Allah Maye Halina a présenté le programme de son gouvernement. Dans les faits ce sont les promesses du candidat élu président, Mahamat Idriss Deby. Ce programme est un vaste chantier. Qui de mieux que le PM Halina, comme maçon, pour exécuter ce gigantesque chantier constitué de 12 petits chantiers? Je viens de comprendre le choix du président en nommant M. Halina PM. Il est fidèle, loyal et ne dérogera pas aux instructions du locataire du Palais Toumaï.
 
De tous les chantiers, celui de rendre l’eau et l’énergie accessible à tous est le plus intéressant. L’eau potable pour tous est une nécessité absolue. Si j’étais le conseiller du président, je lui aurait soufflé à l’oreille de rendre cette ressource gratuite pour tous. Reste que le PM n’a pas dit dans son programme comment faire? Avec quel moyen? Quel est le délai ? Sinon ce chantier restera un discours, une promesse comme une autre. Il a aussi annoncé la baisse progressive du prix du gasoil qui passe de 828 F CFA à 800 F CFA et celui de l’essence de 730 F CFA à 700 F CFA. C’est mieux que rien. Mais alors, pourquoi ne les avoir pas ramené au prix initial, 518F pour le super et  700F pour le gasoil?
 
Ensuite, la visite éclair de Lavrov. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov est passé pour quelques heures le 5 juin dernier à N’Djamena, la capitale. Depuis quelques mois l’ours russe fait des yeux doux au président bédouin. Il s’est même rendu en visite à Moscou quelques mois auparavant pour, dit-il, diversifié les relations du pays. Il clame souvent la souveraineté de son pays qui lui permet de tisser de relation avec qui il veut et quand il veut. Il faut dire que l’ours russe rêve de chasser le coq gaulois (la France) de sa bassecour, le Tchad. Cette nouvelle relation russo-tchadienne n’enchante pas le coq gaulois. En conférence de presse, M. Lavrov a d’abord calmé les choses en soutenant que cette relation ne va pas influencer le rapport entre le Tchad et la France. Quelques phrases après, il n’a pas pu s’empêcher de décocher une flèche vers la France en affirmant que « c’est la France qui demande aux autres de choisir leurs amis et leurs ennemis ». Fierté tchadienne piquée au vif,  le nouveau ministre des Affaires étrangères Abdramane Koulammah s’est lâché en lançant son « …nous ne sommes l’esclave de personnes. Ni de la France, ni de la Russie, ni d’aucune puissance ». Sans s’en rendre compte, la conférence de presse a tourné sur les relations franco-tchadiennes qui risquent de se tendre dans les prochains mois. Je crois que le général président Mahamat Idriss Deby tentera de faire cohabiter l’ours et le coq. Il fera l’équilibriste. C’est une question de survie, d’intérêts et de «si tu me tiens par ma barbichette, moi aussi je te tiens par ta crête. Si tu ne te tiens pas tranquille, je te lâche mon nouvel ami, l’ours ».
 
Enfin, la réserve stratégique de l’armée à Goudji explose. Dans la nuit du 18 à 19 juin, les habitants de N’Djamena ont vécu l’effroi. Dans mon quartier, rue de 30 mètres, la force des déflagrations secouait les murs des maisons, faisaient éclater les vitres, faisaient vaciller les hangars. Je n’ai pas supporté de me cloîtrer à l’intérieur. Je suis sorti. Dehors, les explosions tonnaient, au loin on voyait le feu éclaircir la noirceur de la nuit, les obus sifflaient en déchirant le ciel de leur vitesse pour exploser plus loin. Cela a duré plus d’une heure. J’ai couru chez mon voisin pour chercher des informations, c’est un homme bien informé. Il me dit, « c’est le dépôt d’armes de Goudji qui a pris feu ». Le lendemain, le gouvernement annonce 9 morts et une quarantaine de blessés. Je crois qu’il y a eu plus de morts et des blessés. Quatre ministres sont envoyés pour faire face aux journalistes. Ils se sont loyalement contredits. Depuis, des interrogations remplissent la ville. Des rumeurs de toute sorte circulent. Est-ce un incident? Est-ce un attentat? Des affirmations fusent, du genre « ce n’est pas anodin ». Le président de la République demande une enquête. Sera-t-elle une enquête indépendante? Des scénarios les plus fous sont évoqués. Les Tchadiens commentent, argumentent, chacun à sa version. Ils s’accordent sur une chose : la version officielle ne les convainc pas. Déjà, les « rumeurs n’Ndjaménoises » ont étouffé tout le reste. Les résultats de l’enquête ne les convaincront pas plus.

Bello Bakary Mana

Les rideaux sont tombés sur le théâtre politique de la transition. C’est la fin. Une nouvelle page politique s’est ouverte avec l’investiture du président Mahamat Idriss Deby Itno le 23 mai dernier, la nomination d’un nouveau Premier ministre (PM) M. Allah-Maye Halina et la formation du gouvernement. Il y a-t-il de changement? Non. Pourquoi?
 
D’abord, le Premier président de la 5e République a placé son investiture sous l’angle du changement. Il a repris quasiment toutes ses principales promesses de campagne. 70% de dépenses de l’État iront au social : des hôpitaux et des routes seront construits, des soins seront prodigués gratuitement, l’école tchadienne sera refondée, une armée modernisée verra jour, etc. Toutes ces promesses sont arrosées d’un « je vous ai compris » à la Charles de Gaule. A-t-il vraiment compris les Tchadiens? Souhaite-t-il le changement comme il le clame? Pas sûr.
 
La preuve, c’est la nomination de M. Halina comme PM. Le président a certainement opté pour la loyauté, mais au sortir d’une transition avec des élections contestées, est-ce le bon choix? Non. Ce PM n’est pas politique. Il ne peut pas être un agent de changement. Son équipe non plus. Pis, il a très peu d’expérience gouvernementale. Pourra-t-il, au moins, faire de bons arbitrages face à certains poids lourds du gouvernement? Pas sûr. On sait l’admiration du président pour le nouveau PM lorsqu’il disait dans son livre autobiographique « De Bédouin à Président », que c’était comme son « grand frère ». Alors cette nomination est-elle sentimentale ? Chose certaine, la présidence veut une primature docile, avec M. Halina elle sera totalement soumise.
 
Aussi, le clou dans le cercueil du « changement » est illustré par la composition du gouvernement. Qu’est-ce qu’il y a de nouveau? Rien. Presque, la même équipe est reconduite. Il y a certes quelques nouvelles têtes qui ont fait leur entrée, mais elles occupent en majorité des rôles secondaires. Ils ne pourront donc pas insuffler le changement. Ceux qui ont cru au changement en ont pour leur compte. Ceux qui voulaient que rien ne change en appelant le nouveau président à ne pas inclure l’opposition sont, eux aussi, déçus. Même le leader de la Coalition Tchad uni et ses membres qui chantaient au lendemain des résultats définitifs « ial djidadd » (les poussins), « ial canard » (canetons), pour se moquer de leurs adversaires politiques sont ko debout. Mahamat Idriss Deby Itno est désormais le seul maître du jeu politique pour les 5 prochaines années. Et c’est bien fait pour ceux qui croyaient être malins. À malin, malin et demi.

Bello Bakary Mana

C’est fini. Le Conseil Constitutionnel a proclamé les résultats définitifs. La transition est close. Le chiffre à retenir est 61%. Mahamat Idriss Deby Itno (MIDI) est désormais président de la République plein. Peu importe les conditions dans lesquelles ces élections se sont déroulées. Peu importe les contestations. Terminé. C’est plié. Maintenant que doit-il faire? Et comment doit-il le faire?

D’abord, il doit marquer une rupture avec le passé. Une vraie rupture. C’est ce que lui a manqué au début de la transition. Et lui a causé de soucis parce qu’il n’a pas su ou pu le faire. Je peux comprendre qu’il voulait ménager la chèvre et le chou en voulant contenter les amis et la famille du père Maréchal, l’aile militaire, l’aile clanique et l’aile politique qui l’ont aidé à s’asseoir sur le fauteuil présidentiel. Et qui s’agrippaient désespérément au système. J’espère que MIDI a compris que les Tchadiens veulent le changement. Il est  donc temps de faire « tabula rasa ». Tout changé. Il faut changer la gouvernance de ce pays avec des gens qui veulent que tout change. Pas avec des gens qui veulent que rien ne change.

Ensuite, je m’attendais à une crise postélectorale majeure, mais sur ce dossier, le nouveau président a su gérer la vraie-fausse crise par son silence. Il y a quelque chose qui a mal tourné dans cette présidentielle, mais personne n’est capable de la nommer. Il a laissé son principal adversaire Succès Masra, comme à son habitude s’agiter, s’avancer, avancer ses arguments, se déclarer vrai vainqueur sans qu’il ait la moindre violence envers lui. Peut-être les horribles tirs de joie qui ont fait des dizaines de morts et de centaines de blessés ont dissuader les Tchadiens mécontents et les plus enragés des militants et sympathisants Transformateurs. Certes des militaires ont été postés partout dans la capitale, mais leur présence étaient plus dissuasive qu’offensive. MIDI a laissé Masra s’embourber dans ses propres contradictions. Tantôt, il conteste les résultats. Tantôt, il veut s’appuyer sur des recours légaux devant le Conseil Constitutionnel. Et à la fin il tente un autre deal, après celui de Kinsasha, celui de Gassi? Il réclame une solution politique. Au moment d’écrire cette chronique, le candidat malheureux, dit toujours être le vrai gagnant et fait appel au « peuple » pour la « terre promise ». Il est un brin irréaliste. Et un peu beaucoup utopique sur les bords. Personne n’ira mourir pour qu’il soit président. Pour l’instant, il a mal joué ses cartes, il doit simplement démissionner de son poste de Premier ministre avant qu’on l’oblige à la démission.

Enfin, cette élection présidentielle rebat les cartes. La crise postélectorale est peut-être derrière MIDI. À lui de prouver à ses amis occidentaux qu’il a été bien élu. À lui aussi de pouvoir faire face aux multiples rebellions qui piaffent de frapper à partir de certains pays voisins. Les Tchadiens, eux, sont fatigués. La question de l’heure est : Qui choisira-t-il comme prochain Premier ministre? De quelle zone du pays proviendra-t-il? MIDI n’a pas un large choix. Il n’a que 2 options. Soit, il atténue les choses en ramenant Pahimi Padacké Albert comme Premier ministre pour la seconde fois durant les 12 prochains mois. Soit, il brise l’électorat du parti les Transformateurs en nommant l’ennemi juré de Succès Masra, Laoukein Kourayo Médard, ex-ministre d’État et ancien maire de la ville de Moundou au poste de Premier ministre avec pour mission de casser l’élan des Transformateurs dans les deux Logones aux prochaines élections législatives.

Bello Bakary Mana

Sans surprise l’Agence nationale de gestion des élections a annoncé les résultats provisoires avec la victoire du candidat de la coalition Tchad uni Mahamat Idriss Deby Itno (MIDI).
 
Selon l’ANGE, il est arrivé premier avec 61,03 %, suivi par son challenger Succès Masra avec 18,53% et en troisième vient l’ancien Premier ministre Pahimi Padacké Albert avec 16,91%. Viennent après ces trois larrons les 7 autres candidats. Le taux de participation est de 75%, toujours selon l’ANGE.
 
Dans ma dernière chronique, j’avais parlé du germe « conflictogène » que charrie cette élection. Je n’ai pas changé d’idée, tout semble calme, pour l’instant, mais comme on dit dans le métier, « il faut attendre pour voir ».
 
Déjà, sans attendre, je constate quelques faits. Pas surprenant dans ce pays, mais divertissant. Pourquoi?
 
Un, parce qu’on n’organise pas des élections pour les perdre en Afrique, dit-on. Je n’en sais rien pour le reste de l’Afrique. Mais je suis sûr d’une chose dans mon pays le Tchad, notre démocratie est une démocratie particulière : elle est celle du plus,  plus, plus fort. Il organise sa bande, se choisis ses opposants, ses marabouts et ainsi de suite. Il organise des élections, des forums, théâtralise le tout à coup de décrets, d’enveloppes et de grosses cylindrées. Pis, il finit dictateur.
 
Deux, parce que pour le cas des résultats provisoires la surprise ne vient pas des résultats eux-mêmes, mais de la rapidité de leur  annonce. 3 jours ont suffi pour que tous les procès-verbaux de toutes les villes, villages, hameaux de notre vaste pays soient acheminés dans la capitale tchadienne, N’Djamena. Un travail de titan qui laisse perplexe même certains caciques du « Kakisme ». Qu’est-ce qu’est le « Kakisme »? C’est un nouveau courant politique, ses adeptes sont des faux gentils à qui tout réussi.
 
Trois, par la naïveté du copilote Succès Masra qui a choisi d’aller au combat sans s’assurer d’avoir des lieutenants au sein de l’organe de gestion des élections (ANGE) et sans toiletter le fichier électoral. Pis, l’homme politique a depuis son retour et sa nomination à la primature s’est senti pousser des ailes en croyant pouvoir, seul défaire un système vieux de plus de 30 ans par de simples slogans. Erreur fatale.
 
Quatre, par la témérité du copilote Masra. Il engage le bras de fer en se déclarant vrai vainqueur des élections. Il lance même des injonctions à son commandant de bord Mahamat. Le copilote ne savait-il pas que c’est le commandant de bord qui a le dernier mot? Le commandant de bord a choisi l’aéroport de la démocratie qui lui est le favorable pour faire atterrir son avion. La surprise c’est la manière avec laquelle il a tout maîtrisé dans le calme et a conduit son vol en traversant des zones de turbulences pour arriver saint et sauf à destination.
 
Bello Bakary Mana

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