Sur les 18 mois prévus pour une transition militaire après la mort du maréchal Deby Itno le 20 avril dernier, plus de 100 jours se sont écoulés. Une feuille de route a été adoptée le 29 juillet passé en conseil des ministres. Trois points fondamentaux en sont ressortis. Certaines plateformes des organisations de la société civile et certains leaders de l’opposition rejettent le décret portant création du comité du dialogue national inclusif.
Les trois axes de la feuille de route de la transition sont : la sécurité, la défense, le dialogue national inclusif, la réforme de textes juridiques issus du dialogue, l’organisation d’un référendum et des élections générales libres et transparentes. Selon le document, la Feuille de Route vise à assurer notamment la continuité de l’État, à préserver les acquis de paix et de stabilité, à poursuivre les projets et programmes de développement.
Premier point, la sécurité et la défense : c’est dans le but de préserver l’intégrité du territoire national et d’assurer le désarmement effectif des civils. « La sécurité des institutions de la transition, des personnes et des biens, la consolidation de l’État de droit et la démocratie, la gouvernance économique et financière doivent être garantis. Le climat sociopolitique apaisé ; les engagements internationaux respectés par le Tchad » sont aussi les autres objectifs de cet axe. Selon le document, cet axe prévoit 22 actions pour un coût de 298,63 milliards de FCFA, soit 30,0% du coût global de la Feuille de Route.
Deuxième point, le Dialogue national inclusif (DNI). La feuille de route note que le gouvernement va veiller à ce que la période de Transition ne soit l’occasion ni d’exactions ni d’actes de vengeances préjudiciables à la cohésion de la Nation. Toujours selon le guide transitoire, les responsables de la transition vont poursuivre les efforts de sensibilisation afin d’apaiser les tensions communautaires et parvenir ainsi à une cohabitation pacifique entre tous les Tchadiens. « Ce dialogue n’éludera aucun sujet d’intérêt national. Il décidera d’un nouveau contrat social pour notre peuple. Le Conseil Militaire de Transition (CMT) et le Gouvernement seront les garants d’un dialogue apaisé, inclusif et bénéfique pour le pays. Ce dialogue pourrait être organisé durant les mois de novembre-décembre 2021 », précise la feuille de route. Pour les finances, le DNI prévoit 46 actions estimées à 424,27 milliards de FCFA, soit 42,6% du coût global de la Feuille de Route.
Des contestations de certaines organisations de la société civile
Plusieurs acteurs déclarent que la composition du comité du DNI n’est pas représentative des acteurs majeurs de la vie politique, sociale et économique. Ils soutiennent que, si ces acteurs ne sont pas suffisamment représentés, cela pourrait rendre exécutoire les décisions et recommandations issues du DNI. Lors de son point de presse, le 05 août dernier monsieur Salibou Garba, président national du parti ADN propose que le DNI revête le caractère de la conférence nationale souveraine de 1993. « On ne ruse pas avec le sort de tout peuple pour la sauvegarde ou la conquête des intérêts personnels ou des petits groupes », déclare Salibou Garba. La plateforme Wakit Tama, rejette purement et simplement le décret 101 du 2 juillet 2021, portant création du comité d’organisation du Dialogue national inclusif, même refrain repris par plusieurs plateformes comme la République en marche. Wakit Tama exige que les politico-militaires soient impliqués à ces assises nationales. Pour eux, la préparation d’un évènement si important pour l’avenir de notre pays doit faire l’objet d’une attention particulière. Lors de son adresse à la nation le, 10 août, le président du CMT, le général Mahamat Idriss Deby fait mention de la participation des politico-militaires au dialogue national. Un comité technique a été mis sur pied le 13 août passé pour examiner les conditions de participation. Les membres du Comité d’organisation sont connus également, le président de l’UNDR Saleh kebzabo occupe le poste de 1er vice-président.
Le dernier axe de la feuille de route consiste à réformer les textes juridiques suivant les résolutions issues du Dialogue et organiser un référendum constitutionnel ainsi que des élections générales libres et transparentes. La mise en œuvre des actions de cet axe a un coût de 273,65 milliards de FCFA, soit 27,5% du coût global de la Feuille de Route. Le document dit aussi que la prise en charge des organes de transition est estimée à 40 milliards de FCFA.
La coordination, le suivi-évaluation de la Feuille de Route seront assurés par deux (02) organes notamment, un Haut Comité de Pilotage et un comité technique. Les recommandations soulignent les missions de négociations bilatérales et l’organisation d’un colloque ou une conférence avec les bailleurs de fonds. La grande question est : qui acceptera de financer ce budget faramineux? Est-ce une stratégie du CMT et du gouvernement pour reporter la Transition? Pour la noyer? Mystère et boule de cristal.
Moyalbaye Nadjasna