Le Tchad a annoncé la rupture des accords de défense le liant à la France. Vous avez tous été surpris comme moi par cette annonce, tard dans la nuit dans, du communiqué du ministre des Affaires Étrangère tchadien Abdramane Koulamallah. Cette phrase dans le communiqué a attiré mon attention, « il est temps pour le pays d’affirmer sa souveraineté pleine et entière ». Si vraiment, c’est l’objectif, c’est une excellente nouvelle.
Après la surprise a suivi la confusion. Combien d’accords il y a? Quels sont les genres d’accords? Lesquels sont concernés? Quelles sont les différences ? Dans ma curiosité effrénée, je me suis tourné vers des experts pour différencier un accord de coopération de défense d’un accord de défense tout court. Je vous explique en français facile, rapide et « gourloum »
Un accord de coopération de défense est un accord qui permet à des experts d’un État étranger de venir faire de la coopération en matière de défense. Il ne permet pas d’intervenir en cas d’agression contre l’État tchadien.
Un accord de défense entre deux pays. C’est un accord qui permet aux forces françaises d’intervenir en cas d’agression contre le Tchad. Le contraire est aussi vrai. Il permet aussi au Tchad d’intervenir si la France est agressée par un autre pays.
Maintenant, le communiqué du gouvernement tchadien ne précise pas de quel accord il s’agit? Concerne-t-il tous les accords? Les bases militaires françaises doivent-elles être démantelées? Ce qui continue a suscité beaucoup de confusions. Rien n’a été clair comme la sortie du président sénégalais Bassirou Djomaye Fall qui a clairement demandé le départ de l’armée française de son pays et la fermeture de ses bases militaires.
La France a dit prendre acte. Sans plus. Cette attitude s’explique par la crainte que la classe politique du pouvoir ou de l’opposition ne fassent de la « récupération politique » avec ce dossier. Et sciemment ou inconsciemment, ne pousse la rue tchadienne à s’enflammer. Mais entre les lignes du communiqué on peut décrypter que la France est ouverte à d’autres négociations pour un nouvel accord.
Il faut signaler deux choses importantes : le « timing » de cette sortie tchadienne et le contexte.
Le « timing », c’est après la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot au pays. Y a-t-il eu des discussions qui n’ont pas fait plaisir aux autorités tchadiennes? Qu’est-ce qui a été discuté?
Le « contexte », le Tchad est convoité par des puissances rivales comme la Chine, la Russie et même la Turquie compte tenu de sa position stratégique au Sahel. Un Sahel qui bouge et fait bousculer avec lui intérêts et convoitises.
Alors je me permets d’évoquer quelques hypothèses…
Première hypothèse : Fort probablement les autorités tchadiennes et françaises discutent sur comment renégocier, réadapter, adoptés, prolonger, rajouter, choisissez le mot qui vous convient pour parachever les accords militaires. Il faut rappeler que la France a bien annoncé son intention de réaménager en diminuant son dispositif militaire en Afrique. Le Tchad en fait partie. Dans les discussions et les explications entre pays, le Tchad n’est peut-être plus satisfait de la nouvelle reconfiguration. Et donc jugerait inutile voire gênant la présence militaire française au pays. Ou il y a eu, peut-être, une mésentente.
Deuxième hypothèse : Le conflit soudanais, ses répercussions et ses implications au Tchad pourraient avoir créé des divergences entre les deux partenaires.
Troisième hypothèse : Ce sont les possibilités d’offre le redimensionnement de la présence militaire française pour faire des accords avec d’autres puissances. Par exemple la Russie, la Turquie ou la Chine. Ou bien alors cette possibilité permet aux autorités tchadiennes de faire monter les enchères et obtenir de la France un plus « chouia ».
Les anglais disent, « it takes two to tango », ( ça prend deux personnes pour danser le tango). Je crois que c’est parti pour une longue danse de tango entre les deux pays. Et au moment de publier ma chronique, je crois que rien n’est encore joué.
Mon téléphone sonne, c’est un appel du service de la presse présidentielle m’invitant à assister à un point de presse du président de la République.
Dimanche soir, 1er décembre. Il est 20h 15 min lorsque le président de la République s’adresse à la nation. Il confirme la rupture de la coopération militaire entre la France et le Tchad au motif que le présent accord est désuet. Que les temps ont changé. Et que cet accord n’apporte aucune valeur ajoutée dans la lutte contre le terrorisme et la défense de la patrie. La clarification que j’attendais n’est toujours pas au rendez-vous. Le président a été prudent. Il soutient qu’il ne s’agit pas de remplacer une puissance par une autre, mais que c’est une question de souveraineté. Je suis arrivé à la conclusion qu’il y aura fort probablement un nouvel accord dans les jours et les mois prochains entre les deux pays. Je suis toujours confus.
Bello Bakary Mana