C’était déjà la galère mais elle s’est abattue avec plus de force sur les Tchadiens ces derniers jours. Une galère aux odeurs de fuel. Ils sont patients les Tchadiens, mais cette fois-ci ils sont au bout du rouleau, au bout de la galère.
J’ai écouté le ministre du Pétrole et de l’Énergie Djerassem Le Bemadjiel au journal de 20h. Il ne m’a pas paru à la hauteur de la crise. Il était sans argument, pas convaincant. Il était dans son monde à lui, a expliqué sa réalité à lui. Je l’ai entendu. J’ai senti, à sa réaction, « laisser-moi finir » s’adressant à la journaliste, qu’il ne disait pas la vérité aux Tchadiens. Cette entrevue ratée, révèle deux choses : incompétence et impunité.
J’ai lu l’intervention de M. Abdoulaye Sabre, ex-ministre de Deby père et ex-directeur de cabinet de Deby fils. Sa réaction est mordante, juste et percutante. Il a vu juste le Sabre. Il a sabré au bon endroit, au bon moment. Il a raison que dans un pays normal, des têtes devraient tomber. Le chef devrait agir. Mais le Tchad n’est pas un pays normal. Seulement voilà, sa sortie donne l’impression de « donneur de leçon ». À chacune de ses sorties M. Sabre, sème une graine, marque son chemin. Cette fois-ci il a marqué une distance avec celui qu’il appelle, petit frère, mais qui se trouve être président. Sabre aussi doit être claire. Il ne peut pas ménager à la fois son petit frère et être avec le « peuple » dans cette crise sociale. S’il était aux affaires, il ne se serait pas permis cette liberté. C’est pourquoi ceux de ses ex-amis qu’il qualifie de « les esprits pauvres » verront, dans cette correspondance, une tentative de retour. Il a donné un dernier coup de sabre très fort en affirmant, « on s’est fait avoir au Dialogue national inclusif et souverain… ». Il emploi le « on » et non le « je ». Pour lui, le DNIS était une supercherie. Je crois le divorce politique est consommé entre le grand-frère et le petit-frère.
J’ai vu le Premier ministre Saleh Kebzabo partir dans une lointaine contrée participer à une cérémonie privée de Rotary Club en usant des biens de l’État. Lui Kebzabo qui a passé son temps à dénoncer cette mauvaise habitude s’est abonné à cette pratique. Partir à ses frais pour ses affaires privées n’aurait dérangé personne. Mais partir sur le dos de la princesse Tchad est maladroit, malvenu et dénote l’insensibilité du Premier ministre. Surtout en cette période de galère énergétique lui, le premier répondant, se permet de brûler du kérosène pour aller faire du « kongossa » entre amis. Il répond aussi aux abonnés absents alors qu’il devait être « aux stations-services et à la raffinerie » faire face à cette crise.
Entre temps, les Tchadiens galèrent. Ils souffrent le martyr. Ils errent de station-service en station-service à la recherche du précieux liquide ou de la précieuse « air ». Certains avec leurs bouteilles de gaz attaché à la moto qui elle-même a besoin du carburant, d’autres dans leurs voitures filent à grande vitesse à travers la ville, le regard sur la jauge d’essence ou de gasoil pour ensuite faire la file sous le soleil mordant, dans une tension à fleur de peau. Pis, on leur fait les poches, de 700 francs le gasoil est disponible à 1000 sous le manteau, l’essence aussi a doublé de prix. Pays sans chapeau dirait l’écrivain haïtien Danny Laferrière. Pays de hommes et de femmes résilients. Pays au bout de la galère. Pays des autorités publiques insensibles.
Bello Bakary Mana