Tout abandonner derrière soi, c’est accepter de mourir à soi-même. Cependant, la vie est si forte et si pressente en nous que nous renaissons par l’esprit. La naissance première réclame les efforts de la mère et les encouragements des péripatéticiens. Sans aucun besoin de l’effort de l’enfant qui s’est seulement donne la peine de naître. Aujourd’hui, nous sommes notre propre mère et par conséquent, notre propre enfant. Nous en semons la gésine de nos souvenirs de notre volonté de vivre; et nous nous renouvelons! Comme à chaque enfantement, la peur, le doute et l’incompréhension d’une si grande douleur; pourtant porteuse de vie, nous accompagnent, nous suivent, nous frôlent. Uniques et fidèles compagnons d’une douloureuse renaissance.
Mort à lui-même avec le désir de renaître de ses cendres, pareil à l’oiseau mythique; le nouvel arrivant est assoiffé de vie et de curiosité. Pour commencer sa nouvelle vie, il faut apprendre à connaître le pays qui nous accueille si généreusement, apprendre à le comprendre, à l’aimer et à s’intégrer. Il est judicieux et conseillé selon la formule consacrée, “d’entrer dans le système”.
C’est apprendre à produire dans et pour la société- une société de consommation-; à savoir s’y prendre pour chercher, obtenir et garder un emploi, un logement, un véhicule. Tache ardues pour le nouvel arrivant, qui, généralement ne parle pas la langue du pays hôte. Il doit, simultanément, apprendre, comprendre et assimiler afin de s’intégrer économiquement, politiquement et culturellement.
En d’autres termes, il est tenu, d’étudier la langue, manger nouveau se vêtir nouveau, compte tenu des rigueurs climatiques, être accessible à un nouveau système de valeurs: vivre près et avec plusieurs cultures différentes de la sienne. Contrairement au nouveau-né qui vient au monde avec seulement un actif génétique pour souvenirs, le réfugié ou l’immigrant porte en lui, en plus de ses gènes, sa culture qui influence toute sa conception du monde. Il est voué à côtoyer, quotidiennement, du nouveau. Cela devient partie prenante de sa vie. Il doit apprendre jusqu’au comment faire ses courses (avec une carte bancaire, le plus souvent); à être payer à l’heure pour l’effort fourni etc.
Mais avant de vivre de son effort, il est pris en charge par l’assistance sociale. Sa nouvelle vie lui présente tant de possibilités de se cultiver et de s’épanouir! Seulement, il doit taire ses envies, ses élans, ses folies. Parce qu’il ne peut se les offrir.
En effet, se divertir est le plus souvent hors de prix pour lui. Comment poursuivre ses études universitaires, aller au théâtre, au concert, aux festivités? Comment s’offrir ce dont on rêve quand l’argent fait défaut? Car, il faut de l’argent pour tout.. Pour en avoir, il faut travailler. Seuls des diplômes d’études assez avancées (collège, université) permettent d’accéder à un emploi convenable et permanent.
Or, tant que les diplômes ne sont pas nord-américains, ils perdent de leur valeur. Il est requis de les faire équivaloir, par des tests ou en payant des sommes astronomiques. Ou, tout simplement, en changeant de carrière, en renouant avec le collège pour une nouvelle formation accélérée. Les plus audacieux, atteignent l’université après plusieurs années de persévérance. Et le temps passe. Quand, envers et contre tout, on décroche un emploi- le plus souvent temporaire- l’employeur quatre fois sur cinq exige que le futur employé ait un moyen de transport personnel.
Pour avoir un véhicule, un permis de conduire est indispensable. Le permis de conduire suit les mêmes rigueurs que celles des diplômes le permis de conduire international n’ayant pas grande valeur, il est obligatoire de repasser le permis de conduire. Moyennant finance bien évidement! Avec tous les risques de ne pas l’obtenir du premier coup! L’expérience du conducteur importe fort peu.
Ensuite, il y a la ronde des assurances. Ou trouver tout cet argent quand on dépend de l’assistance sociale? Et comment se sortir de cette équation: pas d’emploi, pas de véhicule; pas de véhicule, pas d’emploi? Cercle vicieux. Parfois encore, quand en dépit de tout; certains arrivent à dégoter un emploi -mal payé et précaire- l’assistance s’en mêle et coupe les vivres: décrétant que le nouvel arrivant est capable de se prendre en charge. Ce qui n’est pas encore vérifié!
Si par malheur, il perd son emploi, il se retrouve plus démuni que jamais. A ces moments-la, on désire tout arrêter et se laisser mourir. Car, le nouvel enfant que nous sommes se retrouve vieux sans avoir connu l’adolescence ni l’age adulte. C’est un vieillard amer et désabusé qui n’a plus rien à perdre.
Que faire?
Bien sur, il y a différents centres et agences qui aident à l’intégration du nouvel arrivant. Il est lieu ici de louer leurs efforts non négligeables dans l’intégration du nouvel arrivant. Pourtant, chaque partie croit que ce n’est pas encore assez. Jamais assez loin dans sa quête d’aider l’autre. Jamais assez loin dans sa requête d’être écouté et compris de l’autre. D’être reconnu par l’autre; en égal. Ceci ne doit pas être. Écrire, discuter ensemble aident à lever les malentendus, à faire émerger et à effacer peur et rancœurs, frustrations et insatisfactions. Il faut lutter. Envers et contre tout.
Renaître, c’est aussi passer par tous les états de croissances. Par tous les stades de l’attente et de la frustration. C’est aussi, par-dessus tout, les dépasser et vivre en paix avec soi-même. C’est être debout et prêt pour cette nouvelle vie à laquelle nous avons tant sacrifié.
Nafée Nelly Faigou