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En paraphrasant l’ancienne devise Olympique : « Citius, Altius, Fortius », il est permis d’affirmer à l’aune du processus transitoire en cours au Tchad que le système Deby-fils va toujours « Plus Vite, Plus Haut, Plus Fort » dans la « Hougoura[1] », soit, un continuum de mépris, de défiance, d’effronterie, d’ostracisme à l’égard d’une partie de la population au demeurant, narguée, outragée, offensée, humiliée sciemment et à satiété. Une frange de la population dont l’interminable purgatoire, confinant à l’ogonie, ne suffira pourtant pas à expier les torts congénitaux aux yeux du régime.

Les marqueurs institutionnels et politiques de cette « Hougoura » sont perceptibles notoirement hier et aujourd’hui dans la composition significativement déséquilibrée des Gouvernements et du Conseil National de Transition ; dans les forfaitures de la CONOREC ; dans les oukases de l’organisation et des résolutions du DENIS ; dans les outrances des processus électoraux référendaire constitutionnel et de la présidentielle, mais aussi dans les anomalies organiques que sont l’ANGE et le Conseil constitutionnel dans leur constitution et fonctionnement. 

Ajouter à cela, qu’il suffit d’un instantané de la hiérarchie militaire (généraux et officiers supérieurs) ou administrative (SG, DG et DAF des ministères et des entreprises publiques ; gouverneurs, préfets et consorts sous-préfets) pour constater l’évidence de la prégnance et de la dynamique de la relégation que subit cette partie de la population, quoique non assumée publiquement par le régime.

Mais la promulgation par le désormais Président de la République, le 16 août 2024, des lois respectives n° 013, 014 et 015/CNT/2024 dont il résulte, notamment la cartographie des circonscriptions électorales, franchit le Rubicon en officialisant la formalisation de la population tchadienne en sociétés de classes, d’ordres (ou de castes) à l’image de l’Ancien Régime en France, avec pour déterminant la géographie du pays.

À rebours du progrès civilisationnel dont il résulte l’abolition des privilèges de la naissance, ou encore la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui d’une part, prescrit l’égalité des citoyens et d’autre part, proscrit la discrimination fondée sur l’origine ethnique ou le lieu de naissance, la couleur de la peau ou la religion. À rebours de la Constitution de la 5e République dont le régime Deby-fils est pourtant le seul commanditaire et auteur, sauf à considérer qu’il ne croit lui-même pas un traitre mot des dispositions, le nouveau découpage électoral consacre formellement et littéralement la rupture d’égalité entre Tchadiens sans pour autant avoir été motivée par un impératif d’intérêt général. Il en est ainsi désormais :

  • des « Supers-Tchadiens » aux Borkou-Ennedi-Tibesti (BET), Kanem, Lac et Biltine. En grossissant à peine les traits, on pourrait dire que ceux-ci ont dans l’inconscient collectif, les attributs et privilèges de la classe de la noblesse.
  • ensuite des « Tchadiens de droit commun » aux Batha, Ouadaï, Guéra, Salamat et Chari Baguirmi. En exagérant à peine, cette population mêle à la fois ce qui correspondrait à la classe de clergé (sans le privilège) et celle de la bourgeoisie, mais aussi beaucoup de la classe de tiers-état. Ils peuvent néanmoins prétendre à la noblesse des premiers mais à condition de n’avoir pas d’ambition politique, d’orgueil, de fierté ou d’amour propre.
  • et enfin, des « Sous-Tchadiens » aux Mayo-Kebbi, Tandjilé, deux Logones et Moyen-Chari. Ceux-ci relèvent essentiellement du domaine de la classe des tiers-état. Pour eux, les portes closes de la fonction publique et si certains ont la chance d’y être, ils subiront la loi d’airain du plafond de verre ou du simple collaborateur dévoué, voire soumis, y compris lorsque leur compétence et leur productivité en font des valeurs étalons. Pour d’autres, rien, si ce n’est simplement la vulnérabilité des fonctions sans statut.

Si l’objectif des concepteurs de cette loi, était d’assurer une représentativité des vastes territoires désertiques du Nord, l’institution sénatoriale prévue par cette même Constitution de la 5e République est plus appropriée pour en être l’instrument et le réceptacle comme en atteste le droit comparé. En effet, aux USA et au Canada, deux pays marqués par des disparités entre les États ou Régions à forte densité démographique et d’autres, à très faible densité, mais pourvus de vastes étendus de territoires comme le sont les régions du Tchad, c’est la chambre haute, autrement dit, le Sénat qui assure la représentation et la défense des intérêts des États ou régions et à certains égards, des groupes sous-représentés dans la population générale comme les peuples autochtones (les indiens par exemple au Canada).

En ce qui concerne, la chambre basse, dite encore l’Assemblée nationale, elle assure de manière universelle et intemporelle sous toutes les latitudes, une représentation démographiquement proportionnelle à la population. Et c’est là, sa seule raison d’être. Sa composition repose sur un ratio immuable d’un ou d’une député (e) pour un seul et même quantum de population, indistinctement sur l’ensemble du territoire national. Ceci justifie au demeurant le caractère national du mandat des députés et procède de l’équation :  un homme ou une femme = une voix.

Dès lors, d’où peut bien venir l’inspiration des têtes pensantes du régime pour proposer ce projet devenu depuis, une loi inique et scélérate, mêlant l’abjection à l’ignominie doublée de la fourberie, si ce n’est la « Hougoura » et son corollaire : le sentiment que le régime et ses affidés peuvent tout se permettre sans rien craindre. Pour eux, il n’existe plus de limite à l’indécence et à l’indignité morale, éthique et religieuse dans la conduite de l’action publique. Pas de peur du jugement de l’Histoire ; plus de crainte du délitement du fragile tissu de la cohésion nationale à moins que ce ne soit le but recherché. Foin de la bienséance politique. Comme diraient, les sbires de l’ex-dictateur Burkinabé, Blaise Compaoré, à l’époque de leur splendeur : « on vous fait, et il n’y aura rien ».

Car comment comprendre qu’en dépit des suppliques répétées et de la force de l’argumentaire juridique, politique, sociologique et anthropologique des personnes aussi raisonnables, averties et clairvoyantes que peuvent l’être Messieurs Laona Gong Raoul, Béral Mbaïkoubou, l’Abbé Madou et des milliers d’autres citoyens célèbres ou anonymes de tous les horizons géographiques du pays, tous mus, autant qu’ils le sont, par la sauvegarde de la fragile unité nationale, ce projet de loi a poursuivi ne varietur, son parcours législatif accéléré jusqu’à son aboutissement ce 16 août 2024. Le cours de science politique d’un Takilal Ndolassem (pour une fois, sorti de son rôle de « fou du Roi »), administré magistralement au ministre d’État de l’Administration, complètement groggy par l’évidente démonstration, n’y changera rien non plus. Soit !

Mais alors :

  • quel désaveu pour Messieurs J.-B. Padaré ; Issa Doubraigne et tous les chapeaux à plumes du MPS du Sud du pays, enfourchant le narratif soporifique des 12 chantiers du Président Déby-fils, et de sa coalition Tchad Uni ! Peuvent-ils encore écumer l’arrière-pays méridional en professant l’unité, l’égalité des citoyens et la non-discrimination quand leurs propres militants ne peuvent prétendre à une représentativité équitable à l’Assemblée nationale concurremment aux « camarades » du même parti au Nord du pays ?
  • quelle méfiance peut bien inspirer le système à l’égard du Sud du pays dès lors qu’il ressort des résultats de la dernière présidentielle que le candidat Déby-fils est arrivé premier dans toutes les provinces du Sud, sauf trois. À moins qu’il y ait comme un doute sur la sincérité et la fiabilité des résultats instrumentés par l’ANGE et validés par le Conseil constitutionnel !
  • quel mépris pour le tchadien, d’ascendance allogène ou du Nord, vivant au Sud comme on en trouve dans tous les coins et recoins les plus isolés, totalement intégré à la population locale et à qui cette loi fait subir la perte de chance d’espérer devenir député surtout dans les grands centres urbains cosmopolites comme peuvent l’être : Sarh, Koumra, Doba, Moundou, Pala, Laï, Bongor, etc. ?
  • quelle double peine pour le Sud du pays subissant, en raison de la rigueur climatique rendant peu hospitaliers certains territoires du Nord, les transhumances à la fois du bétail et des hommes, augmentant ainsi de manière exponentielle la pression démographique et conflictogène que d’être moins bien représenté à l’Assemblée par rapport aux territoires désertés du Nord ?
  • quelle sera la prochaine étape dans l’imaginaire débordant de la « Hougoura » des têtes pensantes du régime ? Sans doute, une loi sur le « statut du Sud » à l’image des lois du régime de Vichy de 1940 et 1941 sur le statut des Juifs ; ainsi exclus de la fonction publique, des mandats publics, des professions libérales, commerciales et industrielles ?

« Toujours plus vite, plus haut, plus fort dans l’exclusion et l’ignominie ». Telle pourrait bien être la devise du régime de la 5e République du Tchad.

Abdoulaye Mbotaingar

Docteur en droit, maître de conférences à l’université

[1] Une expresse de l’arabe darija tchadien, mais qu’on retrouve également avec la même teneur dans certains pays du Maghreb comme l’Algérie ou le Maroc. Le propos de l’article, dont le signataire n’est pas linguiste, est d’en donner des déclinaisons dans le contexte politique du Tchad.

Des nombreux jeunes bacheliers choisissent étudier à l’étranger malgré que le Tchad a plusieurs d’universités et d’instituts d’enseignement supérieur. Les raisons sont diverses et variées. Reportage.

Ces dernières années, des milliers de jeunes préfèrent poursuivre leurs études supérieures à l'extérieur du pays notamment au Cameroun, au Niger, en Guinée-Conakry, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, voire en Europe ou en Amérique. C'est un manque à gagner pour le pays. Qu'est-ce qui peut expliquer cette situation ?  Des jeunes et des parents donnent des raisons.

Ahmat Ousmane Mahamat Ali vient d'obtenir son baccalauréat, selon lui les conditions d'études au pays ne sont pas réunies. « Je veux aller étudier en France si les moyens me permettent. Étudier au pays, c'est trop des difficultés avec des grèves à répétitions, les problèmes familiaux, le rang des diplômés sans emploi qui grossit. Peut-être, aller faire ses études ailleurs peut ouvrir des portes et offrir des opportunités d'emploi », dit-il.

Le nouveau bachelier ajoute que la mauvaise gouvernance des dirigeants du système éducatif tchadien est un vrai problème.  « Il faut qu'il revoie le système de gouvernance et la gestion du pays. Il faut faire bouger les choses en intégrant les jeunes sans discrimination »

 Rasedjim Bruno est un parent qui a envoyé ses enfants étudier à l’étranger. « Nous envoyons nos enfants à l'extérieur pour diverses raisons », dit-il. Il affirme que les conditions sociales et politiques du pays impactent négativement sur la formation des jeunes, « ensuite les grèves répétitives dans les universités et Écoles supérieures au Tchad qui sont dû à la réclamation des meilleures conditions de travail des enseignants et étudiants, la rareté des spécialisations dans certaines filières, en particulier dans les domaines scientifiques, technologiques et médicaux ne sont pas disponibles ou peu développés au Tchad. Enfin, le manque d'infrastructures pédagogiques ».

Toutefois, certains préfèrent étudier au pays. C’est le cas de Marie Madjikem qui affirme avoir choisi de rester au pays pour sa sécurité. « Il y a plusieurs de nos compatriotes qui vont étudier à l'extérieur, souvent c'est leurs cadavres qu'on rapatrie. Cela me fait peur », dit-elle. D’autres ont préféré donner leurs explications hors micro. Ils soulignent que le système éducatif du pays est défaillant. Le problème de qualité d’enseignement et de qualité d’enseignant se pose. Ils affirment que le manque de volonté politique des gouvernants pour un enseignement de qualité est flagrant, « les gouvernants n’aiment pas l’École », disent-ils.

Ousmane Bello Daoudou
Nadège Riradjim

Depuis quelques jours, les conducteurs des minibus de la capitale sont soumis au contrôle de la police. Ce lundi 19 août, les minibus se font rares dans les rues. Les usagers ont eu des difficultés à se déplacer. Reportage.

A N’Djaména, la capitale tchadienne, la plupart des usagers de minibus sont pénalisés. Leur mode de transport à prix abordable et accessible est rare. L’opération de réglementation de la circulation en ville lancée par le ministère de la Sécurité publique a considérablement ralenti les activités.

Ce 19 août, les grands axes comme Gassi-grand marché, Koundoul-Toukra ou Koundoul-Dembé ou encore Rond-point Hamama-marché à mil ou Dembé, les minibus se font rares et les rares qui circulent n’arrivent pas à desservir tout le monde. « C’est vrai, on a un peu de souci concernant le contrôle des pièces à savoir : la fiche technique, le permis de conduire, la carte grise, le dédouanement et l’assurance. Parmi nous, certaines personnes n’ont pas tous ces papiers. Et ce problème, cause du tort aux passagers qui sont obligés de se déplacer parfois à pied. C’est également difficile pour nous les chauffeurs de minibus de pratiquer normalement nos activités avec ce mois d’août. Tout est compliqué, où allons-nous trouver  une somme de 500.000F CFA pour se procurer les pièces exigées ?», se lamente Ismaël Abakar, chauffeur de minibus rencontré au grand marché avec un air triste.  

 Les usagers de leur côté, impatients d’attendre s’adonnent à la marche à pied dans l’espoir de trouver un minibus en chemin, mais plus ils marchent, plus le temps passe. Certains se plaignent du retard accusé au travail et d’autres disent que les motos taxis sont chères. « Aujourd’hui, les minibus sont rares et c’est difficile pour nous les piétons qui habitons loin de nos lieux de travail. Je suis en train d’attendre le minibus depuis presque une heure, mais difficile d’en trouver », fulmine un usager. Ce dernier ajoute que certains conducteurs de minibus avec leurs convoyeurs qui sont en règle profitent de la situation pour augmenter le prix de transport. « En plus de cela, ils prennent au moins 4 personnes sur une chaise comme des sardines ».

 « Ce n’est pas facile pour nous les clients. Je me suis levée tôt le matin pour me rendre à l’hôpital, je n’ai pas pu trouver un bus en circulation et la pluie m’a bien trempé »,  renchérit Achta Oumar.

Mme Fatimé Mamie, une commerçante rencontrée sous le viaduc de Chagoua affirme, « du grand marché au rond-point de Chagoua, ils m’ont pris 200F au lieu de 100F lorsque tu as la monnaie. On leur demande, c’est quoi le véritable problème ? Pourquoi cette rareté de bus ? Pourquoi augmenter le prix ? Ils répondent qu’il y a  une opération de contrôle des minibus et ceux qui  ne sont pas à jour garent leurs minibus en attendant », dit-elle.

Nadège Riradjim
Kellou Daoula Adoum  

Le Tchad a enregistré de grosses quantités de pluies. Dans les provinces tout comme à la capitale, les dégâts sont énormes, laissant des ménages sans abris et dépourvus de tout. Les sinistrés appellent au secours. Reportage.

La forte pluviométrie qui s’abat sur la capitale tchadienne, N’Djamena, et dans toutes les provinces du pays a fait des dégâts humains et matériels énormes. Des maisons écroulées, des champs engloutis, des animaux emportés, des morts et des routes impraticables. Selon le Bureau des Nations-Unies pour la Coordination des Affaires humanitaires (OCHA), plus de 340.000  issues de plus de 55.000 familles ont été touchées par les inondations causées par les pluies torrentielles au Tchad ces dernières semaines.  

À N’Djamena certains quartiers sont inaccessibles, les résidents sont obligés de  quitter leurs domiciles à cause des débordements des bassins de rétention. Certains ont envahi des établissements scolaires et autres lieux publics. D’autres sont hébergés chez leurs familles, les personnes sans soutien dorment à la belle étoile.

À Dembé, derrière le viaduc du le 7e arrondissement par exemple, un endroit appelé « Amkoundjara » carré 2, les eaux des bassins de rétention ont débordé et se sont déversées dans les concessions faisant écrouler des maisons. « C’est difficile pour nous comme vous pouvez le constater. Les eaux nous ont envahis de partout. On ne sait quoi faire et le gouvernement est incapable de faire normalement son travail. Cette inondation a fait beaucoup  de blessés, des maisons écroulées et des dommages des matériels. Le Premier ministre était venu pour constater les dégâts.  À l’entendre, les deux marigots qui ont débordé doivent être réunis  pour que les eaux soient drainées de l’autre côté, mais je crois que c’est encore plus risqué. Maintenant, beaucoup de personnes sont sinistrées et sont sans aide. Nous sommes dépassés, même le gouvernement a constaté qu’il ne peut rien faire », se résigne Ramadan Issa, l’un des sinistrés qui se démenait pour évacuer les eaux.

Selon M. Ramadan, pour trouver la solution à cette inondation, il faut un grand canal de drainage des eaux  jusqu’au fleuve, malheureusement déplore-t-il, ce n’est pas le cas. Sur le site de Dembé « Amkoundjara » les sinistrés ont créé un comité de crise. Abdoulaye Mbainakou est l’adjoint du comité, malgré l’appui de la mairie en motopompe pour évacuer les eaux  cela n’a pas empêché l’inondation. « La mairie centrale  nous a remis une moto pompe avec l’aide de la déléguée générale auprès de la commune du gouvernement rien n’y fait l’inondation continue, parce que c’est face au marigot et toutes les eaux de pluie qui viennent de tous les quartiers prennent ce chemin. Avant,  il y avait trois bassins de rétention d’eau qui étaient là. Le troisième bassin a été fermé par des individus qui ont bâti des maisons sur ces endroits. Il faut que l’État trouve une solution définitive, parce que ça se répète chaque année », interpelle-t-il.

Pour  l’instant, les autorités se contentent des visites sans apporter une solution au problème des inondations qui nécessite des actions urgentes disent les victimes de ces inondations. Les sinistrés exposés à toutes les intempéries appellent les organisations humanitaires et le gouvernement au secours. 

Amadou Voundia
Nadège  Riradjim

En cette période de soudure où le mois d’août est  appelé « chari tamané » qui signifie en arabe local de N’Djaména « le huitième mois » en sous-entendant que c’est un mois des difficultés accrues période durant laquelle les ménages souffrent. Il est difficile pour les  familles modestes d’avoir deux repas par jour. La rédaction de Ialtchad Presse vous fait découvrir le quotidien d’un couple vivant à Bakara, dans le 7e arrondissement de N’Djaména, la capitale  tchadienne. Reportage.

Le mois d'août est une période pendant laquelle de nombreux ménages à N’Djamena et partout au pays éprouvent des difficultés à joindre les deux bouts. Les causes sont attribuées à la forte pluviométrie qui empêchent les uns et les autres à  vaquer  normalement à leurs occupations et qui créent la rareté des ressources exacerbées par la cherté de vie. Cette situation impacte le mode de vie de plusieurs  familles. Surtout celui des familles modestes . 

Chez  le  couple Missdjingardé Nathaniel et  Rangnal  Sidonie,  c’est une période de vache maigre. Les deux sont ceux qu’on surnomme les « débrouillards du quotidien » ou « rizikhal yom » : la femme est vendeuse  de poisson et le mari est diplômé sans emploi  ayant à leur charge 5 enfants. Ils affirment que  c’est difficile de manger à leur faim.  « C'est très difficile de gérer cette période de soudure, je suis un chômeur et encore avec ce mois d'août, il n’est pas facile de trouver un repas par jour.  Un « coro » de maïs coûte 1300F, celui de sorgho à 850F sur le marché. On vit dans la misère totale, on ne sait quoi faire », se plaint Missdjingardé Nathaniel.

Ce chef de ménage  qui vit dans un verger d’une autorité à Bakara renchérit en soutenant qu’auparavant c'était mieux, ils mangeaient deux fois par jour, mais maintenant ça ne tient pas. Il explique que tout cela est dû au sous-emploi au Tchad.  « Je suis enseignant de formation  et je suis en  chômage. Parfois je suis obligé d’aller labourer dans les champs des autres pour gagner de l'argent et subvenir aux besoins alimentaires de mes enfants. Ma femme aussi se bat à mes côtés. Souvent, je cherche du travail au chantier même, mais je n’en trouve pas », ajoute-t-il.   

Avec la rentrée scolaire qui se profile, l’époux  de Rangnal  Sidonie dit qu’ ils ne pourront peut-être pas inscrire leurs enfants à l’école. « C'est ma femme qui  paie souvent la scolarité de nos enfants avec son petit commerce. Si je gagne un peu l'argent,  je complète simplement », renseigne-t-il.

Leurs enfants disent vouloir les aider en s’adonnant aux petits commerces pendant les vacances scolaires, mais il leur manque un capital financier pour commencer. « Je veux bien donner un coup de main à mes parents en faisant le petit commerce pour m'acheter les fournitures scolaires à la rentrée prochaine, mais il n'y a pas d'argent  pour me lancer », soutient l’aînée de la famille  Ramadji Solange élève en cinquième année du primaire.

Kinga Baye Dogo

Dans un communiqué rendu public ce 19 août 2024, le Rassemblement des jeunes Africains (RJA) s'étonne de l'absence du Tchad lors de la commémoration du 80e de débarquement français le 15 août dernier en France, date de la libération de France de l’Allemagne nazis grâce à ses alliés dont les engagés tchadiens ont joué un rôle crucial.

Le communiqué rappelle l’histoire que le Tchad a été le premier pays à répondre Oui à l'appel du général de Gaule  pour la libération de la France occupée. Selon  Bechir Hassan Oumar, président du RJA dans cette guerre, le Tchad a perdu des centaines de ses fils morts pour libérer la France. « Mais depuis plusieurs décennies les efforts et les sacrifices des soldats tchadiens sont oubliés jour après jour ». Le RJA remercie le président Mahamat Idriss Deby Itno qui a échangé avec les tirailleurs tchadiens à la fin du défilé pédestre du 64e anniversaire de l'indépendance du Tchad. « c'était un échange patriotique avec les anciens combattants immortalisés par une photo de famille ».

« En ce jour commémoratif, le président français Emmanuel Macron a nié les efforts du Tchad tout en oubliant que c'est grâce à des sacrifices des soldats tchadiens qui sont morts pour liberté que la France est aujourd'hui libre. Quelles que soient les manœuvres des autorités françaises qu'elles sachent que l'histoire est déjà écrite en or et que les sacrifices de soldats tchadiens sont gravés dans nos mémoires », a conclu Bechir Hassan Oumar.

Ousmane Bello Daoudou

Pendant les vacances scolaires, certaines jeunes filles de la capitale tchadienne, N'Djaména, gèrent de petits commerces en vendant du manioc, des arachides, de la banane, des avocats et autres produits en ville.  Ces activités les exposent parfois  aux dangers d'accidents, d’harcèlements sexuels et de viols. Reportage.

Elles sont nombreuses, ces filles qui ne se croisent pas les bras pendant les vacances scolaires. Avec des différentes marchandises, des jeunes dames, des adolescentes et même des mineures arpentent les rues de la capitale toute la journée, parfois tard dans la nuit pour écouler leurs produits. Ces activités leur permettent de subvenir à leurs besoins et aider leurs familles.

C'est le cas de  Rémadji Alliance « j'ai commencé à vendre le manioc depuis 2 mois. Je sors dès 6h et je rentre à 17h. La vente du  manioc me permet d'assurer mes  besoins scolaires. Cette activité  nous expose  aux accidents,  harcèlement sexuel et viol. Comme nous sommes des filles, les hommes veulent en profiter », déplore-t-elle.

Elle ajoute qu’à cause du harcèlement sexuel, beaucoup de filles et parents refusent de laisser leurs enfants se débrouiller durant les grandes vacances de peur de mettre leur vie en péril. Alors, dit-elle les conditions de vie précaires poussent des jeunes filles à sortir. « Quand je sors avec mes marchandises et qu'un homme m'appelle dans un coin caché, je refuse d'aller ».

« Je pratique cette activité pendant vacances scolaires . Je sors à 8 heures du matin pour rentrer à 18h. J'aide ma mère à vendre la banane. C'est avec ce commerce  qu'elle m'inscrit à l'école et assure mes besoins. Depuis que j'ai commencé à vendre la  banane, aucun homme ne m'a harcelée  ni violée. Parce que je suis très prudente », dit Koura Stéphanie.

Toutefois, certains parents encouragent leurs enfants  à faire des petites activités commerciales grâce auxquelles ils arrondissent les dépenses scolaires en début de rentrée scolaire.  « J’ai mes filles qui vendent la banane et les arachides pendant les vacances pour m'épauler un peu. Et c'est avec cet argent que je  paie leurs fournitures scolaires et les habille », affirme Zenaba  Michael, une veuve.

Cette mère martèle  qu'elle forme ses enfants pour affronter les difficultés de la vie. Si à l'école ses filles ne réussissent pas , elles peuvent se rattraper avec le commerce pour survivre. Elle est consciente que ses filles courent des dangers, « mais je n'ai pas le choix ».

Nadège Riradjim
Kingabaye dogo

Le Premier ministre Allah-Maye Halina a annoncé que l’année académique  2024-2025 au Tchad, l’admission est gratuite pour les filles dans toutes les universités  et les institutions de l’enseignement supérieur public. Cette déclaration du chef du gouvernement, encourageante semble être momentanée si d’autres mesures d’accompagnement ne sont pas prises pour permettre aux jeunes filles de finir le cursus primaire et secondaire.  

Beaucoup de filles s’inscrivent à l’école, mais peu franchissent le seuil du second cycle au Tchad. D’après l’Institut des statistiques de l’Unesco, le taux d’achèvement de l’enseignement primaire était de 38  %  en 2021. Cependant, le taux d’achèvement du premier cycle de l’enseignement secondaire relève de 14,1 %  pour les filles.

Certes, l’annonce du Premier ministre va  peut-être hausser le taux et augmenter le nombre de filles au supérieur. Mais le véritable problème est au niveau du cycle primaire à cause du phénomène de mariage précoce et de grossesse aussi précoce. « Je crois que c'est une annonce qui aura un effet positif. La proportion de la gent féminine au niveau de l'enseignement supérieur est très faible. Cela s'explique en grande partie par des choix familiaux lorsque les parents sont pauvres le réflexe est de privilégier la scolarisation des garçons au détriment des filles. Parce que pour plusieurs familles, la fille est faite pour le foyer », fait savoir Dr  Yamingué Bétinbaye,  analyste  politique et directeur du Centre de Recherche en Anthropologie et Sciences humaines. Il rajoute que les filles sont  confrontées à d'autres contraintes comme le harcèlement de leurs condisciples garçons, « et même de certains enseignants, du coup elles sont désorientées, découragées ».

Tout en saluant la déclaration du chef du gouvernement, Dr  Yamingué Bétinbaye martèle que l’État doit lever toutes les barrières qui entravent la scolarisation des filles tchadiennes. « Cela leur donne la possibilité de ne pas douter de leur chance d’accéder à l'enseignement supérieur. Il y a beaucoup de jeunes filles qui sont  à N’Djamena, après leur baccalauréat, elles ne réussissent pas à s'inscrire à l'université faute des moyens financiers. Elles sont obligées de blanchir une ou deux années pour aller à la recherche de ressources financières avant de s'inscrire dans un centre de formation ou à l’université », renseigne-t-il.

M. Bétinbaye suggère que pour maintenir les filles jusqu'au supérieur, il faudrait lever toutes les barrières qui entravent leur progression à l’école de la maternelle jusqu'au supérieur. « Il faut se mobiliser pour minimiser certains facteurs socioculturels coriaces et apporter du sang neuf dans la société tchadienne pour que la grande partie de la population accepte les mesures entreprises ».

Nadège Riradjim

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