vendredi 14 février 2025

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« L’automédication crée d’autres maladies comme l’insuffisance rénale, l’inflation du foie et le mal d’estomac », affirme Dr Abdramane Issa Adoum. Plusieurs personnes prennent des produits pharmaceutiques sans consulter un médecin ni faire des examens médicaux lorsqu’elles tombent malades. Le manque d’argent est souvent évoqué comme raison. Mais l’automédication est risquée. Reportage.

Dans la capitale tchadienne, N’Djaména, presque tous les foyers ont une petite pharmacie à la maison. En cas de malaise d’un membre de la famille, les premiers soins sont administrés surplace. Alors qu’il existe des centres de santé, des pharmacies  et des cliniques dans les quartiers. Parfois, les N’Djaménois, préfèrent acheter  les produits pharmaceutiques douteux à la boutique du coin pour des raisons  financières. « Quand je tombe malade si ce n’est pas grave, je ne pars pas à l'hôpital parce que leurs médicaments sont trop chers. Si j’ai un malaise, je prends  BNS, Nivaquine, paracétamol et autre », dit Kemsol Chantal.

Mme Yoyana Sidonie renchérit en affirmant que lorsqu’elle n’pas d'argent, elle ne va pas à l'hôpital, « certainement on me demandera de faire les examens c’est pourquoi je ne vais pas à l'hôpital quand je tombe malade si cela n’est pas aussi grave que ça. En prenant les médicaments sans avis du médecin, c’est problématique, mais ça soulage  ».

Dr  Abdramane Issa Adoum major au  service d'urgence à l'Hôpital Roi Fayçal de N’Djaména soutient que la prise des médicaments sans avis d’un médecin est dangereux. « Tous les médicaments que nous voyons sur les  marchés ou dans les rayons de la capitale doivent être prescrits par un médecin avant consommation. Mais le problème au Tchad est un problème très sérieux. Une personne qui ne se sent pas bien, achète des comprimés exposés à l’air libre sous le soleil et en prend sans consultation. Par exemple, les Paracétamols, Diclo, Ibuprofène et autres. C’est dangereux pour santé », dit-il.

Le médecin explique que c'est à la dernière minute qu'ils se rendent à l'hôpital pour se faire soigner, parfois la maladie s’est déjà aggravée, il est trop tard. « Pourtant tout début d'une maladie, a un comprimé bien spécifique. Si le malade prend une dose anormale, c'est difficile de le soigner. Chaque maladie à sa catégorie de comprimé. Si le malade prend directement le  comprimé de la 3e catégorie, ça peut créer une autre maladie. C'est la raison pour laquelle certaines personnes ont le problème d’insuffisance rénale,  de foie, et d'estomac », éclaire-t-il.

Le docteur conseille toute personne malade de se rendre à l’hôpital ou consulter un médecin avant de prendre des comprimés.  « Je les exhorte à  venir à l'hôpital pour se faire consulter avant de prendre les comprimés. Certains médicaments sont d’origine douteuse, beaucoup de produits pharmaceutiques entrent au Tchad sans contrôle au préalable ».

Nadège Riradjim

Dans la plupart des hôpitaux, districts et centres de santé de N’Djaména, l’état des toilettes publiques laisse à désirer alors que les structures sanitaires sont des lieux censés être propres.  Reportage.

Les hôpitaux et les centres de santé sont des endroits les plus fréquentés par la population. Cependant, les toilettes des certaines structures sanitaires de la capitale sont impropres. Par exemple dans le district sud de l’hôpital de l’Union appelé communément «  hôpital américain » et l’Hôpital central, les excréments humains aspergés des urines sont déposés sur les carreaux. A l’entrée de ces toilettes, les odeurs toxiques vous accueillent.  Ces lieux censés être propres  et offrir le confort aux  patients sont au contraire  très sales exposant les usagers à de nombreuses infections et mettant mal à l’aise les visiteurs. Des malades et gardes malades déplorent cela. «  Depuis le matin, je ne suis pas allée aux toilettes et je cherche à aller me laver et faire mes besoins au quartier parce que  les toilettes sont très sales ici. D’ailleurs  je me prive parfois de nourriture de peur d'avoir l’envie  d’aller aux toilettes. C'est très difficile pour nous qui sommes ici à l'hôpital, il faudrait que chaque personne ait la notion d'hygiène » se plaint une garde-malade à l’hôpital de l’Union dans le 7e arrondissement. « Les toilettes sont  malsaines  et dégoûtantes à l’hôpital, je n'arrive pas à en faire usage, parce les gens défèquent  en dehors des latrines », renchérit Missidjinard.

Certaines sources indiquent que, c’est aussi l’utilisation excessive des toilettes qui est à l’origine de l’insalubrité. D’autres posent le problème d’éducation civique.  « Nous avons au total trois toilettes, mais les deux sont hermétiquement fermées, j'ignore la cause, il n’y a une seule qui est accessible à tous, mais elle n’est pas bien entretenue. Il faut qu’on désinfecte ces toilettes sinon vous venez pour un problème de santé et vous risquez de contracter d’autres maladies. Et certaines personnes se plaisent dans cette saleté », fustige un autre patient.

Dans certains hôpitaux l’utilisation des toilettes publiques est payante. Mais l’incivisme des visiteurs sape les efforts des agents de nettoyage. 

« Ici, nous avons deux toilettes, une publique et l'autre privée. Les toilettes publiques sont gratuites, mais les gens n'en font pas bon usage, mais les toilettes privées sont payantes elles sont les plus utilisées. Je gère les toilettes privées, nous nettoyons ces toilettes 24h sur 24, et utilisons les  produits tels que le grésil, l’eau de javel pour le nettoyage. Souvent quand les visiteurs viennent faire leurs besoins, ils urinent dans les couloirs, sur les carreaux et jettent les serviettes hygiéniques dans les toilettes, on est obligé de faire le nettoyage au passage de chaque personne pour rendre les lieux propres », explique un agent d’entretien.

Kinga Baye Dogo

Au Tchad en général et  dans capitale  N’Djaména en particulier, les prix exorbitants  des matériaux de construction ne permettent pas aux citoyens aux revenus faibles  de se bâtir des maisons durables. Ainsi, chaque saison de pluie, les maisons construites en terre battue s’effondrent, causant des dégâts matériels et humains. Reportage. 

Dans la nuit du vendredi 23 août 2024, deux personnes ont succombé à leurs blessures dues à l’effondrement des maisons au quartier NDjari dans le 8e arrondissement de N’Djaména. Et, ce n’est pas pour la première fois. Que  ce soit à l’intérieur du pays ou à N’Djaména, l’écroulement des maisons est monnaie courante en saison pluvieuse.  Pourtant, le Tchad dispose d’une usine de ciment qui est installée à Baoré dans la province du Mayo Kebbi Ouest, le sable est en abondance  dans les fleuves et il existe plusieurs sites d’exploitation des graviers.  Le prix d'un sac de ciment varie de 8500F à 11000F CFA, le fer de 12 à 7500f et le fer de 10 à 5500f. Les graviers coûtent  entre 60.000F et  500.000F selon la capacité des véhicules. Aussi, ceci en fonction de distance à parcourir. Cette cherté des matériaux de construction laisse les familles aux revenus faibles dans une situation désastreuse.

« Cette année, il est en train de pleuvoir abondamment. Ce  qui  fait des dégâts dans certains quartiers en détruisant les maisons et qui cause même  les cas de décès. Pour développer un pays, il faut que l'État essaie de voir les prix des matériaux aux marchés et de les réduire. A chaque jour que Dieu fait les prix augmentent, comment  les pauvres aussi peuvent construire une  maison durable ? En 1998 le prix d'un sac de ciment  était  à 3000F et le jour où c'est augmenté à 3500F, des personnes ont crié. De nos jours un sac de ciment  est à 10000F ou 11000F. L'État seul ne peut pas construire le pays sans le concours des citoyens », déplore Mahamat Ahmet, un pétrolier admis à la retraite.

Pour Issa Ahmed Issa, vendeur du sable  et graviers au rond-point du pont à double voie, les prix du sable et graviers ont flambé  à cause des prix du gasoil et d’essence, qui a augmenté.

Il explique qu’il faut tenir compte de la qualité du gravier. « Il y a les graviers d’Engoura de  couleur blanche, le gros véhicule à 450.000F, celui de Hadjer-Lamis  à la couleur noire, le gros véhicule à 350.000F et celui de Dandi à la couleur rouge, le gros véhicule est à 350.000F . On vend le gros véhicule à 500.000F, le moyen  à 153.000f et le petit véhicule à 60.000f . Si le gouvernement  réduit  les prix du carburant, nous allons aussi baisser les prix des graviers et sable », tente-t-il d’expliquer.

Plusieurs citoyens demandent au gouvernement d’obliger les commerçants à baisser les prix des matériaux de construction pour permettre à tous d’avoir un logement décent ou construire des logements sociaux aux démunis. Certains affirment que l’État doit mettre sur pied une politique nationale de logement comme dans d’autres pays qui octroient des crédits de construction à la population. « A quoi sert la Banque de l’Habitat (BH) ? », s’interroge un citoyen sous le sceau de l’anonymat. Il répond lui-même « à rien du tout ».

Kellou Daoula Adoum

Suite aux pluies torrentielles qui ont fait effondrer les maisons  à N’Djaména, la capitale tchadienne, des milliers de ménages ont trouvé refuge au Lycée public de Gassi dans le 7e arrondissement. Et y vivent temporairement, leur nombre ne cesse de croître et leurs conditions de vie sont déplorables. Reportage.      

Depuis lundi 19 août, la pluie diluvienne a fait d’énormes dégâts à N’Djaména. De nombreux habitants se sont retrouvés sans abri, notamment ceux des quartiers Ambata, Boutalbagar  et autres. Ils ont trouvé refuge au Lycée de Gassi. Mais, il leur est difficile de subvenir à leurs besoins. Les sinistrés du Lycée de Gassi vivent dans une promiscuité totale qui risque de créer des maladies hydriques.

Le délégué des sinistrés du Lycée de Gassi, Djimet Pascal déplore la situation. « Depuis lundi 19 août dernier, nous sommes ici. L'organisation qui s'occupe de nous nous aidait au préalable, ce qui  a soulagé un tant soit peu les premiers arrivants, mais ensuite, le nombre des victimes n’a pas cessé de croître. Le peu qu'ils en ont  ne suffit pas pour prendre en charge tous les sinistrés. Ce qui veut  dire que ceux qui sont venus après n'ont pas reçu des moustiquaires et d’autres moyens nécessaires », s’inquiète-t-il. Et rajoute « nous manquons de quoi manger. Nous appelons les ONG de nous assister, bientôt c’est la rentrée scolaire ».

Selon le gestionnaire adjoint de secteur M. Nicolas Djimasbaye, ces sinistrés sont arrivés depuis une semaine. « On a enregistré 386 ménages, soit  2316 personnes. Le ministère de la Santé, le ministère de l'Action sociale et certaines ONG sont surplace pour assister les sinistrés. Ces sinistrés viennent généralement d'Ambata. C’est sur instruction de la ministre de l’Action sociale qu’on les a installés ici », explique-t-il. Il ajoute que le ministère les assiste en vivres et non-vivres. « Ils sont installés dans les salles de classe, chacune contient 11, 12, 13, voir 14 ménages.  Nous sommes submergés, donc nous sommes obligés de cesser l'enregistrement », dit M. Djimasbaye.

Il poursuit également que  le processus est en cours  pour leur  délocalisation. « Nous sommes dans une structure scolaire, priorité aux élèves, il faut délocaliser tout ce monde sur un autre site. La rentrée scolaire s’approche. Nous demandons à nos partenaires de venir au secours de ces sinistrés », lance-t-il.

Nadège Riradjim

Le ministre de la Fonction publique et de la Concertation sociale Abdoulaye Mbodou Mbami a affirmé, dans une interview accordée à la télévision nationale tchadienne, que tout le monde n’est pas appelé à travailler à la fonction et que les jeunes doivent plutôt explorer  le chemin de l’entrepreneuriat. Des voix se lèvent pour dénoncer les pratiques peu orthodoxes dans le processus de recrutement des agents de l’État. Reportage.

Selon le coordonnateur de la plateforme des diplômés sans emploi « Sabarna », Youssouf Soumaine « c'est désespérant et une fuite en avant de la responsabilité de l'État. Si on veut faire une prévision, il faut que cette prévision soit visible sur le terrain. Aujourd'hui, l'État tchadien qui d'ailleurs ne met pas du sérieux dans l'amélioration du système éducatif. Il a formé des diplômés dans plusieurs domaines sans les embaucher. Le ministre a bien fait de le relever  parce que lui-même est dans une  situation confuse. Si l'État est dans l'incapacité de recruter les diplômés à la fonction publique, il faut qu’il s'organise pour assainir l'environnement de l'entrepreneuriat », se lamente-t-il.

Les diplômés en chômage affirment  que les ressources du pays  sont mal gérées par les autorités qui ne pensent qu’à intégrer leurs familles et amis au détriment des enfants des paysans.  « Il faut aussi savoir que ces diplômés surnommés « diplômés sans emploi » n'ont pas des notions  sur  l'entrepreneuriat. Comment vont-ils entreprendre ?  », s’interroge Youssouf  Soumaine. 

 « Cette déclaration est une insulte à l’égard des diplômés sans emploi », rajoute-t-il. Pour illustrer nos propos, nous avons formé des enseignants qui chôment, mais des écoles manquent d’enseignants. C’est paradoxal. Si vous  n’avez pas d’argent ou vous n’êtes pas proche du régime, difficile d’avoir son intégration à la fonction publique tchadienne, fulmine Kemsol Chantale.

 Certains jeunes évoquent les impôts et taxes qu’ils jugent excessifs pour entreprendre. 

Des conditions favorables pour entreprendre

Pour Dr Yamingué Bétenbaye directeur du Centre de Recherche en Anthropologie et Sciences humaines et analyste politiquent, cette sortie du ministre de la Fonction publique est surprenante. « Je ne pense pas que le ministre de la Fonction publique a besoin d'utiliser les mots qu'il a utilisés ou d'avoir ce ton dur pour aborder un sujet comme celui-là. En toile de fond, on pourrait déplorer une sortie plutôt maladroite sur un sujet de grande importance pour la jeunesse, mais aussi pour la république », déplore-t-il. Il soutient qu’il est difficile de dire que les critères de recrutement à la fonction publique au Tchad sont respectés. « D'autant plus que  les services de l'État communiquent très peu sur la modalité de recrutement à la fonction publique. C'est qu'il y'a les textes officiels qui régissent  le statut et les engagements, les attributions du personnel à recruter, mis à la disposition de l'État. Et ce critère reste relativement flou », dit-il. L’enseignant-chercheur poursuit que le recrutement  à la fonction publique se fait à la tête du client. De plus, on ne devrait pas parler de saturation de la fonction publique, mais plutôt de la faible capacité d'absorption. Dans un contexte comme celui du Tchad, la fonction publique est le gros employeur au niveau national. La fonction publique dans un pays ne devrait pas être l'employeur principal », indique-t-il.  « Malheureusement,  c'est le cas au Tchad qui se retrouve dans un contexte où la fonction publique, avec sa capacité d'absorption très limitée, se trouve être le principal employeur et cela pose problème. On pourrait insister plutôt à exhorter les responsables en charge du département de la fonction publique à clarifier la politique nationale, parce qu'on a l'impression d'être dans un pays qui ne dispose pas d'une politique claire d'emploi. On devrait aussi exhorter le ministère en charge de l'emploi à déployer plus d'efforts pour disposer de statistiques claires sur la question d'emploi ».

Il souligne que l’État doit faire des  plaidoyers  auprès du patronat ou des entreprises afin de  faire en sorte qu'il ait un équilibre entre l'offre et la demande en matière d'emploi. « Certes, ce n'est pas à l'État de recruter de personnes en quête d’emploi, mais il lui revient de créer les conditions optimales pour qu'il y ait des structures capables  d'accueillir  les demandeurs d'emploi. Il faut que l'État clarifie sa politique nationale d'emploi, avoir un meilleur contrôle des statistiques et les proportions des personnes en quête d'emploi et les emplois disponibles », propose-t-il.  

Nadège Riradjim

L'Union nationale des associations des personnes handicapées du Tchad (UNAPHT) demande au gouvernement  de respecter les textes nationaux et internationaux portant  protection et promotion des personnes vivant avec un handicap.

Pour Madjitelsem Séverin, secrétaire général adjoint de l’Union nationale des associations des personnes handicapées au Tchad (UNAPHT) et par ailleurs conseiller de la République au Conseil économique et social, la loi 007 qui date de 2007 n’est pas respectée.  « Cette loi traite la question de l'accessibilité des femmes, enfants et personnes handicapés  à la scolarité, à  l'emploi et aux structures sanitaires. Entre 2019 et 2020, un autre décret  d’application de cette loi a été pris, mais les défis de la protection et la promotion des personnes handicapées reste à relever car, aujourd'hui elles  rencontrent  des difficultés à avoir l'accès à l'éducation et à l'emploi, beaucoup sont formées dans les écoles professionnelles à l’intérieur comme  à l'extérieur du pays. Cependant, ils  se retrouvent à la maison abandonnés à eux-mêmes », regrette-t-il.

Toutefois, ajoute-t-il, le président de la République Mahamat Idriss Deby Itno et le Premier ministre ont réitéré la problématique d'emploi des jeunes comme une priorité. «  Donc,  nous rappelons  les plus hautes autorités au respect de leurs  engagements au niveau national et international sur la protection et promotion des droits des personnes handicapées et la disposition de l'article 27 de la convention relative aux personnes handicapées que le Tchad a ratifiée en juin 2019. Ces dispositions de l'article 27 parlent de l'emploi des personnes en situation de handicap  et c'est l'État qui a la première responsabilité d'agir en ce sens ».

Madjitelsem Séverin  indique que les personnes vivant  avec un handicap sont stigmatisées  au sein des communautés. « La plupart des Tchadiens pensent que les personnes handicapées sont incapables de bien travailler. Cette mentalité crée des injustices dans le monde du travail. Dans certaines entreprises au Tchad, les jeunes handicapés n'ont pas l'accès à l'emploi. Et, ceci constitue une violation des droits de l'homme. En dehors de la loi 007, il existe d'autres textes et décrets qui protègent  les droits des personnes handicapées mais malheureusement leur application pose problème. Notre pays le Tchad est un pays qui a des beaux textes, mais ces textes souffrent d'application, ils ne sont pas traduits dans les faits », fait-t-il savoir.

 Le conseiller de la République salue la volonté des hautes autorités du  Tchad avec la création d’une agence pour les personnes en situation de handicap  malgré le retard de la mise en place de cette agence qui est une recommandation du dialogue national souverain et inclusif. « Je crois que des voix se sont levées au niveau des associations des personnes handicapées via l'union nationale des personnes handicapées qui est la faîtière qui agit à l'échelle nationale, sous-régionale et continentale  pour la mise en place  effective de l’agence. Cette agence doit jouer le rôle d'interface entre l'État et les partenaires ou les organisions des personnes handicapées vivant au Tchad. J’interpelle les  gouvernants, les organisations non gouvernementales, les entreprises et  les Tchadiens en général d’accorder  une attention particulière aux  personnes vivant avec un handicap », clame  Madjitelsem Séverin.

Amadou  Voundia

C’est pour la deuxième fois que la France à travers son Parquet national financier (PNF) vise le président tchadien Mahamat Idriss Deby Itno.

La première enquête concernait l’achat des costumes et le 23 août dernier, le journal français Mediapart a révélé que le patrimoine immobilier de Mahamat  Idriss Deby et sa famille est évalué à au moins 30 millions d’euros.  Ces révélations fracassantes lèvent le voile sur la crise entre l’Élysée et le Palais Toumaï.        

Depuis que le président tchadien Mahamat  Idriss Deby Itno a effectué une visite à Moscou en Russie en janvier 2024 et la récente visite du ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov, les relations entre la France et le Tchad ne sont plus au beau fixe. « Au lendemain de la mort du Deby père, la France a adoubé Deby fils pour préserver certains de ses intérêts comme la lutte le terrorisme dans le Sahel et d’autres accords bilatéraux signés entre la France et le Tchad au temps du Maréchal Idriss Deby Itno. Mais, le déplacement de Mahamat  au Kremlin pour rencontrer Poutine a été vu par les Français comme une trahison. Sinon comment comprendre que Mahamat Idriss Deby arrive en Russie le 24 janvier et dès son retour au pays, la France sort une histoire que le président dépense un million d’euros pour l’achat de costumes », estime des sources au Palais Toumaï de N’Djaména contactée par Ialtchad.  Les mêmes sources font savoir qu’avec cette deuxième enquête, c’est une pression que l’Élysée veut faire sur Mahamat Idriss Deby Itno par rapport à son rapprochement avec la Russie et d’autres partenaires considérés comme ennemis de la France.

« A ce stade, ce sont des biens immobiliers, des appartements de prestige de haut standing de luxe et d’autres appartenant à plusieurs membres de ce qu’on pourrait appeler le clan Deby. Ce sont des achats qui datent au début 2000 et ça peut évidemment concerner également les pratiques de Deby père tué en 2021 et de son fils Mahamat qui a pris les rênes du pays et élu dans les circonstances dénoncées par les ONG et certaines chancelleries occidentales », a justifié sur les antennes de RFI Fabrice Arfi, coauteur de l’enquête de Mediapart.

Cette affaire semble prendre de l’ampleur. Et a, apparemment vexé, selon les plusieurs sources, le jeune président tchadien qui est tenté de faire plus de place au Tchad à la Russie, mais qui semble hésité de peur que la France ne nuise à son fragile pouvoir. Pour l’instant, il maintiendra sa ligne : faire cohabiter l’ours russe (Russie) et le coq gaulois (France). Il boude la France, mais n’ira pas à la confrontation et à la rupture, disent plusieurs observateurs. « Il sera mieux avisé de faire le dos rond pour laisser passer la tempête. Malheureusement l’Élysée ne peut rien faire pour lui. En France la justice est indépendante », affirme l’entourage du président français.

Amadou  Voundia

En paraphrasant l’ancienne devise Olympique : « Citius, Altius, Fortius », il est permis d’affirmer à l’aune du processus transitoire en cours au Tchad que le système Deby-fils va toujours « Plus Vite, Plus Haut, Plus Fort » dans la « Hougoura[1] », soit, un continuum de mépris, de défiance, d’effronterie, d’ostracisme à l’égard d’une partie de la population au demeurant, narguée, outragée, offensée, humiliée sciemment et à satiété. Une frange de la population dont l’interminable purgatoire, confinant à l’ogonie, ne suffira pourtant pas à expier les torts congénitaux aux yeux du régime.

Les marqueurs institutionnels et politiques de cette « Hougoura » sont perceptibles notoirement hier et aujourd’hui dans la composition significativement déséquilibrée des Gouvernements et du Conseil National de Transition ; dans les forfaitures de la CONOREC ; dans les oukases de l’organisation et des résolutions du DENIS ; dans les outrances des processus électoraux référendaire constitutionnel et de la présidentielle, mais aussi dans les anomalies organiques que sont l’ANGE et le Conseil constitutionnel dans leur constitution et fonctionnement. 

Ajouter à cela, qu’il suffit d’un instantané de la hiérarchie militaire (généraux et officiers supérieurs) ou administrative (SG, DG et DAF des ministères et des entreprises publiques ; gouverneurs, préfets et consorts sous-préfets) pour constater l’évidence de la prégnance et de la dynamique de la relégation que subit cette partie de la population, quoique non assumée publiquement par le régime.

Mais la promulgation par le désormais Président de la République, le 16 août 2024, des lois respectives n° 013, 014 et 015/CNT/2024 dont il résulte, notamment la cartographie des circonscriptions électorales, franchit le Rubicon en officialisant la formalisation de la population tchadienne en sociétés de classes, d’ordres (ou de castes) à l’image de l’Ancien Régime en France, avec pour déterminant la géographie du pays.

À rebours du progrès civilisationnel dont il résulte l’abolition des privilèges de la naissance, ou encore la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui d’une part, prescrit l’égalité des citoyens et d’autre part, proscrit la discrimination fondée sur l’origine ethnique ou le lieu de naissance, la couleur de la peau ou la religion. À rebours de la Constitution de la 5e République dont le régime Deby-fils est pourtant le seul commanditaire et auteur, sauf à considérer qu’il ne croit lui-même pas un traitre mot des dispositions, le nouveau découpage électoral consacre formellement et littéralement la rupture d’égalité entre Tchadiens sans pour autant avoir été motivée par un impératif d’intérêt général. Il en est ainsi désormais :

  • des « Supers-Tchadiens » aux Borkou-Ennedi-Tibesti (BET), Kanem, Lac et Biltine. En grossissant à peine les traits, on pourrait dire que ceux-ci ont dans l’inconscient collectif, les attributs et privilèges de la classe de la noblesse.
  • ensuite des « Tchadiens de droit commun » aux Batha, Ouadaï, Guéra, Salamat et Chari Baguirmi. En exagérant à peine, cette population mêle à la fois ce qui correspondrait à la classe de clergé (sans le privilège) et celle de la bourgeoisie, mais aussi beaucoup de la classe de tiers-état. Ils peuvent néanmoins prétendre à la noblesse des premiers mais à condition de n’avoir pas d’ambition politique, d’orgueil, de fierté ou d’amour propre.
  • et enfin, des « Sous-Tchadiens » aux Mayo-Kebbi, Tandjilé, deux Logones et Moyen-Chari. Ceux-ci relèvent essentiellement du domaine de la classe des tiers-état. Pour eux, les portes closes de la fonction publique et si certains ont la chance d’y être, ils subiront la loi d’airain du plafond de verre ou du simple collaborateur dévoué, voire soumis, y compris lorsque leur compétence et leur productivité en font des valeurs étalons. Pour d’autres, rien, si ce n’est simplement la vulnérabilité des fonctions sans statut.

Si l’objectif des concepteurs de cette loi, était d’assurer une représentativité des vastes territoires désertiques du Nord, l’institution sénatoriale prévue par cette même Constitution de la 5e République est plus appropriée pour en être l’instrument et le réceptacle comme en atteste le droit comparé. En effet, aux USA et au Canada, deux pays marqués par des disparités entre les États ou Régions à forte densité démographique et d’autres, à très faible densité, mais pourvus de vastes étendus de territoires comme le sont les régions du Tchad, c’est la chambre haute, autrement dit, le Sénat qui assure la représentation et la défense des intérêts des États ou régions et à certains égards, des groupes sous-représentés dans la population générale comme les peuples autochtones (les indiens par exemple au Canada).

En ce qui concerne, la chambre basse, dite encore l’Assemblée nationale, elle assure de manière universelle et intemporelle sous toutes les latitudes, une représentation démographiquement proportionnelle à la population. Et c’est là, sa seule raison d’être. Sa composition repose sur un ratio immuable d’un ou d’une député (e) pour un seul et même quantum de population, indistinctement sur l’ensemble du territoire national. Ceci justifie au demeurant le caractère national du mandat des députés et procède de l’équation :  un homme ou une femme = une voix.

Dès lors, d’où peut bien venir l’inspiration des têtes pensantes du régime pour proposer ce projet devenu depuis, une loi inique et scélérate, mêlant l’abjection à l’ignominie doublée de la fourberie, si ce n’est la « Hougoura » et son corollaire : le sentiment que le régime et ses affidés peuvent tout se permettre sans rien craindre. Pour eux, il n’existe plus de limite à l’indécence et à l’indignité morale, éthique et religieuse dans la conduite de l’action publique. Pas de peur du jugement de l’Histoire ; plus de crainte du délitement du fragile tissu de la cohésion nationale à moins que ce ne soit le but recherché. Foin de la bienséance politique. Comme diraient, les sbires de l’ex-dictateur Burkinabé, Blaise Compaoré, à l’époque de leur splendeur : « on vous fait, et il n’y aura rien ».

Car comment comprendre qu’en dépit des suppliques répétées et de la force de l’argumentaire juridique, politique, sociologique et anthropologique des personnes aussi raisonnables, averties et clairvoyantes que peuvent l’être Messieurs Laona Gong Raoul, Béral Mbaïkoubou, l’Abbé Madou et des milliers d’autres citoyens célèbres ou anonymes de tous les horizons géographiques du pays, tous mus, autant qu’ils le sont, par la sauvegarde de la fragile unité nationale, ce projet de loi a poursuivi ne varietur, son parcours législatif accéléré jusqu’à son aboutissement ce 16 août 2024. Le cours de science politique d’un Takilal Ndolassem (pour une fois, sorti de son rôle de « fou du Roi »), administré magistralement au ministre d’État de l’Administration, complètement groggy par l’évidente démonstration, n’y changera rien non plus. Soit !

Mais alors :

  • quel désaveu pour Messieurs J.-B. Padaré ; Issa Doubraigne et tous les chapeaux à plumes du MPS du Sud du pays, enfourchant le narratif soporifique des 12 chantiers du Président Déby-fils, et de sa coalition Tchad Uni ! Peuvent-ils encore écumer l’arrière-pays méridional en professant l’unité, l’égalité des citoyens et la non-discrimination quand leurs propres militants ne peuvent prétendre à une représentativité équitable à l’Assemblée nationale concurremment aux « camarades » du même parti au Nord du pays ?
  • quelle méfiance peut bien inspirer le système à l’égard du Sud du pays dès lors qu’il ressort des résultats de la dernière présidentielle que le candidat Déby-fils est arrivé premier dans toutes les provinces du Sud, sauf trois. À moins qu’il y ait comme un doute sur la sincérité et la fiabilité des résultats instrumentés par l’ANGE et validés par le Conseil constitutionnel !
  • quel mépris pour le tchadien, d’ascendance allogène ou du Nord, vivant au Sud comme on en trouve dans tous les coins et recoins les plus isolés, totalement intégré à la population locale et à qui cette loi fait subir la perte de chance d’espérer devenir député surtout dans les grands centres urbains cosmopolites comme peuvent l’être : Sarh, Koumra, Doba, Moundou, Pala, Laï, Bongor, etc. ?
  • quelle double peine pour le Sud du pays subissant, en raison de la rigueur climatique rendant peu hospitaliers certains territoires du Nord, les transhumances à la fois du bétail et des hommes, augmentant ainsi de manière exponentielle la pression démographique et conflictogène que d’être moins bien représenté à l’Assemblée par rapport aux territoires désertés du Nord ?
  • quelle sera la prochaine étape dans l’imaginaire débordant de la « Hougoura » des têtes pensantes du régime ? Sans doute, une loi sur le « statut du Sud » à l’image des lois du régime de Vichy de 1940 et 1941 sur le statut des Juifs ; ainsi exclus de la fonction publique, des mandats publics, des professions libérales, commerciales et industrielles ?

« Toujours plus vite, plus haut, plus fort dans l’exclusion et l’ignominie ». Telle pourrait bien être la devise du régime de la 5e République du Tchad.

Abdoulaye Mbotaingar

Docteur en droit, maître de conférences à l’université

[1] Une expresse de l’arabe darija tchadien, mais qu’on retrouve également avec la même teneur dans certains pays du Maghreb comme l’Algérie ou le Maroc. Le propos de l’article, dont le signataire n’est pas linguiste, est d’en donner des déclinaisons dans le contexte politique du Tchad.

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