À un mois de la rentrée scolaire au Tchad, les enseignants n’arrivent pas toujours à s’entendre pour organiser le congrès pour changer le bureau exécutif du Syndicat des Enseignants du Tchad (SET) dont le mandat est expiré depuis mars 2023. Le Comité de crise créé dans la foulée envisage s’organiser en syndicat aussi.
L’ex-Comité de crise du Syndicat des enseignants du Tchad, piloté par Djimoudouel Faustin veut se transformer en Syndicat Indépendant des Enseignants du Tchad (S.I.E.T). Depuis le début de l’année scolaire 2023-2024, les enseignants sont divisés en deux.
Il y a les partisans du bureau exécutif du SET, d’autre part les membres du comité de crise qui demande le départ du Secrétaire général du SET avec M. Ngartoïdé Blaise en fonction depuis mai 2019.Cependant, le mandat de l’ancienne équipe est expiré en mars 2023, soit un an et demi sans l’organisation d’un congrès et la mise en place d’une nouvelle équipe. Toujours est-il que dans cette cacophonie, ce sont les élèves qui feront les frais. Maintenant avec un syndicat bicéphale, la lutte des enseignants ne risque-t-elle pas de se disloquer ? « C’est le principe de diviser pour mieux régner qui est en train d’être appliqué dans le milieu des enseignants. C’est une manière pour le gouvernement de profiter de cette faille pour ne pas respecter le pacte social et certains points de revendication des enseignants », dit Moula Jean-Paul un enseignant en retraire.
Les deux camps s’affrontent souvent sur les réseaux sociaux et même parfois physiquement et verbalement. Sur une place publique à N’Djaména, un groupe d’enseignants discutent à propos de la discorde entre les enseignants. L’un lance « Blaise et sa bande sont les pions du gouvernement. Ils ne se soucient pas de nos vraies revendications. Ils prennent de l’argent au nom des enseignants, mais ils ne font rien. C’est une bonne nouvelle avec la création du Syndicat indépendant des enseignants du Tchad. Là au moins, nous allons nous exprimer librement et décider de ce qu’on va faire ». L’autre répond « Faustin et le comité de crise est une fabrication des transformateurs. Lorsque Succès Masra a été nommé Premier ministre, le comité de crise a demandé aux enseignants automatiquement à reprendre les cours. Chose qu’ils ne voulaient pas faire au temps de l’ancien Premier ministre Saleh Kebzabo ».
Dans ces péripéties et cette guerre de leadership des enseignants, le comité de comité de crise avait porté plainte contre le bureau exécutif du SET pour illégitimité. Dans un premier temps, le parquet avait donné raison au comité de crise. Mais, le bureau exécutif a fait appel, le 19 juin dernier, la Cour d’appel de N’Djaména après délibération a conclu que le comité de crise du SET « n’est pas doté de la personnalité juridique requise pour agir », donc il ne peut pas organiser le congrès. L’ancien comité de crise compte lancer les activités de son syndicat ce 31 août. Cependant, certaines proches du bureau exécutif du SET, renseignent que le congrès serait organisé du 4 au 6 septembre prochain. Le gouvernement à travers le ministère de l’Éducation nationale, disent nos sources, a intérêt à restaurer l’ordre dans le milieu des enseignants à l’aune de la rentrée scolaire qui se trouve aujourd’hui politisé au grand dam des élèves et parents.
Amadou Voundia
La capitale tchadienne, N’Djamena, est victime des inondations chaque saison pluvieuse. Ce phénomène cause des dégâts matériels et humains. L’urbaniste architecte, Roger Boriata Djasngar explique le « pourquoi » et le « comment ». Il propose des solutions. Reportage.
Selon l’urbaniste-architecte Roger Boriata Djasngar, ne peut pas empêcher les inondations à N’Djamena. « Autrefois la ville n’était qu’un petit poste militaire créé au lendemain de la bataille entre le conquérant Rabat et le Commandant Lamy. Un campement militaire pour loger les tirailleurs sénégalais qui étaient un champ naturel du sultan de Goulfeye en terre Kotoko. L’actuelle ville c’était le chemin où les eaux circulaient », dit-il.
Il explique qu’une fois la ville est devenue une agglomération, elle s'est développée avec quelques points exondés et marécageux. « La vraie ville se limitait au Canal Saint Martin, dans le 2e arrondissement, qui était un bras mort du fleuve Logone et Chari. Dans les années 1950 et 1960, il y avait un bon réseau de drainage des eaux de la ville », renseigne-t-il.
Toujours selon l’urbaniste, l'inondation étant un phénomène naturel, on ne peut pas l'éliminer, mais le prévenir en construisant des grands caniveaux comme les premiers caniveaux des années 50 et 60. « Ils mesuraient 2m 50 de profondeur et 1 m 40 de largeur. Avec l'étalement urbain et les occupations anarchiques, les eaux ne trouvent pas d’issue. Elles sont bloquées et cela cause les inondations ».
M. Djasngar demande aux autorités de repenser la question d’urbanisation de la ville. Et d’appliquer les plans de canalisation des eaux conçus pour cela. « La ville de N’Djamena a eu plusieurs plans de canalisation. C’est un schéma de drainage des eaux. Le dernier date de 2 ans, mais personne ne veut appliquer ce schéma. Il y a un problème », dit-il. Il rajoute un autre problème : la coordination des actions gouvernementales qui est mal exécutée. « Par méconnaissance, la population charge la mairie pourtant certaine prérogatives ne relèvent pas des compétences des responsables communaux ».
Que faut-il faire face aux inondations ? M. Roger Boriata Djasngar propose la création d'une agence qui va s'occuper de l'extension de la ville, pour maîtriser l’étalement urbain, trouver une solution durable aux problèmes des inondations et les ordures, « le ministère de l'Aménagement du territoire et la mairie seuls, ne suffisent pas », pense-t-il.
Au sujet du projet ou mise en place d’un groupe de réflexion pour la création d’une nouvelle ville ou « ville nouvelle », le technicien apprécie, mais s’inquiète de la posture du gouvernement et de sa méthode qui souvent ignore les techniciens spécialistes de la conception à l’exécution des projets. « Il faut que l'État associe les urbanistes, les architectes, les lauréats des universités qui ont fini en Aménagement du Territoire. Et qui ne sont pas encore intégrés à la Fonction publique pour que cette nouvelle ville soit une réussite et non un fiasco », propose-t-il.
Ousmane Bello Daoudou
Nadège Riradjim.
« L’automédication crée d’autres maladies comme l’insuffisance rénale, l’inflation du foie et le mal d’estomac », affirme Dr Abdramane Issa Adoum. Plusieurs personnes prennent des produits pharmaceutiques sans consulter un médecin ni faire des examens médicaux lorsqu’elles tombent malades. Le manque d’argent est souvent évoqué comme raison. Mais l’automédication est risquée. Reportage.
Dans la capitale tchadienne, N’Djaména, presque tous les foyers ont une petite pharmacie à la maison. En cas de malaise d’un membre de la famille, les premiers soins sont administrés surplace. Alors qu’il existe des centres de santé, des pharmacies et des cliniques dans les quartiers. Parfois, les N’Djaménois, préfèrent acheter les produits pharmaceutiques douteux à la boutique du coin pour des raisons financières. « Quand je tombe malade si ce n’est pas grave, je ne pars pas à l'hôpital parce que leurs médicaments sont trop chers. Si j’ai un malaise, je prends BNS, Nivaquine, paracétamol et autre », dit Kemsol Chantal.
Mme Yoyana Sidonie renchérit en affirmant que lorsqu’elle n’pas d'argent, elle ne va pas à l'hôpital, « certainement on me demandera de faire les examens c’est pourquoi je ne vais pas à l'hôpital quand je tombe malade si cela n’est pas aussi grave que ça. En prenant les médicaments sans avis du médecin, c’est problématique, mais ça soulage ».
Dr Abdramane Issa Adoum major au service d'urgence à l'Hôpital Roi Fayçal de N’Djaména soutient que la prise des médicaments sans avis d’un médecin est dangereux. « Tous les médicaments que nous voyons sur les marchés ou dans les rayons de la capitale doivent être prescrits par un médecin avant consommation. Mais le problème au Tchad est un problème très sérieux. Une personne qui ne se sent pas bien, achète des comprimés exposés à l’air libre sous le soleil et en prend sans consultation. Par exemple, les Paracétamols, Diclo, Ibuprofène et autres. C’est dangereux pour santé », dit-il.
Le médecin explique que c'est à la dernière minute qu'ils se rendent à l'hôpital pour se faire soigner, parfois la maladie s’est déjà aggravée, il est trop tard. « Pourtant tout début d'une maladie, a un comprimé bien spécifique. Si le malade prend une dose anormale, c'est difficile de le soigner. Chaque maladie à sa catégorie de comprimé. Si le malade prend directement le comprimé de la 3e catégorie, ça peut créer une autre maladie. C'est la raison pour laquelle certaines personnes ont le problème d’insuffisance rénale, de foie, et d'estomac », éclaire-t-il.
Le docteur conseille toute personne malade de se rendre à l’hôpital ou consulter un médecin avant de prendre des comprimés. « Je les exhorte à venir à l'hôpital pour se faire consulter avant de prendre les comprimés. Certains médicaments sont d’origine douteuse, beaucoup de produits pharmaceutiques entrent au Tchad sans contrôle au préalable ».
Nadège Riradjim
Dans la plupart des hôpitaux, districts et centres de santé de N’Djaména, l’état des toilettes publiques laisse à désirer alors que les structures sanitaires sont des lieux censés être propres. Reportage.
Les hôpitaux et les centres de santé sont des endroits les plus fréquentés par la population. Cependant, les toilettes des certaines structures sanitaires de la capitale sont impropres. Par exemple dans le district sud de l’hôpital de l’Union appelé communément « hôpital américain » et l’Hôpital central, les excréments humains aspergés des urines sont déposés sur les carreaux. A l’entrée de ces toilettes, les odeurs toxiques vous accueillent. Ces lieux censés être propres et offrir le confort aux patients sont au contraire très sales exposant les usagers à de nombreuses infections et mettant mal à l’aise les visiteurs. Des malades et gardes malades déplorent cela. « Depuis le matin, je ne suis pas allée aux toilettes et je cherche à aller me laver et faire mes besoins au quartier parce que les toilettes sont très sales ici. D’ailleurs je me prive parfois de nourriture de peur d'avoir l’envie d’aller aux toilettes. C'est très difficile pour nous qui sommes ici à l'hôpital, il faudrait que chaque personne ait la notion d'hygiène » se plaint une garde-malade à l’hôpital de l’Union dans le 7e arrondissement. « Les toilettes sont malsaines et dégoûtantes à l’hôpital, je n'arrive pas à en faire usage, parce les gens défèquent en dehors des latrines », renchérit Missidjinard.
Certaines sources indiquent que, c’est aussi l’utilisation excessive des toilettes qui est à l’origine de l’insalubrité. D’autres posent le problème d’éducation civique. « Nous avons au total trois toilettes, mais les deux sont hermétiquement fermées, j'ignore la cause, il n’y a une seule qui est accessible à tous, mais elle n’est pas bien entretenue. Il faut qu’on désinfecte ces toilettes sinon vous venez pour un problème de santé et vous risquez de contracter d’autres maladies. Et certaines personnes se plaisent dans cette saleté », fustige un autre patient.
Dans certains hôpitaux l’utilisation des toilettes publiques est payante. Mais l’incivisme des visiteurs sape les efforts des agents de nettoyage.
« Ici, nous avons deux toilettes, une publique et l'autre privée. Les toilettes publiques sont gratuites, mais les gens n'en font pas bon usage, mais les toilettes privées sont payantes elles sont les plus utilisées. Je gère les toilettes privées, nous nettoyons ces toilettes 24h sur 24, et utilisons les produits tels que le grésil, l’eau de javel pour le nettoyage. Souvent quand les visiteurs viennent faire leurs besoins, ils urinent dans les couloirs, sur les carreaux et jettent les serviettes hygiéniques dans les toilettes, on est obligé de faire le nettoyage au passage de chaque personne pour rendre les lieux propres », explique un agent d’entretien.
Kinga Baye Dogo
Au Tchad en général et dans capitale N’Djaména en particulier, les prix exorbitants des matériaux de construction ne permettent pas aux citoyens aux revenus faibles de se bâtir des maisons durables. Ainsi, chaque saison de pluie, les maisons construites en terre battue s’effondrent, causant des dégâts matériels et humains. Reportage.
Dans la nuit du vendredi 23 août 2024, deux personnes ont succombé à leurs blessures dues à l’effondrement des maisons au quartier NDjari dans le 8e arrondissement de N’Djaména. Et, ce n’est pas pour la première fois. Que ce soit à l’intérieur du pays ou à N’Djaména, l’écroulement des maisons est monnaie courante en saison pluvieuse. Pourtant, le Tchad dispose d’une usine de ciment qui est installée à Baoré dans la province du Mayo Kebbi Ouest, le sable est en abondance dans les fleuves et il existe plusieurs sites d’exploitation des graviers. Le prix d'un sac de ciment varie de 8500F à 11000F CFA, le fer de 12 à 7500f et le fer de 10 à 5500f. Les graviers coûtent entre 60.000F et 500.000F selon la capacité des véhicules. Aussi, ceci en fonction de distance à parcourir. Cette cherté des matériaux de construction laisse les familles aux revenus faibles dans une situation désastreuse.
« Cette année, il est en train de pleuvoir abondamment. Ce qui fait des dégâts dans certains quartiers en détruisant les maisons et qui cause même les cas de décès. Pour développer un pays, il faut que l'État essaie de voir les prix des matériaux aux marchés et de les réduire. A chaque jour que Dieu fait les prix augmentent, comment les pauvres aussi peuvent construire une maison durable ? En 1998 le prix d'un sac de ciment était à 3000F et le jour où c'est augmenté à 3500F, des personnes ont crié. De nos jours un sac de ciment est à 10000F ou 11000F. L'État seul ne peut pas construire le pays sans le concours des citoyens », déplore Mahamat Ahmet, un pétrolier admis à la retraite.
Pour Issa Ahmed Issa, vendeur du sable et graviers au rond-point du pont à double voie, les prix du sable et graviers ont flambé à cause des prix du gasoil et d’essence, qui a augmenté.
Il explique qu’il faut tenir compte de la qualité du gravier. « Il y a les graviers d’Engoura de couleur blanche, le gros véhicule à 450.000F, celui de Hadjer-Lamis à la couleur noire, le gros véhicule à 350.000F et celui de Dandi à la couleur rouge, le gros véhicule est à 350.000F . On vend le gros véhicule à 500.000F, le moyen à 153.000f et le petit véhicule à 60.000f . Si le gouvernement réduit les prix du carburant, nous allons aussi baisser les prix des graviers et sable », tente-t-il d’expliquer.
Plusieurs citoyens demandent au gouvernement d’obliger les commerçants à baisser les prix des matériaux de construction pour permettre à tous d’avoir un logement décent ou construire des logements sociaux aux démunis. Certains affirment que l’État doit mettre sur pied une politique nationale de logement comme dans d’autres pays qui octroient des crédits de construction à la population. « A quoi sert la Banque de l’Habitat (BH) ? », s’interroge un citoyen sous le sceau de l’anonymat. Il répond lui-même « à rien du tout ».
Kellou Daoula Adoum
Suite aux pluies torrentielles qui ont fait effondrer les maisons à N’Djaména, la capitale tchadienne, des milliers de ménages ont trouvé refuge au Lycée public de Gassi dans le 7e arrondissement. Et y vivent temporairement, leur nombre ne cesse de croître et leurs conditions de vie sont déplorables. Reportage.
Depuis lundi 19 août, la pluie diluvienne a fait d’énormes dégâts à N’Djaména. De nombreux habitants se sont retrouvés sans abri, notamment ceux des quartiers Ambata, Boutalbagar et autres. Ils ont trouvé refuge au Lycée de Gassi. Mais, il leur est difficile de subvenir à leurs besoins. Les sinistrés du Lycée de Gassi vivent dans une promiscuité totale qui risque de créer des maladies hydriques.
Le délégué des sinistrés du Lycée de Gassi, Djimet Pascal déplore la situation. « Depuis lundi 19 août dernier, nous sommes ici. L'organisation qui s'occupe de nous nous aidait au préalable, ce qui a soulagé un tant soit peu les premiers arrivants, mais ensuite, le nombre des victimes n’a pas cessé de croître. Le peu qu'ils en ont ne suffit pas pour prendre en charge tous les sinistrés. Ce qui veut dire que ceux qui sont venus après n'ont pas reçu des moustiquaires et d’autres moyens nécessaires », s’inquiète-t-il. Et rajoute « nous manquons de quoi manger. Nous appelons les ONG de nous assister, bientôt c’est la rentrée scolaire ».
Selon le gestionnaire adjoint de secteur M. Nicolas Djimasbaye, ces sinistrés sont arrivés depuis une semaine. « On a enregistré 386 ménages, soit 2316 personnes. Le ministère de la Santé, le ministère de l'Action sociale et certaines ONG sont surplace pour assister les sinistrés. Ces sinistrés viennent généralement d'Ambata. C’est sur instruction de la ministre de l’Action sociale qu’on les a installés ici », explique-t-il. Il ajoute que le ministère les assiste en vivres et non-vivres. « Ils sont installés dans les salles de classe, chacune contient 11, 12, 13, voir 14 ménages. Nous sommes submergés, donc nous sommes obligés de cesser l'enregistrement », dit M. Djimasbaye.
Il poursuit également que le processus est en cours pour leur délocalisation. « Nous sommes dans une structure scolaire, priorité aux élèves, il faut délocaliser tout ce monde sur un autre site. La rentrée scolaire s’approche. Nous demandons à nos partenaires de venir au secours de ces sinistrés », lance-t-il.
Nadège Riradjim
Le ministre de la Fonction publique et de la Concertation sociale Abdoulaye Mbodou Mbami a affirmé, dans une interview accordée à la télévision nationale tchadienne, que tout le monde n’est pas appelé à travailler à la fonction et que les jeunes doivent plutôt explorer le chemin de l’entrepreneuriat. Des voix se lèvent pour dénoncer les pratiques peu orthodoxes dans le processus de recrutement des agents de l’État. Reportage.
Selon le coordonnateur de la plateforme des diplômés sans emploi « Sabarna », Youssouf Soumaine « c'est désespérant et une fuite en avant de la responsabilité de l'État. Si on veut faire une prévision, il faut que cette prévision soit visible sur le terrain. Aujourd'hui, l'État tchadien qui d'ailleurs ne met pas du sérieux dans l'amélioration du système éducatif. Il a formé des diplômés dans plusieurs domaines sans les embaucher. Le ministre a bien fait de le relever parce que lui-même est dans une situation confuse. Si l'État est dans l'incapacité de recruter les diplômés à la fonction publique, il faut qu’il s'organise pour assainir l'environnement de l'entrepreneuriat », se lamente-t-il.
Les diplômés en chômage affirment que les ressources du pays sont mal gérées par les autorités qui ne pensent qu’à intégrer leurs familles et amis au détriment des enfants des paysans. « Il faut aussi savoir que ces diplômés surnommés « diplômés sans emploi » n'ont pas des notions sur l'entrepreneuriat. Comment vont-ils entreprendre ? », s’interroge Youssouf Soumaine.
« Cette déclaration est une insulte à l’égard des diplômés sans emploi », rajoute-t-il. Pour illustrer nos propos, nous avons formé des enseignants qui chôment, mais des écoles manquent d’enseignants. C’est paradoxal. Si vous n’avez pas d’argent ou vous n’êtes pas proche du régime, difficile d’avoir son intégration à la fonction publique tchadienne, fulmine Kemsol Chantale.
Certains jeunes évoquent les impôts et taxes qu’ils jugent excessifs pour entreprendre.
Des conditions favorables pour entreprendre
Pour Dr Yamingué Bétenbaye directeur du Centre de Recherche en Anthropologie et Sciences humaines et analyste politiquent, cette sortie du ministre de la Fonction publique est surprenante. « Je ne pense pas que le ministre de la Fonction publique a besoin d'utiliser les mots qu'il a utilisés ou d'avoir ce ton dur pour aborder un sujet comme celui-là. En toile de fond, on pourrait déplorer une sortie plutôt maladroite sur un sujet de grande importance pour la jeunesse, mais aussi pour la république », déplore-t-il. Il soutient qu’il est difficile de dire que les critères de recrutement à la fonction publique au Tchad sont respectés. « D'autant plus que les services de l'État communiquent très peu sur la modalité de recrutement à la fonction publique. C'est qu'il y'a les textes officiels qui régissent le statut et les engagements, les attributions du personnel à recruter, mis à la disposition de l'État. Et ce critère reste relativement flou », dit-il. L’enseignant-chercheur poursuit que le recrutement à la fonction publique se fait à la tête du client. De plus, on ne devrait pas parler de saturation de la fonction publique, mais plutôt de la faible capacité d'absorption. Dans un contexte comme celui du Tchad, la fonction publique est le gros employeur au niveau national. La fonction publique dans un pays ne devrait pas être l'employeur principal », indique-t-il. « Malheureusement, c'est le cas au Tchad qui se retrouve dans un contexte où la fonction publique, avec sa capacité d'absorption très limitée, se trouve être le principal employeur et cela pose problème. On pourrait insister plutôt à exhorter les responsables en charge du département de la fonction publique à clarifier la politique nationale, parce qu'on a l'impression d'être dans un pays qui ne dispose pas d'une politique claire d'emploi. On devrait aussi exhorter le ministère en charge de l'emploi à déployer plus d'efforts pour disposer de statistiques claires sur la question d'emploi ».
Il souligne que l’État doit faire des plaidoyers auprès du patronat ou des entreprises afin de faire en sorte qu'il ait un équilibre entre l'offre et la demande en matière d'emploi. « Certes, ce n'est pas à l'État de recruter de personnes en quête d’emploi, mais il lui revient de créer les conditions optimales pour qu'il y ait des structures capables d'accueillir les demandeurs d'emploi. Il faut que l'État clarifie sa politique nationale d'emploi, avoir un meilleur contrôle des statistiques et les proportions des personnes en quête d'emploi et les emplois disponibles », propose-t-il.
Nadège Riradjim
L'Union nationale des associations des personnes handicapées du Tchad (UNAPHT) demande au gouvernement de respecter les textes nationaux et internationaux portant protection et promotion des personnes vivant avec un handicap.
Pour Madjitelsem Séverin, secrétaire général adjoint de l’Union nationale des associations des personnes handicapées au Tchad (UNAPHT) et par ailleurs conseiller de la République au Conseil économique et social, la loi 007 qui date de 2007 n’est pas respectée. « Cette loi traite la question de l'accessibilité des femmes, enfants et personnes handicapés à la scolarité, à l'emploi et aux structures sanitaires. Entre 2019 et 2020, un autre décret d’application de cette loi a été pris, mais les défis de la protection et la promotion des personnes handicapées reste à relever car, aujourd'hui elles rencontrent des difficultés à avoir l'accès à l'éducation et à l'emploi, beaucoup sont formées dans les écoles professionnelles à l’intérieur comme à l'extérieur du pays. Cependant, ils se retrouvent à la maison abandonnés à eux-mêmes », regrette-t-il.
Toutefois, ajoute-t-il, le président de la République Mahamat Idriss Deby Itno et le Premier ministre ont réitéré la problématique d'emploi des jeunes comme une priorité. « Donc, nous rappelons les plus hautes autorités au respect de leurs engagements au niveau national et international sur la protection et promotion des droits des personnes handicapées et la disposition de l'article 27 de la convention relative aux personnes handicapées que le Tchad a ratifiée en juin 2019. Ces dispositions de l'article 27 parlent de l'emploi des personnes en situation de handicap et c'est l'État qui a la première responsabilité d'agir en ce sens ».
Madjitelsem Séverin indique que les personnes vivant avec un handicap sont stigmatisées au sein des communautés. « La plupart des Tchadiens pensent que les personnes handicapées sont incapables de bien travailler. Cette mentalité crée des injustices dans le monde du travail. Dans certaines entreprises au Tchad, les jeunes handicapés n'ont pas l'accès à l'emploi. Et, ceci constitue une violation des droits de l'homme. En dehors de la loi 007, il existe d'autres textes et décrets qui protègent les droits des personnes handicapées mais malheureusement leur application pose problème. Notre pays le Tchad est un pays qui a des beaux textes, mais ces textes souffrent d'application, ils ne sont pas traduits dans les faits », fait-t-il savoir.
Le conseiller de la République salue la volonté des hautes autorités du Tchad avec la création d’une agence pour les personnes en situation de handicap malgré le retard de la mise en place de cette agence qui est une recommandation du dialogue national souverain et inclusif. « Je crois que des voix se sont levées au niveau des associations des personnes handicapées via l'union nationale des personnes handicapées qui est la faîtière qui agit à l'échelle nationale, sous-régionale et continentale pour la mise en place effective de l’agence. Cette agence doit jouer le rôle d'interface entre l'État et les partenaires ou les organisions des personnes handicapées vivant au Tchad. J’interpelle les gouvernants, les organisations non gouvernementales, les entreprises et les Tchadiens en général d’accorder une attention particulière aux personnes vivant avec un handicap », clame Madjitelsem Séverin.
Amadou Voundia