samedi 21 septembre 2024

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Au-delà des défilés, des cortèges bruyants et du tintamarre organisés par le régime de Déby à l’occasion des similis élections et des célébrations de ses « victoires », la tristesse et la grisaille demeurent le lot commun des tchadiens tant dans les villes que dans les campagnes. Ce raffut régulièrement mené vise à couvrir l’indifférence à son égard de la population surtout préoccupée par la lutte quotidienne pour sa survie.

Un moment de réflexion sur le bilan de quinze années de règne de Déby sur l’économie tchadienne s’impose. La grande œuvre autoproclamée, l’exploitation du pétrole et ses effets favorables sur l’éradication de la pauvreté, a été reconnue par son auteur lui-même comme un énorme raté (1). Après avoir dépensé sans compter les ressources reçues pendant la période d’investissement, Déby a « découvert » que les recettes budgétaires issues du secteur pétrolier ne sont pas à la hauteur de son immense boulimie financière et de l’inextinguible soif d’argent et de ses affidés.

A posteriori, les tchadiens se rendent compte qu’ils avaient raison initialement en priant pour que le pétrole reste encore quelques temps dans le sous-sol. C’est la triste revanche de tous ceux qui ont été traités d’anti patriotes, pourchassés et embastillés avec la bénédiction du FMI et de la Banque Mondiale, Wolfenshon en tête. Pourtant, dès le bonus attribué par le consortium bénéficiaire du permis d’exploitation, avant le démarrage des travaux de construction des structures de production, un détournement avait été opéré sur les fonds destinés aux projets de développement économique et sociaux.

La période d’investissement dans le bassin pétrolier de Doba a été édifiante sur l’incapacité du régime à promouvoir l’essor du secteur privé avec le constant de la faible participation des entreprises tchadiennes aux travaux. Quelques mois après le lancement de la production pétrolière, l’opinion a été surprise par l’aveu sur les erreurs commises dans la négociation des conventions pour l’exploitation des champs de Komé, Bolobo et Miandoum.

Cet aveu tardif n’est pas sincère. Il n’a pour but que de diluer l’incompétence et les arrangements intéressés exercés lors des discussions relatives à ces conventions. Pouvait-on espérer un miracle de négociations menées par un groupuscule de tchadiens, dont l’expertise principale est l’inféodalité à Déby, alors qu’il avait en face une armada d’experts camerounais aux compétences variées et de représentants des compagnies pétrolières chacun rompu dans son domaine ? Dernièrement dans une interview, Déby a voulu faire porter la responsabilité de son incurie à Habré qui aurait signé ces conventions en 1998 ! Pourtant, alors qu’il a eu tout le loisir de renégocier ces accords, sa volonté de disposer de ressources faciles avant les élections de 20001 a conduit à accepter un dispositif qu’il conteste aujourd’hui. Ainsi, dans ses discours de campagne, il affirmait qu’avec les revenus procurés par le pétrole, il fallait offrir le bonheur que ses opposants refusaient au peuple.

La faillite de Déby est patente depuis que les arriérés de salaire des fonctionnaires, de pensions de retraités, de bourse d’étudiants et des fournisseurs de l’Etat sont devenus récurrents à partir de l’année 2003. L’accumulation de ces arriérés, surtout dans les provinces où vit la majorité de la population dans un état de misère endémique, provoque l’arrêt fréquent des cours et des soins ainsi que le marasme du secteur non pétrolier en 2004. Les raisons avancées pour justifier ces défaillances (hausse de la masse salariale, changement de grille des militaires, etc.) ne convainquent pas car le programme du gouvernement, soutenu par la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC) du FMI et d’autres apports de la communauté financière internationale, notamment les produits de l’allègement de la dette issus de l’Initiative PPTE, prenait en compte ces mesures en faveur des secteurs dits prioritaires, dont particulièrement la santé et l’éducation.

La croissance record du PIB enregistrée en 2004 relève de l’anecdote car elle n’était due qu’à l’émergence de la production pétrolière dans les comptes nationaux. Les fluctuations excessives du PIB non pétrolier, soumis aux seuls aléas climatiques non anticipés et donc non maîtrisés, expriment bien l’inexistence d’une vision du développement durable du pays. Le recul paradoxal du Tchad de la 167eme place en 2003 à la 173eme en 2004 de l’indice du développement humain publié par le PNUD, malgré l’exploitation pétrolière, prouve l’inanité de la politique économique poursuivie par Déby sous la bienveillante houlette des institutions internationales et avec le soutien agissant de Chirac.

Le gouvernement impute ses difficultés de trésorerie à la loi 001 du 11 janvier 1999 sur la gestion des revenus pétroliers du bassin de Doba. Dans un communiqué publié début février 2005, il attribue par ailleurs aux législateurs l’adoption de cette loi dont il avait présenté lui-même le projet, incité par la Banque Mondiale à la recherche de l’alibi autorisant l’octroi de son prêt et sous la pression des organisations de la société civile nationale et internationale ! A peine une année après sa mise en œuvre, pour entretenir la gabegie déjà en cours, le pouvoir s’efforce de la modifier dans les dispositions qui font son originalité : constitution d’un fonds des générations futures (10%) et affectation principale aux secteurs prioritaires limitativement définis.

Cependant, les règles de gestion des revenus pétroliers en particulier et des ressources de l’Etat en général sont régulièrement contournées grâce aux personnes liges placées dans le circuit des finances publiques. En effet, sont essentiellement nommés aux divers postes stratégiques (Ministres des Finances, du Plan, du Contrôle d’Etat, des Infrastructures, du Pétrole, etc. ; Président du Collège de Contrôle et de Surveillance des Revenus Pétroliers, CCSRP ; Directeur national de la Banque centrale régionale, la BEAC ; Trésorier Payeur Général, Directeur Général du Trésor, Directeur Général des Douanes, Inspecteur Général des Finances, Caissier Général, Directeurs Administratifs et Financiers des ministères, administrateurs des projets de développement, etc.) les apparentés familiaux et ethniques de Déby, les clients fidèles du régime, sans considération de leur état de service, et quelques rares fonctionnaires sans texture que l’ambassadeur de France au Tchad, interdit d’appeler « Laoukouras » (2)

Issu de limbes du parti unique de Hissein Habré, le régime de Déby dont la nature profondément anti-démocratique et les velléités guerrières sont reconnues, manifeste un rejet viscéral d’une gestion républicaine des finances publiques. La persistance des dépenses hors budget malgré les engagements pris et jamais réellement respectés le prouve amplement. Pour financer ses interventions militaires en RCA depuis 2002 et son activisme au Darfour, couvrir les dépenses incontrôlées autour des soins médicaux à l’étranger du chef de l’Etat (location d’avions médicalisés, entretien des déplacements des membres de sa famille, etc.), s’assurer des victoires électorales, le Trésor public est définitivement devenu une cassette royale affectée à Déby.

Les satisfecit délivrés régulièrement au Tchad par le FMI et la Banque Mondiale, dédouanent le pouvoir d’un réel effort de redressement de sa gestion. Pour tenter de maintenir leur programme avec le Tchad « on the track », les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux ferment les yeux sur des pratiques non orthodoxes dangereuses pour l’économie : absence ou inapplication du plan de trésorerie public, multiplication d’avances exceptionnelles de la Banque centrale régionale à l’Etat, emprunts à taux élevé auprès des banque gagés sur les ressources pétrolières, etc. Tout ceci est commis en violation flagrante des dispositions du même programme tendant à éviter les effets inflationnistes d’une gestion incontrôlée des ressources pétrolières, à l’inciter l’Etat à poursuivre ses efforts de collecte des recettes fiscales traditionnelles et à promouvoir le développement du secteur privé. En attendant, le Tchad a toujours le taux de prélèvement fiscal le plus bas d’Afrique, à cause principalement d’une forte évasion fiscale commise avec une administration publique désormais dominée par des faux diplômés et le népotisme poussé à son paroxysme.

L’échec de 15 ans de règne de Déby vient d’être admis par le Président de l’Assemblée Nationale lui-même, en interpellant son énième Premier Ministre sur les promesses non tenues. Malgré l’adoption en 2003 de « stratégies » nationales de réduction de la pauvreté et de bonne gouvernance, imposées par les bailleurs de fonds, seules des mesures sectorielles surfacturées, soutenues à bout de bras par les donateurs et leurs assistants techniques surpayés ont étés réalisés et la corruption (3) est dorénavant bien armée, comportant toutes chances de développement durable.

En définitive, le gouvernement et ses partenaires extérieurs sont noyés dans un cercle vicieux et pris dans une fuite en avant dont on ne perçoit pas le bout. Pour justifier l’acharnement dans leurs appuis, les bailleurs de fonds étrangers, malgré le gaspillage et les dilapidations de ressources grossiers, prétendent que l’arrêt de leurs aides serait plus préjudiciable aux pauvres. La communauté financière internationale doit cesser son hypocrisie et suspendre sa prime accordée à la mauvaise gestion. Si les pays du G8 sont sincères dans leur volonté de contribuer à la lutte contre la pauvreté des populations africaines, ils doivent sortir de leur résignation complice, aiguillonnés par leurs citoyens. Il faut dès maintenant éviter au Tchad l’expérimentation sahélienne traumatisante du syndrome hollandais !

Député ALI Gabriel GOLHOR

(1) Communiqué de presse du service de presse de la Présidence d’Octobre 2004
(2) Nom ngambay synonyme de sous-fifre, gratte-papier, fonctionnaire docile.
(3) Rapport 2004 du CCSRP : un table-blanc de mauvaise qualité à 125 000 F CFA au lieu de 30 000 F CFA

Dans le débat autour de l’affaire Habré, les Africains ont montré beaucoup d’enthousiasme et cela semble montrer l’évolution de l’opinion publique africaine. Une opinion qui se doit de grandir et de s’imposer parallèlement au ‘’syndicat des chefs d’Etats’’ à qui le Sénégal a décidé de confier Habré. Or, notre opinion évolue-t-elle dans le bon sens ? Est-ce qu’elle soulève le bon débat, quand en majorité on refuse la « justice des blancs » sans vouloir réclamer la nôtre ? C’est ce que montrent les positions nombreuses et passionnées de nos frères qui, pour la plupart, ne connaissent ni le Tchad, ni Hissein Habré.

Il convient de rappeler que l’histoire du Tchad, celle de ses injustices n’a pas commencé en 1982, et donc pas avec Hissein Habré. Pour une raison ou une autre, ce dernier n’a pas cherché, à son arrivée au pouvoir, à parcourir les pages de l’histoire pour déterminer les responsabilités, potentiellement nombreuses, de ses prédécesseurs dans les massacres des populations civiles entre 1960 et 1982. Pas plus que Deby ne cherche aujourd’hui à passer au crible de la justice ceux qui ont gouverné avant lui. Cela est d’ailleurs une coutume qui caractérise tous les régimes.

En réalité, il n’y a jamais eu de vraie rupture politique entre les régimes successifs depuis 1960 en termes de projets nouveaux et novateurs qui nécessiteraient, comme cela fut le cas au Mali, la détermination des responsabilités des anciens dirigeants dans la persécution et les pillages. Il est logique qu’un régime qui s’attèle à commettre les mêmes bavures que le précédent ne cherche pas à le juger. Dans le cas contraire, la jurisprudence ainsi établie s’appliquerait à lui par la suite. Ainsi donc, les Tchadiens n’ont jamais connu de régimes de rupture politique. Au Tchad, aucune victime d’un tortionnaire politique n'a obtenu que le coupable soit traduit devant la justice, et ce depuis l'indépendance. Pire encore, les acteurs d’un précédent régime intègrent élégamment le nouveau système sans qu’on émette le moindre murmure sur leurs actes antérieurs. Ceux qui ont obtenu justice l'ont fait eux-mêmes par des règlements de compte personnels. Par exemple, en 1985 à Moundou (sud du Tchad) a eu lieu l’exécution publique d'un ancien tortionnaire par le benjamin de la famille victime d’un massacre en 1979. Comme quoi, nos ‘’révolutions’’ n'ont rien révolutionné.

Bien sûr, la tolérance et les amnisties sont nécessaires pour qu’un peuple s’habitue à se supporter, à ne pas être dur envers lui-même. Mais ceux qui ont pensé à l’amnistie pour résoudre leurs problèmes sont ceux qui s’engagent à écrire leur histoire sur de nouvelles pages et donc à  exclure d'éventuelles excuses (si elles existent) de ceux qui diraient  qu’on aurait mieux fait de ne pas trop creuser au risque de raviver les tensions. Non, nos dirigeants griffonnent chacun sur les pages de leurs prédécesseurs. Les assassins de Tombalbaye l’ont tué parce qu’ils ont jugé qu’il n’y a rien à lui reproché, c'est-à-dire qu’il n’est même pas utile pour répondre de ses actes devant la justice. Et on sait, à ce propos, que beaucoup de Tchadiens ont souffert pendant son règne, personne n’a bénéficié de la justice parce que ceux qui ont chassé Tombalbaye ne l’ont pas fait à cause de ses résultats politiques, sinon ils l’auraient arrêté vivant, ou même jugé après sa mort. La même logique s’applique aux régimes successifs et les populations victimes des abus n’ont jamais eu une tradition de confiance dans la justice.

On peut donc comprendre qu’au Tchad, obtenir justice d’un abus politique est un luxe que seul peut s’offrir celui qui est fort. Et donc comment saisir le cas de Hissein Habré dans ce contexte pour éviter de verser dans l’arbitraire ? Déjà, un doute tombe : les Tchadiens n’ont jamais cherché à le juger, parce qu’ils ne sont pas habitués à une telle tradition, luxe dont ils sont privés depuis 1960. Il convient d’observer l’indifférence populaire face à la question pour s’en convaincre. Telle n’est pas non plus la volonté du gouvernement tchadien, même si Deby affirme, pour ne pas réagir le dernier, qu’il faudra extrader Habré en Belgique. Aussi, la fin de l’impunité ne semble pas pour demain quand on considère les discours des opposants qui affirmaient simplement qu’il faut « balayer Deby » ou encore « Deby doit partir » (Yaya Dillo). Cela sous-entend qu’on ne lui reproche que son fauteuil après 15 ans de règne, Drôle de façon de faire de la politique, on ne prévoit même pas un audit dans l’éventualité d’une succession !

Pour le cas de l’ancien président tchadien, il convient d’abord de dissocier le contexte actuel (médiatisation des rapports internationaux, mutation de l’opinion africaine) du fait que ce cas n’a rien de banal par rapport à ce qu’ont commis ou commettent certains autres tortionnaires africains. L’affaire Habré peut être une affaire tristement banale en Afrique quand elle cesse d’être médiatisée et politisée.

Cependant, quand le débat se place sur un terrain africain, on doit d’abord exiger qu’on puisse agir raisonnablement. La justice est une denrée rare en Afrique, une matière à laquelle tout le monde a droit mais que l’égoïsme réserve aux aristocraties gouvernantes. Rappelons que c’est parce qu’on se prive de justice que nos frères se sont fait tirer comme des lapins à Melilla, et même ceux qui réussissent à arriver chez les autres le font pour échapper à nos injustices socioéconomiques, politiques et culturelles. Le lien peut être fait avec le cas Habré : où étions nous, où étaient les Chefs d’Etats africains quand des citoyens africains ont demandé à la justice sénégalaise de juger Habré, où étaient nos intellectuels, surtout sénégalais, pour imposer le débat quand une personne se sentant victime demande justice et que celle-ci lui répond qu’elle ne l’aura pas ?  Ces victimes, comme les malheureux de Melilla, sont simplement allé chercher justice de l’autre côté de la Méditerranée là où elles pensaient la trouver et en jouir pleinement.

Il n’y a qu’un Tchadien qui aime vraiment son pays qui puisse saisir agréablement l’admiration des Sénégalais pour Hissein Habré qui, faut-il le noter, même accusé, fut un grand homme dans notre histoire. Il a défendu et gagné une cause tchadienne avant même que la Justice internationale ne reconnaisse au Tchad son territoire spolié par la Libye. Cependant, la construction africaine devant se faire sur des bases saines et dans le respect des droits de l’homme, quel que soit sa place dans l’histoire, un Africain doit en conséquence répondre de ses actes quand on l’accuse de crimes.

Or, le manque de courage, à chaque fois qu’on nous met au défi d’un acte historique, nous a valu encore l’humiliation quand un petit pays comme la Belgique nous amène à débattre sur nos maux, ne sachant sur quel pied danser et versant dans le sensationnel. N’est-ce pas là le manque de grandeur qui est le fait de méconnaître, sans modestie, son déficit juridique au lieu de reconnaître le mérite de ceux qui sont en avance dans le domaine ? Et tout ça, parce que les autres ont mené le débat avant nous et à notre place, parce que l’UE dont nous voulons suivre l’exemple pour l’UA a d’abord commencé par la question des droits de l’homme et de la démocratie. Ne devons-nous pas garder l’émotionnel pour des lendemains meilleurs ? L’important si on saisit bien ce qui se passe avec l’affaire Habré, c’est de construire quelque chose en Afrique pour que les Africains puissent enfin croire à quelque chose, qu’ils n’aillent pas quémander ailleurs et qu’on puisse garder une courtoisie honorable avec le reste du monde. N’est-ce pas Pr Malick Ndiaye et Pr Moustapha Cissé ? Je ne vous accuse pas de vous opposer à l’extradition de Habré en Belgique, mais je pourrais valablement le faire pour vos silences comme tant d’autres intellectuels face au déficit judiciaire dans votre pays et en Afrique.

Le malaise des autorités sénégalaises face à la décision inactive de la justice, peut témoigner de l'évolution de la démocratie sénégalaise, et celle de l’opinion africaine en général même si on n'a pas posé le débat de façon valable partout. Extrader Habré sans l'aval de la justice peut sembler difficile, ne pas le faire ne grandit guère au contraire, car la justice a laissé la question en suspens. Le gouvernement sénégalais s’est trouvé dans une situation compréhensible sauf, effectivement, quand il cherche à résoudre le problème sans procédure. Agir, comme l’a fait le Sénégal, au-delà d’une certaine limite de procédure normale serait bafoué les droits de Hissein Habré lui-même.  Et en plus, même le plan B ne rend pas service à la justice : remettre l’affaire devant les Chefs d’Etats africains, ce serait politiser davantage le problème. Et sur ce point, les esprits naïfs sont aussi bien au Sénégal qu’au Tchad. Dans ce pays, une décision collégiale de chefs d’Etats pour le jugement de Habré peut être assimilée à une manœuvre de Deby. Et si la décision est allée dans ce sens, ceux qui connaissent le Tchad pourront s’inquiéter valablement pour ce pays fragile où le fait tribal occupe une place de choix en politique.

D’ailleurs, au nom de quelle procédure, de quel principe, un sommet politique d'une organisation régionale décide d'une question complexe mais avant tout purement juridique ? Il n’y a pas de doute qu’en se réunissant à Khartoum, les chefs d’états africains vont essayer de résoudre un problème qui sera d’abord à leur service avant celui de la justice. Ils vont d’abord tenter de résoudre le problème de Wade qui est aussi le leur. Si l’on veut poser un précédent concernant la justice, il est important qu’il provienne de la justice elle-même. Cela doit, à mon avis, mobiliser les juristes africains soucieux de la place du droit dans la construction africaine, car les politiques veulent les dépasser en la matière. Parce qu’elle concerne aussi l’impunité qui fait autant de victimes, la question devrait mobiliser la jeunesse africaine. La fierté africaine ne se réclame pas simplement d’une africanité, il faut des actes et ces actes concernent aujourd’hui la justice qui ne pourrait tolérer la dérobade. L’impératif de justice en Afrique n’attend pas et quand ce sont ceux qui contournent souvent le droit qui doivent régler le problème, les citoyens africains doivent veiller à ce que cela aille dans leur sens. Quel que soit le résultat du sommet de l’UA, il sera décisif : car il va décider si l’impunité a assez duré ou non. Dans le premier cas cela pourrait inspirer l’espoir, dans le cas contraire, autant faire le deuil de l’actuel projet panafricain, car la base s’avérera fade et creuse. L’Union Africaine ayant été amorcée en dehors du peuple africain, le devoir revient à ce peuple martyr d’exiger des valeurs pour défendre ses intérêts.

En somme, c’est peut être une aubaine que le problème soit renvoyé au niveau africain même si la justice et ceux qui vont en débattre ne partagent pas souvent les mêmes intérêts. Mais au niveau citoyen, la mobilisation peut peser et orienter les démarches politiques vers le sens de la justice qui est un impératif souvent absent en Afrique. On peut exiger, par exemple, que ce procès puisse se dérouler en Afrique pour faire profiter pédagogiquement nos populations du bénéfice auquel elles ont légitimement droit. Et ainsi nourrir valablement l’orgueil de ceux qui, dans l’émotion, croyaient à un africanisme vide, un africanisme béat ignorant qu’il ne faisait ni l’honneur de Habré, ni celui des autres africains.

M.D 
N'djamena, Tchad

Une fois de plus des tchadiens meurent sous les feux d’autres tchadiens et cela n’est pas prêt de s’arrêter. Et pourquoi ? Arrêtons l’hypocrisie ! C’est le dessein fantasmatique de conquérir le pouvoir et de jouir des avantages qu’il procure qui exhorte certains à tenter l’aventure jusqu’à tuer ou en mourir si besoin est. Nul ne peut très honnêtement, à moins d’être autiste, croire que les innombrables groupuscules politico-militaires qui écument l’est du pays soient exclusivement mus par un idéal démocratique et « libertaire » dont ils seraient les promoteurs et les défenseurs invétérés. Qu’ils aient tous un point d’ancrage commun, le rejet de Deby, soit ! Mais par-delà cette considération factuelle, deux évidences : la première, c’est qu’un masque ne sert que pour le besoin d’une pièce. Autrement dit, tous, on a bien conscience de l’instrumentalisation de la démocratie et du fait indéniable qu’une fois ce dessein inavoué et inavouable atteint, le masque tombera de lui-même.

La seconde évidence est que la contestation d’un pouvoir, d’un homme n’est pas en elle-même constitutive d’une alternative. Encore faut-il être apte à offrir une perspective qui ne se résume pas à une hypothétique promesse des lendemains qui chantent en lieu et place d’un présent qui serait oppressif.

Or qu’y a-t-il en commun entre ces individualités et entre ces mouvances politico-militaires subversives ? Mis à part les ambitions personnelles et l’opportunisme éhonté de certains, rien justement ! Car tous les oppose autant les uns que les autres. Comment en effet, ne serait qu’esquisser une conciliation entre mille et une incompatibilités rédhibitoires ? Imagine-t-on un seul instant que l’intérêt du peuple tchadien réside dans une mosaïque écartelée entre des bases claniques divergentes, entre des ambitions égoïstes concurrentes, entre des générations de pseudo-opposants différentes ? Et ce n’est pas fini. Par quel miracle, les opposants « historiques » (ceux qui ont inscrit à cette logique très tôt) parviendront-ils à définir un avenir pour le Tchad en collaboration avec des opposants nouvellement et curieusement convertis à la dénonciation expiatoire alors que pour certains d’entre ces derniers, ils ont non seulement cautionné un régime devenu subitement infréquentable à leurs yeux, mais n’ont pas bougé le moindre doigt sous le régime Habré qui était franchement tout, sauf démocratique. Quiconque regarde la réalité avec objectivité, c'est-à-dire sans œillères mais avec lucidité, ne souhaiterait troquer le régime en place (quelque soient ses insuffisances) avec l’incertitude et les infirmités disqualifiantes des maladroits vendeurs de chimères.

Bien que l’on ne puisse se satisfaire de l’état actuel du pays, il ne faut pas non plus occulter le chemin parcouru depuis 1990. Autant il serait prétentieux de hisser le Tchad d’aujourd’hui parmi les nations les plus démocratiques du monde, autant il serait exagéré de qualifier le régime tchadien de dictatorial. Seuls ceux qui ignorent la progressivité de l’ancrage des principes et du réflexe démocratiques s’étonneront du fait que notre démocratie ne concurrence pour l’instant, ni dans son contenu, ni dans ses contours la démocratie française entre autres. À ceux-là, il faut rappeler que la France qui est leur référence, s’est retrouvée sous le joug d’un empereur quinze ans après la proclamation des principes de la révolution de 1789. Le parallèle est certes relativisé par la temporalité des contextes, mais au moins, on ne peut reprocher à Deby d’avoir installé un régime impérial !

La question principielle et préjudicielle qu’on devrait se poser c’est de se demander si, ceux qui se disputent la place du roi aujourd’hui, auraient fait mieux que l’actuel chef de l’état. À chacun sa conviction.

L’honnêteté intellectuelle doit néanmoins nous incliner à accréditer les insuffisances protéiformes dont pâtit notre pays et les réformes multidimensionnelles qu’il faudra incessamment entreprendre. Seulement, là également, il serait simpliste de restreindre la responsabilité de toutes les difficultés nationales à une seule personne sans prendre en compte d’autres facteurs déterminants, telle la hantise de la prise du pouvoir (par tous les moyens) elle-même génératrice d’une réaction, source principale et légitimante des dérives. De ce fait, le recours à la force comme mode de conquête du pouvoir est plus que jamais anachronique dans son principe et toujours dommageable dans son procédé. L’apport de l’opposition démocratique – symbolisé par l’activisme courageux et bénéfique d’un certain Yorongar- dans l’évolution de la société tchadienne est sans commune mesure avec l’action oh combien régressive des nombreuses aventures militaires dont on a fait l’expérience. C’est une preuve de plus que le progrès ne viendra pas envelopper dans la haine, le sang et les rêves.

Par ABDOULAYE-SABRE FADOUL, ABDEL-GADIR FADOUL KOUYOU, MAHAMAT SENOUSSI ABDOULAYE

La Banque Mondiale, crée à Bretton Woods en 1944 dans le contexte de l’époque, avait pour mission de soutenir la reconstruction des pays européens d’après-guerre. Plus tard, sa mission a été élargie aux cas de catastrophes naturelles et aux urgences humanitaires résultant des conflits dans les pays en développement. Influencée par les activités des Nations Unies durant ces dernières années, la Banque Mondiale décida d’orienter ses activités dans le cadre de la lutte globale contre la pauvreté.  Et malgré ses multiples réformes internes, la qualité de ses opérations laisse parfois à désirer et suscite plutôt des tensions sociales graves et des crises au sein des populations des pays en développement.

Néanmoins, la Banque Mondiale s’est élargie à d’autres Institutions de développement [1][1] et ses activités couvrent plusieurs domaines. Avec ses partenaires et Etats clients, elle joue un rôle important au niveau de la politique mondiale, surtout en cas de situation d’urgence complexe. Vu la disponibilité des pays en développement souvent demandeurs, la Banque Mondiale donne parfois un appui financier substantiel dans certains de leurs grands projets.

Mais de nos jours, sous prétexte de venir en aide à ces pays en développement et d’organiser leur méthode de gestion, l’Institution de Breton Woods influencée par le zèle de certain de ses fonctionnaires, se comporte malheureusement en Gendarme néocolonial des pays démunis. Ce qui justifie d’ailleurs les accusations des Organisations de la société civile qui lui reprochaient de ne pas respecter ses propres principes dans certains projets connus.
Au Tchad, les multiples conflits politiques et armés avaient bloqué son réel développement économique et social. Par contre, ce pays recèle d’importantes richesses dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et surtout des ressources minières et du pétrole. Le pétrole, cet Or noir qui aujourd’hui, est de plus en plus sollicité pour le développement industriel mondial, a été sciemment occulté au Tchad par l’ancienne puissance coloniale. Mais, il a été progressivement identifié, exploré et exploité par des Firmes multinationales privées. Vu l’importance de sa quantité et de sa qualité, le pétrole tchadien a été l’objet de convoitise de plusieurs Etats, des Compagnies multinationales et même des Institutions internationales.

L’enjeu du pétrole tchadien aurait même provoqué des conséquences dramatiques, dont le reversement des régimes des anciens présidents Tombalbaye en 1975 et Habré en 1990. Ces Chefs d’Etat, à un moment donné de leur époque, s’étaient fermement opposés à la main mise de certains de nos partenaires qui tentaient de bloquer l’exploitation du pétrole tchadien, afin de maintenir le pays dans la perpétuelle dépendance économique et plonger son peuple dans la misère et la servitude. Ce pétrole aurait occasionné également, la disparition mystérieuse des hauts cadres tchadiens et membres du Gouvernement, impliqués dans sa négociation et le suivi.
Membre de la Banque Mondiale depuis 1963, le Tchad tout comme les autres pays d’Afrique noire, à plus de quatre décennies d’indépendance politique. Il possède des ressources humaines importantes, qui sont utilisées également par des Institutions internationales, telle la Banque Mondiale. Ses dirigeants, quelle que soit leur capacité de gouvernance, ils ont acquis une certaine expérience politique, tout comme de gestion. Et malgré leurs difficultés internes, ils savent défendre les intérêts de leurs citoyens et préserver leur souveraineté.

Au Tchad, les difficultés quotidiennes sont vécues par les populations, mais non par les fonctionnaires de la Banque Mondiale. Ces derniers qui sont officiellement affectés pour assurer l’exécution et le suivi des projets, se livreraient en fait à des dépenses absurdes par rapport aux objectifs des dits projets et au détriment du pauvre contribuable tchadien. Et leurs évaluations souvent fantaisistes vont dans le sens favorable à leur prestation. La survie professionnelle de certains de ces Experts ne dépend que de l’existence de projets des pays en développement. Et même si l’exécution et la faisabilité de ces projets ne reflètent pas les réalités locales, ils sont financés par les prêts de la Banque Mondiale et plongeant d’avantage nos Etats dans l’interminable spirale de la dette extérieure.
Au cas où les dirigeants politiques tiennent à les rappeler à mettre de l’ordre, commencent alors des menaces, des représailles et même du chantage à l’égard des Gouvernements. C’est dans cette logique de stratégie machiavélique que se situe le différend actuel entre le Tchad et la Banque Mondiale.

Le Tchad est ainsi accusé de violer l’Accord signé en 1999 avec la Banque Mondiale sur le Programme de Gestion des Revenus Pétroliers. La Banque Mondiale reproche au Gouvernement tchadien, soutenu par son Assemblée Nationale, de vouloir élargir l’utilisation des 10% du fonds prévus pour les générations futures à l’administration territoriale et à la sécurité. C’est pourquoi, elle a pris des mesures de représailles à l’encontre du Gouvernement tchadien, en bloquant le décaissement des crédits de 124 millions de dollar US, alloués au Tchad par l’Association Internationale pour le Développement (IDA) pour financer huit projets en cours d’exécution, dont le montant total est de 297 millions de dollar US.

Le Gouvernement tchadien de son côté, a réagi de manière conséquente en signant avec la République de Chine/Taiwan un Accord pour l’exploitation des autres gisements de son pétrole. C’est un acte certes audacieux qui a ses conséquences, mais quelle que soit la perception politique des uns et des autres vis à avis du régime actuel de N’Djamena, il faut saluer le courage du président Idriss Déby à prendre cette décision de diversifier nos partenaires énergétiques.

Surpris par la réaction conséquente du Tchad, certains responsables de la Banque mondiale s’agitent pour chercher une porte de sortie de crise, provoquée par leur propre intransigeance aveugle. Le Tchad n’a jamais eu l’intention de rompre sa coopération avec la Banque Mondiale. Toujours est-il que la position du Gouvernement tchadien, confirmée par son Assemblée Nationale est légitime. Il revient alors aux Experts de la Banque Mondiale de faire des propositions concrètes et réalistes qui prendraient en considération les priorités immédiates du Tchad afin de trouver une solution rapide et équitable à ce différend.

En fait, les responsables de la Banque Mondiale chargés de suivi du dossier Tchad souhaitent-ils réellement le développement de ce pays pour le faire sortir un jour de sa pauvreté ? Sinon, pourquoi suspendre le décaissement du fonds des projets qui sont en cours d’exécution ? Si le Tchad n’avait pas ce projet de Pétrole, la Banque ne financerait-elle pas les projets dont elle vient de mettre son embargo financier ? La Banque Mondiale a-t-elle l’intention de faire asphyxier le Tchad, déstabiliser son régime politique actuel et renverser le président Idriss Déby?

Est-il normal que le Tchad produise d’énormes quantité de pétrole et que ses fonctionnaires perçoivent de salaire de misère, vivent dans l’obscurité et sans avoir régulièrement de l’Eau potable, ni bénéficier des soins et couverture sanitaire adéquate. Pourtant l’Éducation, la Santé et les Infrastructures sont identifiés comme secteurs prioritaires et dont l’exécution des projets est suivie et évaluée par la Banque Mondiale ?  Pourquoi la situation est si dégradante et la Banque Mondiale reste muette ou indifférente jusqu'à la récente décision de l’Assemblée Nationale tchadienne d’amender la Loi 001 sur la Gestion des Revenus pétrolier du Tchad ?

Serait-il juste que des fonds importants évalués à plus de 36 millions de dollars US déjà disponibles, soient stockés dans des Banques commerciales en Europe, pour les générations futures, alors que dans les Hôpitaux et Maternités[2][2], des milliers des enfants tchadiens meurent déshydratés à la naissance, faute de Sérum et des jeunes femmes décèdent à l’accouchement par manque d’antibiotique ou encore des vieillards crèvent du simple fait de paludisme ?

Quel avenir de la génération future pourrait-on préparer en immobilisant ces fonds propres du Tchad à l’extérieur, jusqu'à l’épuisement total de sa production pétrolière avant de les utiliser ? Or dans l’immédiat malgré l’apport de la Banque Mondiale, tous les enfants tchadiens ne vont pas à l’École et même ceux qui partent ne bénéficient pas d’encadrement conséquent du fait des troubles psychologiques et morales de leurs Enseignants, qui n’arrivent pas à subvenir régulièrement à leur besoin alimentaire quotidien. Et les étudiants tchadiens à l’extérieur sont abandonnés à eux-mêmes sans bourses d’études. Quel modèle de développement pour le Tchad la Banque Mondiale voudrait-elle expérimenter ?

Dans de telles conditions, comment la Banque Mondiale pourrait-elle réaliser au Tchad, son Programme de Réduction de la Pauvreté ? Comment pourrait-elle accompagner ou du moins créer les conditions favorables pour permettre au Tchad d’atteindre les objectifs du Développement du Millénaire fixés et adoptés par les Nations Unies ?

Le Tchad n’a jamais refusé de rembourser les prêts octroyés par la Banque Mondiale pour la réalisation de son Projet de l’Oléoduc ? Le fait que le Tchad décide d’utiliser dans l’immédiat une partie de ses propres ressources pétrolières, afin d’accélérer son développement et offrir à ses générations futures un cadre de vie plus agréable que celui vécu actuellement par ses populations meurtries, doit-il le soumettre à cet embargo. Et pourtant, ce n’est pas le Gouvernement mais les populations innocentes qui sont brimées par cette mesure de représailles.

Le Tchad ne peut-il pas demander légalement d’utiliser ses propres ressources, même si elles étaient prévues pour les générations futures ? Ou bien nos Experts de la Banque Mondiale préfèrent plutôt voir les autorités tchadiennes aller solliciter d’autres nouveaux prêts aux intérêts exorbitants, qui seraient encore grignotés par les fameuses missions de négociation et d’évaluation dans lesquelles se précipiteraient certains fonctionnaires prédateurs de la Banque , dont certains seraient de moralité douteuse ?
La Banque Mondiale est-elle mieux placée que les autorités tchadiennes pour apprécier les besoins réels du Tchad ?  La Banque s’est-elle octroyée des nouvelles compétences dans l’appréciation des problèmes sécuritaire des pays en développement ? N’est-il pas légitime pour le Tchad de se préoccuper de sa stabilité et de la sécurité de ses populations ? Quel modèle de gestion la Banque Mondiale voulait-elle innover au Tchad, si ce n’est qu’une autre nouvelle forme de main mise néocoloniale ?

La Banque Mondiale est habituée à s’interférer dans la gestion des pays en développement. Cela serait une bonne chose et même salutaire, si son interventionnisme aboutit à améliorer les conditions actuelles de vie des populations tchadiennes. Dans le cas contraire, même si le Gouvernement tchadien ne réagirait pas, les élus du Peuple tchadiens ou encore les populations elles-mêmes la dénonceraient.

Certes, la Banque Mondiale a fait des efforts importants pour soutenir certains projets de développement du Tchad, dans les domaines de l’agriculture (US. $ 20 millions), de la réforme du secteur de l’Éducation (US. $ 42.34 millions), de la Santé des populations (US. $ 24.56 millions), mais en tant qu’Institution de Développement, elle doit rester au-dessus des humeurs subjectives de ses fonctionnaires agissant de manière politicienne.
Accusant le Tchad de violer l’Accord signé en 1999 sur le Programme de Gestion des Revenus Pétroliers et dénonçant la mauvaise gestion des autorités tchadiennes, la Banque Mondiale continue sa menace en brandissant d’autres recours qui « incluraient la suspension de nouveaux crédits ou dons, l’arrêt des déboursements des fonds liés à tout ou partie des  opérations en cours, l’accélération du remboursement des prêts et crédits alloués au Tchad ».[3][3]
Le pétrole de Doba appartient-il aux Tchadiens ou à la Banque Mondiale. Ce pétrole a jailli après de longues et difficiles années de  lutte contre certaines puissances et leurs Multinationales, contre certaines Organisations non gouvernementales et même contre certains leaders politiques tchadiens, qui sous prétexte de défendre certains idéaux, n’étaient pas conscients de la situation dramatique de misère sociale dont sont plongées nos populations.
Le Gouvernement du Tchad avec ses partenaires internationaux et ses citoyens issus de différentes couches sociales, avaient mené cette longue lutte pour convaincre les pays donateurs et membres de la Banque Mondiale et aboutir à l’Accord de financement du Projet de construction de l’Oléoduc pétrolier DOBA-KRIBI. Malgré les difficultés rencontrées depuis l’élaboration, la négociation et la réalisation de ce projet, les Tchadiens savent ce qu’ils veulent et le Gouvernement du Tchad n’a pas perdu de vue ses intérêts.
Aujourd’hui, le prix du baril du pétrole est en hausse par rapport à celui indiqué dans l’Accord signé en 1999. Aucune modification n’a été réclamée parce que le Tchad tient à respecter ses engagements internationaux. Mais les richesses pétrolières du Tchad doivent bénéficier aux populations tchadiennes qui en ont besoin d’abord maintenant et demain également. Il serait donc absurde de laisser crever nos populations actuelles pour préserver l’avenir des générations futures. Le cadre de vie et le bien être des générations futures doivent être mis en place dès maintenant. Le Tchad n’accepterait pas de chantage et ne sera pas la chasse gardée de la Banque Mondiale. Il revient aux responsables de l’Institution de Bretton Woods de faire des propositions concrètes respectant les priorités urgentes et actuelles du Tchad, déterminé à atteindre les objectifs du développement du Millénaire adoptés par les Nations Unies.
En tant que citoyen Tchadien, nous avons le droit de nous prononcer sur cette question importante qui concerne notre pays, En donnant ici notre avis personnel, nous espérons enfin que les discussions entamées récemment à Paris, entre les délégations du Tchad et de la Banque Mondiale avec la participation du Fonds Monétaire International comme observateur, se poursuivent pour aboutir à des propositions concrètes, prenant en considération les préoccupations réelles du Tchad.

L’avenir du Tchad et l’enjeu de son pétrole ne sont pas comparables, ni négociables par rapport à la stratégie de gestion de la Banque Mondiale. Il serait important de ne pas perdre de vue cette donnée si les responsables de la Banque Mondiale veulent mettre fin à ce contentieux et enfin permettre à chacun de rentrer de ses droits légitimes. /-

Hassane Mayo-Abakaka

[1][1]- Le Groupe de la Banque Mondiale est composé de cinq Institutions de développement étroitement liées : il s’agit de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), l’Association Internationale de Développement (IDA), l’Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (MIGA) la Société financière Internationale (SFI) et le Centre international de règlement des différends internationaux (CIRDI).
[2][2] - Voir le film «DEAD MUMS DON’T CRY» sur DVD de Dr. Grâce KODINDO, Ob/Gyn, Chad produit par la BBC-PANORAMA SERIES en Juin 2005, sur la situation dramatique des femmes et enfants nouveau-nés à la Maternité de N’Djamena, la capitale tchadienne.
[3][3] -Lire le Communiqué de la Banque Mondiale sur la révision de la loi portant gestion des revenus pétroliers, N0. 2006/227/AFR du 29 Décembre 2005.

 

 

Le président Tombalbaye disait : « Le Tchad, c’est le cœur de l’Afrique ; quand le cœur est malade, c’est tout le corps qui est malade ». La focalisation des actualités sur le Tchad confirme les propos du Grand Compatriote. Une fois encore, notre pays est au centre de grandes polémiques qui divisent, non seulement les Tchadiens eux-mêmes, mais les élites du continent africain. Que ce soit l’affaire Habré ou la question de la gestion des revenus pétroliers, les camps se sont bien rangés en ordre de bataille.

Concernant l’affaire Habré, l’unanimité sur le refus de l’impunité vient d’être consacrée par le sommet de Khartoum. Cependant, la recherche de la meilleure formule de procès divise toujours. Même la société civile panafricaine, réunie récemment en Afrique de l’Ouest, n’est pas unanime. La tendance majoritaire est l’option pour une juridiction africaine qui, en réalité, n’existera pas de sitôt. Du pareil au même donc, l’affaire Habré est devenue un poison qui risque de ravager d’autres Etats en veilleuse. Alors, les victimes tchadiennes pourront attendre longtemps ou se débrouiller autrement, telle est la leçon à tirer ! Malheureusement pour l’ancien lion de l’UNIR, plus la perspective d’un procès est repoussée, plus il subira une terrible torture morale et physique, avec ses proches, à cause des campagnes et des pressions massives contre sa personne et son parcours d’homme d’Etat. Car ses supporteurs semblent de moins en moins douter de sa culpabilité et veulent simplement gagner du temps. D’ici là, M. Habré aura complètement perdu son aura de nationaliste intransigeant qui lui valut tant de sympathie à travers l’Afrique. Faire face courageusement à ses détracteurs et ex-collaborateurs devant un tribunal équitable, fut-ce en Belgique, lui aurait permis de livrer ses contre-vérités et lui conserver un minimum d’honneur, comme Moussa Traoré du Mali par exemple.

Concernant le Darfour et l’Est du Tchad, l’opinion publique ne fait que prendre davantage conscience de l’existence récurrente de l’autre danger néocolonialiste d’origine arabe sur l’Afrique noire. Ce phénomène a fait le malheur des Tchadiens depuis les dates du 22 juin 1966 (création du FROLINAT à Nyala), les accords de Khartoum entre le régime de M. Malloum et le CCFAN de M. Hissène Habré en 1978, Bamina et aujourd’hui les tentatives de El Géneina. On peut à l’avance prévoir dans les détails de ce qu’attend le peuple de ces vents d’Est, tout sauf la liberté, le bien-être et la justice. Même s’il est possible que ce chemin de Rabbah réussisse à l’un des héritiers culturels du conquérant esclavagiste soudanais, ce sera l’inhumation définitive du Tchad et de la république. Ce que d’aucuns appellent « changement » doit être pour les démocrates et les patriotes pire qu’un tsunami et que Dieu nous en préserve ! Autre leçon à tirer du sommet de Khartoum !

Le sujet qui nous intéresse est plutôt la guerre de tranchées entre la Banque Mondiale et le pouvoir du général Idriss Déby Itno, suite à la modification de la loi 001 sur la gestion des revenus pétroliers. Dans l’article intitulé « Faut-il une seule loi pour tous les puits de pétrole ? » [cf. forum pétrole ialtchad.com], nous avions prévenu qu’il y avait bel et bien problème : « Bien des secteurs pourraient demain devenir prioritaires : le gouvernement pourrait valablement décider de consacrer une triennale budgétaire pour régler définitivement le problème de l’Armée par exemple (réorganisation des corps, équipement, casernement, formation, etc.), un chantier gigantesque attendu par tout le monde. Alors que dans le même temps, l’Administration territoriale aurait besoin de ressources adéquates pour son redressement total et sa modernisation comme préalable à la bonne gouvernance et au développement. Il ne faudrait donc pas s’enfermer dans les contraintes d’une loi qui a déjà fixé les quotas de répartition. La Loi 001 voudrait épargner des revenus pour les générations futures. En réalité, les Tchadiens ne maîtrisent pas facilement la gestion de cette épargne. C’est de l’argent public qui fera le bonheur des banquiers, alors que la notion de « générations futures » mérite d’être sérieusement débattue dans tous ses contours et non pas comme une vérité intangible collée à une loi votée à une époque donnée. Nous croyons sincèrement que le Tchad ne peut continuer de se contenter du statut de pays producteur, attendant que la City Bank lui verse chaque fois l’aumône. En tant que nationaliste, nous disons tout haut que le Tchad doit dès à présent se préparer à être actionnaire dans tous les consortiums qui vont exploiter ses gisements pétroliers. Il y a d’énormes avantages pour notre pays à entrer un jour dans le cercle de la grande magouille, c’est à dire des actionnaires de notre pétrole. Il ne faut jamais perdre de vue le fait historique que le pétrole a été la cause du renversement des régimes précédents et de la guerre civile ! Pour devenir un jour les maîtres de nos richesses nationales, nous devons développer dès maintenant des visions futuristes pour notre pays que d’être toujours à la traîne, gouvernement et société civile, des courants venus de l’extérieur ».

Nous constatons qu’après les premières réactions croisées de la société civile et de l’opposition politique en faveur de la Banque Mondiale, la révélation des en-dessous de ce partenariat, au gré de la crise actuelle, divise encore dans les camps. Des groupes importants et crédibles de la société civile comme le Syndicat des Enseignants du Tchad (SET), prennent parti pour le gouvernement contre la Banque Mondiale. Le SET part de deux constats simples : i) Quand un contrat est mauvais ou vicié, il faut impérativement le changer ; ii) Il n’est pas question d’injecter l’argent du pétrole dans le secteur dit prioritaire de l’éducation nationale et ignorer délibérément le sort de l’enseignant qui en est le pilier. Personne n’ose contester publiquement la position du SET, sauf qu’elle conforte celle du gouvernement par analogie.

Au contraire des ADH dont la position fluctue selon les influences. En effet, après une pression remarquable au départ du projet pétrole, sous l’influence des milieux écologistes et altermondialistes, les ADH semblent faire volte-face et se ranger du côté de la Banque Mondiale pour des raisons plus politiques qu’humanistes. Les ADH ont capitulé sur le fond pour se braquer sur la forme de la problématique du partenariat Banque Mondiale – Tchad. En prenant le risque de s’identifier à des oppositions radicales et systématiques contre le pouvoir du général Idriss Déby Itno, les ADH ont publiquement plaidé pour le respect des engagements contractuels du gouvernement envers la Banque Mondiale. Le credo évoqué par elles, légitime faut-il le souligner, est la mauvaise gouvernance actuelle du pays. Cependant, l’honnêteté intellectuelle aurait voulu que les ADH reconnaissent que la Banque Mondiale est partie prenante de cette mauvaise gouvernance tchadienne depuis le début. En dehors de la France qui joue son rôle de gardienne de l’immense cimetière tchadien avec son armée, c’est la banque Mondiale qui gouverne le Tchad pour l’essentiel. Les projets de budget général de l’Etat lui sont préalablement soumis chaque année, avant que le parlement les entérine, après des semblants de débats publics. Ainsi, les députés décrétés, analphabètes et élus sont tous tenus de ne pas toucher au noyau dur du projet de loi de finance imposé par Washington, sous peine de la fermeture des robinets.

En plus de cette mainmise de la Banque Mondiale sur l’activité parlementaire, aucun des projets et programmes qu’elle propose à la partie nationale ne doit être rejeté. Les ministres s’y investissent personnellement pour réduire les ardeurs des techniciens nationaux rigoureux, et faire passer rapidement les projets au parlement de Diguel. C’est donc avec une grande facilité que la Banque Mondiale impose sa camelote aux autorités tchadiennes, même si leur contenu et leur montage sont des fois scandaleux. Pour mieux s’assurer ses intérêts, aucun prêt de la Banque Mondiale n’est exécuté avant ratification préalable par une loi. En d’autres termes, le Banque Mondiale se protège contre d’éventuelles remises en causes de ses interventions et des risques par la partie nationale. Nous sommes toujours tenus de rembourser à 100 % ces prêts, même si 75 % de leur enveloppe repartent par les inévitables experts étrangers imposés et le reste dans les gabegies locales.

Il ne faut pas se tromper sur le compte des institutions de Bretton Wood : le FMI et la Banque Mondiale ont été les instruments de la reconstruction de l’Europe après la seconde guerre mondiale. Cette phase achevée, elles ont été converties en véritables leviers de l’impérialisme économique sur les pays pauvres du Tiers-Monde. Aucun pays du Sud ne s’est développé grâce au soutien de ces deux institutions. C’est un débat qui est toujours d’actualité au sein des élites internationales, sauf au Tchad où les élites sont démissionnaires. Le constat des échecs gravissimes et des crises causées ici et là par les remèdes imposés par ces deux institutions géantes, a poussé la Banque Mondiale à lancer le défi de sortir le Tchad de la pauvreté par l’exploitation de son pétrole. Cependant, malgré ses intentions louables, la Banque Mondiale n’a           pas opéré les mutations internes nécessaires dans sa vision et ses méthodes anciennes, pour relever effectivement ce défi sur le Tchad. La mise en œuvre du projet pétrole de Doba a clairement révélé ces contradictions.

Je ne reviendrai pas sur les griefs de la mauvaise gouvernance manifeste du pouvoir en place. La stratégie secrète du général Idriss Déby Itno consistait, à tout prix, à faire couler le pétrole. Le général Idriss Déby Itno, qu’on a tendance à trop sous-estimer, usa à merveille de deux atouts chers : la ruse et la patience, tirant les leçons de la chute précipitée de ses prédécesseurs, de Tombalbaye à Habré, renversés chaque fois à l’avant-veille de la mise en exploitation annoncée de l’or noir, pour avoir placé la barre trop haute. Le général Idriss Déby Itno avait ménagé les susceptibilités des majors et des puissances occidentales, en leur facilitant les contrats juteux, pourvu que le pipeline et l’exploitation deviennent une réalité. En contrepartie, son régime a été stabilisé contre ses opposants de l’intérieur et de l’extérieur, dont les rebellions armées, pendant quinze ans. Le général Idriss Déby Itno dit la vérité quand il affirme publiquement que les interventions de la Banque Mondiale n’ont pas servi les intérêts des populations tchadiennes. C’était un secret d’initiés qu’il dévoile, car si notre pays s’imposait la rigueur des contrôles et des évaluations, il y a longtemps que les forces vives auraient réclamé un autre type de partenariat équitable. Mais venant du général Idriss Déby Itno, cet aveu ne pouvait que déclencher une riposte du style « Far West » de la part du président de la Banque Mondiale, l’un des tombeurs de Saddam Hussein d’Irak

La colère de « Tonton Paul » n’est pas liée à la modification de la loi 001 opérée unilatéralement par les autorités tchadiennes. La banque Mondiale ne pardonne pas à son ancien élève modèle d’avoir mis à nu sa propre supercherie orchestrée sur le Tchad. La mesure de suspension des projets et celle du gel du compte ouvert à la City Bank de Londres sont totalement contraires au droit. Elles s’apparentent aux vieilles méthodes utilisées contre les régimes nationalistes et socialistes de Salvador Allendé de Chili ou du Dr Mossadegh d’Iran, pour les faire partir, au profit des intérêts des majors pétroliers. Même si le pouvoir actuel ne ressemble en rien à ces régimes révolutionnaires.

Il ne peut y avoir de corrélations logiques entre la modification de la loi 001 et la suspension des financements des projets Banque Mondiale au Tchad. Tous ces projets relèvent des prêts consacrés par des conventions signées distinctement et ratifiées (les yeux fermés) par les députés. Les principes élémentaires du droit international, en matière de commerce, voudraient que, lorsque l’une des parties rompt unilatéralement sa participation à l’exécution d’un contrat, elle en assume totalement les conséquences. La Banque Mondiale est donc responsable de ce qui adviendra pour les populations tchadiennes du fait de cette mesure. Quelles que soient les rancœurs des uns contre le régime du général Idriss Déby Itno, c’est une vérité qu’aucun tchadien ou africain conscient ne devrait occulter.

Concernant le gel du compte à la City Bank , la Banque Mondiale agit dans l’illégitimité. En effet, il ne s’agit que d’un compte de transit où s’effectue le triage de tous les intérêts et remboursements dus par le Tchad, y compris à la Banque Mondiale. Donc la Banque Mondiale n’a pas le droit de bloquer la modique part résiduelle qui reviendrait au Tchad : c’est un hold-up en bonne et due forme !

Concernant l’argument de violation d’une disposition du contrat pétrolier interdisant « toute modification de la loi 001 susceptible de briser l’équilibre du projet », le débat reste ouvert. En effet, si le consortium pétrolier de Doba et ses sous-traitants exhibent souvent la supériorité des traités internationaux pour refuser de respecter notre Code du travail et les droits de nos travailleurs (cas de la TTC, par exemple), pourquoi la Banque Mondiale transformerait-elle la loi 001 en une norme supérieure et préjudicielle de ce contrat ? C’est vraiment absurde d’obliger le parlement d’un pays indépendant à voter une loi qui aurait pu simplement figurer comme un chapitre d’un contrat commercial international ! La convention Banque Mondiale – Tchad aurait alors clairement indiqué les dispositions intangibles, à savoir le fonds des générations futures et le collège de surveillance et de contrôle. Car, au contraire des conventions sur les droits de l’homme, dont la ratification par un Etat partie les rend intangibles, les traités commerciaux sont, par nature, évolutifs et sujets à des contentieux réguliers et normaux devant des instances d’arbitrage. Jamais la Banque Mondiale ne prendrait les mêmes mesures à l’encontre du plus petit pays européen, fut-il celui de Milosévic, au risque de le payer chèrement : deux poids, deux mesures pour les Africains !

Alors, quelle sera la solution entre la mauvaise gouvernance actuelle et la dimension criminelle des mesures de la Banque Mondiale ? La solution passe, à notre humble avis, par la prise de conscience la plus large de notre élite, le changement de mentalités rétrogrades et des pratiques politiques apatrides des Tchadiens. Quel que soit le pouvoir qui sera aux affaires au Tchad, il devra trouver des réponses claires à deux questions préjudicielles de notre partenariat extérieur : 1) A qui appartiennent les ressources naturelles et l’argent public (y compris les prêts) ? ; 2) Qui doit faire quoi dans le partenariat, autrement la définition de nouvelles règles plus équitables de ce partenariat ? Contrairement à ceux qui penseraient que je suis « un allié providentiel » du régime actuel, je signale que je me contente de soulever les omissions au débat, là où Déby ou pas, il y a la réalité néo-impérialiste incontournable. Pour le reste, on se connaît entre Tchadiens.

Enoch DJONDANG

C’est à partir de 1979 que le Tchad a vraiment défrayé la chronique par le théâtralisme des chefs en guerre et son cortège de massacre. Même si les causes immédiates de cette guerre peuvent se situer à cette époque, les causes lointaines sont antérieures à la genèse de l’Etat tchadien. Elles sont d’ordre géographique, historique, politique, et économique, on peut les considérer aujourd’hui comme des causes endogènes.
Le conflit tchadien est l’un les plus vieux et les plus cruels du continent africain. Les maladresses politiques n’expliquent pas elles seuls les fondements de ce conflit. L’histoire précoloniale et la structure géographique de cet Etat sont des caractéristiques de ce conflit qui dure jusqu’aujourd’hui.

Le 12 février 1979, peu après 10 heures 30 mns, un groupe d’élèves nordistes a fait irruption dans une salle de classe et a demandé au professeur d’arrêter le cours afin de leur permettre de diffuse un communiqué du CCFAN. Certains élèves sudistes se sont opposés à cela. Alors la bagarre a commencé au sein de la classe puis s’est généralisée dans la cour du lycée Félix Eboué. Les gendarmes qui assuraient la protection de la radio-tchad en face de dit lycée sont intervenus juste pour séparer les batailleurs en tirant en l’air. Les soldats du CCFAN chargés de la protection du premier ministre Hissein Habré à Sabangali ( non loin de la radio-tchad )  ont pris d’assaut le lieu sous prétexte de venir en aide à leurs militants agressés. C’est ainsi que des tirs nourris ont été entendus au sein du lycée pendant un temps puis les combats se sont intensifiés dans plusieurs endroits de la capitale tchadienne d’une part entre les FAN et les FAT et d’autres part entre les paisibles citoyens.
D’une simple jacquerie le Tchad entrait ainsi dans une guerre civile qui durera deux ans. Après une trêve qui a permis à qui des sudistes ou des nordistes de trouver refuge dans le quartier où les siens sont majoritaires, les massacres ont commencé à N’Djaména.
Sur le plan militaire, les FAT au nombre de 3500 hommes à N’Djaména ont été tenus en échec par les FAN pour plusieurs raisons :

-          Les FAN recevaient de l’aide du détachement de l’armée française basée à N’Djaména.
-          L’Ambassadeur de France au Tchad conseillait au général Malloum Président de la République, la modération dans cette guerre.
-          L’Armée Nationale Tchadienne (ANT) s’est désagrégée. Chaque soldat a choisi son camp.
-          Le chef d’Etat major des armées, à l’époque le Colonel Nguemourou n’était pas associé aux travaux préparatoires de cette guerre, a refusé de donner l’ordre aux militaires d’entrer en guerre aux côtés de la gendarmerie dirigé par à l’époque par Colonel Kamougué qui était la seule unité de l’ANT à se battre contre les FAN.

Le 14 février, Nguemourou a donné sa démission de l’État-major des armées. Il a été remplacé aussitôt par le général Negué Djogo. Vu les divergences qui opposaient les frères sara et les Mbaï depuis le coup d’Etat du 13 avril 1975, le Général Djogo (qui est sara) a adopté une position peu mitigée vis-à-vis de Kamougué.
Magré tout, Kamougué et ses troupes avaient une parfait maîtrise de la situation. La France a imposé un cessez-le-feu entre les deux forces en présence. Cette interruption de combat a permis d’une part à l’armée française d’acheminer le reste des soldats du CCFAN d’Abéché à N’Djaména et d’autre part aux autres tendances du FROLINAT d’arriver dans la capitale afin d’apporter leurs aides à Hisseine Habré. Opération certes, réussie, sauf le CDR de Ahmat Acyl a refusé son aide à Habré. Cette trêve a aussi permis aux cadres et officiers sudistes de s’unir autour de Kamougué pour défendre les intérêts des sudistes. Ils ont formé le” comité de Défence”et ils tenaient les quartiers sud de N’Djaména où les sudistes sont majoritaires. Les autres tendances du FROLINAT tenaient aussi les quartiers nord de la capitale. Mais à la fin du mois, les combats ont repris de plus belle.
Vu la résistance que la gendarmerie a opposée aux forces du FROLINAT, la France, la Libye et le Nigeria soucieux de cette tragédie ont privilégié la voie diplomatique. C’est ainsi qu’une série de conférences s’est ouverte au Nigeria afin de réconcilier les belligérants. La première, baptisée Kano 1 a eu lieu du 10 au 14 mars 1979 à Kano. Après une longue négociation entre quatre tendances militaires présentes, on est parvenu à un accord.
Selon les clauses de cet accord, le dernier point a été appliqué à l’immédiat. Le Général Malloum Président de la République et Habré Premier ministre ont effectivement démissionné de leur fonction. Le Nigeria a accordé l’asile politique au Général Malloum. Un gouvernement d’Union National de Tradition ( GUNT ) a été formé.
Goukouni est devenu le Président provisoire du Tchad. Kamougué qui s’est imposé à la tête des FAT est exclu de ce gouvernement. Cependant le non-respect des autres clauses de cet accord a entraîné au lendemain de sa signature la reprise des combats à N’Djaména entre les factions armées. C’est ainsi que la deuxième conférence dénommée Kano 2 a réuni les protagonistes tchadiens du 3 au 11 avril 1979 à kano. Onze tendances politico-militaires étaient présentes. Goukouni a été démis de ses fonctions du Président de la République.
Lol Mahamat Choua ( actuel président de RDP ) est devenu le Président du GUNT et le général Negué Djogo le vice-président, juste pour équilibrer les choses. Goukouni a occupé le poste de ministre de l’interieur et Habré celui de la défence.
Avec l’envoi effectif des forces armées nigeriannes à N’Djaména après des violents combats entre les belligérants, Kamougué a obtempéré à l’une des clauses de Kano1 qui prévoyait le retrait de toutes les fractions armées de N’Djaména. ( au moins 80 km de la capitale ). Certaines sources affirment qu’il a été vaincu, d’autres soutiennent que c’était une stratégie pour lui permettre de s’organiser. C’est ainsi que le 15 avril 1979, Kamougué a quitté N’Djaména pour Moundou avec ses troupes. Derrière ce retrait se cachait aussi son plan de partition du Tchad.
Pendant que les tentatives de réconciliation sont menées sur le plan diplomatique, le carnage est organisé sur presque l’ensemble du territoire national. À N’Djaména, en trois semaines de combat, la Croix-Rouge a dénombré 4000 à 5000 morts (militaires comme civils).
La retraite des FAT de N’ Djaména a occasionné le départ des sudistes de la capitale tchadienne. Au même moment de leur départ, les nordistes et les forces du FROLINAT qui avaient le contrôle effectif de la capitale ont organisé très rapidement le pillage systématique de leurs biens et la poursuite de ceux qui se trouvaient dans les environs. Les sudistes qui ont pu atteindre leur région natale en ont fait exactement comme ce qui se passait à N’Djaména. D’ailleurs, Thierry Lemoine avance un chiffre de 1000 nordistes tués dans les deux logones et le moyen-chari. Quant aux drames des sudistes dans la zone septentrionale à notre connaissance, aucun document n’en fait mention, mais Alain Focca lors d’une émission radiodiffusée (RFI) archives d’Afrique du 16 août 1997 reconnaît que 350 officiers et sous-officiers des FAT, tous prisonniers de guerre à Faya-Largeau ont été abattus nuitamment. De même après la chute d’Abéché, tous les prisonniers de guerre et les civils sudistes qui s’y trouvaient ont été décimés.

Cette guerre avait effectivement pris une dimension nord/sud et musulmans/chrétiens dans certaines régions. Mais sur le plan politique, cette façon de voir a été balayée d’un revers de main ; car Ahmat Acyl leader du CDR qui est arabe, nordiste et musulman a préféré soutenir Koumougué qui est sudiste et chrétien.
Beaucoup de cadres sudistes tels que Ousman Gam, l’un des cerveaux des opérations des FAN du 12 février 1979, le capitaine Gouara Lassou à l’époque et le docteur Gali Ngotté ont préféré quant à eux de s’allier aux autres Forces du FROLINAT à dominance nordistes.

Dans sa retraite de Moundou, Kamougué s’est autoproclamé président du sud. Ayant appris que Kamougué et les cadres du sud s’organisaient en Etat, le gouvernement de N’Djaména qui considérait le sud comme une rébellion a décidé d’envoyer des troupes au sud du pays pour étendre l’autorité de l’Etat. Dans l’enphorie et le délire de la victoire, les forces du PROLINAT avaient la certitude que Kamougué était vaincu et qu’il fallait le poursuivre jusqu’à sa retraite de Moundou. C’était l’occasion en or pour certains éléments du FROLINAT victimes depuis tant d’années des injustices des sudistes d’aller leur régler leurs comptes. Après un moment de négociation avec les cadres du sud en rébellion le ministre de l’intérieur Goukouni Weddei n’a pas hésité à brandir des menaces en ces termes : ”au cas où ils persisteraient ( dans leur refus ), je crois qu’ils ne pourront pas résister, qu’ils seront tous cramés et les survivants le regretteront”.
Goukouni a oublié que Kamougué disposait d’une bonne partie des éléments de FAT avec des armements nécessaires. En plus de cela, Ahmat Acyl a opéré un rapprochement auprès de ce dernier. Ils ont uni leurs forces pour faire face aux forces du FROLINAT. Ils recevaient l’aide nécessaire de la Libye pour leurs actions. Au lendemain de cette déclaration de presse de ministre de l’intérieur, les principales tendances armées du FROLINAT qui ont formé le Front d’Action commune dénommé ( FAC ) ont convoyé leurs soldats dans la zone méridionale, principalement dans le Mayo-kebbi sous la direction de Mbang Madi. Le 7 mai 1979, la ville de Bongor est conquise. De Bongor ils ont lancé l’offensive vers l’ouest du Mayo-kebbi, la principale cible était Pala. Chose faite, de là ils s’assuraient qu’ils pourront facilement atteindre Moundou. Etant des soldats mal formés, les Forces du FAC cambriolaient tout sur leur passage et se comportaient dans cet esprit de haine comme des véritables colons.

La déclaration de Goukouni et la manière de faire des forces du FAC, MPLT, FAP, FAN…) ont tiré certains cadres sudistes de leur léthargie. C’est ainsi que le 10 mai 1979 le Comité Permanent, organe dirigeant le sud composé de dix membre a été formé dont Kamougué s’est imposé à la fois comme chef politique et chef militaire. Pendant ce temps, le gouvernement de N’Djaména renforcait la position de ses troupes à Bongor et à Pala par avion. Le 20 ami 1979, la grande offensive fut lancée contre Moundou par trois colonnes. Vers cette même date, les FAT qui s’étaient déjà suffisamment organisées étaient eux aussi en route pour la reconquête de N’Djaména. C’est ainsi que le 21 et le 30 mai 1979, elles ont été tué cramé d’une part à Eré et d’autre part à Pala les soldats du FAC. C’était donc la fin de l’aventure des forces du FAC dans la zone méridionale. Elles ont replié jusqu’à N’Djaména laissant ainsi toute la zone méridionale entre les mains de Kamougué.
Face à cette situation, une troixième conférance dénommée Lagos 1 a reunie les frères en guerre à Lagos au Nigeria du 26 au 27 septembre 1979. ce fut encore un échec car les intérêts de la France , du Nigeria et de la Libye divergeaient. Sur le terrain, le Tchad était partagé entre huit ( 8 ) tendances armées plus quelque partis politiques à N’Djaména.

1- Forces Armées Tchadiennes (FAT) de Kamougué opérait dans les deux logones, Mayo-Kebbi, Moyen-chari, et Tandjilé.

2-Conseil de Commandement des Forces Armées du Nord (CCFAN) de Hisseine Habré contrôlait totalement le Batha, Biltine et le Ouaddai.

3- Forces Armées Populaires ( FAP ) de Goukouni Weddei se trouvait dans le BET et le Kanem.

4- Conseil Démocratique Révolutionnaire ( CDR ) de Ahmat Acyl oppérait dans la moitié de batha, chari-baguirmi et le guéra.

5- 1ère Armée ou Front populaire de Liberation du Tchad ( FPLT ) de Mahamat Abba seid se baladait entre le salamat, le guéra jusqu’à Bokoro dans le chari-baguirmi.
6- PROLINAT Volcan de Abdoulaye Adoum Dana,  est dans la moitié du chari-baguirmi.

7- Mouvement Populaire de Liberation du Tchad ( MPLT ) de Aboubakar Abdermane se touvait dans le Lac.

8- Forces Armées de l’Ouest ( FAO ) ou 3ème Armée de Moussa Medela se trouvait également dans la moitié du lac.

9- PROLINAT –Originaire de docteur Abba sidick politiquement se trouvait à N’Djaména tout comme PROLINAT-Fondamental de Hadjero Senoussi et Union Nationale pour la Démocratie ( UND ) de Facho Balam.

Chacun gérait et administrait sa zone à sa manière. Les tractations politiques étaient constantes afin d’amener les tchadiens à reprendre leur vie communautaire d’avant 1979. C’est pourquoi la dernière tentative a été la deuxième conférence de Lagos dénommée Lagos 2 tenue le 11 novembre 1979 au Nigeria. L’une des clauses importantes de cette conférence est la désignation de Goukouni comme président du GUNT et Kamougué comme vice-président. Mais le GUNT sera vite confronté à d’énormes difficultés à cause de :
- sa division en onze tendances sur des bases ethniques, régionales et tribales.
- Hisseine Habré dont de devenir le Président du Tchad était un rêve ne se lassait de brandir des ménances au sein du GUNT.
- la France et les Etats-unis n’appréciaient pas tellement la politique de Goukouni.
- l’attachement de Goukouni à la Libye sapait sa politique nationale et internationale.

Profitant de toutes ses difficultés, l’instigateur Habré a déclenché la deuxième bataille de N’Djaména le 21 mars 1980. les premiers combats opposaient les FAP et les FAN. Après une concertation, les autres tendances armées ont décidé de s’allier aux côtés de Goukouni même Acyl et Kamougué qui étaient tous contre Goukouni.
En ce temps là, les principaux leaders qui disposaient des troupes sur le terrain étaient: Kamougué 11000 hommes, Goukouni 9000 hommes, Habré 11000 hommes et Ahmat Acyl 3500 hommes ( parmi lesquels beaucoup n’ont pas des armes à la main ).
Nul ne doute que l’armée francaise basée à N’Djaména n’a manqué d’apporter son soutien à Habré. Face à tout ce qui se tramait entre Habré, la France et les États-Unis, le GUNT à son tour a signé un accord de coopération militaire avec la Libye précisément le 5 juin 1980. Au terme de cet accord, la Libye est entré officiellement en guerre aux côtés de GUNT le 18 novembre 1980, avec au moins 2500 hommes, 200 chars de combats et des avions de chasse de marque Tupolev 22 ont été mobilisés par le Guide de la Révolution Libyenne.
C’est ce qui a permis aux principales forces unies autour de Goukouni de serrer l’étau pour briser la résistance de CCFAN. Alors, 10000 obus ont déversés sur la position des FAN et partout dans la ville de N’Djaména en trois jours de combats.
Cela a contraint Habré et ses soldats à quitter la capitale tchadienne le 15 décembre 1080 pour se refuger à Haramkolé à la frontière soudanaise.
Pendant neuf mois de combat, la population N’Djaménoise venait de vivre encore un des moments les plus difficiles de son histoire. La Croix-Rouge a dénombré au moins 1000 à 1500 morts pendant cette guerre. Mais il faut le dire ce chiffre est loin de la vérité.

Ainsi se présente d’une manière générale la situation que notre pays le Tchad a connu de 1979 à 1980. Après la défaite de Habré de la capitale, tous les tchadiens croyaient que le Tchad avait désormais rompu avec la guerre. Cependant, cet espoir sera vite déçu car le pouvoir d’arrêter ou de faire la guerre nous semble que ne dépend pas trop des tchadiens eux-mêmes, il y a toujours la main étrangère. C’est ainsi qu’en janvier 1982, les Américains, Français, et OUA actuel UA ont réarmé Habré qui, en six mois de combat a renversé le GUNT…
Le 7 juin 1982, il s’est emparé du pouvoir. Beaucoup d’auteurs s’acharnent à dire que ce fut la fin de la guerre civile au Tchad. À notre humble connaissance, c’est une fin théorique car c’est après 1982 que commencera la véritable guerre civile qui n’a jamais dit son nom au Tchad. La preuve en est que jusqu’aujourd’hui la guerre continue au Tchad.
Le 7 juin 1982, Habré s’est installé au pouvoir. Son objectif est enfin atteint. Pendant huit ans, l’homme fort de CCFAN règnera en Dieu sur le Tchad avec son parti unique UNIR.
Mais le 1ère décembre 1990, il est détrôné par son ex-chef d’État-major aux Armées, le colonel Idriss Déby.

Pour que le Tchad n’offre plus jamais au monde du 21ème cette triste réalité d’un pays soumis à l’arbitraire de ses gouvernants, il faut que l’homme politique à qui incombe le destin de ce pays sache que, ”être homme politique, c’est exercer le pouvoir selon les règles et la science qui font que l’on est tour à tour gouvernant et gouverné”
Il faut que le dialogue soit l’arme du politique car la véritable paix ne s’instaurera au Tchad que par des tchadiens eux-mêmes et sous la base de leurs rencontres autour des débats francs pour se pardonner réciproquement et regarder tous vers l’avenir.

Gaya – Ple Seïd

Françafrique : Quand le mythe de la stabilité flirte avec le mécanisme de stérilité (politique et économique), c’est par le Tchad que commence l’effondrement !

Dans le monde diplomatique N°623 de février 2006, Anne-Valérie HOH et Barbara  VIGNAUX publient un article intitulé l’Afrique n’est plus l’Eldorado.
Ces journalistes faisaient état des critiques africaines du néocolonialisme français exprimées en marge du dernier sommet Afrique-France de Bamako (Mali). Cette politique est marquée notamment par le soutien immodéré de Paris aux régimes gabonais et togolais pour ne citer que ceux-là (Plus récemment encore, pour déjouer un coup d’Etat militaire, c’est l’armée française qui assure la sécurité du président tchadien lors d’un retour de voyage dans la clandestinité). Mais les auteurs se concentrent essentiellement sur le désintéressement de l’Afrique qui anime les entreprises françaises (Bolloré, Bouygues, Veolia, …) pourtant présentes depuis plusieurs années. Ce simple constat rend l’article insatisfaisant tant par sa qualité que par sa substance.

Afin d’apporter une explication à la fois cohérente et structurelle au regard des théories économiques, mais aussi et surtout des pratiques politiques, nous partons des faits imputables à la vieille France Afrique (matrice des relations franco-africaine) pour démontrer les méfaits du système sur les plans politique (I) et économique (II). Dans ce dernier point on verra qu’il est raisonnable d’expliquer la débandade des entreprises françaises par leurs inefficacités consécutives à leurs positions de monopole (entendu comme manque de perfectionnement perpétuel). On soutiendra en fin qu’il leur est stratégiquement raisonnable de reconquérir leurs marchés traditionnels respectifs plutôt que d’y revenir après une aventure dans des environnements méconnus et vivement concurrentiels.

I-  Politiquement, la logique du mythe s’oppose aux principes démocratiques…

Concocté par la droite française, la chiraquie en l’occurrence, le mythe de la stabilité, développé au sein de la Françafrique, aurait pour objet d’endiguer les aspirations des peuples de l’Afrique francophone tendant à tordre le cou, par la voie des urnes, aux dictateurs désavouées lors de la conférence de la Baule (1990) par le socialiste Mitterrand.

Les moyens de ce dessein quant à eux s’incrustent dans le cœur des machines à organiser des élections truquées d’une part ou déclencher des guerres fratricides d’autre part résumant ainsi la rhétorique à :

1- Éterniser « les bons élèves » au pouvoir par des élections qualifiées de démocratiques libres et transparentes alors même qu’on remplissait les urnes de vrai faux bulletins quitte à dépasser dans certains cas le nombre d’inscrits sur les listes électorales. Et comme par hasard les observateurs internationaux ne débusquaient jamais les tricheurs. Le cas du Togo constitue suivant cette optique un bel exemple.

2-       Chasser par les armes « les mauvaises élèves » quitte à sacrifier des milliers de vies humaines pour remplacer une dictature par une autre, la soutenir l’entretenir en la faisant bénéficier de l’ignoble largesse lors des échéances électorales. Le Tchad de l’ère Deby est un parfait exemple de ce dernier point de vue.

Si le cas du Togo est intéressant par la capacité du mythe de la stabilité à fabriquer un Eyadema fils, organiser un hold-up électoral,…, ce même cas attire notre attention par ces conséquences stérilisantes empêchant tout changement démocratique ne serait-ce que dans la continuité. La stabilité n’empêche pas en effet le changement d’homme au sein d’une même famille politique. Cette configuration est en tout cas vraie dans la vie politique française par exemple.
Fort du soutien de la communauté internationale et plus précisément de la France, Eyadema fils perpétue le projet dictatorial pour lequel il est formaté. Pendant ce temps les malheureux togolais apprennent malgré eux à relativiser leur malheur lorsqu’ils se trouvent au Togo, sinon ils rejoignent les réfugiés de l’ère Eyadema père au Bénin voisin.
Ces opprimés vivent dans leur ensemble leur malheur en bons africains : penser à une punition du ciel. Rappelons ici que Dieu n’est pas coupable !

Au Tchad au contraire le rapport avec le bon Dieu n’est pas de même nature. Les gens recherchent perpétuellement un changement mais dans la dispersion : les uns prennent les armes, les autres s’éternisent dans l’opposition politique interne ou externe. Pendant ce temps le mythe de la stabilité accroche le stérilet à la démocratie naissante de ce pays. Mais la réplique de l’opposition dans son ensemble, bien qu’elle reste dispersée, a eu le mérite de tuer dans l’œuf tout embryon de scénario à la togolaise.

Repousser la fatalité et désormais le but ultime du mythe de la stabilité au dépend bien évidement de tout processus démocratique en Afrique francophone. Ce nouveau défi à un prix dont le Tchad risque de payer l’addition à commencer par les régions jouxtant le Darfour soudanais et la RCA, respectivement à l’Est et au Sud-est, et ce probablement avant 2007. Cette date marque le début d’une alternative politique certaine en France au profit de la gauche sinon d’une génération nouvelle de la droite dite décomplexée incarnée par le fameux Sarkozy. D’ici là observons au passage ce que deviendra la cote d’ivoire !

L’enjeu actuel du mythe serait donc de sauver le guerrier tchadien du club et « stabiliser » de facto le fragile centrafricain Bozizé installé par la grâce de l’armée tchadienne et la largesse matérielle et financière française.
Suite à ce succès face à une modeste armée centrafricaine, la clique de Deby attrape la folie de grandeur et s’attaque au soudan voisin en soutenant officieusement les rebelles du Darfour. Elle oublie toute fois un détail important : le Soudan grand comme deux fois le Tchad et presque cinq fois la France totalise derrière lui plus de 25 ans de lutte contre l’ancienne forte rébellion sudiste de John Garang.

Au résultat le rêve tourne au fiasco d’autant que le soldat Deby menacé plus que jamais de tout bord menace à son tour de s’écrouler à tout moment. Par ailleurs la chiraquie agonisante vit ses derniers jours naturellement dans la mauvaise humeur, notamment au regard des difficultés politiques de Dominique De Villepin, dans l’attente de la date de l’alternance.

Ce climat présente d’opportunités que les successeurs potentiels de Chirac et de ses acolytes africains doivent saisir pour ouvrir une nouvelle page de relation franco-africaines tournées vers un avenir socio-économique meilleure pour les deux peuples respectifs.

Cette démarche apparaît à nos yeux comme la plus stabilisatrice permettant en effet à la France d’éviter les prédictions des déclinologues relatives à sa présence en Afrique. Aussi permettra-t-elle aux nouvelles générations africaines de modérer leur francophobie dont la légitimité ne fait aucun doute.

II- … il finit par stériliser les économies   et affaiblir les monopoles français !

L’enchevêtrement entre l’économique et le politique laisse arguer que la stérilisation du système politique n’est pas neutre du point de vue économique.

Théoriquement l’idée de constituer un monopole dans une économie se justifie par l’existence d’économie d’échelles et de coût fixes relativement élevés. Si l’on s’inscrit dans cette configuration on peut par exemple reconnaître la capacité du monopole à réaliser des investissements lourds sans craindre d’éventuelles difficultés relatives au retour sur investissement…En revanche, l’absence de concurrent incite le monopoleur à se renfermer dans une logique routinière contraire aux impératifs de perfectionnement tout en pratiquant des prix élevés. C’est ce dernier cas qui a caractérisé la présence des entreprises françaises en Afrique.

Faisons remarquer ici que les monopoles constituer par les entreprises françaises (Vinci, Bolloré, Bouygues,…) dans les économies africaines ont permis de rendre des services (BTP, transport,…) et surtout produire des biens publics à coût surréaliste.

Il en découle une mauvaise allocation de ressources dans tous les secteurs des économies concernées avec des effets incontestablement négatifs pour le consommateur africain : produits et service de qualité douteuse et à prix d’or dans un contexte d’appauvrissement structurel et généralisé accentué par le coût de la vie imputable en grande partie à la bêtise de la dévaluation de France Cfa de 50% en 1994.
Pour ce qui concerne les entreprises on peut penser qu’elles sont gagnantes en fin de compte mais un regard attentif permet de relativiser grâce à l’examen d’éléments factuels. Raisonnons pour se faire sur les filiales africaines des entreprises françaises.

Ces dernières ont certes contribué dans des proportions importantes et pendant plusieurs années à augmenter la profitabilité de leurs sociétés mères respectives et améliorer par conséquent la part de profit de l’actionnaire.
En revanche, le revers de la médaille s’observe à travers l’inefficacité de ces filiales mise en évidence depuis peu par leurs incapacités à faire face à la concurrence des pays asiatique notamment la chine. On assiste donc à une débandade : Les nouveaux eldorados seraient au Maghreb ou en Asie. Pour autant le pari n’est pas gagné d’avance car la culture d’entreprise n’est pas forcément la même sur les terres supposées promises.

Réinvestir en Afrique ce qui a été dérobé aux consommateurs serait non seulement un geste de bonne augure mais aussi et surtout rationnel et vital pour les investisseurs d’autant qu’il suffit de reconquérir leur marché traditionnel plutôt que d’y revenir après l’aventure maghrébine et/ou asiatique.

Par ailleurs, en faisant le choix de réinvestissement, elles doivent apprendre à sortir de leurs coutumes monopolistiques routinières et donc échapper au travers de l’inefficacité. Ainsi pourront-elles, grâce au réinvestissement, faire face à la concurrence et occuper la place que leur prévoit l’orthodoxie économique.

Ces éléments factuels concernant les entrepreneurs et les politiques peu scrupuleux démontrent l’échec des politiques jusqu’ici poursuivies par la fameuse Françafrique dont le certificat de décès sera délivré à l’horizon 2007 à moins que De Villepein reprenne le relais. Ces éléments ont par ailleurs l’intérêt d’inspirer ceux qui vont façonner les relations franco- africaines pour les décennies à venir.

En clair il serait souhaitable de voir se matérialiser une rupture dans la continuité.
La rupture doit être l’œuvre des politiques qui doivent favoriser la coopération décentralisée complémentaire d’une coopération bilatérale dont les lignes directrices seront fixées par les deux parties.
La continuité quant à elle devrait concerner les entrepreneurs qui ont perdu confiance en eux peut être pour anticiper la fin d’une époque. Mais la logique économique comme elle les a rendu inefficace, à cause de leurs comportements, leur permettra de rattraper le temps perdu et reprendre le dessus sur leurs nouveaux concurrents à condition de savoir jouer cette fois ci au bon moment et selon les bonnes mœurs.  

FADOUL.D Khalid

Au Tchad, les termes couramment utilisés dans la vie publique semblent, comme en patois, signifier plusieurs choses divergentes à la fois. C’est un peu le cas du « taux de participation » au centre de l’inévitable polémique post-électorale. Pour parler simplement, un taux se définit par rapport à une proportion mesurable et vérifiable. On ne peut pas parler de taux dans le vague. En matière électorale, le taux de participation se réfère toujours au fichier électoral en vigueur et non pas à l’affluence du public devant les bureaux de vote. C’est là toute la confusion du débat actuel entre les partisans et les adversaires des élections du 03 mai dernier. Même les leaders de la société civile opposée au pouvoir (puisqu’il va falloir désormais reconnaître celle qui roule à fond pour défendre ce pouvoir), font cette confusion.

     On parle de taux de participation quand, par exemple, l’on cherche à savoir combien de personnes ont voté sur cent inscrits. Mais s’il se trouve que la majorité d’une population en age de voter ne figure pas sur le fichier électoral, elle ne peut plus être évaluée par rapport au taux de participation. Elle n’est pas concernée par le vote, c’est tout ! Le cas de notre pays est bien celui-là : sur les 5 millions d’électeurs « inscrits », la plupart n’existent pas physiquement pour aller voter. Il y a un fossé considérable entre les données démographiques et les données électorales des régions. Donc un gonflement anormal d’électeurs inexistants. Ce qui revient à ceci : faute d’être physiquement en mesure de se présenter devant les bureaux de vote, la masse des électeurs se réduit aux personnes voire des mineurs qui ont des dizaines de cartes en poche et sont autorisés à voter ainsi. Le surplus de voix sera redistribué dans les bureaux de la CENI monopartite. De ce fait, les organisateurs du scrutin du 03 mai n’avaient pas besoin d’affluence massive pour atteindre leurs objectifs ! Le système de la fraude se renforce d’autant que le boycott systématique le veut ainsi. Tout se tient finalement !

     Alors que les sympathisants de l’opposition étaient de fait démobilisés dès le départ du recensement électoral, ce sont les déçus du régime disposant de cartes d’électeurs effectifs qui, à la rigueur, pourraient s’être abstenus et justifier une affluence encore plus faible que prévu. Si l’opposition CPDC avait fait preuve de zèle et d’insistance durant la campagne électorale, comme le comité de l’appel à la paix et à la réconciliation, les choses auraient peut-être bougé ? Cependant, il ne faudrait pas se faire d’illusions sur la liberté réelle que les citoyens du monde rural auraient de s’abstenir d’aller voter. Nous savons tous que la démocratie est restée interdite d’accès aux habitants de nombre de régions tourmentées et sous coupe réglées depuis toujours. L’opposition partage largement la responsabilité de l’abandon de ces contrées à elles-mêmes, pour n’avoir jamais eu les soucis de l’éducation civique et idéologique de leurs militants ruraux. L’opposition a préféré évoluer dans les clivages ethniques et les solidarités coutumières habituelles. Chacun, pouvoir et opposition, contribue à sa manière à la démotivation des masses pour les enjeux publics.

    
Le 03 mai dernier, ce sont ces réalités qui se sont conjuguées. Il est difficile de mesurer l’ampleur du mot d’ordre de boycott quand les citoyens ne pouvaient pas voter physiquement. C’est le cafouillage à la tchadienne qui continue à tout fausser dans l’évolution de notre pays. Comme les 3 millions de Tchadiens vivant au Soudan, dont le nombre fictif terrorisait les délégués à la CNS en 1993, mais qui cessèrent d’exister quand il fallut voter en 1996 ! Souvenons-nous aussi, il y a quelques années, des chameaux avaient été emportés par la pluie en plein désert dans l’extrême nord du Tchad ! Incroyable, et pourtant le pays a ainsi toujours évolué sur la base du mensonge !

     Ce qu’il faut retenir en définitive, c’est que notre pays vient de confirmer son indéfectible attachement à la règle des coups de force. Il y en a eu pas mal : six tentatives de putsch manqués contre la personne de IDI, la modification de la constitution et de la loi 001, la prorogation de 18 mois du mandat des députés actuels, l’attaque du 13 avril à N’djaména, le scrutin du 03 mai dernier, le fameux « il y aura quelque chose » promis par le FUC sur RFI pour ce scrutin, provoquant la 2e panique de N’djaménois (surtout proches du pouvoir) pour Koussiri au Cameroun ... L’essentiel pour chaque acteur étant d’atteindre son but sans se soucier de l’éthique des voies et moyens empruntés. Les gagnants actuels sont : le général IDI d’une part et les politico-militaires de l’autre. Pourquoi ? Parce qu’ils sont restés conforme à la règle de la force qui régit notre vie publique depuis 1977 ! Les prochains évènements seront essentiellement déterminés en fonction de leur logique guerrière irréductible et des intérêts stratégiques qui les parrainent. Les perdants provisoires sont : l’opposition civile moribonde des communiqués de presse et la société civile peu indépendante. Leur tort, c’est de n’avoir pas su jusqu’ici soulever la troisième force, la population. La seule mobilisation spontanée de la population tchadienne en 16 années de « démocratie » remonte au 18 février 1992 suite à l’assassinat de notre compagnon Me Joseph BEHIDI. Autrement dit, la solution profonde et définitive au drame tchadien passe par le peuple aux mains nues, qui malheureusement dort et a peur de son ombre. Jusqu’à quand ?

Il faut s’attendre, après le coup de force du 3 mai, à un assouplissement de la position du pouvoir, par l’ouverture du gouvernement et même de la primature à l’opposition CPDC et consort, dans le cadre d’une nouvelle DCP. Cette formule serait considérée par le pouvoir de IDI comme préférable à celle, dangereuse, de la tenue d’un forum qui ne manquerait pas de remettre en cause les efforts de « légitimation » par la force du pouvoir actuel. Car il n’y aura plus d’élections, selon les actes déjà entérinés (prorogation du mandat des députés jusqu’à 2008), donc la base des revendications de la CPDC pour une alternance basée sur un scrutin bien préparé (juridiquement et matériellement) est devenue désuète, sans un rapport de force favorable à l’opposition. L’impondérable principal à ces prévisions moroses, c’est la force majeure liée au processus d’autodestruction irrésistible actuel du pouvoir de IDI même, par les défections et les agitations des siens ! La dernière en date est celle de M. Mahamat Nouri, ancien du FROLINAT et influent leader du Borkou, région d’origine de M. Hissène Habré, une affaire de famille de plus dans l’Etat déliquescent !

L’opposition politique et la société civile devraient éviter de faire de ces dissidences internes au régime de IDI un fonds de commerce dans la revendication d’une table ronde. Ces dissidences sont une phase ultime de la saturation et de l’éclatement d’un système de gouvernance et de valeurs basé sur le népotisme, la discrimination, la violence, l’arbitraire et l’atteinte permanente à la vie et à la propriété. Ceux qui ont promu ce système et s’en sont servis allègrement, ne peuvent pas faire du slogan anti-IDI un certificat de nouvelle virginité. Les dossiers noirs de l’Etat existent et devraient clairement faire l’objet d’un audit général public, avec le relais des tribunaux. Qu’il s’agisse des crimes politiques, économiques et contre l’humanité, aucune tentative d’obtenir une amnistie générale par la force des armes, au gré de « rébellions tardives » contre IDI, ne devrait tromper la vigilance de vrais patriotes et du peuple victime. Pourquoi, en quinze ans de « démocratie », aucun groupe politico-militaire n’a pu se transformer en parti politique, conformément aux accords de « réconciliation » signés avec le gouvernement aux frais du contribuable, avec des « amnisties » octroyées en sus ? Si le CAPRN et la CPDC voudraient organiser une table ronde en voulant sacrifier la soif de justice des Tchadiens sur l’autel de la « réconciliation » entre les prétendants au pouvoir et à ses privilèges, le peuple et la jeunesse consciente les vomiront autant que les autres fossoyeurs de la République. « Qui vivra par l’épée périra par l’épée ! », est-il écrit, et on n’échappera pas à cette proclamation divine au Tchad. La confusion et la cacophonie devraient cesser dans l’exploitation de la situation fragile de notre pays.

Enoch DJONDANG

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