Au lendemain des obsèques nationales du président Deby, la situation politico-militaire semble peu à peu se détendre. Le groupe rebelle du FACT se dit prêt au dialogue. Analyse.
La menace rebelle qui plane sur N’Djamena, la capitale politique tchadienne, semble levée, à en croire la déclaration du chef du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), Maqamat Mahdi Ali. Pourtant, il y a quatre jours, les rebelles menaçaient encore de marcher sur N’Djamena bien que le président Deby soit tué au front. Cette menace a laissé les habitants de la capitale dans une confusion et une inquiétude. Revirement au lendemain des obsèques nationales du président Deby.
Sur les ondes de la Rfi, le chef rebelle Maqamat Mahdi Ali a déclaré, ce samedi 24 avril, être pour une issue politique à la crise actuelle au Tchad. Et prêt pour un cessez-le-feu pour dialoguer au tour d’une table avec toutes les composantes de la vie politique et sécuritaire du Tchad. Étant donné que la crise politico-militaire actuelle est née avec la mise sur pied d’un Conseil Militaire de Transition (CMT). Lequel CMT qui est contesté par les rebelles, une grande partie de la classe politique et de la société civile tchadienne. Presque tous réclament un dialogue inclusif et un retour à l’ordre constitutionnel.
Qu’est-ce qui aurait influencé Mahamat Mahdi Ali, pourtant déterminé avec ses éléments à renverser le pouvoir de N’Djamena ? Est-ce les frappes des forces françaises ? Est-ce la déclaration d’Emmanuel Macron aux funérailles de Deby ? Certainement les deux.
Le 22 avril, soit à la veille des obsèques du président Deby, le groupe rebelle s’est fendu d’un communiqué dans lequel il déclare avoir été bombardé par les forces françaises, sur ordre de la junte militaire au pouvoir. Selon le chargé de communication du groupe rebelle, « l’opération visait à éliminer physiquement leur leader. Mais elle a échoué. » Ces frappes, bien que le bilan n’ait été communiqué jusque-là, auraient considérablement réduit les capacités humaines et matérielles du Fact, déjà affaibli par les combats dans le Kanem.
L’autre élément qui aurait dissuadé le FACT à renoncer à son engagement à renverser le pouvoir en place à N’Djamena est la déclaration aussi musclée que sérieuse du président français Emmanuel Macron. « La France ne laissera jamais personne remettre en cause ni aujourd’hui ni demain l’intégrité et la stabilité du Tchad », a déclaré Emmanuel Macron aux obsèques de Deby. Cela justifie valablement les frappes qui ont été menées sur le groupe rebelle replié au nord du Tchad.
Reste à savoir si le CMT accédera aux demandes des rebelles et de la classe politique qui réclament un dialogue inclusif pour une transition apaisée. Et le CMT, en quête d’une légitimité, n’a rien à perdre en acceptant ce dialogue.
Christian Allahadjim
Pendant que les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) sont bombardés, les présidents du Niger Mohamed Bazoum et de la Mauritanie Mohamed Ould El-Ghazaouani consultent l’opposition démocratique dans le cadre de la transition avec le Conseil Militaire de Transition.
Selon des sources proches des rebelles, l’armée française continue a bombardé intensivement les colonnes des rebelles tchadiennes qui menaçaient d’attaquer la capitale, N’Djamena. Les éléments du FACT se seraient dispersés en petits groupes dans le désert. Une partie se serait réfugiée dans les massifs du Tibesti, à la frontière avec la Libye. Le président français dans son intervention hier aux obsèques de Deby, a signifié que, la France ne restera pas indifférente face aux actions qui menacent la stabilité et l’intégrité du Tchad.
Entre-temps, après les obsèques, l’opposition démocratique et la majorité présidentielle ont rencontré deux Chefs d’État Mohamed Bazoum et Mohamed Ould El-Ghazaouani, délégués par le président en exercice du G5 Sahel Christian Mark Kaboré qui remplace au pied levé le défunt président Deby Itno pour entendre l’opposition et majorité.
Durant les échanges l’opposition a réclamé le retour à l’ordre constitutionnel et dénonce ce qu’elle appelle coup d’État du Conseil Militaire de la Transition (CMT). La majorité, elle, soutient à appuyer la junte militaire et la Charte de Transition. Selon nos sources la rencontre s’est passée dans une ambiance cordiale. Dans les prochains jours, d’autres rencontres sont prévues pour donner suite dans les prochains jours. D’autres partenaires se joindront pour aider les différentes parties à trouver une solution pour former un gouvernement de transition.
Pour revenir aux rebelles, selon des sources gouvernementales tchadiennes, le chef rebelle serait tué ou blessé au cours des bombardements. Toutefois, aucune source indépendante ne confirme cette information. Les rebelles démentent la mort de leur chef. Et affirment qu’il se trouverait dans un endroit sûr.
Rappelons que les rebelles du FACT avaient lancé une offensive contre les forces loyalistes, le dimanche 11 avril 2021. Jour où les Tchadiens étaient appelés aux urnes pour élire leur nouveau président. Ils avaient revendiqué le contrôle des garnisons de Wour et Zouarké, dans les massifs du Tibesti à plus de 1000 km de N’Djamena.
Le 19 avril, dans une offensive de l’armée nationale, le gouvernement du Tchad annonce la mise en débandade des rebelles. Le, 20 avril, une autre contre-offensive rebelle signalée au nord du Kanem à environ, 400 km de la capitale. Le même jour au front, le président Idriss Deby Itno fut tué, pourtant déclaré provisoirement vainqueur par la CENI du scrutin du 11 avril.
Les obsèques nationales du feu président Idriss Deby Itno se sont déroulées ce vendredi à la place de la nation à N’Djamena. Parents, amis et homologues lui ont rendu des témoignages émouvants. Reportage.
Après la cérémonie militaire, place aux témoignages. Les enfants du défunt président sont les premiers invités à la tribune.
Représenté par Abdelkerim Idriss Deby, les enfants du président Deby décrivent leur père comme un géniteur hors du commun, attachant, attentionné et exigeant. Selon eux, le défunt président est un homme de pardon et de dialogue, obsédé par la paix et l’unité des Tchadiens. « Il aimait son pays et ses concitoyens plus que sa propre vie », révèle Abdelkerim Idriss Deby. Bien que sa mort brutale ait causé de la peine à sa famille, les enfants du défunt président se disent réconfortés par les hommages qui lui sont rendus çà et là de par le monde. « Nous sommes fiers de toi cher père », déclare Abdelkerim, qui était jusqu’à la mort de son père son directeur de cabinet civil adjoint. Pour la mémoire de leur père, les enfants Deby promettent de rester fidèles à l’héritage de leur défunt père en continuant à défendre aux côtés des autres Tchadiens les causes pour lesquelles Idriss Deby Itno était admiré et choyé par ses concitoyens.
Tour est au bureau politique national du parti Mouvement patriotique du Salut (MPS) fondé en mars 1989 par Idriss Deby Itno et ses frères d’arme. Prenant la parole, Mahamat Zen Bada, secrétaire général du MPS a peint Idriss Deby Itno comme l’homme qui a sauvé les Tchadiens de la dictature d’Hissein Habré, du terrorisme et bien d’autres situations. Pour lui, Idriss Deby Itno est un homme de principe, brave, un visionnaire, un rassembleur, un panafricaniste. Selon l’amour de leur président fondateur pour sa patrie et ses concitoyens l’ont conduit à une fin fatale. « Idriss Deby Itno est mort selon le slogan de notre parti : mourir pour le salut », a affirmé Zen Bada. Car, il est mort en défendant l’intégrité territoriale et la stabilité du Tchad menacées par les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT).
Le témoignage tant attendu est celui du président français Emmanuel Macron. D’un ton serein, Emmanuel a rendu un vibrant hommage à celui qu’il qualifie d’allié fidèle, de soldat courageux, de panafricaniste. D’après Emmanuel Macron, le défunt président est un soldat dans l’âme, qui a servi et défendu sa patrie jusqu’au bout de son engagement. « Vous avez vécu en soldat, vous êtes mort en soldat, les armes à la main », a-t-il déclaré. Toujours selon Macron, le président Idriss Deby Itno est un homme qui a connu la guerre, mais ne l’aimait pas. À cause de ses horreurs. Malgré tout, il s’est engagé aux côtés de la France pour venir en aide à ses frères maliens et autres du Sahel faisant face au terrorisme armé. Le soldat est mort et la douleur est immense, « Aujourd’hui, je partage le deuil d’une nation touchée dans sa chair, par le sacrifice de son premier soldat. Je partage aussi le deuil d’un ami et d’un allié fidèle », a-t-il rendu hommage.
Sur la transition, Emmanuel Macron rassure que la France est et sera là aux côtés du Tchad. « La France ne laissera jamais personne remettre en cause et menacer ni aujourd’hui ni demain la stabilité et l’intégrité du Tchad », promet-il. Le président français a fini son hommage en appelant le comité militaire de transition au dialogue, à l’inclusion pour une période de transition apaisée et démocratique.
Pour rappel, le président du Tchad, le maréchal Idriss Deby Itno est tombé sur le front le 20 avril 2021 lorsqu’il dirigeait le combat contre les rebelles. A la suite de sa mort, un comité militaire de transition dirigé par son fils Mahamat Idriss Deby a été mis en place. Ce comité est contesté par la société civile et les partis politiques de l’opposition réclament un retour à l’ordre constitutionnel. Dans les différents hommages et témoignages, les appels au dialogue à la cohésion sont adressés aux différentes parties.
Christian Allahdjim
Les obsèques du défunt Chef de l’État tchadien, Idriss Deby Itno se sont déroulés ce vendredi, 23 avril à la place de la Nation de N’Djamena. Le Président tchadien est décédé le 20 avril 2021 lors d’une offensive des rebelles du FACT contre les forces loyalistes. Reportage.
Plusieurs Chefs d’États africains, le Président en exercice de l’Union Africaine, ainsi que son président de commission, les représentants des Organisations internationales, des grandes institutions, les dignitaires religieux, ainsi que la Président français Emmanuel Macron sont venus dire leurs adieux à la dépouille du président tchadien.
Il est 7h du matin dans la capitale tchadienne, tout le monde vient s’installer à la place de la Nation. Une couverture médiatique quasiment planétaire est présente. La cérémonie s’ouvre avec l’arrivée du Chef d’État-major des Armées qui passe les différentes troupes en revue, et à sa suite, vient le président du Conseil Militaire de la Transition, le général Mahamat Idriss Deby Itno.
11h, la dépouille mortelle de feu président Idriss Deby arrive, escortée par la police nationale, passe devant chaque commandement militaire et s’immobilise devant les officiels. Ses frères d’armes le transportent et le déposent sur l’hôtel funèbre.
L’hymne national retentit. Et suit, le dépôt des gerbes de fleurs. Le Président du Conseil Militaire de la Transition, Mahamat Idriss Deby Itno, fils du défunt président, est le premier à s’exécuter. II avance et dépose une gerbe de fleurs. Des tirs de canons ont tonné pour saluer la mémoire de ce fils du pays dans un silence de morts. Après les tirs, tous les Chefs d’État et de gouvernement ainsi que d’autres hôtes présents se sont relayés pour déposer des gerbes de fleurs et rendre leurs derniers hommages au feu président. Plusieurs témoignages notamment ceux des fils du défunt, de son épouse, de ses homologues africains ainsi que du président français ont salué le courage du soldat Deby. Le temps semble être suspendu entre les voix chevrotantes d’émotion et des pleurs. Le Maréchal n’est plus.
Oraisons funèbres
En boucle de ces obsèques, une oraison funèbre est dite par Dr Haroun Kabadi, président de l’assemblée nationale tchadienne dissoute. Selon lui, c’est une circonstance éprouvante. Il affirme que Deby est un grand homme d’État, un repère et un symbole, « son sacrifice pour son pays n’a pas une valeur marchande». Pour lui, l’homme que nous saluons aujourd’hui en mémoire, est né en 1952 à Berdoba dans la province de l’Ennedi Est. C’est un coup de destin, mais l’homme l’avait déjà prédit indique Dr Haroun Kabadi. Enfin il a gardé en souvenir que feu Idriss Deby Itno a toujours dit qu’il ne va pas au terrain parce qu’il est courageux, mais parce qu’il aime ce pays. Et, ne voudrais pas que le désordre prenne racine. D’après Kabadi. « Il est mort sur-le-champ d’honneur et pour la dignité de son peuple », dit l’ex-président de l’Assemblée nationale.
Moyalbaye Nadjasna
Depuis l’annonce du décès du président tchadien Idriss Deby Itno de suite de ses blessures, l'angoisse a gagné la capitale tchadienne. 72 heures après, les N’Djamenois vivent toujours avec l’inquiétude d’une brusque escalade militaire. Reportage.
Jeudi 22 avril, voilà 72 heures que le président tchadien Idriss Deby Itno est mort, de suite des blessures reçues au champ de combat. Le 20 avril, lorsque la nouvelle de sa mort s’est répandue, la psychose s’est emparée de N’Djamena, la capitale. Dans la foulée, marchés, écoles, alimentations, stations-service, administration etc. ont fermé. La ville ressemblait à une ville fantôme. Trois jours après, N’Djamena tente de reprendre vie. Mais la peur est toujours présente dans les esprits de ces habitants malgré l’assurance des autorités de transition.
9h du matin. Avenue Charles De Gaule jusqu’au rond-point du marché de Dembé, la circulation est fluide. Tout comme sur l’avenue Jacques Nadingar jusqu’à l’avenue Mobutu. Pas de bousculade. Peu d’embouteillage. Quelques commerces sont ouverts. Le transport en commun reprend. Les marchés sont encore moins peuplés. L’inquiétude est encore lisible sur les visages. L’après maréchal et les circonstances de sa mort sont au centre de toutes les discussions.
Deudibé Martin est moto taximan. Il n’a connu que Deby comme président. La mort de celui l’a attristé : « Je suis surpris et déçu. Je suis vraiment choqué. » Pour beaucoup de N’Djamenois, le décès du président Deby est un coup dur. « C’est trop dur à supporter puisqu’il a été pour beaucoup pour notre pays », dit Dieudonné, élève en classe de 1ère. D’autres font leur deuil. « En tant que Tchadien, je suis en deuil », déclare Allasra Smarty, gérant d’une boutique à Moursal.
La question qui préoccupe les N’Djamenois est la sécurité. La situation politico-militaire les plonge dans une incertitude. Entre la menace des rebelles de marcher sur N’Djamena, les rumeurs sur les réseaux sociaux et la succession du président les N’Djamenois sont perdus. Par mesure de prudence, des écoles privées et publiques et certains commerces sont restés toujours fermés malgré l’appel de la commune de N’Djamena à la reprise des activités. « La situation est encore incertaine. Si les boutiques sont restées toujours fermée, c’est par prudence », dit un jeune.
A l’université de N’Djamena, les cours continuent. Très peu d’étudiants ont répondu présents ce jeudi dans les différentes facultés d’Ardep-djoumbal. Trois d’entre eux expliquent cette absence par la peur. « Ce jour du 20 avril, nous avons paniqué. Il y avait une peur terrible », se souvient cet étudiant en Sciences de l’éducation. L’inquiétude, toujours présente, empêche les autres étudiants de se rendre dans leurs facultés. « Nous n’étions pas 100 étudiants alors que nous sommes presque 1 000 », a-t-il constaté.
La succession du président fait jaser. A sa mort, un groupe de généraux s’est emparé du pouvoir en mettant en place un Comité militaire de transition avec à sa tête le fils du défunt président. « Je suis inquiet compte tenu de la succession qui commence par poser problème », déclare Deudibé Martin. Son avis est partagé par Allas ra Smarty qui explique que le défunt président Idriss Deby Itno n’a pas pensé à préparer sa succession. Et cela, dit-il, va rendre difficile la transition.
Et là déjà des voix se lèvent pour contester la mise en place de ce conseil militaire de transition dirigé par Mahamat Idriss Deby. Société civile et partis de l’opposition dénoncent un coup d’Etat. La population, elle, n’a point confiance, « avec les militaires, il n’y a pas de confiance. On ne sait jamais avec eux », insiste Bienvenue Tog-yanuba, rencontré au marché central. Certaines accusent le président du CMT de manœuvres dilatoires pour s’accrocher au pouvoir. « Avec son père, c’était ainsi au début. La suite nous la connaissons. Et là lui aussi veut reprendre le même manège », s’insurge Allasra Smarty. D’autres ne souhaitent que la paix que ce soit avec une transition militaire ou civile. «Tout ce qu’on veut, c’est la paix. Celle-ci nous permettra de vaquer normalement à nos occupations et assurer notre survie. Nous sommes en Ramadan, un mois saint, nous orientons plus nos pétitions auprès d’Allah pour la paix au Tchad», confie un anonyme.
Christian Allahadjim
Moyalbaye Nadjasna
Le Conseil militaire de transition, mis en place après la mort du président Idriss Deby Itno, a promulgué la Charte qui doit régir le Tchad pour les 18 mois à venir. Elle a été publiée sur le site de la présidence pendant quelques heures avant d’être retirée pour publication de mauvaise version, disent nos sources. Voici la quintessence.
La Charte de la Transition est calquée sur la Constitution du 4 mai 2021. La nouveauté est dans la création de nouvelles instances qui feront office de la présidence, de parlement et de gouvernement. Il s’agit du Conseil Militaire de Transition (CMT), du Conseil National de Transition (CNT) et du Gouvernement de Transition (GT).
Le Conseil militaire de transition
Selon l’article 36 de la Charte, le Conseil militaire de transition (CMT) est un organe de définition et d’orientation des questions de paix, de stabilité et de sécurité nationale. Il est dirigé par un président qui exerce les fonctions de président de la République, de chef de l’État et de chef suprême des armées. En tant que chef de l’administration, il assure la continuité de l’Etat. Composé de 15 généraux, le CMT est présidé le général de corps d’armées Mahamat Idriss Déby.
Un point important : le président du CMT dispose du droit de grâce et confère les décorations de la République (article 42).
Le gouvernement de transition
Le gouvernement de transition renferme l’exécutif. Il conduit et exécute la politique de la nation (article 52). A cet effet, il dispose de l’administration, des forces armées et de sécurité. Ses membres sont nommés et révoqués par le président du CMT. Son secrétaire général est placé sous l’autorité du président du CMT pour la coordination du travail gouvernemental.
Des tractations sont en cours pour la formation de ce gouvernement.
Le conseil national de transition
Il fait office d’Assemblée nationale. Le conseil national de transition, composé de 69 membres, a pour mission de :
Ces membres, appelés conseillers, sont désignés par le président du CMT. Ils jouissent des mêmes privilèges que des députés (indemnités, immunité…)
Bon à savoir, la durée de la transition prévue par la Charte est de 18 mois. Toutefois, elle peut être renouvelée une seule fois par le CMT. Des élections en vue d’élire un nouveau président de la République et des députés mettront fin à la transition. Déjà le CMT est boudé par la société civile et les partis politiques qui réclament une transition civile, dans l’ordre constitutionnel.
Christian Allahadjim
Plusieurs membres de l’opposition démocratique se sont réunis ce mercredi, 21 avril à N’Djamena, capitale tchadienne. Objectif : faire le point sur la question de la transition après la mort du président tchadien le 20 avril dernier. Quelques leaders de l’opposition se sont également prononcés à titre personnel sur cette situation militaire au Tchad. Reportage.
Dans une déclaration, ce 21 avril, les partis politiques de l’opposition démocratique, condamnent avec ce qu’elle appelle coup d’État constitutionnel opéré par les généraux après la mort du président Idriss Deby Itno. Ils rejettent toute dévolution monarchique du pouvoir au Tchad. Les leaders d’opposition appellent à l’instauration d’une transition dirigée par les civils dans le respect de l’ordre républicain à travers un dialogue inclusif. Ils mettent en garde les autorités françaises, notamment, le président français Emanuel Macron, le ministre des Affaires Etrangères Jean Yves Le Drian et les généraux de l’armée française de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures du Tchad. Ils appellent la population à ne pas obéir aux décisions illégales, illégitimes et irrégulières prises par le Conseil Militaire de la Transition (CMT). «La charte de la transition, le couvre-feu, la fermeture des frontières etc. et à demeurer vigilant contre toute forme de prise de pouvoir ou de sa confiscation par la force», indiquent-ils. D’après eux, toutes les parties en conflit doivent faire taire les armes au plus vite et à s’assoir pour une solution pacifique et salutaire pour le Tchad. Aussi demandent-ils, à la communauté internationale d’accompagner le peuple tchadien dans la restauration de l’Etat de droit et de la démocratie. «Le non-respect de ces points pourrait amener les signataires de ces déclarations à appeler la population à un soulèvement populaire», concluent-ils. Signé par le porte-parole Mahamat Bichara.
Un coup d’État ne promet jamais un avenir radieux …
Selon Masra Succès, président du parti Les Transformateurs, trois choses sont à relever par rapport à la mise sur pied du CMT. La première chose, dit-il, c’est que les tchadiens ont demandé un dialogue. «Un dialogue entre tous les tchadiens qui doit permettre de mettre sur pied des institutions de transition. Ce qui est fondamental. Nous l’avons déjà fait en 1993 et personne n’était déçu. Ce qui va être une conférence inclusive et représentative de tous les tchadiens», signifie-t-il. Pour lui, c’est ce dont le peuple tchadien attend. D’après lui, il faut faire en sorte que les acteurs qui sont les politico-militaires, les gens de la diaspora doivent se retrouvent ensemble et déterminer les organes de la transition, les modalités de la transition. «Ce qui serait une transition collective et la meilleure manière de garantir la stabilité du Tchad», précise le président des Transformateurs. La 2ème chose, a poursuivi Masra Succès, c’est le minimum à partir duquel on doit aller. Ce minimum déclare-t-il, c’est le respect de la constitution actuelle. «Ce qui va permettre ainsi, à ceux qui pourront être responsabilisés soient à même de convoquer l’organisation de ce dialogue. Ce nous permettra d’y ajouter les éléments qui manquent à cette constitution et aller de l’avant. Ce, dans une collégialité et une diversification de toutes les forces», explique-t-il.
En fin, le jeune leader politique relève que les tchadiens ne veulent pas une transition directe du pouvoir. « Ils ont d’ailleurs dit qu’ils ne veulent le système du pouvoir de Deby, et l’ont exprimé à maintes reprises. On ne peut pas commencer par un coup d’Etat et promettre un avenir radieux, ce n’est pas possible », martèle-t-il. Selon lui, la Charte de la Transition a été fabriquée dans la nuit et c’est une obscurité sans fin. «Cette charte ne prévoit pas seulement 18 mois mais 18 mois fois deux donc au minimum 3 ans. Et il n’y a pas de garantie d’une fin. On va créer toujours une situation pour le prolonger», démontre Masra Succès. Les tchadiens n’acceptent pas la confiscation du pouvoir militaire au détriment de la volonté du peuple, a-t-il terminé son propos.
Mahamat Allabo, est SG du Parti pour la Liberté et de la Démocratie(PLD). Il estime que l’opposition démocratique a déjà donné sa position. « Nous sommes contre la mise en place d’un Conseil militaire transitoire. Il s’agit pour nous d’un coup d’État. La constitution prévoit que c’est le président de l’Assemblée nationale qui assure l’intérim ». Pour lui, ce que les militaires ont fait est contraire à l’ordre constitutionnel. Selon lui, si le président de l’Assemblée nationale refuse, il a son vice-président qui peut le faire. C’est une question d’institutions et non des hommes qui vont toujours passer, clame-t-il. « On n’est pas d’accord que les militaires et les enfants Deby se mettent devant et prennent encore le pouvoir. Ce qui se passe s’appelle une succession monarchique».
Moyalbaye Nadjasna
Donc le président Deby Itno est mort. Il est mort, peut-être, comme il le désirait : sur-le-champ de combats. Paix à l’âme de ce fils du pays. Ialtchad Presse salue ici le chef qu’il a été bien que la rédaction n’a pas toujours été d’accord avec sa méthode de gouvernance. Nos traditions tchadiennes nous obligent à jeter à la rivière les divergences après la disparition d’un compatriote. Les mêmes traditions nous obligent aussi à se tenir silencieux durant la période de deuil, mais la situation du pays oblige la rédaction à exprimer son désaccord.
Le chemin emprunté pour assurer la transition n’est pas le bon chemin. Suspension de la constitution, dissolution de l’assemblée nationale et du gouvernement. En lieu et place, les Tchadiens, surpris, ont désormais un Conseil Militaire de Transition composé uniquement des généraux. Durée :18 mois. Pourquoi ce schéma n’est pas bon pour le pays? Pourquoi la France est à la manette? Pourquoi? Pourquoi?
D’abord le rôle complice de la France dans cette boiteuse transition. On attendait que la France républicaine rappelle clairement à ceux qui tentent de garder le pouvoir de respecter la Constitution tchadienne. Non. Les Tchadiens constatent que la « France francafrique » s’embarque dans ses vilaines pratiques et s’autorise à parler pour les Tchadiens. On entend des analyses bidon sur les médias français jouer aux antennes propagandistes : alliés, partenaires, etc. Et cerise sur le gâteau, un communiqué de presse dit en substance « l’attachement de la France à la stabilité et à l’intégrité du territoire tchadien ». Dans le même communiqué, cette maladroite France dit prendre acte de la mise en place du Conseil Militaire de Transition (CMT). En quoi la France est-elle concernée dans le destin du Tchad? Dans cette sortie, la France cautionne non seulement un coup d’État du CMT, mais elle veut imposer aux Tchadiens les mêmes personnes, le même système qui durant plus de 30 ans a asservi le Tchad. Pire, ce CMT n’a aucune légitimité, aucune légalité. Il n’est pas créé et mis en place pour les intérêts des Tchadiens. Il est mis en place pour les intérêts de la France, du clan au pouvoir et de ses obligés. Ce CMT n’est qu’une machine à déclencher la guerre civile. Une guerre civile qui sera dévastatrice. Une guerre civile dont la France sera responsable.
Ensuite le CMT est une mauvaise idée. Les Tchadiens observent toutes ces manigances avec beaucoup de flegme, mais cela n’est que trompe-œil. Déjà les tensions sont constatées ici et là dans les casernes. Et surtout, une chevauchée de l’opposition armée n’est pas à exclure, si le CMT insiste ou persiste à vouloir confisquer le pouvoir. On entend les spécialistes d’un jour parler de l’armée tchadienne, mais les Tchadiens savent entre eux qu’il n’y a pas une armée tchadienne structurée qui pourra jouer son rôle d’arbitre en protégeant la République. Il y a plutôt une bande de guerriers habituée à protéger un système clanique sous les radars de la France. Une armée qui au fil du temps est devenue un supplétif de l’armée française. Tout cela, les Tchadiens en sont conscients. Ils ne veulent plus qu’on leur confisque leur destin par toutes sortes d’entourloupes.
Aussi, ce qu’il faut aux Tchadiens est simple. C’est premièrement que le CMT fasse marche en arrière en permettant un retour à l’ordre constitutionnel. Deuxièmement, former un gouvernement d’union nationale composé des Tchadiens compétents et dévoués à assurer la transition avec pour seule mission la réussite de cette transition. Troisièmement, cette transition convoquera une grande conférence de vérité où tous les Tchadiens viendront discuter de leur avenir. Cette transition aura aussi la responsabilité d’accoucher une nouvelle constitution et d’organiser des élections libres et transparentes. Une des règles de cette constitution consistera à bannir la lutte armée. À sacraliser la démocratie comme seul moyen d’accéder au pouvoir. À protéger la Presse et la consacrer comme chienne de garde de la démocratie. À limiter le nombre des partis à 4 grandes familles politiques, selon les valeurs dominantes socioculturelles du pays. Cela pour éviter l’héritage des myriades des partis politiques qui ne sont des partis que de nom. Et qui n’existent que pour pervertir les mœurs politiques.
Enfin, quelle honte! On entend les « petits caciques » du moribond parti au pouvoir le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) les Zen Bada et les Padaré de ce monde nous sortir la chansonnette de défense de la patrie, de l’intégrité du territoire pour justifier le coup d’État du fumeux CMT. Le MPS est mort avec son président fondateur, cela il faudra que les dirigeants de cet ex-parti le comprennent, l’assimilent et l’acceptent.
Aux dernières nouvelles, le CMT propose dans sa Charte de transition la mise en place deux organes dénommés : Conseil National de Transition (CNT) qui jouera le rôle du parlement et un gouvernement de transition qui s’occupera des affaires courantes. Une autre manigance de taille est glissée dans l’article 89 de cette charte. Elle dit que la durée initiale de 18 mois peut être prorogée une seule. Bref, 18 mois de plus. Donc, offrir la possibilité au CMT de durer 3 ans. La majorité des Tchadiens ne veut pas de ces combines qui mèneront le pays dans une aventure sans lendemain. Le Tchad de demain se fera sans ceux-là mêmes qui ont mené ce pays dans le gouffre. À moins d’être entendus et pardonné. Et la France n’imposera rien au pays des hommes libres et fiers.
Bello Bakary Mana