Suite aux manifestations d’hier 27 avril, des journalistes ont été arrêtés par les forces de l’ordre déployées pour réprimer la marche. Leurs témoignages et la réaction de l’Union des journalistes tchadiens. Reportage.
Lapia Beati, journaliste au quotidien Le Progrès a été arrêté par les gendarmes avant d’être remis aux policiers du commissariat d’ordre public n°15 puis transféré au COP13. Il a été torturé avant d’être relâché le soir de la même journée alors qu’il était habillé de son gilet de travail. Il dit n’avoir pas jusqu’à preuve du contraire compris les motifs de son arrestation. « Personne ne m’a dit clairement ce qu’on me reproche. Toujours est-il que j’étais sur les lieux habillés du gilet qui a été confectionné et mis à la disposition des organes de presse par la HAMA.
Selon le journaliste, il était bien visible. Alors qu’il filmait la manifestation, les gendarmes étaient arrivés avec leur véhicule bleu, « j’avais mon gilet. J’étais sûr qu’on me posera quelques questions pour vérifier, mais hélas. On m’a directement mis dans le pick-up où se trouvaient 2 jeunes mineurs. Et c’est après m’avoir déjà donné de coups qu’on me demande pourquoi je filme ? J’ai répondu que je suis journaliste. » Les policiers ont alors demandé pourquoi notre confrère ne leur ai pas dit cela avant. Aussitôt, ils lui ont arraché son gilet et son téléphone. Il a été gardé jusqu’en soirée. « J’ai été libéré grâce à l’intervention de mes supérieurs hiérarchiques. Je pense qu’il faudra que les responsables de nos forces de l’ordre comprennent que ce que nous, journalistes, faisons, ce n’est pas contre quelqu’un, mais on le fait pour informer. »
Cynthia Oundoum, journaliste à Tchadinfos, a été aussi arrêtée lors de ces manifestations. « Hier, c’était vers 10 heures, nous étions sur le terrain pour couvrir la marche avec les autres confrères. Vers le collège évangélique, il y avait un groupe d’artistes qui manifestait avec des banderoles. Donc comme d’habitude, nous nous sommes empressés d’aller les interroger et les photographier ». Notre collègue avec d’autres journalistes se sont retrouvés nez à nez avec plusieurs véhicules des forces de l’ordre. Ils se sont réfugiés dans la chambre d’un ami avec une dizaine de personnes. Les agents des forces de l’ordre ont défoncé la porte pour les arrêter, selon la journaliste. « Parmi ce nombre, c’est seulement nous les deux journalistes qui ont été arrêtés. Ils nous ont embarqués. Après ils nous ont posé la question si nous avons une autorisation pour couvrir la manifestation. Nous leur avions répondu que nos gilets et nos badges suffisent déjà et que nous n’avions d’une quelconque autorisation. Après avoir fait le tour de Moursal avec nous, ils nous ont libérés tout en nous enjoignant l’ordre de rentrer de suite. » Elle affirme qu’ils n’ont pas subi des sévices. Cynthia s’interroge, « ce que je ne comprends c’est le fait qu’ils nous ont arrêtés malgré nos gilets estampillés Presse avec des badges. Je crois que les gilets procurés à la HAMA nous protègent. Mais hier, je me suis rendu compte que ces gilets nous exposent plutôt. Ce que je réclame c'est vraiment qu’ils nous laissent travailler. C'est la liberté de la presse comme son nom l'indique que nous voulons. »
Pour le président de l’Union des journalistes tchadiens, Mahamoud Abbas, c’est inadmissible qu’on arrête des journalistes lors de tels événements. D’après lui, l’UJT a toujours rappelé et interpellé des responsables que des journalistes sont présents pour informer en relatant ce qui se passe le terrain. « Donc leur place n’est pas dans des commissariats, en prison, mais dans des rédactions et sur le terrain pour collecter des informations », a fait savoir Mahamoud Abbas. L’UJT dit condamner fermement ces actes. « Nous condamnons avec force ces actes d’arrestation et de maltraitance des journalistes », a réagi le président de l’UJT. Selon lui, plusieurs recommandations ont été faites aux responsables de la sécurité pour la protection des journalistes. Mais jusque-là rien. « Nous allons relancer les autorités. Si elles n’aboutissent pas, nous allons appeler tous les journalistes à cesser le travail jusqu’à ce que les gens nous respectent ».
Santana Togyanouba
Younous Sidick Abakar Choukou
La marche pacifique initiée par la coordination des actions citoyennes pour protester contre le Conseil Militaire de Transition (CMT) et l’ingérence de la France dans les affaires du Tchad le 27 avril passé a causé d’énormes dégâts humains. Les autorités et les organisateurs avancent chacun ses chiffres.
Selon le gouvernement, par le biais du procureur de la République, Youssouf Tom, N’Djamena, la capitale tchadienne a enregistré 4 cas de décès, dont une femme. Par contre, Moundou, la capitale économique n’a enregistré qu’un seul cas de décès.
Ce bilan dressé par le procureur est contredit par les organisateurs. D’après Me Max Loalngar, l’un des leaders de la coordination des actions citoyennes, que nous avons contacté, le bilan sur le plan humain est élevé. « 15 morts, dont 3 ont été signalés à Moundou et 12 à N’Djamena. Plus de 170 personnes arrêtées. Des blessées, on n’en parle pas », dit-il. Selon lui, la marche initiée par son organisation, pour protester contre la transition militaire et l’ingérence de la France dans les affaires internes du Tchad, a été une réussite. Car, dit-il, enfants, jeunes et personnes âgées sont tous sortis pour exprimer leur ras-le-bol.
Dans le souci de confirmer dans l’un ou l’autre cas les chiffres avancés par les organisateurs de la marche et les autorités, nous nous sommes rapprochés des responsables de la Morgue de l’Hôpital général de référence nationale (HGRN) de N’Djamena. Mais ceux-ci ont refusé de répondre à nos questions.
Rappelons que la marche pacifique du 27 avril, initiée par la coordination des actions citoyennes dénommée « Wokit tama », a été durement réprimée par les forces de l’ordre. Les marcheurs rejettent la transition militaire et dénoncent l’ingérence de la France dans les affaires internes du Tchad. Malgré la répression, la coordination des actions citoyennes a encore appelé à une nouvelle manifestation pacifique ce mercredi 28 avril. Et promet d’autres.
Allarassem Djimrangar
Le président français, Emmanuel Macron a reçu ce matin son homologue Félix Tshisekedi, président de la République Démocratique du Congo, par ailleurs président en exercice de l’Union Africaine. Le chef de l’État français condamne la répression des manifestations ce matin, 27 avril à N’Djamena, capitale tchadienne.
Emmanuel Macron dit soutenir le processus de la transition qui doit ouvrir la voie à la démocratie et à la stabilité du Tchad. Vu l’évolution de la situation, il dit être préoccupé. Il affirme condamner avec fermeté, la répression des manifestations et des violences qui ont eu lieu ce matin à N’Djamena. Pour le chef d’État français, le respect des engagements pris par le Conseil Militaire de Transition (CMT) est celui d’une transition pacifique, inclusive sur le plan politique. Macron insiste qu’il a apporté son soutien à l’intégrité et à la stabilité à N’Djamena pour l’ensemble du pays. Il dit être pour une transition pacifique et démocratique, « je ne suis pas pour un plan de succession. » D’après lui, la France ne sera jamais auprès de ceux qui forment ce projet. Le temps est venu dit-il, de lancer un dialogue politique national ouvert à tous les Tchadiens, c’est ce qui est attendu aujourd’hui. « Le CMT serait le conditionnel de notre soutien. Nous resterons aux côtés de l’Union Africaine que préside le président Tshisekedi aujourd’hui et le G5 Sahel qui s’est engagé résolument dans la médiation de la situation qui me préoccupe très fortement», a lancé le président français.
Rappelons que le président français Emmanuel Macron, a signifié lors de son passage à N’Djamena pour les hommages à son homologue tchadien Idriss Deby, que la France ne laissera ni aujourd’hui ni demain ceux qui tenteraient de nuire à la stabilité et à l’intégrité du Tchad.
Moyalbaye Nadjasna
La capitale tchadienne, N’Djamena a été marquée par des nombreuses manifestations. Quelques citoyens tchadiens ont accepté de donner leurs avis. Vox pop.
Lui, c’est Mahamat Nour, il est commerçant :
« Le Tchad appartient à tout le monde sans distinction clanique, ethnique. Je ne suis pas d’accord avec la nomination de Pahimi Padacké Albert. Il est l’un des anciens membres du gouvernement. Nous voulons un changement, il d’autres personnes. Il faut inclure tout le monde dans le processus de la transition. Il est nommé sans un consensus. Nous voulons un civil à la tête de la transition qui va rassembler les Tchadiens.»
Mahamat Ali est étudiant
« Pahimi Padacké Albert, a l’expérience d’à peu près de 15 ans dans le gouvernement. Je suis d’accord pour sa nomination, il est capable de contribuer à la paix et la stabilité de notre pays. Il peut facilement réconcilier les filles et fils du Tchad. Les manifestations c’est normal, nous sommes dans un pays démocratique. Mais la manifestation de ce matin est intensive. Les jeunes se sont attaqués aux édifices publics, aux stations de carburant, aux usagers, donc c’est aller au-delà.»
Adam Ibni Adam, étudiant
« C’est bien la nomination de Padacké. C’est un ancien. Il connaît bien le gouvernement. Il a travaillé avec le Maréchal feu Idriss Deby, paix à son âme. Tout ce que nous voulons, c’est un dialogue pacifique et transparent. Je ne suis pas d’accord avec la manifestation de ce matin. Certes nous ne voulons pas le système actuel, mais il nous faut un changement dans la paix. Toutefois, je condamne la répression violente de nos concitoyens par les forces de l’ordre.»
Kadidja Abakar, Citoyenne tchadienne
«C’est normal qu’on nomme un Premier ministre à mon avis. Padacké a travaillé avec le défunt président Deby, il sait piloter un gouvernement. Tout ce que nous voulons c’est le vivre ensemble, chers tchadiens. À propos des manifestations, nous sommes dans la démocratie, et chacun doit s’exprimer. Certains ont choisi cette voie. Tout ce que nous voulons c’est la paix et la tranquillité. Aujourd’hui, les écoles sont fermées. Vraiment, il nous faut la paix.»
Propos recueillis par Adam Oumar Adam et Younous Abakar Choukou
Bien qu’interdite, la manifestation pacifique de la coordination des actions citoyennes dénommée « Wokit Tama’’ a eu lieu ce mardi. À N’Djamena, le mouvement de contestation a été durement réprimé. Reportage.
L’air est pimenté à Moursal, Chagoua, Abena, Atrone Gassi et Walia, des quartiers qui se trouvent dans le 6e, 7e et 9e arrondissement de la ville de N’Djamena. Ils sont considérés comme des bastions de la contestation. La capitale politique tchadienne s’est réveillée secouée par des coups de sifflet, des tintamarres des casseroles, des vuvuzelas entremêlées de l’hymne national.
Cet appel à manifester pacifiquement a été lancé par la coordination des actions citoyennes dénommée « Wokit Tama » et le Mouvement citoyen le temps. Le mot d’ordre de cette marche est de dénoncer la transition militaire mise en place après le décès du président Idriss Déby Itno et les ingérences de la France dans les affaires internes du Tchad.
Dès 5heures du matin, des coups de sifflets, des vuvuzelas et de tintamarres ont réveillé les habitants de ces quartiers. Une stratégie pour mobiliser assez de participants. Des groupes se forment à la suite et les rues sont envahies. Ce qui est censé être une marche pacifique s’est très vite transformée en un affrontement entre les protestataires et les forces de l’ordre.
À Chagoua, Atrone, Gassi, Walia, la résistance des manifestants a été farouche. Et la réplique des forces de l’ordre a été aussi foudroyante. En petit groupe, les protestataires ont brûlé des pneus sur les grands axes, scandant des slogans et des affiches antifrançaises perturbant ainsi la circulation. L’axe CA 7 par exemple a été bloqué à la circulation avec des pneus en flamme tout le long de l’avenue. Même scène sur les avenues du 10 octobre et Jacques Nadingar. Certains manifestants ont brûlé le drapeau français. D’autres se sont attaqués à des intérêts français comme le saccage de la station Total, à Gassi.
Pour disperser les manifestants, la police antiémeute, le GMIP, a fait usage des gaz lacrymogènes. Les secteurs tels que Abena, Chagoua et Atrone sont devenus un champ de tir à balles réelles. L’air de ces secteurs est pollué et l’atmosphère invivable. Le quartier Walia dans le 9e arrondissement ressemble à un état de siège. Dans certaines zones, la police a violé même des domiciles pour procéder à des arrestations. Les manifestants affirment être déterminés à en découdre avec la junte et la France. Des gendarmes et des militaires sont appelés en renfort. Des tirs à balles réelles ont été constatés. Des rafales même par endroit. Résultats, on dénombre une vingtaine de blessés, des cas d’évanouissement et des morts. Selon un premier bilan dressé par le procureur de la République près du tribunal de grande instance de N’Djamena, cinq personnes ont été tuées, des véhicules de police endommagés et plusieurs blessés parmi lesquels l’artiste-rappeur Raïs Kim qui a reçu une balle à la cuisse. Plusieurs journalistes ont été aussi arrêtés par les forces de l’ordre et de la sécurité avant d’être relâchés. Ils sont facilement identifiés dans leur gilet estampillé Presse. Pourtant ils sont supposés être des témoins des évènements.
Un jeune homme rencontré devant la radio FM Liberté se plaint d’avoir été arbitrairement tabassé par les forces de l’ordre. «Regarder mon dos, les policiers m’ont roué des coups alors que je discutais le prix de poisson avec une marchande en face de l’échangeur de Chagoua. Et pourtant je ne suis même pas un manifestant. C’est comme ça qu’ils veulent nous gouverner? Dieu les voit», confie-t-il, l’air très fatigué.
Les manifestations se sont déroulées également en provinces. À Moundou, la seconde ville, il y a eu un mort. À Doba toujours au sud du pays, des jeunes sont sortis manifester en dénonçant la junte et la France. Ils exigent le retour à l’ordre constitutionnel. Au centre du pays, notamment à Mongo, des jeunes ont manifesté.
Aux dernières nouvelles, le président français Emmanuel Macron a condamné la répression de cette manifestation. Et surtout fait nouveau, il affirme être contre un plan de succession.
Christian Alladjim, Moyalbaye Nadjasna
Donc Deby père n’est plus. C’est Deby fils qui est là. Il est imposé par un groupe des généraux au mépris des textes de la République. Il est adopté par l’État-major militaire du grand chef blanc, la France, au mépris de la souveraineté du pays. Les deux cercles sont copains-copains. Ils ont créé le Conseil Militaire de transition et ses organes. Le Conseil National de Transition (CNT) et le gouvernement de transition. Un Premier ministre (PM) vient d’être nommé. Il s’agit de Pahimi Padacké Albert (PPA). Est-ce le bon choix? Que peut-il apporter de neuf celui qui a été le dernier Premier ministre du père? Et le tout premier Premier ministre du fils?
D’abord lorsque la primature fut abolie par le défunt président, PPA, dit-on, se vantait de dire que c’était parce que le président ne le supportait plus. Le voilà de retour. Espérons que le fils puisse le supporter durant les 18 mois de transition. Le choix de PPA donne le sentiment que le fils est dans les pas du père. Et PPA est la caution civile de la junte. Elle n’a pas fait beaucoup d’efforts pour trouver quelqu’un de plus rassembleur. Quelqu’un qui a une forte personnalité. Et qui peux animer un gouvernement de crise. Et qui puisse dire, de temps à autre, par nécessité et Intérêt Général non à la junte.
Aussi, le choix de PPA ne semble pas être un choix consensuel, mais plutôt un choix dans la droite ligne du père. Un choix comme une prière au nom du père. C’est un signe que Deby Itno vivant aurait fort probablement choisi comme Vice-président la même personne. PPA est réputé être un « accompagnateur professionnel ». Le nouvel homme fort aurait dû faire un autre choix. Un choix nouveau. Différent. Un choix osé dans un contexte particulier où il faut chercher à apaiser, à rassurer. PPA réussira-t-il? Surprendra-t-il? Difficile à dire. L’intéressé demande l’union sacrée. Vœux pieux. Impossible de l’avoir lorsqu’on est plus imposé que nommé. PPA n’est pas la solution, il est une partie du problème. Il est bien vrai qu’en politique presque tous les coups sont permis. La junte par son choix recycle PPA pour s’assurer que le système battu par le père puisse continuer à servir de levier au fils. Et d’accoudoirs aux alliés du parti au pouvoir. PPA n’apportera rien de nouveau. Rien de plus. Il est et restera une continuité. Il reprend la primature où il l’a laissé. Il fera semblant de faire du neuf avec le fils.
Ensuite, tout le monde suit depuis quelques jours les sorties baveuses du patron du parti au pouvoir le Mouvement patriotique du Salut (MPS).
Zene Bada se débat comme un diable dans l’eau bénite pour dire aux Tchadiens que le Tchad est un pays particulier. Et qu’heureusement il y a le CMT. Il est pieds et mains liées à la junte. Alors qu’il pouvait si le MPS était un vrai parti demander une transition civile. Cela aurait été au bénéfice du parti et de son Secrétaire Général. Le MPS aurait pu enfin se remettre en cause, débattre entre membres, restructurer, animer l’héritage du président Deby Itno et de mesurer son réel poids lors des prochaines échéances électorales. Au lieu de s’atteler à relever ce défi, le parti de Bamina s’adonne à son exercice favori : la paresse intellectuelle et la servitude volontaire au profit du fils Deby. Sur le plateau du journaliste Alain Foka, le militant des droits humains M. Ibedou a bien résumé les ambitions du MPS. Étape 1 : faire démissionner Mahamat Idriss Deby de l’armée. Étape 2 : le propulser président du parti. Étape 3 : faire de lui candidat. Étape 4 : le faire élire président.
Enfin, la junte change de position. Elle referme la porte du dialogue parce qu’elle a entendu de la bouche du grand chef blanc un soutien inconditionnel doublé d’une menace envers quiconque menacerait le pouvoir du fils de l’ami de la France. L’ami du père est forcément l’ami du fils. Quelqu’un disait que les pays n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Emmanuel Macron fait croire que son adoubement empressé n’est que de l’affection amicale au fils éprouvé. Les Tchadiens regardent tout cela étonnés et fâchés. La France n’a encore rien compris à ce pays. Son empressement à imposer la junte ne résoudra rien. Cela risque même d’envenimer les choses comme à l’époque du Conseil Supérieur Militaire (CSM). D’ailleurs ce CMT ressemble un peu au CSM. Le refus du dialogue avec la rébellion du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact) est une mauvaise idée. La junte, forte du soutien de la « France jupitérienne » campe sur ses positions au nom du Père, du Fils et de de Jupiter, Macron.
Bello Bakary Mana
Le conseil militaire de transition vient de nommer ce lundi, 26 avril, l'ancien Premier ministre, Pahimi Padacké Albert, à la tête du gouvernement de transition. En même temps, la coordination des Action Citoyennes dénommée «Wokit Tama», dénonce un coup d’État institutionnel de la junte et affirme que la France s’ingère dans les affaires internes du Tchad. Elle appelle à une manifestation pacifique. L’UST refuse de reprendre le travail, par contre, le SG de la CLLTT demande à tous les syndicats affiliés à la CLTT de reprendre cette semaine. Reportage.
L’ancien Premier ministre, Pahimi Padacké Albert, sera à la tête du gouvernement de transition. Il vient d’être nommé par le Conseil militaire de la transition (CMT). Padacké Albert, est arrivé deuxième avec 10,32%, lors des résultats provisoires de la présidentielle du 11 avril dernier. Il fut le candidat du parti Coq Blanc RNDT-Le-Réveil. Signalons que le CMT mis en place par la junte continue à faire l’objet des contestations des partis de l’opposition démocratique et de la société civile. Me Max Loalngar, est coordonnateur de la Coordination des actions citoyennes « Wokit Tama ». Dans un échange téléphonique ce matin, il affirme, « nous ne voulons pas du Conseil militaire de la transition. C’est illégal». Selon lui, leur coordination ainsi que l’ensemble de la société civile et l’opposition démocratique appellent à la manifestation pour dénoncer d’abord, le coup d’État institutionnel de la junte et dénoncer l’ingérence de la France dans les affaires internes du Tchad. Pour lui, la constitution a prévu tout ce qu’il faut faire en cas vacance de pouvoir. D’après lui, le contraire s’appelle coup d’État institutionnel. « Demains très tôt, nous serons dans les rues. Vous nous trouverez partout dans les rues de la capitale. Ce, pour appeler au retour à l’ordre constitutionnel», indique-t-il.
Me Max Loalngar, réitère que le Tchad est un pays libre, indépendant et souverain. La France doit cesser de s’ingérer continuellement dans les affaires du Tchad. L’ère de la colonisation est révolue, les tchadiens sont assez mûrs pour conduire leur destinée. Il n’y a rien de compliquer, c’est très simple de gérer cette affaire, dit-il. Ce que la France aurait dû faire signifie-t-il, c’est de ne pas prendre acte, mais d’appeler la junte au retour à l’ordre constitutionnel.
Les centrales syndicales divergent…
La confédération libre des travailleurs du Tchad (CLTT), a appelé ses membres à reprendre le travail cette semaine. La semaine dernière, le gouverneur de la ville de N’Djamena a demandé aux travailleurs du secteur public et privé de reprendre avec le travail. Mais l’Union des travailleurs du Tchad (UST) s’est réunie le mercredi, 21 avril dans son bureau exécutif pour examiner la situation sociopolitique. Le bureau exécutif dit rejeter la transition assurée par les militaires. Elle a demandé aux travailleurs d'observer un arrêt de travail jusqu'à ce que la situation soit clarifiée.
Son secrétaire général, Gounoung Vaima Gan-faré appelle à un dialogue inclusif de tous les Tchadiens de l'intérieur, de l'extérieur et les politico-militaires pour une solution au problème de la paix au Tchad. Il demande que l'ordre constitutionnel soit rétabli avec une transition dirigée par un civil.
Moyalbaye Nadjasna
Dans une déclaration faite le dimanche, le conseil militaire de transition refuse de négocier avec les rebelles du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (Fact) qu’il considère comme des hors-la-loi. Pour la classe politique et la société, ce refus risque de compromettre la paix et la stabilité.
L’annonce est tombée tel un coup de massue. Dans une déclaration radiodiffusée le dimanche 25 avril, le conseil militaire de transition (CMT) dit exclure toute négociation avec les « mercenaires » venues de la Libye (allusion faite au groupe rebelle du FACT). « L’heure n’est ni à la médiation ni à la négociation avec des hors-la-loi », a martelé le porte-parole du CMT, le général Azema Bermandoa Agouna. Pourtant en date du 24 avril, le chef rebelle Mahamat Mahdi Ali a déclaré sur les ondes de la Rfi, être disposé à dialoguer et à un cessez-le-feu. Ce refus de dialoguer avec ces hommes en arme pour une sortie de crise est condamné à la majorité par la classe politique.
François Djekombe, président du parti USPR, est l’un des acteurs politiques appelant le groupe rebelle du FACT à un cessez-le-feu pour l’organisation d’un dialogue inclusif. Pour lui, cette déclaration va-t’en guerre du CMT est la résultante du soutien que Paris lui apporte. « C'est une erreur stratégique », relève-t-il. Toujours selon lui, ce genre d’erreur a été à la cause du génocide au Rwanda. « Ce genre de prise de position ambiguë et de soutien aveugle qui étaient à l'origine du génocide au Rwanda en 1994, parce que les autorités en place pensent toujours sortir victorieuses de n'importe quelle guerre avec le soutien et la bénédiction de Paris », a-t-il écrit sur sa page Facebook. Il dit ne pas comprendre pourquoi les nouvelles autorités de N’Djamena se refusent à la médiation proposée par les chefs d’Etat du G5 Sahel. « Dans la mesure où nous exigeons la dissolution de la junte militaire et la mise en place d'un gouvernement d'union nationale de transition, le CMT jouit de quelle notoriété pour refuser l'offre de dialogue avec la médiation du Niger, exigeant plutôt la capture du chef du FACT? », s’est-il interrogé, toujours sur sa page Facebook. « Si le CMT veut la guerre, ''à la guerre comme à la guerre'', la majorité des Tchadiens souhaitent la paix et c'est ça le plus important », conclut-il.
L’opposant Saleh Kebzabo a aussi réagi. Il dit désapprouver cette décision qui, selon lui, est contre-productive. « On veut aller à la paix donc il faut nécessairement dialoguer et encore un cessez-le-feu », déclare-t-il. Du côté de la société civile, la réaction est aussi la même. « C’est du mépris quand les gens rejettent l’appel au dialogue », dit Max Loalngar, président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme. Il est pour lui de dire que ce groupe politico-militaire est composé des Tchadiens qui, face au refus de dialogue du régime Déby, ont pris les armes. Dans tous les cas, Max Loalngar dit exiger toujours la dissolution de ce CMT qui est illégal et illégitime.
Hormis l’exclusion du dialogue avec le groupe du FACT, le CMT appelle à la solidarité sous régionale, très précisément des États du G5 Sahel pour combattre ces « terroristes ». « Le Tchad lance un vibrant appel à tous les États membres du G5 Sahel pour plus de solidarité, de coordination et de mutualisation des efforts en vue de mettre hors état de nuire ceux qui ont assassiné le Maréchal du Tchad Idriss Déby Itno, attenté à sa sécurité ainsi qu’à celle de l’ensemble du Sahel », a communiqué le général Azema Bermandoa Agouna.