Ce samedi matin, le ministre des Communications, de l’Économie numérique et de la Digitalisation de l’Administration Dr Boukar Michel a rencontré les différents responsables des organisations non-gouvernementales (ONG). Après la présentation et l’introduction du gouverneur Saleh Haggar Tidjani, Dr Boukar Michel s’est d’abord excusé ne pas être le ministre en charge des affaires humanitaires tout en rappelant qu’il a œuvré personnellement pendant plus de 20 ans dans la vie associative et dans les organisations non-gouvernementales.
Le ministre a souligné que le Tchad est un des rares pays à accueillir des milliers des réfugiés et concentre autant des déplacés nationaux. Il appelle les humanitaires à réfléchir sur un modèle qui prend en compte l’action humanitaire et développement, et selon lui cela ne peut se faire sans les ONG.
Le chef de sous Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) Bagasola M. Gilbert Sinangali a pris la parole reconnaissant les efforts des responsables politiques et administratifs. Pour M. Gilbert, il y a plusieurs facteurs qui ont complexifié la crise. Les facteurs climatiques, sécuritaires, ceux liés aux conflits communautaires et le sous financement, etc.
Reprenant la parole, le ministre des Communications a exhorté les ONG à expérimenter des projets agricoles pour donner l’exemple aux réfugiés et aux résidents. « Il y a des terres fertiles, disponibles », a dit le Ministre.
Enfin, Issac Tiansé chef de sous délégation du Haut-commissariat des réfugiés (HCR) a relevé la réussite de certains projets notamment celui de poissonnerie. Il a également salué la parfaite cohabitation entre réfugiés déplacés et les résidents.
Bello Bakary Mana, depuis Bagassola au Lac
C’est le second article de notre série de reportages terrain sur l’opération Haskanite au Lac. Reportage depuis l’île de Kaïga Kindjiria.
Il est 13h 10 min. Destination Kaïga Kindjiria, c’est la deuxième île attaquée par Boko Haram en 2015 après Ngaboua. Nous reprenons notre vol, rasant presque les cimes des arbustes et effleurant quasiment les marécages pour voir et toucher les réalités. Il faut dire que le ministre de la Communication Boukar Michel a mis les bouchées doubles pour réussir cette opération. Pour laisser les journalistes raconter librement ce qu’ils voient. Qu’ils rapportent, interrogent et parlent avec les militaires et les quelques citoyens qui sont restés sur les lieux. Ça doit être un beau métier pilote d’hélicoptère dans cette immense étendue d’eau en temps de paix. Mais la tranquillité a fui cette région pacifique depuis quelques années. On se rappelle de l’opération Boma du temps du défunt maréchal Idriss Deby Itno qui avec sa légendaire fougue militaire avait lancé « armée tchadienne almi hami maa libb koo ». Traduction l’armée tchadienne n’est pas de l’eau fraîche où les grenouilles viendront sautiller. Il mettait en garde la nébuleuse Boko Haram. Il avait juré d’anéantir hydre terroriste. Il l’a fait, mais l’hydre est tentaculaire. Elle a repris de nouveau provoquant ainsi l’opération Haskanite. Les militaires sur le terrain ont décidé d’en finir avec Boko Haram. « Cette fois-ci, on va en finir définitivement », disent-ils.
13h 30 min. Atterrissage au village. Des huttes et des militaires partout. L’île de Kaïga Knidjiria est belle de ses eaux turquoise. Le lac Tchad est une merveille indescriptible. L’opération Boma a marqué l’esprit militaire dans la zone et l’ombre du défunt Maréchal semble planer sur la région. La troupe semble nostalgique tout en rappelant que le Général président Mahamat Idriss Deby relève bien le défi en restant attaché au terrain et aux militaires. Le gouverneur de la région Saleh Haggar Tidjani dénonce la secte terroriste. Il est heureux de la présence des journalistes à côté des forces armées, « l’opération Haskanite est lancée et vous voilà présent pour témoigner, pour raconter la vérité ». Il martèle « Boko Haram n’existe pas au Tchad . Notre dernier accrochage a fait fuir leur grand chef Hamid Kanaye. L’armée n’est pas là seulement pour combattre la secte, mais elle assiste aussi la population. Voilà le résultat concret de l’opération Haskanite », dit-il.
Selon le gouverneur la paix est de retour. Elle règne désormais partout dans la région. Le ministre Dr Boukar Michel répète le message qu’il avait dit à l’île de Balkram en s’adressant aux journalistes, « vous constatez la vérité par vous-même ». Il conclut que depuis la Seconde Guerre mondiale la bravoure du soldat tchadien est reconnue partout dans le monde, « le soldat tchadien refuse la défaite. Nous ne sommes pas loin de la frontière nigérienne, nigériane, mais le soldat tchadien se bat seul. Nous avons perdu des hommes pour la patrie. Des compatriotes morts pour que nous vivions en paix ». Le ministre déplore l’absence de la communauté internationale.
Fin du speech du ministre. La question d’un confrère fuse : quel est le bilan exact de l’attaque du 28 octobre dernier. Le ministre de la Communication passe la question à son collègue de la Défense et aux responsables militaires. Le coordonnateur de la mission s’interpose, « les amis, ce n’est pas une conférence de presse. C’est un point de presse ». Des journalistes grognent. Sans plus.
14h 19 min. Nous embarquons dans un petit bateau militaire communément appelé « hors-bord » pour faire un tour des alentours.
15h 15 min. On rembarque pour le retour à notre ville d’arrivée, Bagassola. La journée a été riche en découvertes. Demain, un autre jour nous attend.
Bello Bakary Mana, depuis la zone d’opération l’île Kaïga Kindjiria
Nous publions ici le premier article d’une série de reportage sur le terrain de l’opération Haskanite. Reportage.
11h 39 minute. L’hélicoptère de l’armée tchadienne embarque manu militari l’équipe de journalistes vers le terrain des opérations. C’est un hélicoptère des opérations, un de ces oiseaux qui peut servir de transport et aussi une arme volante. L’équipage réchauffe l’appareil qui a l’air vieux mais qui est d’une efficacité redoutable. Nous étions 12 journalistes plus quelques militaires à embarquer. Je rencontre vers le chemin de l’aérodrome un parent à plaisanterie. Un militaire borno. J’annonce à des confrères, « c’est mon esclave devenu militaire ». Il me rétorque « c’est mon garde troupeau de vaches ». On rit aux éclats en se dirigeant à pied vers l’aérodrome.
On embarque. L’hélicoptère décolle. Il vole à basse altitude. Je ne suis pas un grand connaisseur de ces oiseaux volants tueurs, mais il va vite. Trop vite. En vue aérienne, de petits villages dispersés faits de cases en chaume sont comme posés par une main sur plusieurs archipels. Une forêt d’arbustes parsème notre parcours. Partout des îlots. Le sol est sablonneux. À l’intérieur de l’appareil, c’est silence en attendant l’atterrissage. Inutile de parler tellement le bruit du moteur et des hélices étouffent tout. Ceux qui essayent de se parler sont obligés de crier. Notre pilote maîtrise bien son vol. On a l’impression d’être dans une parade, il tourne et retourne l’appareil avec une aisance déconcertante. Ce qui est rassurant pour la confrérie des « bavards » qu’aime nous désigner la « grande muette » ( les militaires). Ils sont partout, partout. Et pourtant on s’entend bien sur le théâtre des opérations. Ils adorent nous montrer leurs exploits. C’est sur le terrain qu’on se rend compte qu’être militaire n’est pas une panacée. Surtout, être militaire tchadien est encore plus dure. Tous ces hommes et femmes se sacrifient pour nous poussions dormir tranquille. On est souvent durs avec eux malgré le don suprême de soi qu’ils font pour notre sécurité, pour notre mère patrie, pour l’existence du pays.
12h 03 min. L’hélicoptère atterrit en douceur. Nous sommes au camp militaire qui a subi l’attaque de la secte terroriste Boko Haram. L’accrochage du 28 octobre a eu lieu dans ce camp de Balkram.
Le Général Tahir Youssouf Boy est le premier à prendre la parole souhaitant à tous la bienvenue. Il affirme, « c’est ici que le président Mahamat Idriss Deby Itno a lancé l’opération Haskanite ». Le ministre de la Défense Issakha Malloua Djamouss est le deuxième à parler. Il remercie le ministre de la Communication, de l’Économie numérique et de la Digitalisation de l’Administration publique Dr Boukar Michel. « Il n’y a pas de site de Boko Haram ici au Tchad M. le ministre nous vous remercions d’être là. La population de cette zone souffre. Elle manque de tout. Elle n’a pas à manger, ni de quoi se soigner. Il n’y a pas de route avec la crue des eaux du Lac à cause du dérèglement climatique. On va d’île en île. Il y a quelques années on venait ici en véhicule. Ce n’est plus le cas ». Le ministre de la Défense insiste en réaffirmant qu’il n’y a pas de base de Boko Haram au pays.
C’est au tour du ministre de la Communication Dr Barka Michel de s’adresser aux journalistes . Il rend d’abord hommage aux forces armées tchadiennes et au président de la République Mahamat Idriss Deby qui selon ses propres veillent sur le pays. « L’engagement de nos forces de défense nécessite notre soutien. Vous journalistes, vous avez un rôle à jouer, celui de dire la vérité ». Le ministre appelle la communauté internationale à venir en aide au Tchad en soutenant cette lutte. « Vous voyez, vous-même Mmes et M. les journalistes, la vérité. Dites la vérité. Racontez la vérité aux Tchadiens et à la communauté internationale. Pourquoi le Tchad est seul sur le terrain? ». Il enchaîne en soutenant que malgré les déplacés, les réfugiés, le Tchad fait face seul aux dangers, à la mort. Le ministre appelle les humanitaires, les partenaires internationaux à accompagner le pays. Il termine son intervention en remerciant le gouverneur Saleh Haggar Tidjani.
12h 39. Le chef du village de Balkram Ibrahim Mahamat, entouré de 4 autres notables, est le dernier à parler. Il raconte cette nuit de terreur. Et dit que les populations souffrent, « nous n’avons rien pu sauver lors de l’attaque. Nos maisons sont brûlées, nos commerces ont été incendiés. Je n’ai pu sauver que les habits que je porte sur moi », dit-il le visage triste. Adam Abderamane, un commerçant de l’île témoigne en soutenant que « tous les produits des commerces ont étés brûlés, des commerçants tués, etc ».Un témoignage poignant qui décrit l’horreur vécue.
Bello Bakary Mana depuis le terrain des opérations à Balkram au Lac
Demain samedi 23 novembre, l’humoriste nigérien Mamane organise à 2024 à Institut français du Tchad (IFT), une conférence de presse a pour son spectacle.
Mamane est l'une des personnalités préférées des Africains, artiste atypique et « touche à tout », il est connu pour sa célèbre « République très très Démocratique du Gondwana » et pour son travail d'auteur et de production en faveur de la promotion et de la professionnalisation de l'humour africain.. Mais il est avant tout une « bête de scène ».
Une règle et un crayon. C'est tout ce qu'il a fallu pour tracer les frontières des pays africains. Avec son éternel esprit taquin, Mamane se rit de la géographie et de l'histoire de l'Afrique. Du Sénégal au Congo en passant par la Côte d'Ivoire, le Togo, le Cameroun, etc. Sans oublier son propre pays le Niger « un pays encerclé par les problèmes ». Un adepte de l’autodérision.
L’humoriste saute d'une frontière à l'autre, passe d'une époque à l'autre, navigue de la conférence de Berlin en 1884 à la COP 27 pour mettre le doigt sur l'absurdité de l'histoire, ses effets sur l'actualité, mais toujours dans un grand éclat de rire.
Ce spectacle est une invitation à un voyage humoristique de l'histoire de l'Afrique avec un Mamane au sommet de son art et de son amour des mots. L'humoriste à la plume corrosive plonge dans l'histoire pour éclairer le présent et mieux comprendre l'origine des maux du continent.
Ousmane Bello Daoudou
Le professeur togolais Roger Ekoué Folikoue a présenté son livre intitulé : Enraciner la démocratie en Afrique ce jeudi 21 novembre au CEFOD, au quartier Ardeb-Djoumal dans le 3e arrondissement de la capitale tchadienne, N’Djamena.
Son ouvrage a 8 chapitres et fait 332 pages. Il est publié aux éditions Saint-Augustin Afrique au Togo.
Le professeur a mis en exergue un certain nombre d'idées fortes. « La démocratie est un modèle qui cadre avec la situation du continent africain et en dépit des échecs du modèle démocratique, celui-ci reste valable pour l'Afrique », dit-il. Il explique que dans le processus de mise en place de la démocratie, la société civile doit avoir une place spécifique. « Je suis intimement convaincu que l'Afrique peut s'en sortir ».
L'instauration de la démocratie en Afrique demeure une préoccupation surtout durant les trois décennies passées. On en vient à se demander si ce modèle d'organisation pourra un jour prendre racine en Afrique. « C'est la préoccupation qui est à l'origine de cet ouvrage », conclut-il.
Ousmane Bello Daoudou
Le ministre de la communication, de l’économie numérique et de la digitalisation de l’administration M. Boukar Michel accompagné d’une équipe de journaliste est arrivée à Bagasola. Il était accueilli au bas de l’hélicoptère par le gouverneur de la province du Lac le général Saleh Tidjani Haggar. La délégation a déferlé à la résidence du préfet. Le programme de descente terrain des journalistes est en cours de programmation.
Les deux responsables ont été rejoints une heure plus tard par le ministre de la Défense Issakha Malloua Djamouss.
Bello Bakary Mana, depuis Bagasola poste avancé de l’opération Haskanite.
Le Comité du Suivi de l'Appel à la Paix et à la Réconciliation (CSAPR) et ses partenaires nationaux et internationaux ont organisé une conférence régionale des Acteurs de la société civile des pays du Sahel, de l'Afrique de l'Ouest et du centre du 18 au 20 novembre au ministère des Affaires étrangères dans le 2e arrondissement de la ville de N’Djamena.
Le Coordonnateur du CSAPR Abderamane Ali Gossoumian affirme que l'objectif principal de cette conférence est de créer un espace de dialogue inclusif et constructif entre les acteurs de la société civile. Objectif : contribuer de manière significative à la stabilité et au développement durable de la région. Pour lui cette conférence est une occasion unique pour montrer que la société civile n'est pas seulement un acteur passif, mais un véritable moteur de transformation capable d'influencer les politiques et de mobiliser les communautés pour la paix.
Toujours selon le coordonnateur, ces pays font face à des défis complexes touchant à la fois les domaines politiques, économiques, stratégiques et sécuritaires. Il soutient que cette conférence fera un diagnostic de la situation dans les pays représentés en accordant une place centrale au partage d'expériences et à la réflexion sur les moyens adéquats pour renforcer le fonctionnement des institutions nationales et africaines.
Pour rappel, cette conférence regroupe le Mali, Niger, Burkina Bénin, Cameroun, RCA et la Tchad.
Ousmane Bello Daoudou
Dans un ouvrage intitulé Que font les armées étrangères en Afrique ? Réflexions autour des interventions militaires internationales dans les pays africains en crise[i], Dominic Johnson, journaliste au Taz (Die Tageszeitung, littéralement « Le Quotidien » allemand publié à Berlin et tiré à 60 000 exemplaires), chercheur senior à Pole Institute, faisait ce constat alarmant : « Il n'y a plus une seule semaine sans qu'une nouvelle atrocité attribuée aux extrémistes islamistes ne soit rapportée de l'Afrique […]. L'Afrique vit une ère de terreur, semblable à celle qui a secoué l'Europe il y a dix ans avec les attentats de Madrid et de Londres et les effets-contagions de la guerre en Irak. »
Les récentes attaques terroristes des combattants de Boko Haram, fin octobre, contre les forces de défense et de sécurité du Tchad, ont relancé le débat concernant la présence militaire française sur notre territoire national. L’émoi et la stupeur suscités par ce drame ont conduit une certaine opinion à questionner la possible contribution du dispositif militaire Barkhane à la lutte contre les terroristes qui mettent à mal notre souveraineté nationale et notre intégrité territoriale.
Mutualisation des forces, une nécessité stratégique
Il faut d’emblée relever que, pour le Tchad comme pour l’ensemble des États de son environnement régional, la mutualisation des forces contre la menace terroriste et autres tentatives de déstabilisation venues de l’extérieur est une nécessité stratégique, notamment pour le Cameroun, le Niger, le Nigeria et la République centrafricaine. La Force multinationale mixte a justement vocation à venir à bout de cette nébuleuse pernicieuse et multiforme qui a une mystérieuse capacité à renaître de ses cendres aussitôt qu’on la croit neutralisée, voire anéantie. Le véritable débat devrait donc porter sur la densification des capacités opérationnelles de cette force et l’efficacité opérationnelle de son déploiement.
Or, comme l'ont récemment souligné les autorités tchadiennes pour le déplorer, cette force multinationale mixte pâtit de ce que tous les États membres ne contribuent pas à parts égales à son déploiement, en hommes comme en moyens opérationnels. Comme naguère au sein du G5 Sahel, la participation des forces de défense et de sécurité tchadienne est bien supérieure à celle de nombre de pays membres de cette force. Elle a pourtant vocation à s’autonomiser comme un embryon d’armée panafricaine qui demeure un impératif stratégique et sécuritaire majeur pour l’Afrique.
L’Afrique s’est pourtant dotée, en 2002, d’une Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS) à l’initiative de l’Union africaine et des Communautés économiques régionales (CER).
Cette institution, qui participe d’une initiative en parfaite adéquation avec les préoccupations sécuritaires du moment sur le continent africain, est un ensemble de textes de lois et d’institutions qui ont pour objectif de renforcer la sécurisation des États africains contre des menaces de déstabilisation diverses. Le Conseil de paix et de sécurité, le Groupe des sages, la Force africaine en attente, le Fonds africain pour la paix et le Système continental d’alerte rapide figurent au rang de ces institutions phares. Mais force est de constater que ces institutions, dont la nécessité n’est plus à prouver, ne donnent pas lieu à un déploiement opérationnel à la hauteur des menaces et des urgences sécuritaires auxquelles est confronté le continent. Comme c'est si souvent le cas, le lexique politique le plus ambitieux est très éloigné des mots qui le constituent.
Par ailleurs, cette architecture de paix et de sécurité s’investit très peu dans la prévention des crises, voire quasiment jamais. Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA se met d’ordinaire en mouvement lorsqu’il s’agit de réagir à un coup d’État militaire ou à un conflit manifeste entre deux États ou au sein d’un État. Au regard de l’importance géostratégique du Tchad dans la région Afrique centrale ou dans l’espace soudano-sahélien, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine devrait jouer un rôle majeur, notamment pour la mobilisation des moyens qui permettraient de combattre une menace asymétrique telle que le groupe terroriste Boko Haram ou les Shebab de Somalie.
La France doit-elle aider l'armée tchadienne ?
Il est aberrant – comme le réclame une partie de l’opinion tchadienne – de demander à la France de protéger la souveraineté du Tchad dans un contexte où l’Hexagone est en procès dans une bonne frange des opinions publiques africaines au motif que le déploiement de son dispositif militaire en terre africaine est une survivance d’un passé colonial, qui est par ailleurs en totale contradiction avec le statut souverain des États africains.
L’implication ostensible des forces armées françaises dans la lutte contre le terrorisme djihadiste prêterait le flanc aux critiques parfois faciles et souvent acerbes d’un certain panafricanisme débridé qui verrait là une magnifique aubaine pour faire fructifier son fonds de commerce idéologique.
Aussi, est-il paradoxal de vouloir une Afrique souveraine et de s’en remettre aux puissances étrangères pour la sécurisation de ses frontières. Certes, on pourrait rétorquer à cet argument que les pays de l’Union européenne – un si grand ensemble géopolitique – s’en remettent au parapluie militaire américain pour leur sécurité, notamment par rapport au voisin russe. Il y a toutefois un bémol à apporter à cet argument. C’est notamment la force nucléaire russe qui est une menace pour la plupart des pays européens. Mais des menaces sécuritaires comme celles qui planent sur le Tchad relèvent davantage de la sécurité intérieure des États.
Il est du plus mauvais effet pour un État, face à des forces malfaisantes telles que la menace djihadiste, d’afficher des signes de fragilité, voire d’impuissance. S’il faut que le Tchad s’en remette à l’armée française pour éradiquer une menace extérieure, à l’instar de Boko Haram, qu’en sera-t-il des pays voisins qui sont confrontés à une menace similaire ?
La France est pourtant bien présente aux côtés du Tchad, sous divers aspects qui contribuent à divers titres à la sécurisation de son espace territorial.
Il faut souligner que la coopération militaire entre la France et le Tchad n’a pas pour seul objectif de se déployer sur les terrains d’opérations. Il s’agit d’une coopération multiforme. Elle est aussi bien opérationnelle que structurelle, comme le soulignait déjà un rapport d’information de l’Assemblée nationale française [ii] de juillet 2014 sur l’évolution du dispositif militaire français en Afrique : « Le but de la coopération y est clairement d’accompagner la montée en puissance des armées tchadiennes […]. » Le budget alloué à la coopération structurelle atteint 12 millions d’euros par an, auxquels on peut agréger les 53 millions d’euros de dons et d’aides diverses fournis par la force Épervier. »
Cette coopération concerne également:
– l’appui au pilotage des restructurations et à la modernisation de l’armée tchadienne qui se décline en six sous-projets : la logistique, le renseignement, la formation, la reconversion, la gestion des ressources humaines et l’appui au commandement ;
– l’appui au commandement, qui porte un accent sur la formation – c’est-à-dire la sélection pour l’École de guerre et l’enseignement de la langue française –, les études et la liaison avec les armées.
La présence militaire française au Tchad n’a pas pour seul horizon stratégique le Tchad. Elle permet aux forces françaises de se projeter dans l’ensemble de la région Sahélo-saharienne.
Mais N’Djamena a été retenue en raison de son positionnement stratégique. La capitale tchadienne tient donc lieu de rampe de lancement pour la défense des intérêts de la France et de ses ressortissants, bien au-delà du seul territoire tchadien. En retour, l’État du Tchad en tire parti pour la sécurisation de son territoire en termes de renseignement, d’aides diverses et pour la formation de son personnel militaire : « Le choix a été fait de centraliser à N’Djamena le commandement du dispositif militaire français « régionalisé » déployé dans la bande sahélo-saharienne », note ce même rapport d’information.
Il ne faut pas perdre de vue que combattre les terroristes de Boko Haram, c’est faire face à une guerre de nature asymétrique. Le principe d’une guerre asymétrique, c’est l’imprévisibilité de l’adversaire, la spontanéité de ses attaques. Combattre un tel adversaire, c’est faire usage d’outils stratégiques qui ne relèvent pas de la guerre classique. Les guerres qui mettent en difficulté même les armées les plus aguerries au monde sont de ce registre. Dans l’histoire militaire, les guerres d’Indochine et du Viêt Nam sont encore bien présentes dans les mémoires. Elles ont été d’immenses désastres, aussi bien pour l’armée française que pour l’armée américaine. Elles échappent aux sophistications technologiques de l’armement moderne, en ce sens qu’elles s’appuient pour l’essentiel sur le facteur humain.
Un déploiement de l’armée française au sol n’est pas envisageable dans un tel contexte. C’est sur le terrain du renseignement prévisionnel qu’il est possible de faire évoluer la coopération militaire entre la France et le Tchad. Et même sur ce terrain, celle-ci sera d’une efficacité discutable. Les terroristes de Boko Haram ont cette particularité criminelle de se fondre dans les masses au point de se rendre invisibles, insoupçonnables, donc bien plus redoutables que ce que l’on pourrait prévoir d’un ennemi dans un combat classique.
S’il y a un autre terrain sur lequel pourrait utilement s’investir cette coopération, c’est dans une aide plus conséquente au développement autour du Bassin du lac Tchad. La misère à laquelle sont confrontées les populations de cette région, en plus des déplacements suscités par le réchauffement climatique, constituent des terreaux fertiles pour ces entrepreneurs de la terreur ; ils peuvent ainsi facilement recruter les bombes ambulantes n’ayant pour seule mission que de répandre la terreur au sein des populations qui ne demandent majoritairement qu’à vivre en bonne intelligence et en paix.
Tout au plus, malgré sa présence militaire sur le territoire tchadien, la France ne pourrait intervenir qu'à la demande expresse du Tchad, qui est un pays souverain. Une telle demande, au moment où nous écrivons ces lignes, n'a pas encore été formulée par les autorités tchadiennes.
Enfin, la communauté internationale, particulièrement la France, se tient prête – et cette proposition a toujours été réitérée – à aider le Tchad à lutter contre le terrorisme, en réponse à l'appel lancé par le président tchadien, Mahamat Idriss Deby Itno, dans ce sens, juste après l'attaque de Boko Haram. Un éventuel appui militaire de la France devrait se faire dans le strict respect de la souveraineté du pays. Ni plus, ni moins.
Éric Topona Mocnga
Journaliste au Programme francophone de la Deutsche Welle
[I] Dominic Johnson, Que font les armées étrangères en Afrique ? Réflexions autour des interventions militaires internationales dans les pays africains en crise La guerre internationale contre l’Internationale djihadiste : aujourd’hui la Somalie, demain le Nigeria, et après ? Actes du colloque international organisé par Pole Institute Goma (RDC), du 1er au 4 juillet 2014
[ii] Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du Règlement par la Commission nationale de la défense et des forces armées en conclusion des travaux d’une mission d’information sur l’évolution du dispositif militaire français en Afrique et sur le suivi des opérations en cours et présenté par les députés Yves Fromion et Gwendal Roullard.