vendredi 2 juin 2023

Édito

Édito (50)

Donc le président du Conseil National de Transition (PCMT) Mahamat Idriss Deby Itno vient d’accorder sa première grande entrevue à l’hebdomadaire Jeune Afrique (JA). Et JA, comme à ses habitudes, a servi au public une entrevue entre polissage d’image, flatteries, glorioles et mise en garde. Bref dans cet échange on apprend une chose : Mahamat Kaka se rebiffe. Prend-il de l’assurance en lui? Cette interrogation est une mauvaise nouvelle pour ses conseillers, ses alliés, les partenaires du pays et les Tchadiens qui aspirent au changement. Pourquoi? 

D’abord en début d’entrevue le PCMT fait le gentil garçon. Il plaide qu’il n’avait pas fait un coup d’État. Qu’il n’a jamais voulu le pouvoir. Qu’il n’a jamais été préparé par son défunt Papa de Maréchal à l’exercice du pouvoir pour lui succéder. Qu’il a été imposé par les généraux. Que le Président de l’Assemblée nationale (PAN) Haroun Kabadi a refusé d’assumer ses responsabilités. C’est pourquoi il a été forcé de devenir président de la transition. Il a aligné les raisons les unes après les autres pour faire étalage de sa bonne foi. Il apprend vite Deby fils. Il en a surpris plus d’un. Surtout ceux qui s’évertuaient, il y a quelques jours, à dire qu’il respectera sa mission de transition. Et qu’il se retirera sans armes ni bagages quelque part dans une caserne désinfectée où il vivra reclus, heureux et inoffensif. Voilà pour le côté cool et gentil du jeune général, président de la transition. 

Ensuite, c’est le méchant militaire ambitieux qui apparaît au fil de l’entrevue. 37 ans. Jeune général, né avec une cuillère d’or dans la bouche. Il a le pouvoir. Il concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Plus que son défunt père. Il n’a plus qu’à égrainer les conditions qui consolideront son maintien au pouvoir. Le pouvoir vient en l’exerçant. C’est pire que l’appétit qui vient en mangeant. Il met les petites conditions dans les grandes. 

Première condition : le délai de 18 mois (non, il ne reste plus que 16 mois) est lié à l’aide des partenaires. Il ne demande pas. Il impose. Une aide qui doit couler à volonté sinon pas de respect de la parole donnée. Par ricochet, pas de transition. Elle s’arrêtera. Lui, Mahamat Kaka sera toujours président. Plus président de la transition, mais président tout court. Président de la République. Il a déjà pris la mesure sans en avoir droit. Et tant pis pour les millions des Tchadiens qui veulent que cela change. Le Général de corps d’armée en a décidé autrement. Le destin du pays, c’est lui. Le pays c’est lui. Après le Maréchal, c’est Maréchal fils. Plus ça change, plus c’est pareil. 

Deuxième condition : Il suggère aux Tchadiens d’être unanime. Cette condition est passée presque inaperçue. In extenso il dit, sans sourciller, « La première est que nous, Tchadiens, soyons capables de nous entendre pour avancer au rythme prévu. ». Le président de la transition réclame-t-il l’unanimité sur la forme et le fond du Forum de dialogue national? Pourquoi l’unanimité ? 

Aussi, le président du CMT s’est inscrit à travers cette entrevue dans la droite ligne de l’ex-régime. Il fait et fera à l’avenir du « Débyisme ». Une méthode qui consiste à promettre monts et merveilles à tous. À accepter toutes les conditions préalables. À donner sa parole dans le seul but d’obtenir un avantage. Et une fois cet avantage acquis, changer de langage. Puis rajouter d’autres conditions verbales pour en rejeter tout à la fin. Tout bloquer. Mahamat Kaka prouve qu’il a bien été préparé pour exercer le pouvoir comme le Maréchal de son vivant. Il a bien été à l’école de l’ancien président. 

Enfin, il vient de déclencher un bras de fer avec l’Union africaine. Le CMT rejette la nomination du Sénégalais Ibrahima Fall comme Haut représentant de l’Union Africaine (UA) pour accompagner la junte au pouvoir. Une transition que l’UA a validé aux mépris de ses principes arguant du « contexte exceptionnel » du pays. Mahamat Kaka a visiblement oublié ce « contexte exceptionnel » qui a fait de lui président de la transition. On a envie de gratifier le jeune chef de la junte d’une tape dans le dos. Et lui souffler à l’oreille « bravo, bien joué ». Bientôt, peut-être, cela sera le cas de tous ceux qui ont joué aux « Échecs » avec le chef militaire. Ils seront bientôt « mat » . Ou comme disent les hockeyeurs canadiens-français, les Kebzabo, Acheikh, Alhabo et bien d’autres alliés de circonstance seront aussi mis en « échec ». S’ils ne le sont pas déjà. Ils expliqueront alors aux Tchadiens pourquoi le si docile jeune président de la transition s’est brusquement rebiffé. 

Bello Bakary Mana

Donc les membres du Collectif des diplômés sans emploi sont fâchés, très fâchés. Depuis quelques jours ils défraient la chronique. Ils sont déterminés à avoir gain de cause. Ils ont raison d’être décidé à ce que l’État leur trouve une solution durable. Si aucune solution n’est trouvée, ils quitteront le pays pour d’autres cieux, scandent-ils lors de leur manifestation à la Bourse de travail. À première vue, leur menace de quitter le pays ressemble à une grosse blague. Apparemment non. Le Collectif est sérieux dans sa démarche.  Pourquoi sont-ils arrivés à cette situation? Ont-ils raison? Ont-ils tort? Quelles leçons peut-on en tirer?

D’abord, ils ne sont pas arrivés à cette impasse de leur gré. C’est par la faute du système. C’est aussi par la faute de ceux qui ont géré depuis trois décennies ce pays. Ces diplômés sont maltraités depuis 15 ans. Et pourtant ils sont des lauréats des écoles professionnelles de l’éducation nationale, en instance d’intégration à la Fonction publique. Autrement dit, ce sont des jeunes gens qui ont passé et réussi des concours gouvernementaux. Ils ont été formés par l’État dans le domaine de l’enseignement. Et à la sortie de leur formation l’État les a laissé tomber. C’est encore plus injuste lorsque l’ancien régime leur a fait la promesse de les intégrer dans la fonction publique.

Cette injustice que ces diplômés vivent est inacceptable. Voilà des jeunes gens formés, valident et qui ne demandent que de travailler. Pas n’importe où, mais dans un domaine où le besoin est criant. Le système accepte de les voir dans la précarité en les désignant « diplômés en instance d’intégration ». Le problème c’est qu’ils attendent depuis longtemps. Très longtemps sans pouvoir accéder au paradis convoité : la fonction publique. Le système les traîne, les fatigue jusqu’à la moelle sans qu’une issue ne pointe à l’horizon. Le sacrifice consenti par ces jeunes compatriotes s’est transformé au fil du temps par une immense frustration. 

Ensuite, le Collectif a su mobiliser ses membres avec une excellente stratégie qui consiste à dire « comme vous n’avez pas besoin de nous dans un domaine si important, après des années de contrat presque bénévole laissez-nous partir ailleurs ». La stratégie du Collectif a consisté aussi à se réunir, à fixer une date de départ vers l’ailleurs dans une ambiance bon-enfant. C’était touchant. C'était émouvant. C’était doublement touchant lorsque les autorités n’ont rien trouvé de mieux que de bombarder à coups de gaz lacrymogènes la colonne des candidats en partance à l’exil qui se dirigeait vers la frontière camerounaise où semble-t-il les chancelleries les attendaient pour leur accorder des visas collectif. Cette violente intervention policière était maladroite. Elle a fait dit-on 4 blessés. C’était un manque de sensibilité et de compassion. Au même moment de l’argent est déversé dans le sécuritaire avec le recrutement militaire. Cette somme aurait pu servir à intégrer ces jeunes à la Fonction publique. Surtout qu’ils y entrent pour enseigner, pour transmettre le savoir aux enfants tchadiens.

Enfin, il y a quelques leçons à tirer sur l’engagement de ce Collectif. Première leçon, la méthode de mobilisation. Comment a-t-il réussi à mobiliser sa base? Avec plus de 300 personnes déterminées et enthousiastes, le Collectif s’est donné une perspective : le départ du pays qui ne veut pas leur faire de la place. Deuxième leçon, le Collectif est resté compact et solidaire. Pas de dispersion dans leur réclamation. Pas tête qui dépasse. Plusieurs ont moqué ce collectif. Beaucoup les ont traités de tous les noms d’oiseaux. Beaucoup leur demandent de se débrouiller en vivotant dans la précarité. Cette remarque est injuste. Aux dernières nouvelles, les autorités de transition ont  décidé de rencontrer les leaders du Collectif pour tenter de trouver une solution. Si rien ne se passe, ils promettent de quitter le pays ce mercredi 30 juin. Mais avant de partir, ils vont initier l’opération « brûle diplômes ». Une opération symbolique pour signifier leur exaspération. Déjà, certains acteurs de la société civile et des politiques veulent les récupérer mais les concernés sont lucides face aux calculs des uns et des autres. Ils ne demandent rien d’autre que de vivre chez eux et de travailler. Bref, ils ne sollicitent ni la pitié ni l’aumône. Ils réclament le droit de vivre dans la dignité. Et dans leur patrie.

Bello Bakary Mana

Donc cela fait deux mois jour pour jour depuis que le Conseil Militaire de Transition (CMT) a pris le pouvoir par la baïonnette. Cela s’est passé vite. Trop vite comme le clignement des yeux. Le CMT a fait semblant de faire passer à la trappe toutes les institutions. Quelques jours après, il rétropédale en maintenant certaines institutions, par exemple l’Assemblée nationale (AN). Quelques idées ont été lancées comme des ballons d’essai. Un Premier ministre est désigné. Un gouvernement est formé. Depuis lors beaucoup de bruit. Beaucoup de futilités. Beaucoup de paroles. Finalement très peu d’actions concrètes pour faire tourner la transition à plein régime. Cette nonchalance voulue ou pas, fait tourner la transition en rond. 

D’abord le CMT s’ennuie à force de ne pas avancer. Pour s’occuper, la junte n’a rien trouvé de mieux que de convoquer le public à travers le communiqué de la direction du protocole d’État de la présidence (DGPEP) qui dit informer les Tchadiens sur les formules d’appellation du président de la transition. Les Tchadiens attendent le démarrage du processus de la réconciliation, la feuille de route du gouvernement, etc. Au lieu de cela, le président de la transition Mahamat Kaka s’occupe de ses titres. Il a décidé par le truchement de la DGPEP que tout citoyen ou ses collaborateurs qui veulent lui écrire ou lui parler doivent dans une correspondance l’appeler : Général de Corps d’Armée, Président du Conseil Militaire de Transition, Président de la République, Chef de l’État. 

Ou : Général de Corps d’Armée, Président du Conseil Militaire de Transition, Chef de l’État 

Ou encore : Président du Conseil Militaire de Transition, Président de la République, Chef de l’État, Chef suprême des Armées. Le dernier titre est semble-t-il réservé aux militaires. 

A l’oral, il faudra dire : Excellence. 

La priorité de la junte ne semble pas être le démarrage de la transition. La DGPEP rappelle à l’ordre certains qui prennent un peu trop leurs aises en appelant le président de la transition Mahamat Kaka. Surtout les journalistes. Seulement la DGPEP fait dans le zèle en octroyant le titre de président de la République au chef de la junte. Le président de la transition peut s’octroyer les titres qu’il veut sauf celui de Président de la République. Mahamat Kaka ne pourra l’être que s’il décide de se présenter aux suffrages des Tchadiens. Et qu’il les gagne. Pas avant. 

Ensuite, le gouvernement. Il ne semble pas avoir le volant du gouvernail de cette transition. Rien ne se passe comme il se doit. Tout se décide à la présidence. Le Premier ministre Pahimi Padacké Albert (PPA) est semble-t-il trop contrarié, trop à l’étroit.  Le peu d’initiative qu’il entreprend est contrecarré à la présidence. L’entourage du président de la Transition s’amuse à lui faire la leçon. Les conseils de ministres sont devenus fades. PPA avale beaucoup de couleuvres. Le ministère de la Réconciliation et du Dialogue qui est censé impulser la feuille de route n’a toujours pas, deux mois après, ses locaux. Acheik Ibni Oumar et son embryonnaire équipe squattent toujours les suites de l’hôtel Radisson Blu. L’équipe du Premier ministre fait pareil aux villas des hôtes ou à l’hôtel du Chari, on ne sait plus. Comment peuvent-ils travailler efficacement? Quand vont-ils s’installer aux bonnes adresses? Comment? Comment?

Enfin, le Conseil National de Transition (CNT) est sur toutes les lèvres. Et dans tous les esprits. Un comité ad hoc est mis en place. Ses membres sont désignés. Tout le Tchad attend l’annonce de la liste des cooptés. Tout le pays veut en faire partie, mais il n’y a que 93 places. Ça joue des coudes au portillon. Il semble que le président de la Transition exige qu’il faille être lettré et de bonne moralité pour en faire partie. Il veut aussi du sang neuf. Et un Conseil ouvert sans politique « politicienne ». C’est une bonne chose, mais le jeu politique à ses propres codes, ses propres règles, ses propres réalités et sa propre raison. La tentation est grande de continuer à faire de la petite politique avec cet organe. D’ici à voir plus clair, le CMT et le gouvernement piétinent. Le risque de l’enlisement est sérieux. Très sérieux. 

Bello Bakary Mana

Donc le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), ex-parti au pouvoir, a tenu son congrès extraordinaire. Prévu pour 2 jours, tenu en une journée. C’était expéditif. Cela ne ressemble en rien à un congrès de redynamisation. La redynamisation attendra. Tout le monde attendait un congrès qui dynamitera le parti, mais il semble que la dynamite a été désamorcée. Reste que le désormais ex-Secrétaire Général (SG) Mahamat Zene Bada est évincé au profit de Haroun Kabadi. Personne ne s’attendait à cette désignation par acclamation. Pourquoi le choix s’est porté sur Kabadi? L’homme qui refusa d’être Président par intérim. Quel est le scénario?

Acte1

C’était en amont du congrès. Tout commence avec la mort du Maréchal président Deby Itno. C’est la panique parmi les plus proches. Dr Haroun Kabadi au titre de deuxième personnalité est appelé par l’entourage familial pour constater la vacance du pouvoir. Il rassure tout en refusant d’assurer l’intérim. Il présente ses arguments : son âge, sa santé, le chaos en perspective, le choix de l’armée et d’un militaire respecté pour faire face à la situation. En fait, Kabadi se disqualifie pour mieux rebondir, peut-être…Vite il s’isole. Il travaille à convaincre les chancelleries occidentales. Il écrit avec l’aide du président de la Cour Suprême la Charte de la transition. Ses adversaires disent qu’il serait fatigué. Ses amis politiques rétorquent qu’il a toute sa tête. Kabadi est un homme de pouvoir craint par ses amis comme ses adversaires. Il est là où on ne l’attend jamais.

Acte 2 :

Organiser le MPS. Le parti n’entend pas céder la scène à d’autres. Il est un parti de gouvernement. Il entend le rester vaille que vaille. Kabadi a la charge de le reformer. Il est le seul parmi ses camarades disent plusieurs à être capable de jouer ce rôle. Surtout en cette période trouble. Sa force : sa capacité d’écoute et son habileté de grand manouvrier. Il peut, dit-on, écouter pendant des heures amis et adversaires. Il aura la mission de nettoyer le parti, de renflouer ses caisses, de faire émerger ou recruter des cadres jeunes et compétents, etc. Il aurait exigé et obtenu d’être seul maître à bord du navire MPS. Il a la liberté de former son Bureau politique, de sélectionner ses secrétaires adjoints, de mettre sur pieds des groupes thématiques pour mieux se préparer au futur Forum.

Aussi, l’autre cible est le Conseil National de Transition (CNT), l’organe législatif. Le parti de Bamina fait des pieds et des mains afin que le CNT ne lui échappe pas. Le pays entier et ses diasporas cherchent à en faire partie. Le MPS entend, bien là aussi, garder la main. Il n’y a personne d'autre que Kabadi pour négocier ou imposer cet arrimage. L’objectif est à haut risque, mais le grand manœuvrier Kabadi peut trouver l’astuce et la formule tout en ne laissant rien paraître. Une tâche difficile, mais que l’ex-PAN affectionne.

Acte 3 :

Les membres du parti de Bamina veulent se comporter, malgré ce régime d’exception du Conseil Militaire de Transition (CMT), comme un parti de gouvernement. Les caciques du MPS agissent et pensent à comment être au cœur des actions du CMT. Le principal but de l’acte 2 consistera à contrôler l’ agenda du CMT et la feuille de route du gouvernement de la Transition. Ils surveillent d’un mauvais œil les actes de l’actuel Premier ministre de transition Pahimi Padacké Albert qui n’est plus un allié, mais bien un potentiel adversaire.

Enfin, ce congrès n’est qu’un acte dans un grand scénario qui s’écrit sous le regard des Tchadiens. D’autres actes suivront. A la sortie de ce congrès, le grand scénario en cache bien d’autres petits scénarios. Le MPS est le cheval de Troie. Il semble que  Kabadi est déjà bien en selle. Comme dans la mythologie grecque le guerrier Kabadi se lancera, peut-être, le moment venu dans la grande mêlée politique. Et tentera de galoper vers la victoire. Mais souvent en politique comme dans le cinéma il faut toujours voir la fin pour comprendre.

Bello Bakary Mana

Donc le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), ex-parti au pouvoir tente d’organiser, plus de 40 jours après la mort de son fondateur le défunt ex-Maréchal et ex-président Idriss Deby Itno, un congrès extraordinaire, le 12 et 13 juin, pour redynamiser le parti. Malgré les coups de téléphone pour comprendre les enjeux de ce congrès extraordinaire, rien n’y fait. C’est silence radio. La loi de l’omerta. Alors que cache ce congrès organisé en l’absence du Secrétaire Général Mahamat Zène Bada? Est-ce le « coup de Parti » après le coup d’État?

D’abord, les militants et certains membres du Bureau Politique National (BPN) sont étonnés et surpris par la convocation de ce congrès. Ils évoquent derrière les rideaux l’éventuel remplacement du Secrétaire General (SG) Mahamat Zène Bada qui est hors du pays pour raison de santé. Les « zenebadistes » sont choqués par le manque d’empathie de certains « camarades ». Pour les « pro congrès », l’organisation de cet évènement ne vise qu’une chose : se préparer aux futures échéances politiques. Les amis du SG, eux, pensent à faire capoter la rencontre ou à faire rentrer dare-dare leur leader et prendre à rebrousse-poil tous les « anti-Zene Bada » qui ont accepté de se faire organiser un congrès par des mains invisibles en haut lieu. Ces mains ont un objectif : reprendre le parti à leur compte. Un parti qu’elles considèrent comme une propriété personnelle. Un héritage que le SG leur disputait en affirmant son indépendance. Et en prenant un malin plaisir à contester consignes et instructions provenant du cabinet civil de la présidence. Pour le SG pas question de prendre ses ordres ailleurs que dans son BPN. Surtout après la mort du président Deby Itno. Il tente, sans s’en cacher lui et ses amis, de prendre le parti en leur compte comme héritage. Et à se poser personnellement comme le leader incontestable. Certains membres du parti  veulent se débarrasser de Zène Bada au nom de la nouvelle donne politique. Il faut donc le faire partir. Comment? En organisant, en son absence, ce « coup de Parti » avant qu’il ne soit trop tard. Réussiront-ils? Difficile à dire. Échoueront-ils? Les paris sont ouverts.

Ensuite, Zene Bada et ses amis n’ont pas dit leur dernier mot. Depuis quelques heures, une hypothèse circule comme quoi le remuant SG reviendra. Il a déjà fait ce coup au Maréchal de son vivant. Certains de ses amis disent qu’il récidivera en utilisant la même recette : retourner les militants de base à son avantage. Mais ses proches lieutenants affirment que Zène Bada n’a pas apprécié ce coup de poignard dans le dos. Il a voyagé mercredi, le lendemain la convocation du congrès est sortie, signée P.O. (par ordre). Alors qu’il n’a donné ni ordre ni instruction. Le SG dit-on engagera la bagarre. Il croit que beaucoup des militants feront barrage à ce « coup ». Zène croit dur à son étoile. Elle ne pâlira pas selon ses lieutenants avec la disparition du Maréchal.

Enfin, depuis la France, le SG à travers un communiqué engage les hostilités. Il demande l’annulation de ce congrès. Le parti joue-t-il sa survie? Implosera-t-il? Si ceux qui veulent organiser ce congrès persistent, ils auront mené le parti à sa perte à peine plus d’un mois après le décès du président fondateur. Depuis sa disparition, militants, sympathisants et admirateurs se sentent orphelins. Ils sont désemparés parce que le parti ne s’était pas préparé à cette subite réalité. Le MPS étant déjà une maison vide. Sans meubles. Sans animateur. Tout reposait sur le seul président fondateur comme dirait le comédien Mahamane. Ce congrès est définitivement source des divisions. Il y a bien longtemps que le feu couvait dans cette maison vide qu’est le MPS. Avec ses tiraillements la maison est en feu et menace de s’écrouler. Il sera difficile de la rebâtir tellement ses fondations reposaient sur un seul poutre, le défunt Maréchal. Le parti est en train d’agoniser. Il mourra peut-être après le président fondateur….enfin peut-être.

Bello Bakary Mana

Donc le Conseil Militaire de Transition (CMT) a plus d’un mois d’existence. Il a été créé dans un moment particulier. Pour les uns, il est illégitime parce qu’issu d’un coup d’État; pour les autres, il est une chance parce qu’il est une bouée de sauvetage qui a empêché le pays de sombrer dans le chaos. Où en est le CMT et le gouvernement?

Le président de la transition Mahamat Kaka parle peu. C’est peut-être une qualité. Mais dans cette période d’incertitude, être silencieux est un handicap. Pis cela devient même un problème. Le jeune président est certainement en train de s’en rendre compte. Il faut qu’il parle. Qu’il parle de temps en temps. Qu’il parle en disant des choses sensées. Qu’il se prête à l’exercice. Il l’a fait en rencontrant les partis politiques, la société civile, etc. C’est bien, mais il ne suffit pas de parler pour parler en répétant des choses déjà dites et connues. La parole d’un président de la transition ne doit ni être rare, ni banale. Bref, lors de sa rencontre, Mahamat Kaka dit en substance aux Tchadiens que la transition fait son chemin dans le calme, la paix. Que les 18 mois seront respectés (il ne reste plus que 17 mois). Que la junte ne confisquera pas le pouvoir, etc. Et que donc tout va bien.

Non tout ne va pas bien comme veut le faire croire le président de la transition.

D’abord, la primature est restaurée dans la nouvelle structure de transition. Un Premier ministre (PM) est nommé. Il y a eu erreur sur le casting de ce PM et du choix de certains ministres de ce gouvernement. On le voit. On le sent. Ça commence à tourner en rond. À ronronner. Certains ministres ne sont pas à leur place. Un remaniement s’impose pour ajuster les choses. Il faudra d’abord commencer par la primature en remettant en marche la machine administrative qui a été détruite il y a quelques années par feu Maréchal. Pahimi Padacké Albert est bien placé pour remettre les choses en place. Il a été le dernier PM de l’ancien régime. Et le premier PM de la transition. Il peut faire plus et vite pour remettre la machine en marche et expliquer sa feuille de route. Les Tchadiens ne voient rien de clair 40 jours plus tard. On sait à peine où sont les bureaux de la primature. Ce que fait le PM. Il bricole, dit-on. L’adresse où loge la primature est presque inconnue. Le PM est peu vu, peu entendu et pas questionné par les médias sur sa feuille de route et sur les affaires courantes. On ne sait pas grand-chose de ses actions futures. Tout est touffu et approximatif.

Ensuite, il y a un élément important de la machine du nouveau système : le ministère d’État à la Réconciliation et au Dialogue national. L’idée est géniale. La personne responsable de faire fonctionner cette machine est la personne la plus apte : Acheikh Ibni Oumar. Il est « travaillant » comme disent les Canadiens français, ouvert, humble, modeste et à l’écoute. Il a su rester neutre depuis son retour au pays. Il a beaucoup de qualités. Seulement, il faudra qu’il exige à ce qu’on y mette les moyens rapidement à la disposition de son département. Il faudra aussi qu’il mette vite en place son équipe et à imposer sa méthode pour faire avancer les choses. Le président de la transition et son PM reconnaissent l’important rôle de ce ministère. Hélas, ce ministère un mois après n’a pas un bâtiment public à lui, n’a pas de personnel, n’a pas un budget spécial d’installation ou de démarrage compte tenu de la mission centrale qui lui est assigné celle d’être la matrice du dialogue qui permettra aux Tchadiens de  se réconcilier et se pardonner. Il faudra que le CMT fasse vite pour donner rapidement à ce ministère les moyens d’agir.

Aussi, l’autre organe important de la transition, le Conseil National de Transition (CNT) fait l’objet de toutes les convoitises. L’ex-parti au pouvoir le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) réclame la part du lion. Les partis de l’opposition, la société civile, les myriades des diasporas et les personnalités indépendantes, tous, se livrent une guerre sans merci pour faire partie du CNT. Chacun veut arracher une part du butin, un morceau du gâteau. S’en est rendu explosif et presque sans issu. Le CMT n’a pas le choix que de créer un Comité ad hoc confié au Vice-président de la transition. Ce Comité se chargera de sélectionner les 93 membres de cet organe législatif. Qui dit Comité, dit report ou tactique pour mieux noyer le projet. Ou encore pour mieux éliminer les candidatures. Ou encore pour rendre plus opaque le processus de sélection. À vos candidatures et périls serait-on tenté de dire. Et comme si cela ne suffisait pas, les forums, les symposiums se multiplient ces derniers jours. Tous ont en tête le futur forum de dialogue ou de réconciliation. Tous veulent se positionner. C’est légitime, mais il y a un jeu malsain qui s’y déroule. Et qui risque de favoriser les mêmes sans rien apporter de bénéfique au pays. Déjà dans le décret fixant les critères désignant des membres du CNT, y apparait une faute grave. Le décret laisse entendre, subtilement, que la maitrise d’une des langues officielles le Français ou l’Arabe n’est plus obligatoire. Place donc aux analphabètes. Qui a dit que le Tchad a changé? Le CMT et le gouvernement doivent tirer cela au clair. Ils doivent simplement retirer cette disposition du décret.

Enfin, les  jeunes du Conseil National de la Jeunesse du Tchad (CNJT) réclament leur place et affirment que le Tchad sans eux n’est pas le vrai Tchad. Les Chefs traditionnels aussi se sont concertés entre eux. Ils préparent à leur façon le futur forum sur le dialogue et la réconciliation. Mais avant cela ils réclament plus du pouvoir. Ils veulent même se substituer à l’administration publique. Ils exigent d’avoir une immunité juridique. Bref, ils ont oublié que la république des chefs de canton est morte avec le Maréchal. Mahamat Kaka et le gouvernement de transition ne doivent pas céder aux injonctions moyenâgeuses de ces chefs traditionnels. Ils resteront tout au plus des auxiliaires de l’administration. Et pour qu’un nouveau Tchad émerge, il faut faire table rase des anciennes mauvaises méthodes. Et détenir la légitimé par la voix du peuple. Vox populi, vox dei.

Bello Bakary Mana

Donc, la position officielle de l’Union Africaine (UA) est connue. Après moult atermoiements et un long silence gênant. Pas de sanctions, une bonne chose pour le Tchadien lambda. Pas de condamnation du coup d’État, une mauvaise chose. L’UA a choisi d’accompagner la junte avec des conditions. Est-ce le bon remède? L’UA a-t-elle posé le bon diagnostic? Est-elle le bon docteur au chevet du grand corps malade, le Tchad?

D’abord, pour éviter de prononcer ces deux mots « coup d’État », un long communiqué officiel aligne les :

« Prenant note… », « notant les déclarations faites par… », « appelant en outre les dispositions .. », « attirant particulièrement l'attention… », « prenant dûment note du rapport de la Mission d'enquête… », « compte tenu de la complexité de la situation politique et sécuritaire.. » etc.

En fait le docteur UA a dit beaucoup de choses, mais à soigneusement évité de dire le plus important : condamner fermement le coup d’État. Ensuite, le docteur a écrit son ordonnance au malade : un gribouillage en guise des mesures d’accompagnement et ses restrictions. Il aurait fallu condamner pour ensuite faire avaler facilement la pilule. Et pourtant cette condamnation était facile à dire et serait en symbiose avec les principes de l’UA. Elle devrait figurer dans les premières lignes de tous ce jargon bureaucratique. L’UA a démontré qu’elle était incapable de nommer les choses. D’être simplement intelligente. En refusant de condamner, le coup d’État, elle est entraînée par les « spin doctors » de la junte à poser le mauvais diagnostique. En poussant l’analogie médicale plus loin, l’UA ne pourra pas bien administrer son remède à son patient. Elle n’est, peut-être pas, le bon docteur. Tellement pas bon docteur qu’elle n’est obsédée que par la question du terrorisme, de stabilité et de sécurité. Elle a oublié une réalité importante : le. Tchad n’a jamais eu depuis 30 ans une armée nationale et républicaine. C’est plutôt une armée clanique au service des intérêts d’une catégorie de personnes. La majorité des Tchadiens interrogés aurait pu éclairer les experts africains lors de leur séjour au pays au fort moment de la crise. Bref, les recommandations de ce « grand machin africain » se buteront aux réalités têtues de l’exercice clanique du pouvoir.

Ensuite, au sujet des sanctions, très peu de Tchadiens sont pour les sanctions. Ce qui est détestable c’est de stigmatiser tous ceux qui brandissent ou promeuvent les sanctions. Ils sont perçus du coin de l’œil comme des traîtres à la nation alors qu’il s’agit bien d’un coup d’État. Un coup difficilement justifiable sur le court terme et insoutenable pour le long terme au cas où la junte tente de s’accrocher ou de proroger les délais de 18 mois. Contrairement aux discours ambiants, les réalités ne peuvent être au-dessus des textes. Cet étrange argument servi par les tenants du pouvoir pour faire croire que les principes institués dans la Constitution sont des idées hors du réel est irrecevable. Pourtant tout le monde sait que ce sont les principes qui sont la matrice des réalités dans la mesure où les acteurs sont de bonne foi.

Aussi, au jour d’aujourd’hui, personne ne peut justifier en quoi l’imposition du président de la transition Mahamat Kaka est conforme aux réalités. Elle n’est rien d’autre qu’une grosse entorse à la réalité constitutionnelle et institutionnelle. Tous ces agissements, ceux de l’UA et de certains opposants tchadiens, qui ont joué aux « infirmiers soignants » du malade Tchad, peuvent encourager la junte à ne rien céder. En justifiant leur ralliement ou en accompagnant la junte militaire par la « realpolitik »,  cette opposition fait de la « petite politique » au bénéfice de leurs chapelles politiques. L’écrivain français Voltaire disait que la politique est le moyen des hommes sans principes pour diriger des hommes sans mémoire. Peut-être qu’enfin les Tchadiens auront de la mémoire pour faire payer ces hommes politiques « courts-termistes ». Et qui ont sciemment ou inconsciemment fait rater une occasion unique de rassembler les Tchadiens pour redresser le pays.

Enfin, pour le Tchad les principes sont importants pour changer la réalité, car le pays est à un tournant majeur. Quand on entend ceux de l’opposition qui se sont précipités pour « accompagner » la junte, on y décèle une prétention naïve de croire qu’ils sont réalistes. Et qu’ils arriveront à petite dose à déjouer les ambitions de la junte. Une junte qui se pose en héritière du régime passé. Les opposants qui y participent n’ont aucun plan, aucune stratégie pour contrecarrer la junte qui a tous les leviers du pouvoir entre les mains. Ils n’ont rien fait de positif sinon à contribuer à affaiblir l’opposition. Ils ont par leur précipitation poussé la société civile à jouer leur rôle. Fort probablement, ils reviendront demain, au nom des principes, dirent aux Tchadiens qu’il faudra changer de prince. Alors qu’ils ont tout fait pour rater cette ultime occasion de remettre les compteurs à zéro. Et de donner la chance à ce pays meurtri de renaître de ses cendres.

Bello Bakary Mana

Donc, Mahamat Kaka, le nouveau prince, tente de s’asseoir temporairement sur le fauteuil présidentiel. Il est à peine assis que, les mêmes avec leurs cortèges de « motions de soutien », « bureau de soutien », accourent, s’agitent pour lui signifier qu’ils l’aideront à s’éterniser sur ce fauteuil. Pour cela, ils sont montrés dans les médias publics. Leurs messages sont diffusés, et commentés par notre paresseuse presse publique qui rabâche les oreilles des Tchadiens avec des reportages creux. Et des commentaires sans consistance, oubliant que l’heure est grave. Les temps ont changé. Les Tchadiens aussi. Le Tchad de demain ne sera pas celui d’un clan ou d’un autre. Il sera celui de tous ou de rien. Les premiers signaux envoyés par le jeune prince ne sont pas satisfaisants. Pourquoi?

D’abord parce que voyager au Niger, au Nigeria, c’est bien. Ce sont des voisins immédiats. Il est important d’avoir des bons rapports de voisinages. Mais il semble que le président de la transition est allé pour démanteler les ramifications de la rébellion dans ces pays. Il serait obnubilé par l’idée de combattre les autres Tchadiens qui ont pris les armes. Pourtant, il faut privilégier le dialogue. Aucun camp ne sortira vainqueur de ce face à face morbide. Surtout qu’il y a désormais un ministère de la Réconciliation et du Dialogue. Il faut laisser le patron de ce département agir. Lui donner les moyens de le faire. Et veiller à ce qu’il ait les mains libres et l’écoute du palais. La réconciliation doit concerner tous les Tchadiens en armes ou pas.

Ensuite, la tournée de l’autre frère cadet dans certains pays africains. Cette tournée n’a pas lieu d’être. Il faudra changer de pratique. Il y a un ministre des Affaires Étrangères, c’est à lui de s’occuper de cette tournée d’explication. Les mauvaises habitudes ont la vie dure, mais il faudra s’en débarrasser le plus rapidement possible pour ne pas piéger la transition dans les réflexes claniques. C’est aussi pour cela qu’il faudra éviter les nominations claniques en faisant comme si rien n’a changé dans le pays. Oui le régime a changé. L’ancien régime n’est plus. L’actuel régime est bien un régime de transition. Cela signifie vers un autre régime que les Tchadiens choisiront librement avec l’aide de la communauté internationale. Aucun Tchadien n’a l’intention de se laisser faire.

Aussi, le Premier ministre de transition Pahimi Padaké Albert (PPA) a présenté son programme politique. Un programme en 9 points. Objectif : parachever l’œuvre de développement de la paix entamé par le défunt Marechal. Encore le Maréchal. PPA et son équipe sont incapables de comprendre que le Maréchal est parti vers la destination finale. Il ne reviendra plus. Il faudra tourner la page pour en écrire une autre. Personne n’avancera en citant le défunt Maréchal partout et pour rien. Bref, la transition n’a pas besoin d’un programme politique, mais plutôt d’une feuille de route

Enfin, les Tchadiens ont soif d’avancer dans la vérité. Ils tendent l’oreille vers Addis-Abeba où l’Union Africaine (UA). Ils attendent le fameux Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) qui après ses atermoiements va décider, selon plusieurs sources, d’accompagner le Tchad. Autrement dit pas de sanctions malgré le coup d’État militaire du fils, malgré la répression des manifestants, malgré que tout cela va à l’encontre des principes et des règles de l’UA.  L’ex-président Laurent Gbagbo a raison de dire, « le problème des africains, ce qu’ils ne respectent pas les textes qu’ils se donnent. Comment voulez-vous qu’on les respecte? ».

Pire, l’UA parle de situation particulière et mettra des conditions particulières pour cela. On sait que l’armée tchadienne est devenue quasiment le supplétif de l’armée française. Pour les ouest-africains, les Tchadiens sont leurs protecteurs. Ils doivent mourir pour leur région, leurs pays, mais n’ont pas droit à la démocratie et ses bienfaits. Ils ferraillent durs dans les instances pour que rien ne change. Que la junte qui a mis le fils contre toutes les lois républicaines  ait toujours la haute main sur le pays. Ils servent tout le baratin sur la stabilité, la sécurité aux Tchadiens pour faire semblant de faire quelque chose sans rien faire. Ce piège dans lequel est tombé l’UA donne l’impression que les Maliens, défendus et protégés en grande partie par l’armée tchadienne méritent un président civil et beaucoup d’indulgences que le Tchad. C’est injuste. Les Tchadiens attendent de voir les arguments, les garde-fous que le CPS mettra pour empêcher la junte de croire qu’elle a les mains libres. Et qu’elle n’est que la continuité de la politique du défunt Maréchal et de ses amis politiques.

Bello Bakary Mana

Donc Pahimi Padacké Albert (PPA) a composé son gouvernement de transition. Ils sont 30 ministres et 10 secrétaires d’État. Ils vont gérer cette transition. Un gouvernement dans un contexte particulier. Un gouvernement représentatif? etc. Est-ce un gouvernement de crise? Il donne l’impression de la continuité de l’ex-régime. Pourquoi?

D’abord pour « l’union sacrée » chère au Premier ministre PPA, il faudra attendre. Ce n’est pas un gouvernement de crise. C’est un gouvernement ordinaire en temps de crise. En tout cas avec cette équipe la crise risque de s’éterniser. De se transformer en quelque chose d’autre, de plus grave, enfin peut-être. C’est un gouvernement qui œuvrera, peut-être, pour que dialogue s’enclenche. Pas plus. Mais pour l’instant c’est du « plus ça change, plus c’est pareil ». Les Tchadiens ont le sentiment d’un éternel recommencement. Un gouvernement dit de transition qui reprend presque les mêmes. Oublie la société civile. Fait quelques rafistolages. Rajoute un nouveau visage. Retire un autre. Et se retrouve avec une bande de copains, des vieux copains des gros vieux parti, d’anciens alliés, des nouveaux alliés et d’ex-alliés. Rien n’est calibré.  Ni équilibré. Que pourra faire un tel gouvernement sous l’œil de la junte? Pas grand-chose. Les Tchadiens attendaient un gouvernement de large ouverture et de mission. Ils ont un gouvernement mi-figue, mi-raisin. Et pourtant le moment est grave.

Aussi, quelles sont les figures importantes de ce gouvernement? Crédibles. Influents. Rassurants. Pas grand monde. Il y a Acheikh Ibni Oumar (AIO). Un homme désintéressé peut-être. Un homme qui n’aime pas faire beaucoup des vagues. Il est prêt à rendre encore service à son pays, mais s’il n’est pas bien entouré, il sera submergé, avalé par les vagues, les remous et les frustrations. Il est peut-être à sa place, mais il aurait été plus efficace comme Premier ministre que PPA. En propulsant Acheikh à la tête de ce ministère, la junte lui demande de repartir parler avec ses anciens amis qui le raillaient lors de son retour au pays. Mission difficile, mais pas impossible. Il a les épaules larges pour mener à bien cette mission. Il doit bien s’entourer et exiger d’avoir les mains libres.

Ensuite, la surprise est l’entrée du secrétaire général du parti pour les libertés et le Développement (PLD) Mahamat Ahmat Alhabbo. C’est une grande figure qui a quitté le gouvernement il y a 20 ans. Il dirigera le ministère de la Justice. Un département sensible et discrédité depuis longtemps. La tâche sera difficile, mais Alhabbo est bien à la hauteur de la responsabilité. C’est un homme exigeant qui pourra bien remettre de l’ordre. Son entrée au gouvernement est un sacrifice pour influencer positivement la transition.

L’Union nationale pour le développement et le renouveau (Undr) a 2 postes ministériels. Son chef Saleh Kebzabo n’y figure pas. Il n’a pas non plus fait entrer des poids lourds de son parti comme les Azocksouma Djona et les Célestin Topona. L’opposant historique se ménage-t-il pour les échéances prochaines? Certainement. Il a déjà adoubé à demi-mot le Conseil Militaire de la Transition (CMT). Il accepte que son parti soit dans l’action gouvernementale tout en restant sur ses gardes. Kebzabo fait son « en même temps » et ses calculs politiques.

Enfin, la grande absente est la société civile. Cette omission ou refus est une faute. PPA devait en principe faire des efforts pour rallier une ou deux grandes figures telles que Barka Michel, Mahamat Nour Ibedou ou encore Max Lolngar. Il est vrai que ce sont des durs à cuire, mais le gouvernement aurait gagné en crédibilité et serait un peu plus dans la voie de l’union sacrée. L’autre grand absent est le clivant jeune leader Succès Masra et les Transformateurs. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste Succès Masra a fait bouger les lignes. Il a su malgré les reproches des uns et des autres rester sur sa ligne. D’ailleurs lui et sa troupe n’ont aucun intérêt à aller servir de caution aux mêmes qui depuis plus 30 ans se partagent le pouvoir. Un refus qui risque peut-être de leur jouer des tours dans une prochaine élection nationale. Tous les calculs des uns et des autres est une vieille façon de faire de la politique. C’est cela qui donne le sentiment à la majorité des Tchadiens d’être dans un éternel recommencement.

Bello Bakary Mana

Donc Deby père n’est plus. C’est Deby fils qui est là. Il est imposé par un groupe des généraux au mépris des textes de la République. Il est adopté par l’État-major militaire du grand chef blanc, la France, au mépris de la souveraineté du pays. Les deux cercles sont copains-copains. Ils ont créé le Conseil Militaire de transition et ses organes. Le Conseil National de Transition (CNT) et le gouvernement de transition. Un Premier ministre (PM) vient d’être nommé. Il s’agit de Pahimi Padacké Albert (PPA). Est-ce le bon choix? Que peut-il apporter de neuf celui qui a été le dernier Premier ministre du père? Et le tout premier Premier ministre du fils?

D’abord lorsque la primature fut abolie par le défunt président, PPA, dit-on, se vantait de dire que c’était parce que le président ne le supportait plus. Le voilà de retour. Espérons que le fils puisse le supporter durant les 18 mois de transition. Le choix de PPA donne le sentiment que le fils est dans les pas du père. Et PPA est la caution civile de la junte. Elle n’a pas fait beaucoup d’efforts pour trouver quelqu’un de plus rassembleur. Quelqu’un qui a une forte personnalité. Et qui peux animer un gouvernement de crise. Et qui puisse dire, de temps à autre, par nécessité et Intérêt Général non à la junte.

Aussi, le choix de PPA ne semble pas être un choix consensuel, mais plutôt un choix dans la droite ligne du père. Un choix comme une prière au nom du père. C’est un signe que Deby Itno vivant aurait fort probablement choisi comme Vice-président la même personne. PPA est réputé être un « accompagnateur professionnel ». Le nouvel homme fort aurait dû faire un autre choix. Un choix nouveau. Différent. Un choix osé dans un contexte particulier où il faut chercher à apaiser, à rassurer. PPA réussira-t-il? Surprendra-t-il? Difficile à dire. L’intéressé demande l’union sacrée. Vœux pieux. Impossible de l’avoir lorsqu’on est plus imposé que nommé. PPA n’est pas la solution, il est une partie du problème. Il est bien vrai qu’en politique presque tous les coups sont permis. La junte par son choix recycle PPA pour s’assurer que le système battu par le père puisse continuer à servir de levier au fils. Et d’accoudoirs aux alliés du parti au pouvoir. PPA n’apportera rien de nouveau. Rien de plus. Il est et restera une continuité. Il reprend la primature où il l’a laissé. Il fera semblant de faire du neuf avec le fils.

Ensuite, tout le monde suit depuis quelques jours les sorties baveuses du patron du parti au pouvoir le Mouvement patriotique du Salut (MPS).
Zene Bada se débat comme un diable dans l’eau bénite pour dire aux Tchadiens que le Tchad est un pays particulier. Et qu’heureusement il y a le CMT. Il est pieds et mains liées à la junte. Alors qu’il pouvait si le MPS était un vrai parti demander une transition civile. Cela aurait été au bénéfice du parti et de son Secrétaire Général. Le MPS aurait pu enfin se remettre en cause, débattre entre membres, restructurer, animer l’héritage du président Deby Itno et de mesurer son réel poids lors des prochaines échéances électorales. Au lieu de s’atteler à relever ce défi, le parti de Bamina s’adonne à son exercice favori : la paresse intellectuelle et la servitude volontaire au profit du fils Deby. Sur le plateau du journaliste Alain Foka, le militant des droits humains M. Ibedou a bien résumé les ambitions du MPS. Étape 1 : faire démissionner Mahamat Idriss Deby de l’armée. Étape 2 : le propulser président du parti. Étape 3 : faire de lui candidat. Étape 4 : le faire élire président.

Enfin, la junte change de position. Elle referme la porte du dialogue parce qu’elle a entendu de la bouche du grand chef blanc un soutien inconditionnel doublé d’une menace envers quiconque menacerait le pouvoir du fils de l’ami de la France. L’ami du père est forcément l’ami du fils. Quelqu’un disait que les pays n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Emmanuel Macron fait croire que son adoubement empressé n’est que de l’affection amicale au fils éprouvé. Les Tchadiens regardent tout cela étonnés et fâchés. La France n’a encore rien compris à ce pays. Son empressement à imposer la junte ne résoudra rien. Cela risque même d’envenimer les choses comme à l’époque du Conseil Supérieur Militaire (CSM). D’ailleurs ce CMT ressemble un peu au CSM. Le refus du dialogue avec la rébellion du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact) est une mauvaise idée. La junte, forte du soutien de la « France jupitérienne » campe sur ses positions au nom du Père, du Fils et de de Jupiter, Macron.

Bello Bakary Mana

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