samedi 23 septembre 2023

Édito

Édito (55)

Cela fait 15 jours que la délégation gouvernementale et les politico-militaires se sont retrouvés au Qatar pour un pré-dialogue qui permettra d’aller au grand dialogue national, prévu le 10 mai prochain. Que veulent les politico-militaires? Comment fonctionnent les Qataris? Pourquoi, 2 semaines plus tard, rien de concret n’est sortie?

D’abord, les politico-militaires ne semblent pas comprendre que Doha est une étape où ils posent les conditions de leur participation. Et le cœur de ces conditions est la garantie de leur sécurité. Le reste des leurs revendications devraient en principe se faire lors du grand dialogue. Mais les « politicos » donnent l’impression de ne pas savoir ce qu’ils veulent. Ils ont surtout fait étalage de leur désunion. Résultat, des groupes se sont formés sur des superficielles affinités. Quelles affinités? Guerrières? Idéologiques? En fait, les politico-militaires ne se font pas confiance. Les uns ne considèrent pas les autres. Il y a ceux qui croient dur comme fer que parmi eux, certains rouleraient pour la junte.

Ensuite, la lassitude de ne rien comprendre aux « méthodes quatariennes » a étreint tout le monde. Surtout la délégation gouvernementale qui semble réaliser que les choses sont plus compliquées que cela. Avant d’aller à Doha, le Conseil Militaire de Transition a fait jouer le nombre, imposant des politicos, au nom du dialogue inclusif, dans le jeu de la négociation espérant tirer profit. Arrivé à Doha, c’est une autre réalité qui s’est imposée, celle de la méthode quatarienne. Le négociateur en chef Chérif Mahamat Zène est même parti s’occuper d’autres choses. Bref, les bruits des couloirs en provenance de Doha se résument en une phrase, « rien ne se passe, rien ».

Rien? Pas tout à fait. Les Qataris ont travaillé. Ils ont un projet. Ils ont leur méthode. Leur plan repose sur trois piliers : l’écoute, le temps et le sérieux. Ils sont les maîtres du jeu et de l’horloge. Ils ont l’expérience et les moyens. S’ils ont supporté durant 2 ans les négociations entre les redoutables talibans et les intransigeants Américains, gérer les différends entre les Tchadiens est de la « petite bière ». D’ici à ce que les Qataris démarrent concrètement les négociations, les Tchadiens, gouvernementaux ou « politicos », ne savent pas ce qui les attend. Alors ils attendent, s’ennuient entre les couloirs du luxueux hôtel Rotana et les grandes tours de Doha en s’adonnant aux selfies et aux gawala gawala.

Aussi, la « méthode qatarie » qui consiste à donner du sérieux à la discussion est une bonne chose. Et une chance pour ce pays, même si les participants de deux côtés s’interrogent sur la pertinence de la méthode. Et sur son impact sur le calendrier de la transition. Les Tchadiens doivent prendre conscience que le Tchad a cessé d’être un pays politique au sens noble. Il est depuis la mort du premier président N’Garta Tombalbaye un pays politico-militaire où servir son pays est une tare, mais servir ses amis et son clan est le summum de la réussite.

Enfin, Doha est une occasion pour enterrer définitivement cette culture politico-militaire où les militaires sont militaires en faisant la politique. Et les civils prennent les armes pour faire de la politique. Et cela même s’il faut sursoir sur la date du 10 mai.

Bello Bakary Mana

Tous les yeux et les oreilles des Tchadiens sont orientés vers Doha. Les négociations entre les politico-militaires et la délégation du gouvernement de transition, après deux ajournements, piétinent toujours. Visiblement, il y a du sable dans l’engrenage. Qu’est-ce qui se passe à Doha ?

Côté politico-militaires. Ils sont arrivés à Doha de tous les coins de la planète. Ils étaient nombreux. Pas 52 personnes. 52 délégations au total. Il y a trop des politico-militaires. De toutes les espèces. Il y a une première catégorie : ceux qui ont de combattants sur le terrain ou des résidus de combattants, ceux qui prétendent en avoir, ceux qui étaient et ceux qui veulent l’être. Il y a une deuxième catégorie : les anciens baroudeurs, râleurs, rouleurs et grands usés par l’opposition armée. Il y a une troisième catégorie :les aventuriers, les animateurs des réseaux sociaux, les glaneurs, les grandes gueules, les opportunistes tantôt activistes hors du pays, tantôt rebelles de salon. Les Qataris avaient senti le piège pléthore. Ils tentent de donner du temps à tout ce vilain monde. Ils avaient signifié leur réticence au Conseil militaire de transition (CMT), mais peine perdue. Le piège semble se refermer sur tout le monde. Comment arriver à mettre tout ce monde d’accord?

Oui, il y a du sable dans le démarrage des négociations. Les politico-militaires disent être prêts tout en affirmant, sourire en coin, que le blocage vient de l’entourage du président de la transition qui a dépêché précipitamment de nouvelles personnes pour appuyer la délégation gouvernementale.

Côté gouvernement. Chérif Mahamat Zène, ministre des Affaires étrangères et président du Comité spécial chargé des négociations avec les politico-militaires balaient ses allégations du revers de la main. Il n’y a rien qui bloque selon lui. Les 10 délégués de la partie gouvernementale sont prêts. C’est les « politicos » qui tergiversent. L’ambiance entre les deux parties n’est pas terrible, après les retrouvailles hypocrites et les interminables salamalecs, voici venu le temps de faire face de deux côtés de la table, à la vérité.

L’inconnue à Doha est la méthode qatarie. Les Qataris ont fait beaucoup des efforts pour permettre aux deux parties d’affûter leurs arguments et de s’organiser. Ils n’ont pas l’intention de se laisser mener. Ils concocteraient une sauce imparable dans laquelle tous, délégation gouvernementale et politico-militaires, seront mangés. Comme médiateur, ils ont raison de ne pas vouloir entacher leur crédibilité dans les interminables querelles tchadiennes. Ils veulent imposer leur rythme et leur méthode. Si cela marche, c’est une excellente nouvelle. Et une chance pour le pays d’en finir avec ceux qui croient que le Tchad est un butin de guerre, qu’il soit du côté des politico-militaires comme du gouvernement.

Enfin, toutes ces chicanes augurent des lendemains qui déchantent. Et la montagne Doha accouchera certainement d’une souris.

Bello Bakary Mana

Le pré-dialogue s’est ouvert à Doha, au Qatar, entre le pouvoir et les politico-militaires hier dimanche 13 mars. C’était un vrai souk, il y avait beaucoup du monde. Les travaux sont suspendus après le coup d’éclat du principal groupe rebelle du Front pour l’Alternance et la concorde au Tchad (FACT). On y reviendra dans nos prochaines publications.

L’ex-président Goukouni Weddeye a été viré sans égard de la tête du Comité Technique Spécial chargé de négocier avec les politico-militaires. Un acte qui en dit long sur l’état d’esprit des autorités de la transition. Et qui annonce des lendemains tristes.

Aussi, vous avez tous lu, vu, mais pas décortiqué la composition du nouveau Comité Spécial chargé de négociation avec les politico-militaires. Cette composition est incestueuse voir scandaleuse.

D’abord, le limogeage du président Goukouni Weddeye. Le décret est tombé à 3 jours de l’ouverture des négociations avec les politico-militaires à Doha. Un décret précipité comme un coup de pied d’âne envers l’ex-président. Ce geste confirme que M. Goukouni tenait à diriger les négociations de la manière la plus juste, la plus sincère et la plus inclusive. Celui que tous les Tchadiens s’accordent à lui reconnaître la volonté, la sagesse et la connaissance du milieu politico-militaire est un homme respecté. Il s’est définitivement inscrit dans le registre du rassemblement pour enfin conclure une paix définitive.

Goukouni ne voulait pas se laisser dicter les désirs du Conseil Militaire de transition (CMT), ni sa vision du pré-dialogue. Il s’est tenu droit. A tenu son rang. Président Goukouni reposez-vous, demain vous donnera raison.

Ensuite, le nouveau Comité Spécial chargé de négocier avec les politico-militaires est né en lieu et place du défunt Comité Technique Spécial. Remarquez bien, le mot technique a sauté pour céder la place à une catégorie de tchadiens, plus tchadiens que d’autres. Des gens provenant d’un même groupe ethnique. Ils sont 12 personnes sur les 24 membres, dont 4 généraux. Pire, il y a même un prêcheur religieux. Que fait-il là ? Décidément, les autres Tchadiens ne comptent pas. Surtout les sudistes qui représentent 50% du pays sont oubliés, écartés. Ils sont 3 à y figurer comme des simples « Laoukoura ». La représentativité décorative des sudistes doit cesser. Parce qu’ils représentent bien la moitié de la population. Les Tchadiens n’accepteront plus la tambouille politique entre petits ennemis du jour et grands copains du soir. Doha est définitivement mal parti. Déjà, une cinquantaine de politico-militaires sont présents. La plupart sont des parfaits inconnus. Le CMT a fait pression sur les Qataris pour les inclure.

Enfin, les sudistes doivent prendre toute leur place dans ce pays, pendant et après cette transition. Le CMT doit arrêter sa petite « politique clanique ». Il est minuit moins 5 min pour que ce pays se redresse. Il n’y aura plus des Tchadiens plus Tchadiens que d’autres. Cela suffit.

Bello Bakary Mana

Les accidents des bus voyageurs sur les routes tchadiennes se multiplient. Le dernier a eu lieu sur le tronçon Oum Hadjer-Mangalmé, le dimanche 27 février. Il a été terrifiant par sa violence et le nombre de morts. Le gouvernement doit agir.

Il y a les accidents, mais il y a l’autre gros accident sur la trajectoire politique tumultueuse du pays : la transition politique. Les travaux du grand rendez-vous politique, le dialogue national inclusif semble suspendu à la rencontre des politico-militaires à Doha, au Qatar, le 13 mars prochain.

D’abord, l’accident meurtrier du 27 février dernier. Il a marqué les esprits par la violence du choc frontal entre 2 autobus. Il a aussi marqué les esprits par le nombre élevé des victimes : 39 morts et 49 blessés. La cause de l’accident est la vitesse, mais il y a quelque chose de plus grave, de plus inconscient dans les habitudes du conducteur tchadien : conduire et parler au téléphone. Le gouvernement doit agir au plus vite pour infliger des amendes salées aux contrevenants.

Il doit aussi mettre de l’ordre dans l’industrie du transport interurbain. Les conducteurs sont livrés à la merci du patron. Ils sont quasi payés au rendement. C’est une vraie jungle où seule la règle de la rentabilité compte. Les vies humaines ne comptent pas. Les autorités semblent impuissantes. Par exemple, malgré le retrait de son agrément, l’agence impliquée dans l’accident du 27 février continue à opérer.

Ensuite, la transition politique. Le Comité d’Organisation du Dialogue National Inclusif (CODNI) attend le pré-dialogue de Doha avec les politico-militaires pour continuer ses travaux. Le temps lui, n’attend pas. La transition est à plus de 10 mois. Plus que 8 mois pour tout boucler. Le délai sera-t-il respecté ? Difficile à dire mais tout dépend de Doha. Déjà, les Qataris ont pris contact avec les politico-militaires. Bien avant cela, il y a eu quelques tensions et divergences entre Doha et le Conseil Militaire de Transition (CMT) sur le nombre des participants et sur certaines modalités. Tout semble être rentré dans l’ordre. Les attentes sont très élevées. Doha peut être la clé du succès ou de l’échec du Dialogue National Inclusif (DNI).

Enfin, pour les accidents des bus voyageurs, les autorités doivent prendre des mesures simples et efficaces comme bloquer la vitesse des autobus à 110 km/h. La technologie existe, elle est simple à implanter. Elles doivent aussi strictement interdire le téléphone au volant.

Au sujet du pré-dialogue de Doha, l’attente est immense tant cette rencontre semble être celle de la dernière chance pour le Tchad. Si Doha échoue, le dialogue inclusif sera vraisemblablement un échec. Et le pays risque de sombrer dans l’incertitude.

Kouladoum Mireille Modestine

C’est le premier remaniement du gouvernement de la transition. Que peut-on retenir ?

Aussi, le Premier ministre Pahimi Padacké Albert est toujours Premier ministre de transition. On l’entend très peu. À quoi joue Pahimi? Pourquoi est-il si effacé? Est-ce un choix stratégique délibéré?

D’abord, le remaniement. Le bruit courait depuis quelques jours déjà. L’important ministère de la Sécurité publique, en ces temps d’insécurité, est remis à Idriss Dokony. Il a la réputation d’être un homme à poigne. Les Tchadiens le jugeront à ses premiers coups de poings.

Au ministère du Pétrole, c’est le retour de Djerassem Lebemadjiel. Un revenant traîné en justice pour malversations mais blanchit. Il revient au moment où le prix du baril monte. Au moindre faux pas, il sera sévèrement jugé.

Mahamoud Ali Seïd est propulsé ministre de la Jeunesse et aux Sports. Il a le verbe haut mais aura-t-il les épaules pour porter ce ministère où la chicane entre les cadres du ministère et l’ex-ministre Routouang a fini par emporté ce dernier.

Au ministère de l’Enseignement supérieur, les étudiants semblent avoir obtenu la tête de Lydie Béassoumal. Dr Ali Weido, un universitaire peu connu est aux commandes de ce ministère pas toujours facile à gérer. Il est du milieu, les Tchadiens verront…

Ensuite, Pahimi est toujours Premier ministre, mais il est toujours effacé. Jamais au-devant de la scène, pourtant il a joué des coudes pour obtenir le poste. Depuis l’adoption de la feuille de route, Pahimi s’est effacé. Il s’est claquemuré dans son hôtel réfectionné à grand frais. Il s’est tellement effacé que même ses propres ministres se moquent allègrement de ses instructions. Lorsqu’il les a recadré sur le sacro-saint principe du « droit de réserve ». Un ministre rétorque, « je ne suis pas un ministre qu’on recadre, mais qu’on instruit ». Un autre renchérit «  ne pas écrire, c’est mourir ». Pahimi a-t-il une emprise sur son gouvernement?

En fait, Pahimi ne veut pas. Il a adopté la stratégie du caméléon : la prudence. Chaque pas est mesuré. Chaque acte est calculé. Il s’exprime rarement. Il ne croit pas trop en cette transition. Il croit à son étoile. Il est convaincu que la charte ne disqualifiera personne. Il présume, peut-être, que la vraie transition commencera après le dialogue. Sa stratégie est donc : l’effacement. Pour Pahimi, la politique est un combat. Et le poste de Premier ministre est un arsenal pour la conquête du pouvoir suprême.

Bello Bakary Mana

Une déclaration de Me Jacqueline Moudeïna soulève l’indignation, et un enregistrement audio, non authentifié, de l’opposant Timane Erdimi suscite la controverse.

D’abord, les propos de Me Jacqueline Moudeina.  L’avocate et militante des droits humains affirme dans une vidéo, en marge des manifestations du 15 février au sujet du massacre de Sandanan, qu’il y a un plan pour exterminer tout le sud. Me Moudeïna a dérapé. Cette déclaration est grave. Il faut être clair. Ce qui s’est passé à Sandanan comme à Abéché est inadmissible. Le problème de Jacqueline Moudeina ce qu’elle a enfourché ce drame pour le sortir du cadre de la dénonciation des violations des droits humains. Me Moudeina doit clarifier ses propos. Plus grave, elle date ce plan d’extermination à partir de la guerre civile de 1979 qui avait opposé schématiquement le nord musulman au sud chrétien et animiste. Si Me Moudeïna a des preuves, qu’elle les met sur la place publique. Sinon ces affirmations relève de la  mythomanie. Elle doit tourner 7 fois sa langue avant d’avancer une pareille ânerie.

Ensuite, dans un enregistrement non authentifié, on entend une voix attribuée à M. Timane Erdimi discuter avec un inconnu. Dans la conversation M. Erdimi planifie de renverser le président de la transition Mahamat Idriss Deby. Et de faire partir la France du pays. Une sortie qui a agaçé les autorités de la transition qui demandent la disqualification de M. Erdimi du pré-dialogue de Doha.

Apparemment M. Erdimi a jeté son dévolu sur la Russie du redoutable Vladimir Poutine et sur Wagner pour l’aider à prendre le pouvoir. Le Conseil Militaire de transition (CMT) a-t-il le droit de disqualifier un des principaux chef rebelle de ce rendez-vous ? Si cette information est confirmée, elle est maladroite. Elle est d’autant plus maladroite que M. Erdimi, affirme que même s’il se réconcilie, il a la ferme intention de déclencher la guerre. Décidément, M. Erdimi est obsédé par le pouvoir pour le pouvoir même après la mort du Maréchal avec qui il a eu maille à partir. Exclusion ou inclusion ? Le CMT doit continuer à privilégier le dialogue inclusif. Sinon, cette inclusivité n’est que factice. 

Enfin, les Tchadiens sont lassés de cette génération d’hommes et des femmes politiques souvent chefs de coterie, toujours chef de guerre, jamais hommes d’État. Ils sont aussi fatigués de ces leaders d’opinion qui ont le menton toujours levé et les propos incendiaires.

Bello Bakary Mana

Depuis la mort du Maréchal-président Idriss Deby Itno, le pays semble vivre dans l’insécurité. Au sommet de l’État, c’est silence radio. Alors qui gouverne réellement cette transition ? Le PCMT a-t-il le volant du gouvernail entre ses mains? Il y a de quoi s’inquiéter face à la recrudescence de l’insécurité, de la répression et de l’absence des sanctions. Pourquoi ? 

À N’Djamena, un ministre de la République, de surcroit chargé de la Sécurité publique se fait tirer, après des menaces. L’affaire concerne un jeune colonel assassiné. Une affaire rocambolesque qui semble aujourd’hui sans solution. Et dont les frères de l’ex-première dame Hinda Deby Itno sont présumés coupables. Ils sont incarcérés aux renseignements généraux. La justice est tenue à l’écart, l’exécutif est pris à la gorge, les parents de la victime crient justice, les tchadiens sont médusés, le président est silencieux. Un fendant communiqué de la Police national est diffusé, non pas pour condamner l’acte, mais pour s’attaquer aux images fantaisistes qui circulent sur les réseaux sociaux. C’est dire combien la police tchadienne a le sens de la priorité.

À Abéché, capitale de l’Est tchadien, des militaires ont tiré sur des manifestants pacifiques contre l’intronisation d’un chef de Canton. Comme si cela ne suffisait pas, le lendemain, des militaires récidivent au cimetière, sur ceux qui enterraient les morts de la veille. Bilan 21 morts et plusieurs blessés.  Aucune mesure n’est prise contre le gouverneur, premier administrateur de la région. Des gestes mous ont été posés comme, l’envoi d’une délégation gouvernementale pour calmer les familles endeuillées. Comme si les victimes sont morts d’une mort banale. Les « abéchois » ruminent leurs frustrations et réclament le départ du Gouverneur.

À Sandana, un village au sud du pays, un massacre a eu lieu. La cause, la mort d’un berger a déclenché la vendetta sur des agriculteurs. Un bilan s’élève à 12 morts. Massacres, morts, blessés les autorités ont repris leur recette habituelle : envoi d’une délégation. Sans plus. Dans un post sur Facebook, le PCMT a réagi tardivement pour condamner ces massacres. Il a promis que les auteurs de ces actes seront poursuivis et punis. Comme à Abéché, on ne sait ni quand, ni comment justice sera rendue.

Enfin, insécurité, vendetta, répressions, absence des sanctions, silence en haut lieu, sortie à minima du PCMT sont à l’origine de la défiance de l’autorité de l’État déjà mis à mal du vivant du Maréchal. Le PCMT doit comprendre que le Tchad a changé. Et les tchadiens ont soif de justice.

Bello Bakary Mana                                            

Abéché la capitale de l’Est tchadien est connue pour être une ville hospitalière, cosmopolite et intellectuelle. C’est la ville de tous. On dit que celui qui va à Abéché y laisse une peu de son âme. Ceux qui y sont nés, qui y ont grandi partout où ils vont, ils racontent leur ville avec beaucoup d’emphase. Abéché reste en eux malgré la distance, malgré les années. Mais voilà « Abbacha » la ville du savoir et du savoir-vivre est martyrisée, brisée, violentée. Elle est devenue involontairement le péché originel du président du Conseil militaire de transition (PCMT). Abéché est piétinée par notre faute à tous, par notre faiblesse à tous. Cette faiblesse de ne  jamais vouloir s’indigner collectivement devant l’abject. Cette lâcheté de détourner le regard. De faire comme si rien de grave ne s’est produit. Ainsi, notre vilénie a permis d’abattre des abéchois comme des oies sauvages sous nos yeux. Assassinés parce qu’ils manifestaient contre l’intronisation dans leur ville d’un chef de canton. Les disperser à coups de gaz lacrymogènes ne suffisait plus il fallait tirer sur eux à coup d’armes de guerre. Il fallait les humilier même lorsqu’ils enterraient leurs morts le lendemain. La souillure du supplice suprême jusqu’à dans les tombes pour que cela serve de leçons. Le président du CMT Mahamat Idriss Deby Itno doit sévir contre les auteurs de ce massacre pour effacer cette infamie. Comment?

D’abord, le PCMT, suivi du CMT et du gouvernement de transition doivent sortir de leur ambiguïté. Ils doivent abandonner cette vieille méthode qui consiste à envoyer une délégation gouvernementale distribuer des enveloppes pour calmer les esprits. Et noyer ensuite le problème dans une commission et un rapport. Une solution sparadrap qui couvre la plaie sans la guérir. Suspendre le sultan et le chef de canton est insuffisant. Il fallait démettre le gouverneur et le nouveau sultan. Un sultan déjà mal assis sur un trône controversé. Et qui, selon plusieurs sources, est à l’origine de la raison de cette contestation. Il serait le maître d’œuvre de l’intronisation dans la ville et à la place de l’indépendance d’un chef de canton sans véritable territoire, une insulte suprême pour Abéché ville conservatrice. Et oh, geste de lèse-majesté, il a planifié, disent ses détracteurs, d’accueillir ce chef de canton dans l’ancien palais royal. Inadmissible pour les abechois.

Ensuite, le PCMT ne doit pas gouverner par mimétisme durant cette transition. Pour mieux administrer ce pays, il faudra changer de méthode. La nomination des militaires à la tête des gouvernorats doit être abandonnée. Les militaires ont pour mission de défendre la patrie. Ils ne sont pas formés pour diriger une administration. Il faudra donc remettre à la tête des gouvernorats des administrateurs civils. La militarisation de l’administration civile est une erreur. Il n’y a pas longtemps, la palmeraie de Faya, capitale de la région de Borkou s’est enflammée parce que le gouverneur, un militaire a agi militairement. Il a été démis de ses fonctions, mais il semble que le PCMT et le gouvernement n’ont toujours pas tiré des leçons.

Enfin, les manifestations d’Abéché contre l’intronisation du chef de canton cachent le vrai problème: la désignation forcée, voire usurpée du nouveau sultan du Dar Ouaddaï. C’est l’arbre qui cache la forêt de la discorde. Presque tous les ouddaïens digèrent mal la méthode peu orthodoxe avec laquelle le nouveau sultan leur a été imposé. Ce sultan est l’épicentre de la contestation. Le PCMT a hérité d’un péché paternel qu’il a mal géré. La seule façon pour lui de laver ce péché originel est de, vite, rendre justice aux abéchois afin qu’Abéché panse ses plaies, respire la paix et pardonne.

Bello Bakary Mana

Succès Masra (SM) est allé chercher par la peau de ses dents, ce meeting du 8 janvier au stade Idriss Mahamat Ouya (IMO). Il l’a demandé maintes fois. Plusieurs fois sa demande est rejetée. Têtu, il ne lâche rien. À sa dernière demande et les motifs du refus, mise aux normes du stade, l’ulcère. Il décide de maintenir son rendez-vous. Même jour. Même lieu. Même heure. À 24h, les autorités reculent. Le ministre de la Jeunesse et des Sports lui accorde l’autorisation en espérant une démobilisation de ses militants à quelques heures du rendez-vous. Une condition verbale, à voix basse, lui aurait été signifiée : « les transformateurs seront responsables de toute éventuelle casse. » Et les partisans, sympathisants, amis et alliés du Conseil Militaire de transition (CMT) et de l’ex-parti au pouvoir le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) envahissent les réseaux sociaux et les salons feutrés de la capitale N’Djamena avec ces phrases à la bouche, « il ne réussira pas à remplir le stade IMO », « si les Transformateurs réussissent à le faire, nous ferons plus ». Ce 8 janvier SM et ses militants ont relevé le défi : 20 000 participants au meeting. Un homme politique et son parti Les Transformateurs naissent ce jour. Alors pourquoi, sans jeu de mots ni jeu de noms, Succès a eu du succès au stade IMO ?

La première raison, c’est la fatigue de la majorité des Tchadiens. À cela, il faut ajouter le besoin viscéral de la nouveauté. De nouveaux visages. Une envie dévorante de renouvellement de la classe politique, mais pas avec des « dos de pic » ni des héritiers du système que les Tchadiens appellent « koul loum sawa » (tous pareils). Les Tchadiens veulent donc des hommes ou des femmes méritants qui leur parlent en leur disant qu’ils comptent, qu’ils sont importants. Depuis des décennies, ils assistent désespérés à une lutte entre une vieille opposition compromise et un pouvoir sclérosé, usé par 30 ans d’un exercice de pouvoir à l’avantage d’une catégorie de Tchadiens. SM et son parti ferraillent dure pour se faire reconnaître. Ils sont presque seuls contre un système fait des petits arrangements entre des vieux partis établis, des petits partis personnels et le défunt président Deby Itno. Ensuite par ses héritiers politico-militaires, la junte et le MPS. SM a su lire cette demande. Il s'est mis à affiner son discours comme une ode à l’espérance. Il s’est mû en véritable gourou, non pas du changement, mais de la Transformation du Tchad. Le secret est dans le choix du mot. Il arrose ses expressions d'une pincée des référants mi-religieux mi-historiques. Il emploie des phrases simples pour désigner des choses complexes, « quand le chemin est dur, c’est aux durs de tracer le chemin ». Il se place en victime d’un système. Il dit ne pas demander de la pitié pour faire sa place. Il la réclame tout en clamant être une victime d'un système injuste comme le sont les autres Tchadiens.

La deuxième raison, c’est le zèle de vouloir à tout prix exclure son parti, les Transformateurs. Les qualifiant tantôt de parti virtuel, tantôt de parti méridional composé essentiellement des Tchadiens du sud. Ce qui est pour l’instant vrai. Le président de la transition semble avoir compris le non-sens de cet acharnement contre les Transformateurs. Il a dès le lendemain de son arrivée au pouvoir, reconnu ce parti. Et il semble avoir joué un grand rôle dans l’autorisation du meeting du 8 janvier. Il a aussi compris que cette obstruction est contre-productive. Tout est donc à l’honneur du PCMT, Mahamat Idriss Deby Itno d’avoir compris et, peut-être, qu'il est sans s’en rendre compte entrain de démystifier Masra pour affaiblir Succès. Toutefois, la tâche sera difficile tant l’épisode du stade IMO a marqué les esprits. Bref, l’argument victimaire ou le zèle vient d’être ôté au chef des Transformateurs.

La troisième raison, c’est la cohérence et la persévérance de M. Masra. Il est le seul leader à avoir un discours cohérent face à la junte. Il a demandé, au premier jour, une transition civile, une charte modifiée et un dialogue souverain. Il a placé son parti comme un contre-pouvoir à la junte. Il a su prendre la place du leader de l’opposition à la place de certains qui ont choisi la collaboration avec la junte désertant ainsi leur rôle d’opposant. Ils croyaient changer le système de l’intérieur oubliant au passage qu’ils avaient déjà servi cette recette aux Tchadiens du temps du défunt Maréchal. Ils ont réussi une chose : ne rien changer. Ils n’ont pas tiré de leçons de leur échec. Ils n’ont surtout pas compris que le contexte est historique et unique. Ils se sont discrédités pour si peu. Alors qu’ils pouvaient tout gagner.

Aussi, SM et sa troupe ont été persévérants. Patients. Ils ont su choisir leurs armes. Avec ces armes, ils ont creusé leur sillon. Et conquit peu à peu, jour après jour leur place. À chaque étape ils ont un objectif à atteindre. Hier ils ont conquis la rue, en perturbant le pouvoir. Aujourd’hui, ils ont capturé le stade IMO en le remplissant. Demain, ils ambitionnent de monter à l’assaut de la Place de la nation, à un jet de pierre du Palais présidentiel.

Enfin, Succès a du succès parce qu’il a su allier sa méthode de pasteur presbytérien à sa rhétorique de gourou. Il aime les symboles. Il cite les grands Africains et les grands hommes noirs qui ont marqué l’histoire. Les murs de son bureau sont tapissés de leurs images : Mandela, Martin Luther King, etc. Ne dit-on pas qu’il faut imiter ou se rapprocher des grands esprits, à défaut d’être eux?  SM en rêve, mais à leur différence, il veut servir son pays. Il crée même pour cela son propre concept « le leadership serviteur et transformateur ». Hier au stade IMO, il dit que le Tchad n'a eu que des chefs d’État, jamais des hommes d’État. Qui pourra lui reprocher cette conviction ? Il croit à son destin en associant les Tchadiens à son ambition. Il affirme ne pas être seul. Il veut peser sur le dialogue qui s’approche. Fort de sa démonstration de force le 8 janvier dernier, il monte les enchères et met de la pression sur la junte. Il vient de signer sa présence réelle. Désormais, il existe. Lui à qui on a nié l'existence politique. Il lui reste le test des urnes qui lui donnera l’onction de la légitimé populaire. Et la vraie mesure de son poids politique mais ça, c’est une autre histoire.

Bello Bakary Mana  

2021 s’en va bientôt. C'est une année qui a marqué la mémoire des Tchadiens par des évènements importants. C’est en réalité l’histoire qui s’écrit au quotidien. Les journalistes la racontent au présent. Les historiens l’écrivent au passé. Bref, en 2021, qu’est qui a marqué les esprits?

D’abord, la mort du Maréchal président Idriss Deby Itno a marqué cette année.  Est-il mort au combat « l’arme à la main » comme le répètent avec insistance les autorités de la transition? Ou a-t-il été assassiné comme on le chuchote derrière les rideaux? Jusqu’à là, on nage dans la confusion et les contradictions. Le Conseil Militaire de Transition (CMT) et le gouvernement de transition (GT) parlent de mort au combat. L’Union Africaine (UA), après avoir réclamé une enquête, continue de parler « d’enquête sur l’assassinat du feu Maréchal ». Pour l’instant, le CMT reste silencieux. Pas d’enquête officiellement ouverte. L’UA pousse le dossier en marchant sur les pointes des pieds. Les Tchadiens et le monde attendent des éclaircissements parce que Deby Itno qu’on l’aime ou qu’on le déteste est un dirigeant qui a marqué l’histoire de son pays. Et c’est normal d’établir la vérité sur sa disparition. Me Ahmed Idriss dit Lyadish, très actif sur le réseau Facebook, a écrit un intéressant article sur l’enquête judiciaire en cours.

La mort du Maréchal Deby Itno est indissociable de la rébellion tchadienne du Front pour l’Alternance et la Concorde (Fact) et son chef Mahamat Mahdi Ali. Ils sont jusqu’à preuve du contraire à l’origine de la mort du président tchadien. Ils ont donc marqué par leur percée à presque 300 km de la capitale tchadienne les esprits, surtout qu’ils ont porté un coup fatal en plein désert à celui que les médias occidentaux ont surnommé le renard du désert. À l’annonce de son décès, ils réclamaient avec un brin de fierté la paternité du meurtre. Depuis quelques mois ils le réclament de moins en moins. Ils font profil bas. Leur chef donne de temps à autre quelques entrevues pour dire qu’il est ouvert au dialogue. Tout en lançant des menaces à peine voilées sur la certitude d’une autre attaque de sa troupe.

Ensuite, dans la foulée, le président de l’Assemblée nationale (AN) a passé son tour refusant d’assumer ses responsabilités. Le CMT est créé avec à sa tête le fils du défunt Maréchal, Mahamat Idriss Deby Itno. Un gouvernement de transition est nommé. Cahin-caha un Conseil national de transition (CNT, chambre législative) est mis sur pieds et ses membres cooptés selon les intérêts et les calculs de l’ex-parti au pouvoir le Mouvement patriotique du Salut (MPS) et des quelques membres de l’opposition qui ont accepté de collaborer avec la junte militaire. Tant pis pour ceux qui contestent la méthode et qui réclament que cette prérogative revienne aux assisses du Dialogue national inclusif (DNI). Pour l’instant, tout semble rouler de l’avant malgré le grand bruit qu'a soulevé le gargantuesque budget de ce machin. Les internautes tchadiens ont une belle formule pour signifier leur exaspération « les choses du Tchad ».

Concernant « les choses du Tchad », les préparatifs du DNI se déroulent sous tambour et trompettes. Bref, sur ce registre les choses avancent mais sans les politico-militaires, il sera difficile de réussir ce rendez-vous. De ce côté aussi, il semblerait que c'est prometteur.

2021 a également été marqué par l’émergence politique du parti Les Transformateurs et de Wakit Tama. Les deux organisations ont mené la contestation dans la rue. Ils ont su et pu imposer une nouvelle méthode de contestation malgré quelques débordements. En passant le chef des Transformateurs, Succès Masra a tellement pris confiance en lui qu’il semble faire des embardées et des sorties de route. La dernière en date est de croire ou de faire croire qu’il serait attaqué par des forces occultes. Cette croyance prise au sérieux par M. Masra et ses militants interroge sérieusement sur la lucidité du chef et de ses lieutenants. Si c’est l’envie de faire du buzz qui a poussé le jeune leader alors sur ce coup c’est raté. Le buzz à tout prix est une assurance au discrédit.

Aussi, l’insécurité qui défraie la chronique ces derniers jours a effrayé les esprits. Elle ne semble épargner personne. Les malins se sentent-ils libérés depuis la disparition du Maréchal? C’est à croire que ces génies malfaisants sont sortis de la bouteille dans laquelle le Maréchal les avait enfermés. Sur ce dossier, le président du Conseil militaire de la transition (PCMT) semble débordé. Quelque chose lui échappe. Peut-être qu’un groupe autour de lui veut lui signifier qu’il n’est rien d'autre que leur création. Et qu’il doit leur obéir aux doigts et à l’œil.

Enfin, la rocambolesque affaire de l’ex-première Dame Hinda Deby Itno, de sa fratrie et du défunt colonel, illustre bien le drame qui se joue dans cette transition où se mêle insécurité et règlement de compte. Il y a comme un film à feuilleton qui se joue dans l’ombre. Un appel à témoin est même lancé par le Ministère de la Sécurité publique, avec à la clé 50 millions de F CFA comme récompense pour retrouver le ou les meurtriers. Décidément dans cette République, il y a des citoyens plus citoyens que d’autres. Cette affaire met en colère les Tchadiens. Ils n'ont d'autre choix que de se contenter d’être des téléspectateurs. Ils attendent le prochain épisode d’une série haletante où la princesse et sa fratrie tombent de leur piédestal, accusés à tort ou à raison d’avoir les mains salies par le sang du défunt colonel. Et surtout des mains pleines des liasses d’argent. Eux qui n’ont pas su ou pu se mettre à l’abri, loin du pays, au lendemain du départ sans retour du Maréchal.

NB : Nous reviendrons, inchAllah, dans les prochains jours dans une chronique pour parler des perspectives de 2022.

Joyeux Noël et bonne année

Belle Bakary Mana

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