samedi 14 décembre 2024

Édito

Édito (60)

Les candidats à l’élection présidentielle du 6 mai prochain sont connus. Ils sont au total 10 personnes. En attendant les recours de ceux qui ont été disqualifiés, la précampagne électorale est drôlement ennuyante. Pourquoi?

Elle ne lève pas, comme disent les spécialistes. Elle n’accroche presque personne. Elle s’annonce terne et n’intéresse pas les Tchadiens. Parce qu’elle est loin de leur préoccupation. Ils n’ont toujours pas d’électricité malgré toutes les promesses du pilote président de transition et de son copilote de Premier ministre. Ils ont à peine l’eau pour étancher leur soif. La vie est chère, le ramadan est dur, la fête de fin de ramadan et ses charges les assaillent, ils sont essorés, écœurés de voir et d’entendre des politiciens sans envergures faire des promesses sans retenues.

Les premiers coupables de cette morosité sont bien évidemment le président de transition et son Premier ministre. Le fameux pilote, Mahamat et le réputé copilote, Masra. Ils ont de la misère à maîtriser leur plan de vol et à mettre un peu de la joie dans l’avion Tchad.

D’abord, le président de transition. Il n’a quasi rien fait pour rassurer les Tchadiens. Il a même contribué par ses actes à faire disparaître le peu d’espoir né à la mort de son père. Il s’est obstiné à une chose : comment conserver le pouvoir. Et cela semble lui réussir. Bref, les voix discordantes sont écartées, voire marginalisées. Il a réussi à soumettre de vieux partis comme l’Union nationale pour le Développement et Renouveau (UNDR), le parti pour les libertés et le développement (PLD) en les avalant dans une gigantesque coalition hétéroclite baptisée Tchad uni. Mieux, il a réussi à faire des chefs ces partis les subalternes du parti de son père, le Mouvement Patriotique du Salut (MPS).

Ensuite, le Premier ministre de transition. Beaucoup des Tchadiens ont misé sur lui croyant qu’il affait tenir sa promesse de la quête d’un Tchad juste et égalitaire. Depuis qu’il est Premier ministre les choses se sont empirés. Par exemple, certains N’djamenois n’ont pas d’électricité depuis le début de ramadan. Rien ne semble marcher. Le Premier ministre est lui aussi obsédé par son maintien au poste de Premier ministre. Dans cette galère tchadienne, il est le plus heureux des Tchadiens allant jusqu’à danser le « gourna » dans son salon, oubliant pourquoi plusieurs tchadiens ont applaudi son arrivée à la primature. Un ancien premier ministre disait que Masra ne faisait pas de la politique, mais de la communication. Finalement il ne fait ni la Com ni la politique. Il fait autre chose…

Enfin, c’est une première au pays que le Président de transition et son Premier ministre sont tous candidats à la même élection. Le président peut, à la rigueur, assumer ses fonctions de président et battre campagne pour son élection. Par contre, le Premier ministre ne peut pas faire pareil, même si a priori rien ne l’interdit. Pour être sérieux, il devait démissionner. Sinon ces élections ne seront qu’une comédie. Et les Tchadiens n’iront pas voter parce qu’il ne sert à rien de voter, se diront-ils.

Bello Bakary Mana

C’était le samedi 2 mars au lendemain de la mort de son cousin et farouche opposant que le président de transition (PT) Mahamat Idriss Deby s’est fendu d’un « Moi, Mahamat Idriss Deby Itno, je suis candidat à l’élection présidentielle de 2024 sous la bannière de la coalition pour un Tchad uni ». Le message est clair. Le moment bien choisi. La date aussi. Le 6 mai prochain se tiendra la première des élections présidentielles. Cette date pue la  stratégie pour couper l’herbe sous les pieds des potentiels adversaires. La voie est désormais libre pour le jeune candidat-président de transition. Il n’y a pas de candidat concurrent de poids en face qui pourra l’accuser d’avoir géré mal et géré seul la transition.    

Selon plusieurs observateurs, le plan « de succession dynastique » avance désormais à visage découvert. Avec la complaisance de plusieurs hommes et femmes politiques qui ont refusé d’insuffler une alternance, un profond changement. Ils ont délibérément balisé la voie pour une « dynastie ». Y a-t-il de démocratie sans alternance? Un confrère a bien fait de rappeler les propos du « grand patron » Emmanuel Macron lorsqu’il disait être opposé à « un plan de succession dynastique ». C’est silence radio du côté de celui qui s’était précipité pour adouber le jeune général contre certainement quelques garanties.

À sa cérémonie d’investiture, le PT s’est assuré d’obtenir la caution de presque tout l’univers politique nationale et ses amis de l’étranger. Le changement s’est définitivement éloigné du pays. Bref, pas d’espoir, pas d’alternance. Une cérémonie « bling bling » qui sonne comme une confirmation d’un héritage familial.

Entre temps, le Premier ministre de transition (PMT) Succès Masra est de retour d’une tournée aux USA et en Europe. Il a d’abord réagi à la mort du principal opposant Yaya Dillo, déplorant ce qui s’est passé tout en affirmant appuyer les forces de l’ordre. Ensuite, il a annoncé qu’une enquête indépendante de « type international ». La nuance est là. Que signifie de « type international »? Il faudra que le PMT clarifie son concept.

De plus, Succès Masra, est attendu par tous sur sa future candidature aux élections présidentielles. Ses lieutenants sont montés aux barricades  pour dire que Les Transformateurs seront présents à toutes les élections. Le concerné lui-même a botté en touche affirmant que rien ne l’empêche de se présenter. Qu’il consultera son parti et au-delà de son parti. Il s’est lancé, au micro de Radio France Internationale (RFI), dans un argumentaire pour éviter de répondre à une question simple : candidat ou pas candidat.

Pour l’instant, le copilote Masra continue à répondre aux ordres du commandant de bord Mahamat. Et comme disent les spécialistes de l’aviation, le commandant de bord a toujours le dernier mot. Pour la présidentielle prochaine, le commandant Mahamat détournera l’avion vers un autre aéroport de son choix, l’aéroport de la démocratie attendra. Tant pis pour le copilote, Masra.

Bello Bakary Mana  

Dire que les Tchadiens se sont peu déplacés pour aller voter le 17 décembre dernier est un euphémisme. Ils ont simplement refusé d’aller choisir. C’était prévisible. Cela a été visible. Incontestable. Ce refus est une autre manière de s’exprimer. Les Peuls ont un adage qui décrit bien cette situation « le silence est une parole puissante, plus forte que les mots ».

Alors, comment comprendre cette faible participation? Quel est le message? Quelques raisons pour expliquer ce silence…

D’abord, la première raison. Les Tchadiens ne veulent plus de ce système politique archaïque et désuet imposé par le défunt Deby père, son parti politique le Mouvement patriotique de salut (MPS), ses alliés de circonstance ou de toujours et ceux qui accompagnent ce système vaille que vaille. Cela depuis plus de 30 ans. Ils attendaient de Deby fils l’application du concept philosophique de la « Tabula rasa », faire table rase. Autrement dit, effacer le passé et recommencer à zéro. Renaître à nouveau comme disent les philosophes. Écrire autre chose sur une feuille vierge. Ils lui ont donné cette chance, mais il n’a pas su ou pu la saisir. Il s’est laissé embobiner dans une transition sans ambition où des « momies politiques » ont tenu à bout des bras un système agonisant. Objectif : conserver des avantages à leur seul profit à coups de combines politiques.

Ensuite, la deuxième raison. Les Tchadiens vivent dans l’indigence la plus crasse. Ils manquent de tout. Du minimum vital : pas d’électricité chez eux malgré la manne pétrolière, pas des routes malgré le pétrodollar, pas de soins malgré le « pétrocfa ». Les Tchadiens ne mangent  pas à  leur faim, s’ils arrivent à le faire, c’est une fois par jour. La cherté de vie est insupportable. Ils ont l’impression que personne ne les écoute, l’État est aux abonnés absent. Ils constatent qu’une minorité d’élite coopte toutes les richesses, font de l’entre-soi, vivent entre eux, se promeuvent entre eux en s’autoapplaudissant, se défendent entre eux, s’accusent entre eux, etc. Et les nargue chaque jour, comme ils disent, qu’Allah fait naître le jour et la nuit. Alors à quoi sert le vote? À rien, selon leur expérience.

Enfin, la troisième raison. Les Tchadiens ne veulent pas entendre ceux qui parlent en leur nom. Qu’ils soient opposants, amis du pouvoir, anciens ou nouveaux alliés. Déjà, certains  acteurs politiques ou de la société civile crient victoire en affirmant que les Tchadiens ont choisi leur option : « le boycott » a gagné, le « Non » est gagnant, le « Oui » gagnera. Certains ont salué leur « patriotisme », d’autres ont applaudi leur « calme », beaucoup parlotent, mais les Tchadiens sont silencieux. Ils observent, médusés, ces agitations, ces récupérations. Ils n’attendent ni Messie ni prophète. Par leur faible participation, ils veulent que le président de transition renverse la table. Ils veulent que des nouvelles têtes émergent et qu’un nouveau système de gestion et de partage des richesses soit inventé: par exemple le fédéralisme. Pourquoi pas? Même Deby père, désespéré, l’avait évoqué comme solution. Surtout que l’État unitaire décentralisé « fortement » ou « faiblement » n’a apporté que misère, guerre et népotisme. Il est minuit moins 5 minutes pour Deby fils. Sinon, la prochaine fois, les Tchadiens couperont des têtes. À commencer par celui du chef, enfin, peut-être…

Bello Bakary Mana

Premier meeting politique. Première prise de parole publique du principal opposant Succès Masra (SM) devant ses militants. Ils ont répondu présents. Ils étaient nombreux non pas au « balcon de l’espoir », mais à la « place de l’espoir » à côté du siège de son parti. Il a le sens de la formule le chef des Transformateurs en rebaptisant cet espace « place de l’espoir ». Au-delà des explications qu’il a donné à ses militants sur l’accord de Kinshasa, il voulait faire une démonstration de force. Et en filigrane, signifier qu’il n’est pas politiquement mort. Qu’il n'a pas été défait, mais qu’il a simplement emprunté un nouveau chemin.

D’abord, SM est revenu sur les 40 jours de deuil qu’il a décrété au lendemain de son retour. Il a appelé ses militants au recueillement en mémoire des victimes du 20 octobre 2022, mais aussi à regarder la vie avec espérance. Et se départir de l’envie de vengeance. Le berger Succès s’adresse à son troupeau « aimez vos ennemis, aimez encore plus vos adversaires. Mahamat le président de transition (PT) n’a jamais été un ennemi, ni même son père Deby… ». Comme pour contrer les critiques sur la longue période du deuil, il  s’engage à s’exprimer sur les enjeux du référendum de décembre.

Ensuite, SM clame qu’au-delà de l’accord, l’essentiel c’est la détermination de son parti à transformer la vie des Tchadiens. En quoi faisant? En leur procurant l’électricité, en construisant des écoles, des routes, des hôpitaux, en transformant l’économie, en réformant l’armée, etc. Tout cela grâce à cet accord qui a permis le retour des leaders du parti à la table de la réconciliation pour marcher vers l’égalité et à la justice. Masra ne dit pas comment y parvenir? Avec quelle méthode? A-t-il les leviers du pouvoir en main? Non. Succès compte sur la bonne foi de son frère le Général Mahamat. Il compte sur le nouveau chemin où lui a été révélée cette divine vieille parole, « quand le chemin est dur, c’est aux durs de tracer le chemin ». A elle, s’est greffée une nouvelle révélation, « ..un chemin dur, mais un chemin sûr ». Autrement dit, le chemin menant à la Terre promise est plus sûr aujourd’hui qu’hier, mais attention à l’embuscade du frère et général Mahamat. De rôle d’opposant et de contre-pouvoir, Succès est-il en train de devenir un accompagnateur de luxe ? Mystère et boule de cristal.  

Enfin, il appelle les Transformateurs à entrer dans une nouvelle dimension. Pour convaincre, il convoque Nelson Mandela qui a fait la paix avec ses bourreaux. Il faut, dit-il, « panser les blessures et apaiser les cœurs. Choisir le drapeau du pays avant celui du parti. Après l’audace, l’exigence, c’est le temps de la bienveillance ». L’exil a transformé le Transformateur en chef. L’enthousiasme des retrouvailles, l’a-t-il fait voler au-dessus du pays? Se voit-il copilote du frère Général Mahamat dans « l’avion Tchad »? Peuvent-ils ensemble le faire atterrir, comme il le dit à « l’aéroport de la démocratie » ? Autrement dit, sera-t-il le prochain Premier ministre de transition? Ministre d’État? Ministre? Toutes les options sont ouvertes, disent des sources proches de la présidence de transition. Ce n’est pas une mauvaise chose à la condition que le copilote Masra s’assure qu’au bout de la piste d’atterrissage, le frère Général Mahamat ne lui tende une embuscade.

Bello Bakary Mana

Écrire sur les sextapes de deux ministres démissionnaires est un exercice difficile. Dans ce métier, les mauvaises nouvelles écrasent souvent les bonnes nouvelles. Cette actualité sur les ébats sexuels de ces ex-responsables publiques sont d’une autre dimension. L’opinion publique tchadienne continuent d’en parler. Le journaliste ne peut l’occulter. Il faut en parler mais en parler autrement. Alors comment en parler autrement ? Analyser les faits….

Le sujet, il faut le dire, le redire, le répéter encore et encore est « culturellement délicat ». « Socialement » navrant. Et « politiquement explosif » pour un pays comme le nôtre où l’hypocrisie se mêle à la morale. Et où le voyeurisme ne s’encombre pas de la décence.

Dans une société normale, cette vidéo relève strictement de la vie privée. Autrement dit chacun fait ce qu’il veut avec qui il veut dans sa chambre à coucher. Et même si par mégarde ou par règlement de compte, une vidéo pareille, se retrouve sur la place publique, la décence aurait voulu de s’abstenir de la propager.

La « boule puante » est partie de la page Facebook d’un mystérieux personnage des réseaux sociaux surnommé Général Labo Mobil. Le fameux général dit détenir plusieurs autres vidéos compromettantes qui menaceraient plusieurs hommes et femmes politiques. C’est la panique, dit-on, chez plusieurs membres du gouvernement. La suspicion est partout. Le désarroi est total comme le prouve l’intervention du conseiller Takkilal Ndolassem qui parle abruptement de « Coup d’État scientifique ». La délectation du supplice du général Labo Mobile est insupportable.

Ces sextapes révèlent comme dit la fameuse expression « les choses du Tchad », en pire.

D’abord, on découvre le visage hideux de la culture de « meute » des réseaux sociaux tchadiens. Une culture néfaste qui s’empare des sujets insignifiants pour en faire une affaire de tous et un déshonneur de tous. Des soi-disant « activistes », « opposants », « influenceurs ou tiktokeurs vaseux et incultes » rivalisent d’ingéniosité pour jeter en pâture notre légendaire valeur « la soutra » (ne jamais jeter aux chiens l’honneur et l’intimité d’un frère et d’une sœur quel que soit nos querelles).

Ensuite, c’est la vague des « moralisateurs » ou police autoproclamée « des mœurs » qui arrose le public de ses jugements moraux, prédisant l’apocalypse. Paradoxalement, les mêmes, disent à gorge chaude « seul Dieu est ultime juge ». Oubliant au passage que de tous les temps, les Hommes ont transgressé les règles et les conventions établies. Il n’est pas interdit de voler mais il est interdit d’être surpris. C’est le cas de nos deux ex-ministres.  

Enfin, il y a tous ceux qui parlent sous la barbe du déshonneur de la République mais qui piaffent tels des taureaux en attendant le nom des prochaines victimes du général Labo.

Cette affaire tombe sur la tête d’une transition à bout de souffle, déjà dépassée par les difficultés de la gestion du quotidien. Le gouvernement et la présidence n’ont pas mesuré les dégâts politiques que cette affaire a engendré. Le fait de laisser les deux ministres officiellement démissionner par eux-mêmes est une erreur. Il fallait dès la publication de ces sextapes, les démettre de leurs fonctions pour sauver un peu l’honneur et le privilège de servir le pays.

Bello Bakary Mana

Quelques semaines après que le Tribunal d’Arbitrage de Paris, en France, a jugé recevable sur la forme, la plainte de Savannah au sujet de la nationalisation de ses actifs, une autre tuile vient de s’abattre sur la tête des autorités de la transition. La justice américaine a ordonné vendredi dernier le gel de fonds de Cotco à la City Banque, filiale gabonaise où sont déposés les revenus du pétrole des puits de Doba. Cette décision est immédiate. Plus de mouvements de fonds jusqu’au dénouement final du contentieux. Selon plusieurs sources proches de la City, 150 millions de dollars appartenant au Tchad sont présentement gelés.

A l’époque, les autorités de la transition avaient décidé de passer en force, sous tambours et trompettes, en clamant sur la place publique que la nationalisation des actifs de l’entreprise britannique relevait de la souveraineté nationale. Et affirmaient partout que c’était une bonne décision flattant l’égo patriotique primaire de plusieurs compatriotes. Tout avis contraire leur rappelant que le débat n’est pas sur la nationalisation mais sur la méthode ou la manière sauvage de procéder au mépris de toutes les règles élémentaires. Et en dehors de toute réflexion et proposition des experts. C’était une nationalisation « Ab goudoura, goudoura » (aux forceps).

Aujourd’hui dans la capitale tchadienne, N’Djamena, les autorités ont adopté deux attitudes. Celle du carpe et de l’Autruche. Au sommet de l’État, le président de transition et son Premier ministre sont muets comme des carpes sur le dossier. Au second palier de la transition, ceux qui ont mené l’assaut de la nationalisation, le ministre d’État, Secrétaire Général de la présidence (SGP), le ministre de l’Énergie, le ministre des Finances et toute l’équipe font l’Autruche en enfouissant leurs têtes dans les puits pétroliers de Doba. Bref, c’est silence radio à tous les niveaux. Est-ce la solution ? Non.

D’abord, il faudra se résoudre à sortir du déni et à parler publiquement de ce dossier pour éclairer les Tchadiens en expliquant la stratégie à adopter et les raisons qui la soutiennent. Parce que c’est simplement d’intérêt public.

Ensuite, le Président de transition doit sanctionner ceux qui l’ont encouragé à emprunter le chemin de cette nationalisation sauvage. Au minimum, la décoration et l’élévation au grade de « machin machin » de la « task force pétrole » comme dirait le professeur de Droit et Maître de conférences à l’Université d’Orléans Abdoulaye Boitaingar dans un excellent papier titré : Affaire Savannah : Et la loi d’Airain frappa le Tchad publié dans nos colonnes, doivent être annulées.

Enfin, au moment de publier cet éditorial, personne ne peut mesurer les conséquences financières de cette décision sur les Finances publiques, sur l’économie et sur les projets d’intérêts publics. Chose certaine, cette sentence conservatoire ressemble, par ses implications financières, à la gifle infligée par l’entreprise suisse Glencore en 2014 au sujet d’un montage financier bidon qui a plongé le pays dans une forte crise économique. À l’époque le Maréchal a puni, même si c’était symbolique, les responsables. Le PT devrait lui aussi punir responsables et conseillers dans ce dossier. Les Tchadiens lui sauront gré.

Bello Bakary Mana

12 mois sur les 24 mois sont presque épuisés depuis que la seconde phase de la transition s’est enclenchée. Il ne reste plus qu’une année pour clore cette seconde phase de transition. En attendant les échéances électorales prochaines, quel est le bilan à mi-parcours?

Globalement il n’y a pas de grandes réalisations qui ont changé la vie des Tchadiens pour leurs faire sentir les prémices de la refondation du pays. Il n’y a que du « parlage » comme diraient les « tirailleurs sénégalais ». Il n’y a que de la politique « politicienne » dans un Tchad de plus en plus fragile. Le tout sur un ton guerrier du président de transition (PT), et un autre ton mi-moqueur mi-ironique de son Premier ministre.

Le premier, le PT Mahamat Idriss Deby s’est fendu d’un direct, sur la page Facebook de la présidence, en plein désert pour démentir, sur un ton guerrier, les nouvelles sur les combats entre l’armée tchadienne et la rébellion du Conseil de Commandement Militaire pour le Salut de la République (CCMSR) aux confins nord du pays. Dans ce qui se ressemble à une base arrière aux bâtiments climatisés, on voit le PT entouré de ses généraux, son Chef d’État-major, du chef des Renseignements généraux, du ministre de la Défense et de son puissant ministre et Directeur de cabinet civil, expliquant en Arabe locale les raisons de son déplacement. Et surtout affirmant attendre de pied ferme les rebelles. « Vous avez 2 options à votre choix. Si vous voulez la paix, la porte est ouverte. Si vous voulez la guerre, je vous attends ici à Kouri. », dit-il. Cela annonce une transition sur le pied de guerre et une paix qui s’éloigne, premier signe annonciateur, peut-être, d’une transition qui va s’éterniser.

Le second, le Premier ministre de transition (PMT) Saleh Kebzabo a démontré, il y a quelques jours lors d’une entrevue à nos confrères camerounais de la télévision Équinoxe que le bilan de la transition est négatif en esquivant la question, tout en reconnaissant la difficulté pour lui, de parler de bilan. D’abord, il récuse le titre « de principal opposant » au chef des Transformateurs Succès Masra, en ironisant sur son retour, le moquant, en le désignant de « communicant » et non d’homme politique. Ensuite, il a reconnu qu’il y a eu trop des morts le 20 octobre 2022 en qualifiant toujours la manifestation d’insurrection populaire. Enfin, il s’est lancé, pour justifier ce bilan négatif, en s’appuyant sur les 50 ans de guerre fratricide. Deuxième signe d’une transition qui va jouer, peut-être, les prolongations.

Entre temps, les Tchadiens sont fatigués de cette transition qui a un bilan négatif à mi-parcours. Parce que leur quotidien est difficile : pas de perspectives, pas d’électricité, pas d’emplois, mal gouvernance, inondations, guerre en perspectives, nominations claniques et fantaisistes, conditions du futur referendum contestées, etc. Alors qu’est-ce qu’il y a de positif sous la transition? Rien, sauf l’air que les Tchadiens respirent, mais jusqu’à quand? La perspective d’une guerre est presque inévitable d’autant plus que les voisinages sont en déliquescence. La guerre. Encore la guerre. Toujours la guerre et la guerre.

Bello Bakary Mana

Qu’est-ce qui se trame à Amdjaress, village du défunt Maréchal Idriss Deby Itno?

L’aéroport de cette bourgade construite vaille que vaille vit ces derniers jours au rythme de ballets d’avions de provenance douteuse. C’était d’abord une lourde rumeur. Elle est devenue au fil des jours une information. Effectivement, il y a des activités suspectent qui s’y passent dont la nature et la destination exactes sont difficiles à déterminer. L’aéroport n’est plus accessible à tous. Selon plusieurs sources, il serait loué aux Émiratis pour servir de point de ravitaillement en armes destinées à la milice soudanaise, précisément aux Forces de Soutien Rapide (FSR) et à leur chef Mohamed Hamdane Dagalo alias Himetti. Une information qui se confirme peu à peu par le mécontentement « amdjarassois ».

Pour illustrer ce mécontentement, une vidéo amateur circule à ce sujet où apparaissent au plus 5 à 6 manifestants. Sont-ils effectivement dans le village? Rien n’est sûr. Mais on y voit ces hommes en turban, parlant en langue Béri et arabe, debout derrière une banderole blanche. Ils citent les noms du président de transition, de son ministre et puissant directeur de cabinet civil, etc. Ils dénoncent les ballets des avions. On les voit aussi brûler le drapeau et la photo de Mohammed Ben Zayed Al Nahyane président des Émirats arabes unis (EAU) en scandant « Tchad Hourra, Émirat barra », qui signifie, le Tchad libre, les Émirats dehors. Ils appellent tous les Tchadiens à s’opposer au mauvais usage de cet aéroport.

Pour comprendre ces évènements, il faut repartir en arrière…

Un, les généraux mis à la retraite sont toujours fâchés. Ils ont promis d’aller manifester à Amdjaress pour dénoncer les navettes de ces avions inconnus. Selon nos sources, la manifestation est reportée, mais les généraux ont promis revenir à la charge à la fin de la saison des pluies. Des sources proches de la présidence affirment qu’ils auraient de la difficulté à se mobiliser.

Deux, pour couper l’herbe sous les pieds de ces généraux, le gouvernement de transition a préféré anticiper en adoptant en Conseil de ministre une ordonnance sur l’État d’urgence. Une ordonnance controversée qui renforce les pouvoirs de police administrative et l’élargit aux autorités décentralisées comme le Délégué général du gouvernement, les Gouverneurs pour faire face à un péril imminent et des évènements graves qui ont un caractère de calamité publique. Y-a-t-il une urgence pour prendre cette ordonnance? Surtout que les Conseillers Nationaux, la chambre de législation, sont en vacances parlementaires.

Enfin, cette transition n’est-elle pas devenue l’affaire de deux personnes : le président de transition Mahamat Idriss Deby et son puissant ministre et Directeur de cabinet civil M. Idriss Youssouf Boy alias Makambo? Cela y ressemble. Le Premier ministre de transition et son gouvernement doivent éclairer l’opinion publique sur les trafics à cet aéroport d’Amdjaress. C’est la moindre des choses.

Bello Bakary Mana

Le facilitateur et président de la République Démocratique du Congo (RDC) Felix Tshisékedi a séjourné au pays pour faciliter l’entente entre les acteurs politiques et de la société civile. Sa mission vire à la chicane. Tshisékédi facilitateur insensible? Cela dépend de quel côté on se place, mais le vrai problème vient d’ailleurs…

Avant son départ, il a résumé le résultat de son séjour en 3 phrases, « je n’ai trouvé aucun Tchadien hostile aux avancées. Tous ceux que j’ai rencontrés sont pour la reconstruction, le progrès, la réconciliation et l’unité du Tchad. Je repars plein d’espoir d’une solution pacifique et heureuse pour ce peuple frère ». En d’autres mots tout va bien. Évidemment qu’il n’y aura aucun Tchadien contre la reconstruction de son pays. Aucun n’est contre la réconciliation. Aucun n’est pour la guerre pour l’avoir vécue, aucun n’est contre l’unité.

Pour les partisans de la transition, cette visite confirme qu’ils sont dans la bonne voie pour faire aboutir le retour à l’ordre constitutionnel. Ils ont le sourire. Et ont presque carte blanche de la part du facilitateur.

Oui, pour une partie de l’opposition pourfendeuse de la transition. Le facilitateur est partiel, partial et ne facilite rien, il mène la transition dans la mauvaise voie. Il roulerait pour le président de la transition et tous ceux qui y participent. La formule du porte-parole du Bloc Fédéral Banyara Yoyana, « Tshisékédi est un héritier venu apporter son soutien à un autre héritier » fait mouche. L’opposition accuse le facilitateur de n’avoir abordé aucun sujet sérieux. Il n’a fait que les inciter à rejoindre l’équipe gouvernementale.

Pour la société civile, M. Tshisékédi n’est pas à équidistance de tous les acteurs. Max Lolngar, dirigeant en exil de Wakit Tamma dénonce sur sa page Facebook cette visite en la qualifiant de véritable farce.

Les positions sont donc figées. Pour les partisans de la transition, tout va bien. Pour l’opposition tout va mal.

En vérité le ver était dans le fruit lorsque l’Union africaine (UA) a accepté le principe de la subsidiarité. Que veut dire ce principe?

Le Larousse nous apprend qu’en droit administratif c’est un principe de délégation verticale des pouvoirs. Google, lui, dit que c’est un concept à travers lequel une autorité centrale ne peut effectuer que les tâches qui ne peuvent pas être réalisées à l’échelon inférieur.

Autrement dit, l’UA a cédé le dossier de la transition à la Communauté Économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Et lorsqu’on sait que cette CEEAC n’est rien d’autre qu’un syndicat des chefs d’État de l’Afrique centrale, il ne faut pas attendre que le changement provienne d’elle. Le facilitateur Tshisékédi est nommé par ce « machin » pour faciliter les choses pour le président de transition et ses amis comme le dit son titre.

Sur ce sujet l’UA est dans une contradiction consternante. Au début de la transition, elle a soufflé le froid en argumentant que le Tchad est un pays à part. Donc, il faut que la communauté internationale soit gentille. Ensuite, elle a accepté ce principe tordu de subsidiarité. Et la voilà depuis quelques mois en train de souffler le chaud en prônant l’inéligibilité des dirigeants de la transition. Cette attitude contradictoire de l’UA et l’insensibilité du facilitateur de la CEEAC sont dangereux pour le pays.

Bello Bakary Mana   

Ces derniers jours, le président de transition (PT) Mahamat Idriss Deby a décidé d’envoyer plusieurs généraux, tous ex-compagnons et/ou parents de son défunt papa Maréchal Idriss Deby Itno à la retraite. Cet acte a fait « ruer dans les tranchées » les généraux. Acte courageux du PT? Bluff des généraux?

Plusieurs généraux sont donc fâchés. Ils sont même beaucoup remontés, dit-on. Ils se sont mobilisés. La discussion entre eux derrière les rideaux a été âpre. Ils se sont décidés pour aller confronter le PT, le faire plier pour qu’il annule le controversé décret. Rien à faire, le jeune président tient tête aux hommes en « Kaki » et « bérets étoilés ». Ils sont surpris par la niaque du jeune président. Ils ruminent l’affront de ce fils, installé au mépris de la Constitution. Et qui s’est rebiffé sans qu’ils ne puissent détecter le moindre signe annonciateur.

Ils ont tenté le coup du « poker menteur », mais visiblement le PT a remporté la première partie face à des généraux, sans troupe, qui n’ont peut-être pas dit leur dernier mot.

La décision de mise à la retraite est en soi une bonne nouvelle. Une décision bien réfléchie, et appliquée avec audace. Son annonce a pris tous ces généraux inutiles au dépourvu. La niaque du PT est doublée d’une malice perfide et tétanisante. Elle a été suivie par la nomination d’une quarantaine de jeunes généraux, tous issus du clan, tous parents, fils, petits-fils des généraux fâchés. Pire, cette fâcherie aura un avantage pour la présidence : la chicane se fera désormais dans les réunions familiales des généraux.

Certains membres de la famille intercéderont pour dire au général X que son temps est passé, sa pension de retraite est alléchante et qu’après tout sa place est prise par le neveu, le cousin, le fils ou le petit-fils de... Le PT a conscience aussi que les anciens généraux sont mal aimés du public. Les nouveaux aussi, parce que triés par affinités claniques sans tenir compte de leur nombre pléthorique ni de leur probité. La preuve, il y en a un parmi eux qui n’a que 27 ans. Même un génie ne peut réaliser cette prouesse. D’ailleurs il a été recalé et mis aux arrêts pour fraude. Un autre était radié de l’armée pour crime crapuleux, le voilà, à la surprise de tous, général. Les anciens comme les nouveaux sont tous rejetés par la majorité des Tchadiens. Tous n’ont pour seul mérite que leurs filiations claniques. Les anciens sont les produits de l’ancien système de Papa Maréchal. Les nouveaux sont, eux, les nouveaux produits du nouveau système du fils « Kaka ».

Alors que peuvent-ils reprocher au PT ? Peuvent-ils réussir à renverser les rapports de force? Non. Il est normal que le PT s’émancipe de leur emprise. Un bon prince c’est celui qui ne veut devoir à personne. Plusieurs personnalités qui profitent de la transition disaient que le PT est un bon prince. Il l’aimait à la vie comme à la mort. Il était temps que le prince tant aimé se fasse aussi craindre. Il commence à appliquer cette vieille maxime du penseur Nicolas Machiavel, « vaut mieux être craint, qu’être aimé ».

 Bello Bakary Mana

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