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A la fabrique du « lit picot »

Mai 19, 2021

La devanture du Lycée Felix Éboué de N’Djamena est réputée être le quartier général des fabricants des lits à fil localement appelé « lit picot ». Hassan Abakar fait partie de ceux-là. Il se réclame même « précurseur » de ce secteur d’activité. Ialtchad Presse est allé à la rencontre de cet artisan et du « lit picot ». Reportage.

Jeudi 11 mai. Il est 10 heures passées de 22 minutes. Sur l’avenue Mobutu, la circulation est moins dense. Les fonctionnaires ont déjà regagné leurs différents bureaux au centre-ville. Devant le lycée Felix Éboué, Haroun Abakar, artisan s’est installé, avec son apprenti-artisan. Il est fabricant des lits à fil appelés généralement « lit picot ». La devanture de ce grand Lycée historique est connue pour être le quartier général des fabricants de lits picots.

Haroun Abakar, la quarantaine entamée, est un vétéran en la matière. Il exerce ce métier depuis plus de 20 ans. Et c’est depuis 10 ans qu’il a pris place devant le lycée Felix Éboué. Sous sa supervision, son aide dresse un lit picot commandé.

La fabrication des lits picots, Haroun Abakar l’a apprise au Soudan dans les années 2000. Installé au Tchad, il a d’abord ouvert son atelier Petro Tchad à côté du canal de drainage des eaux du quartier Paris-Congo. Il y demeure à cet endroit pendant au moins 10 ans avant de se fixer définitivement devant le lycée Félix Eboué en 2010. Haroun Abakar a formé près d’une centaine d’apprentis qui évoluent à leurs propres comptes. « Tous ceux que vous voyez dresser ces lits devant ce lycée ont été mes apprentis. D’autres sont dans des provinces », dit Haroun Abakar.

Pour fabriquer un lit picot, Haroun Abakar utilise principalement deux matériaux : les tuyaux en fer et du fil plastique. Et éventuellement de la peinture. « Il faut d’abord couper ces tuyaux et les souder au format à l’atelier de soudure avant de commencer à tresser les fils », indique-t-il. Pour cela, Haroun Abakar a au moins 17 personnes qui travaillent avec lui. « C’est un travail à la chaîne », commente-t-il.

Des lits picots, il en existe des cadres originaux français et chinois, dit Haroun Abakar. Mais dans son atelier, il procède à la modification de ces cadres, pour les rendre plus confortables. Ainsi, Haroun fabrique des picots avec un modèle réglable à trois niveaux avec la pose tête. Et la clientèle ne manque pas, « les gens aiment vraiment nos fabrications artisanales. Surtout les militaires, ils adorent les lits picots. Ils achètent beaucoup », dit l’artisan. Ces lits fabriqués de manière artisanale, dit Haroun, peuvent durer aussi longtemps que possible si la conservation est bien faite. « Ce lit ne veut pas être exposé au soleil », affirme-t-il.

Ces lits mesurent généralement deux mètres de longueur et 80 cm de largeur. Il y a aussi ceux de 50 à 60 cm de largeur. « C’est selon la commande », fait savoir l’artisan. Et par jour, il peut fabriquer 10 à 20 lits. Le prix varie de 20 000 à 27 500F. « Sur un lit, je fais des bénéfices de 2 000 à 3 000F », dit Haroun Abakar. Pour se conformer à la législation, l’artisan dit qu’il paie des taxes à la Mairie chaque mois à hauteur de 3 000F, aux impôts 32 500F l’année.

Depuis quelques années, Haroun dit rencontrer d’énormes difficultés. Financières surtout. Après le démantèlement de son atelier PetroTchad, le maître des lits picots n’a plus les mains sur le picot. « Avant j’étais bien organisé. Mais maintenant c’est difficile », avoue l’artisan. Difficile parce que la concurrence est là. Mais là n’est pas le problème, d’après lui. « Les aides du côté de l’État manquent vraiment dans ce secteur », dit-il déçu. Il affirme avoir déposé plusieurs fois son projet de création d’un atelier dans des institutions comme FONAP, FONAJ, ministère en charge des Petits métiers mais sans succès, « mon objectif est de créer un atelier digne de ce nom, former des jeunes pour pérenniser ce savoir-faire ».

En attendant, des jours meilleurs, Hassan Abakar et ses 17 apprentis travaillent pour le plaisir de leurs compatriotes. Car, le lit est un endroit par excellence où l’homme passe le plus de son temps. Et le lit picot est plus sollicité pour des temps de repos courts.

Christian Allahadjim
Allarassem Djimrangar

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