dimanche 24 novembre 2024

Manifestations contre la France et le CMT

Avr 27, 2021

Bien qu’interdite, la manifestation pacifique de la coordination des actions citoyennes dénommée « Wokit Tama’’ a eu lieu ce mardi. À N’Djamena, le mouvement de contestation a été durement réprimé. Reportage.

L’air est pimenté à Moursal, Chagoua, Abena, Atrone Gassi et Walia, des quartiers qui se trouvent dans le 6e, 7e et 9e arrondissement de la ville de N’Djamena. Ils sont considérés comme des bastions de la contestation. La capitale politique tchadienne s’est réveillée secouée par des coups de sifflet, des tintamarres des casseroles, des vuvuzelas entremêlées de l’hymne national.

Cet appel à manifester pacifiquement a été lancé par la coordination des actions citoyennes dénommée « Wokit Tama » et le Mouvement citoyen le temps. Le mot d’ordre de cette marche est de dénoncer la transition militaire mise en place après le décès du président Idriss Déby Itno et les ingérences de la France dans les affaires internes du Tchad.

Dès 5heures du matin, des coups de sifflets, des vuvuzelas et de tintamarres ont réveillé les habitants de ces quartiers. Une stratégie pour mobiliser assez de participants. Des groupes se forment à la suite et les rues sont envahies. Ce qui est censé être une marche pacifique s’est très vite transformée en un affrontement entre les protestataires et les forces de l’ordre.

À Chagoua, Atrone, Gassi, Walia, la résistance des manifestants a été farouche. Et la réplique des forces de l’ordre a été aussi foudroyante. En petit groupe, les protestataires ont brûlé des pneus sur les grands axes, scandant des slogans et des affiches antifrançaises perturbant ainsi la circulation. L’axe CA 7 par exemple a été bloqué à la circulation avec des pneus en flamme tout le long de l’avenue. Même scène sur les avenues du 10 octobre et Jacques Nadingar. Certains manifestants ont brûlé le drapeau français. D’autres se sont attaqués à des intérêts français comme le saccage de la station Total, à Gassi.

Pour disperser les manifestants, la police antiémeute, le GMIP, a fait usage des gaz lacrymogènes. Les secteurs tels que Abena, Chagoua et Atrone sont devenus un champ de tir à balles réelles. L’air de ces secteurs est pollué et l’atmosphère invivable. Le quartier Walia dans le 9e arrondissement ressemble à un état de siège. Dans certaines zones, la police a violé même des domiciles pour procéder à des arrestations. Les manifestants affirment être déterminés à en découdre avec la junte et la France. Des gendarmes et des militaires sont appelés en renfort. Des tirs à balles réelles ont été constatés. Des rafales même par endroit. Résultats, on dénombre une vingtaine de blessés, des cas d’évanouissement et des morts. Selon un premier bilan dressé par le procureur de la République près du tribunal de grande instance de N’Djamena, cinq personnes ont été tuées, des véhicules de police endommagés et plusieurs blessés parmi lesquels l’artiste-rappeur Raïs Kim qui a reçu une balle à la cuisse. Plusieurs journalistes ont été aussi arrêtés par les forces de l’ordre et de la sécurité avant d’être relâchés. Ils sont facilement identifiés dans leur gilet estampillé Presse. Pourtant ils sont supposés être des témoins des évènements.

Un jeune homme rencontré devant la radio FM Liberté se plaint d’avoir été arbitrairement tabassé par les forces de l’ordre. «Regarder mon dos, les policiers m’ont roué des coups alors que je discutais le prix de poisson avec une marchande en face de l’échangeur de Chagoua. Et pourtant je ne suis même pas un manifestant. C’est comme ça qu’ils veulent nous gouverner? Dieu les voit», confie-t-il, l’air très fatigué.

Les manifestations se sont déroulées également en provinces. À Moundou, la seconde ville, il y a eu un mort. À Doba toujours au sud du pays, des jeunes sont sortis manifester en dénonçant la junte et la France. Ils exigent le retour à l’ordre constitutionnel. Au centre du pays, notamment à Mongo, des jeunes ont manifesté.

Aux dernières nouvelles, le président français Emmanuel Macron a condamné la répression de cette manifestation. Et surtout fait nouveau, il affirme être contre un plan de succession.

Christian Alladjim, Moyalbaye Nadjasna

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