vendredi 29 mars 2024

Champ de fil, déguerpis puis réinstallés ils parlent

Juil 07, 2020

En 24h les habitants du marché champ de fil sont passés du statut des déguerpis illégaux à celui des réinstallés. Ialtchad Presse est allé à leur rencontre pour évoquer avec eux leur infortune. Ce sont des hommes et des femmes qui en ont gros sur le cœur. Reportage.

Jeudi 23 juillet, 9 h 25 mn. Les nuages gorgés de pluie de saison couvrent une partie du ciel de la capitale tchadienne, N’Djamena. Sur le site déguerpi du quartier Amriguébé du côté Marché dit Champ de fil, Abdoulaye Djibrine, un père de famille habitant la zone depuis 1985, inspecte sa maison reconstruite avec des morceaux de tôles. Un jour avant, il était contraint de défaire cette même maison de fortune sur ordre de la Mairie centrale de N’Djamena. Juste à côté, un groupe de jeunes s’efforcent, tant bien que mal, à reconstruire un hangar qu’ils ont détruit la veille, 1 h du matin, à la hâte pour pouvoir emporter le matériel de peur qu’il ne soit rasé par les autorités. Et qu’ils ne les perdent.

Dimanche 19 juillet. Ce jour, le Gouverneur de la ville de N’Djamena, Mahamat Zene El Hadj Yaya, après une descente au marché Champ de fil, a instruit la Mairie centrale de procéder au déguerpissement des habitations du coté Est des lieux pour « occupation anarchique ». « Nous avons été informés au soir du dimanche et ils ont ordonné de quitter les lieux le lundi, sans aucun préalable », dit la victime.

Lundi 20 juillet. Au petit matin, les habitants concernés par la mesure ont plié bagage sans aucune orientation des autorités. « Ils nous ont déguerpi sans nous montrer où nous devons nous réinstaller », se désole Abdoulaye, dépité et un peu amer. Ce sont plus 700 hangars-maisons qui ont été défaits laissant plus de 1 500 personnes sans abri, d’après le délégué des déguerpis, M. Hassaballah Mahamat Elhadj.

Mardi 21 juillet, revirement spectaculaire des autorités. La Mairie de la ville de N’Djamena revient sur sa décision. Le Maire Oumar Boukar Gana « est venu sous la pluie nous informer de nous réinstaller sur le site sans aucun détail », dit Abdoulaye, les yeux écarquillés, gesticulant de deux mains. Bien que la nouvelle soit bonne pour lui et les autres, beaucoup de déguerpis éprouvent des difficultés à se réinstaller, affirme Abdoulaye.  « Nous avons tout arraché (tôles, lambourdes, fer) pour laisser le terrain vide. Aujourd’hui nous peinons à reconstruire nos maisons, car les tôles, usées, sont déchirées en lambeau, les fers, cassés, demandent à être soudés, mais nous n’avons pas d’argent pour tout ça. »

Les difficultés sont encore grandes pour ceux qui ont déjà quitté le site. « Nos amis qui sont déjà partis veulent revenir, mais ils n’ont plus d’argent pour le transport. Le peu qu’ils disposaient ils l’ont dépensé pour faire évacuer leurs effets. » Malgré tout, Abdoulaye et certains de ses compagnons ont pu ou pourront reconstruire leurs maisons de fortune avec des matériels défectueux.

Peur bleue

Bien que les habitants de la zone Est du marché de champ de fil se réjouissent de ce rétropédalage des autorités, ils ont peur. Une peur présente dans les mots prononcés par les victimes. « Ça fait des années que nous habitons ce site sans avoir créé aucun problème que ce soit. Mais aujourd’hui, les autorités nous taxent de fauteurs de l’ordre et ordonnent notre déguerpissement avant de revenir à de meilleurs sentiments. Nous avons bien peur qu’un autre matin, elles reviennent encore nous demander de quitter les lieux », s’inquiète Issa sous le regard approbateur de son ami Abdoulaye qui « exige des garanties pour se réinstaller en paix. »

Abdoulaye Djibrine et ses compagnons appellent les autorités à l’aide pour leur réinstallation. Pour les victimes, la saison des pluies complique les choses et les expose à la merci des intempéries à la veille du redouté mois d’août communément appelé « chari tamané » en arabe local ou le 8e mois. Il est connu pour être le mois le plus pluvieux charriant avec lui les intempéries de tout genre.

Jeudi 23 juillet, le Maire Oumar Boukar Gana convoque dans la matinée le délégué des déguerpis et réinstallés du Marché Champ de fil, M. Hassaballah Mahamat Elhadji. Selon ce délégué, l’ordre du jour de la rencontre était : recensement et aide aux habitants.  

« Une promesse reste une promesse. On verra la suite. », lâche M. Hassaballah suivi de la formule usuelle InchAlla (s’il plaît à Dieu). Enfin, il précise que toute aide de la Mairie ou d’ailleurs est la bienvenue. Une aide pas forcément financière, elle peut être en matériaux de reconstruction ou en nourriture.

Christian Allahadjim

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