Nous publions ici le premier article d’une série de reportage sur le terrain de l’opération Haskanite. Reportage.
11h 39 minute. L’hélicoptère de l’armée tchadienne embarque manu militari l’équipe de journalistes vers le terrain des opérations. C’est un hélicoptère des opérations, un de ces oiseaux qui peut servir de transport et aussi une arme volante. L’équipage réchauffe l’appareil qui a l’air vieux mais qui est d’une efficacité redoutable. Nous étions 12 journalistes plus quelques militaires à embarquer. Je rencontre vers le chemin de l’aérodrome un parent à plaisanterie. Un militaire borno. J’annonce à des confrères, « c’est mon esclave devenu militaire ». Il me rétorque « c’est mon garde troupeau de vaches ». On rit aux éclats en se dirigeant à pied vers l’aérodrome.
On embarque. L’hélicoptère décolle. Il vole à basse altitude. Je ne suis pas un grand connaisseur de ces oiseaux volants tueurs, mais il va vite. Trop vite. En vue aérienne, de petits villages dispersés faits de cases en chaume sont comme posés par une main sur plusieurs archipels. Une forêt d’arbustes parsème notre parcours. Partout des îlots. Le sol est sablonneux. À l’intérieur de l’appareil, c’est silence en attendant l’atterrissage. Inutile de parler tellement le bruit du moteur et des hélices étouffent tout. Ceux qui essayent de se parler sont obligés de crier. Notre pilote maîtrise bien son vol. On a l’impression d’être dans une parade, il tourne et retourne l’appareil avec une aisance déconcertante. Ce qui est rassurant pour la confrérie des « bavards » qu’aime nous désigner la « grande muette » ( les militaires). Ils sont partout, partout. Et pourtant on s’entend bien sur le théâtre des opérations. Ils adorent nous montrer leurs exploits. C’est sur le terrain qu’on se rend compte qu’être militaire n’est pas une panacée. Surtout, être militaire tchadien est encore plus dure. Tous ces hommes et femmes se sacrifient pour nous poussions dormir tranquille. On est souvent durs avec eux malgré le don suprême de soi qu’ils font pour notre sécurité, pour notre mère patrie, pour l’existence du pays.
12h 03 min. L’hélicoptère atterrit en douceur. Nous sommes au camp militaire qui a subi l’attaque de la secte terroriste Boko Haram. L’accrochage du 28 octobre a eu lieu dans ce camp de Balkram.
Le Général Tahir Youssouf Boy est le premier à prendre la parole souhaitant à tous la bienvenue. Il affirme, « c’est ici que le président Mahamat Idriss Deby Itno a lancé l’opération Haskanite ». Le ministre de la Défense Issakha Malloua Djamouss est le deuxième à parler. Il remercie le ministre de la Communication, de l’Économie numérique et de la Digitalisation de l’Administration publique Dr Boukar Michel. « Il n’y a pas de site de Boko Haram ici au Tchad M. le ministre nous vous remercions d’être là. La population de cette zone souffre. Elle manque de tout. Elle n’a pas à manger, ni de quoi se soigner. Il n’y a pas de route avec la crue des eaux du Lac à cause du dérèglement climatique. On va d’île en île. Il y a quelques années on venait ici en véhicule. Ce n’est plus le cas ». Le ministre de la Défense insiste en réaffirmant qu’il n’y a pas de base de Boko Haram au pays.
C’est au tour du ministre de la Communication Dr Barka Michel de s’adresser aux journalistes . Il rend d’abord hommage aux forces armées tchadiennes et au président de la République Mahamat Idriss Deby qui selon ses propres veillent sur le pays. « L’engagement de nos forces de défense nécessite notre soutien. Vous journalistes, vous avez un rôle à jouer, celui de dire la vérité ». Le ministre appelle la communauté internationale à venir en aide au Tchad en soutenant cette lutte. « Vous voyez, vous-même Mmes et M. les journalistes, la vérité. Dites la vérité. Racontez la vérité aux Tchadiens et à la communauté internationale. Pourquoi le Tchad est seul sur le terrain? ». Il enchaîne en soutenant que malgré les déplacés, les réfugiés, le Tchad fait face seul aux dangers, à la mort. Le ministre appelle les humanitaires, les partenaires internationaux à accompagner le pays. Il termine son intervention en remerciant le gouverneur Saleh Haggar Tidjani.
12h 39. Le chef du village de Balkram Ibrahim Mahamat, entouré de 4 autres notables, est le dernier à parler. Il raconte cette nuit de terreur. Et dit que les populations souffrent, « nous n’avons rien pu sauver lors de l’attaque. Nos maisons sont brûlées, nos commerces ont été incendiés. Je n’ai pu sauver que les habits que je porte sur moi », dit-il le visage triste. Adam Abderamane, un commerçant de l’île témoigne en soutenant que « tous les produits des commerces ont étés brûlés, des commerçants tués, etc ».Un témoignage poignant qui décrit l’horreur vécue.
Bello Bakary Mana depuis le terrain des opérations à Balkram au Lac