L’espace champ de fil situé dans le 5e arrondissement de la ville de N’Djaména, la capitale tchadienne, réputée dans la vente des pièces détachées des engins de tout calibre, a aussi subi l’opération de déguerpissement de la ville le 8 juillet passé. Mécaniciens, « petits débrouillards » et boutiquiers sont vent debout contre cette décision. Reportage.
Sur le lieu, les endroits autrefois occupés par des pièces des engins et des véhicules sont remplacés par une clôture en tôle. L’ambiance qui y régnait a laissé place aux véhicules de la police stationnés. Les mécaniciens, les chefs de garages sont chassés de leur lieu de travail. Le 11 juillet dernier, quelques jeunes mécaniciens mécontents ont saccagé la clôture en tôle qui a délimité ce l’endroit qu’ils considèrent comme leur espace de travail. Pour eux, le délai accordé pour quitter les lieux est très court. Et, certains disent avoir appris que leur espace est attribué temporairement aux vendeurs de « Wall Street ou marché Dubai Garr Tigo », eux aussi déguerpi du centre-ville. Cette situation est une pilule difficile à avaler pour les déguerpis de Champs de fil qui se sont installés depuis plusieurs décennies. Certains disent être informés avec un retard. C’est le cas de Béchir, propriétaire d’une entreprise de fabrication des briques en parpaings. « C’est de l’injustice, cet acte posé par l’État. Nous avons reçu le préavis à seulement 4 jours du déguerpissement sans même voir les preuves de ce préavis », fustige-t-il.
« Ils nous ont déguerpis sans toutefois nous proposer un endroit ailleurs. Nous attendons que les autorités nous trouvent un endroit. Les autorités ne sont pas sérieuses, sinon comment expliquer le renvoi des gens qui ne veulent que travailler pour survivre ? Nous sommes disposés à toutes les propositions. Si le gouvernement nous demande de partir, nous partirons. Mais, il faudrait qu’il songe à nous trouver une place », concède Aboubakar Chabana Abdelkérim, chef de garage rencontré sur place.
Par contre, certains jeunes manifestants ont saccagé les feuilles de tôle à cause d’un propriétaire de parking qui n’a pas été déguerpi. « Si ces jeunes se sont révoltés, c’est parce qu’un propriétaire du parking qui se trouve de l’autre côté n’a pas bougé d’un iota. Or la loi doit être appliquée à tout le monde. Soit nous partons tous ensemble soit nous restons tous », justifie Abakar Abdoulaye.
L’accusé rétorque en soutenant que, « cette manifestation n’est en aucun cas liée à mon installation. Ces personnes sont venues nous demander de participer à cette révolte. Mais, nous avons refusé, car c’est l’État qui s’est prononcé. Nous avons été informés du préavis à seulement 4 jours. Nous n’occupons pas cette place par la force ni par une influence quelconque. Je suis propriétaire de 3 parkings avec mes frères, nous avons plus de 200 véhicules stationnés dont certains propriétaires sont à l’étranger. Où est-ce que nous pouvons trouver un espace pouvant contenir ces véhicules dans un délai de 4 jours ? », se défend-il. Ce propriétaire de parking indique que lors de la visite des autorités dernièrement, l’accent a été mis plus sur l’évacuation des zones insalubres. « C’est de la pire injustice ce que nous vivons. Comment peut-on expliquer le renvoi des pauvres pour donner aux plus riches ? Ne sommes-nous pas aussi des Tchadiens ? », ajoute-t-il.
Il explique être volontiers de se faire déguerpir s’il y’a un espace pouvant contenir ses véhicules. Il soutient que les commerçants, les mécaniciens respectent les règles. « Nous nous sacrifions pour le bien du pays en payant régulièrement nos taxes, impôts, patentes et douanes qui s’élèvent à plusieurs millions. Nous représentons toutes les couches sociales ici au parking. Il faudrait qu’on nous traite avec dignité pour notre contribution au développement », dit-il en terminant.
Ano Nadege
Mahamat Yang-ching