Les relations diplomatiques entre Israël et Tchad étaient rompues en 1972. Elles se sont réchauffées il y a 4 ans. La semaine dernière le président de transition (PT) Mahamat Idriss Deby a effectué une visite de travail à l'État hébreu où une représentation diplomatique tchadienne est inaugurée le 2 février. Il s’est déplacé 48 h après à Paris pour 48h. Ces déplacements font parler. Pourquoi Mahamat Idriss Deby est allé dans ces deux pays? Analyse et décryptage par deux analystes.
En moins de deux semaines, le PT Mahamat Idriss Deby s'est rendu en Israël et en France. Deux pays stratégiques dans le domaine de la sécurité et du renseignement. La première visite a été marquée par l'inauguration d'une ambassade du Tchad en Israël. La seconde visite est marquée par la nouvelle stratégie de la France dans le contexte du retrait de ses forces françaises du Burkina Faso et leur probable redéploiement dans un espace proche, rapportent nos sources.
Interrogé, Dr Évariste Ngarlem Toldé souligne qu'il faut au préalable observer le contexte. Il estime que la deuxième phase de transition n'a pas fait consensus et le pays est menacé par les rebelles au nord et par une nouvelle rébellion récemment crée au sud, dit-il. Selon lui, l'ouverture d'une ambassade en Israël cache un enjeu sécuritaire important. Il soutient que l'État hébreu est performant dans ce domaine et le Tchad en a besoin. « Nos frontières sont poreuses et la transition a besoin d'un service de renseignement et de sécurité de qualité, Israël peut aider en cela », a-t-il confié.
Toujours selon Dr Toldé, la visite du PT peut s'expliquer au-delà de l'ouverture de l'ambassade ou d'échange diplomatique, « ça permet de raffermir et d'asseoir le pouvoir Mahamat Idriss ». Pour ce qui concerne la France, il relève qu'elle est rejetée un peu partout, elle n'a pas trouvé mieux que le Tchad. Selon lui, le Tchad a toujours été le bastion et l'avant-post des guerres que mène la France en Afrique surtout sahélienne. « Mahamat Idriss Deby est parti pour avoir des orientations. Ce déplacement est au-delà d'une visite de travail. C'est la coopération militaire qui va être l'enjeu de cette rencontre entre lui et Macron. Le Tchad ne peut pas faire comme le Mali ou le Burkina Faso », a-t-il justifié. Il souligne qu'il sera difficile au peuple amorphe et à l'armée qui n'a pas le moyen de sa politique de tourner le dos à la France, « et il sera aussi difficile aux autorités de transition de retourner leur veste contre la France, faire cela au Tchad c'est creuser sa propre tombe ».
Pour Professeur Ahmat Mahamat Hassan, la France est un partenaire stratégique du Tchad depuis l'indépendance jusqu'à l'heure actuelle. Il estime qu'elle a même soutenu le fils après le décès de son père. Selon lui, malheureusement cette situation est en train de tourner au vinaigre depuis les évènements tragiques du 20 octobre où plus de 50 personnes ont été abattues et des arrestations arbitraires signalées. « La relation a commencé à se détériorer. C'est un passif difficile à purger et place les autorités de transition dans une situation encombrante. Le soutien de la France est terni par les évènements du 20 octobre ». M. Mahamat Hassan affirme que la visite de Mahamat Idriss Deby à Paris s'explique par « une demande d'apaisement et aussi rassurer les autorités françaises au sujet de la nouvelle phase de transition pour continuer à bénéficier du soutien de la France notamment de la base française et aussi du soutien politique », dit le professeur.
Au sujet de la visite à Tel-Aviv, pour le Pr Ahmat Mahamat Hassan Israël est un ancien partenaire avant l'indépendance, mais au-delà se cache un enjeu sécuritaire, estime-t-il. « C'est pour la stabilité de la transition, ce n'est pas pour la question de la sécurité du Tchad. Le Tchad n'est pas en insécurité grandissante. On avance des prétextes économiques, mais l'enjeu est plutôt sécuritaire », a-t-il conclu.
Abderamane Moussa Amadaye