TCHAD : La réconciliation nationale est-elle possible ?

Written by  Mai 15, 2007

Dans notre observation et recherche sur les conflits du Tchad et la situation politique dans ce pays, nous avons identifié des centaines des formations politiques, des organisations politico-militaires et Associations de la Société civile. Toutes s’intéressent activement aux conflits qui déchirent le pays et opposent ses leaders politiques. De ce constat, nous nous posons la question de savoir : Pourquoi la question politique intéresse-t-elle si tant les Tchadiens ? La population du Tchad est inférieure à dix millions d’habitants. La Fonction publique tchadienne totalise moins d’un million de fonctionnaires. Depuis l’indépendance en 1960 à nos jours, le pays a connu plusieurs conflits sociaux, politiques et des affrontements armés, ayant entraîné des milliers de blessés et de morts.

Plusieurs tentatives de réconciliation nationale ont été amorcées selon chaque régime et de multiples Accords de paix sont adoptés et signés. Des élections législatives et présidentielles sont organisées, plusieurs Gouvernements d’ouverture ou de consensus sont formés, mais aucune solution définitive n’a été trouvée. Les dissensions entre les acteurs politiques, les défections au sein des partis politiques, dans les Organisations politico-militaires et les désertions au sein de l’Armée nationale, provoquent de vives tensions politiques et sociales dans le pays et entraînent souvent des affrontements armés avec leur cortège de malheurs sur des citoyens innocents.

Aujourd’hui les populations civiles tchadiennes en ont vraiment assez. Les militaires du gouvernement tout comme les combattants rebelles sont fatigués. Néanmoins, les leaders politiques du pouvoir ou de l’Opposition persistent dans leurs ambitions et tergiversent sur l’option à adopter pour aboutir à un compromis raisonnable. Vu la gravité et l’impasse de la situation, ces mêmes leaders politiques tentent de trouver une voie de sortie de crise. Des rencontres et concertations se multiplient, plusieurs émissaires dont l’ancien président tchadien Goukouni Weddeye, sont sollicités pour explorer la situation et rapprocher les positions. Certains des Opposants exigent un <dialogue inclusif> et le Gouvernement au pouvoir propose la <réconciliation nationale>. Bref, c’est déjà une bonne chose, car l’idée principale de négociation politique n’est pas écartée et il n’y a pas non plus de rupture totale. Mais comment avancer de manière concrète afin d’aboutir à des solutions acceptables pour tous et dans l’intérêt du Tchad ?

- Pour les partisans du <dialogue inclusif>, le débat sur les conflits du Tchad doit être soumis à une concertation générale, regroupant tous les acteurs de la crise tchadienne à savoir, les partis politiques, les politico-militaires, les Associations de la Société Civile, la Diaspora tchadienne, etc… sous la médiation de la Communauté internationale, pour aboutir à la mise en place d’un Gouvernement de Transition et organiser des élections libres et démocratiques. Cette position serait soutenue par les rebelles de l’UFDD de Mahamat Nouri et du RFC de Timan Erdimmi, mais aussi par les autres membres de la rébellion, tels le CPR du Dr Amine Ben Barka et la CNT de Dr Al Djineti  Allazam, tout comme l'Opposition politique de l'intérieur, telle la CPDC et le parti FAR, mais aussi  la Société civile.
Les enjeux de nos conflits sont importants et les stratégies à adopter semblent difficiles, mais est-il vraiment nécessaire de faire participer tout ce monde ? Cela ne nous ramènerait-il pas à une nouvelle forme de Conférence Nationale bis ? Le nombre des participants importe peu, mais c’est plutôt la qualité et la pertinence des propositions réalistes à présenter qui devraient mériter plus d’attention.

- Pour le Gouvernement tchadien, l’organisation d’une table ronde pourrait conduire à «la réconciliation nationale» et serait une opportunité de ramener au bercail les Opposants en exil. L’idée n’est pas mauvaise, si cela pourrait restaurer la paix et maintenir la stabilité dans notre pays. Mais cet appel lancé est-il général à tous, ou seulement aux politico-militaires de l’Est ? L’ancien président Goukouni Weddeye dans sa mission de bons offices a-t-il des propositions concrètes pour rassurer les frères de l’Opposition, non seulement de leur sécurité mais aussi pour un réel partage du pouvoir ? A-t-il de garanties pour l’amélioration de la méthode de gouvernance dans notre pays et dans l’intérêt national ? Son rôle à lui se limiterait-t-il à la médiation uniquement ou sera-t-il aussi impliqué avec son organisation, les FAP/CPR, comme partie prenante dans ces pourparlers ?

<Dialogue inclusif> ou <réconciliation nationale>, les belligérants ont-ils une réelle volonté de mettre fin aux conflits politiques et aux affrontements armés qui endeuillent les familles tchadiennes ? Les Tchadiens doivent-ils avancer vers l’essentiel ou perdre le temps sur des interminables querelles de procédure qui cachent d’autres intentions inavouées ? Cette <réconciliation nationale> ou ce <dialogue inclusif> doit-il être amorcé seulement avec les Groupes armés qui menacent la stabilité du pays ou également avec certains leaders politiques de Opposition de l’intérieur et de l’extérieur, afin de créer réellement une accalmie générale sur l’ensemble du pays ? L’objectif fondamental serait-il de restaurer la paix et la stabilité au Tchad ou bien de répéter les erreurs des années 79-80, en se limitant uniquement au partage des postes de responsabilité au Gouvernement et dans l’Administration ? Nos frères protagonistes cherchent-ils de vraie solution ou veulent-ils se reconstituer de nouvelles formes d’alliances stratégiques pour mieux gouverner et dominer la majorité silencieuse des Tchadiens généralement pacifiques ?
Les conflits en Afrique sont multiples, et quelle que soit leur ampleur, des solutions pacifiques sont trouvées, alors le Tchad ne fera pas l’exception. Les affrontements armés peuvent dissuader mais ne pas conduire à une solution définitive et durable. C’est pourquoi, le dialogue et la concertation sont toujours nécessaires, mais sur des bases objectives. La réconciliation nationale est certes bien possible, si les belligérants tchadiens font un effort pour ignorer leurs ambitions et intérêts personnels, penser à la souffrance des populations et trouver un compromis politique réaliste et viable pour restaurer la paix et la sécurité pour tous.
Tout leader politique Tchadien qui se respecte en tant qu’homme d’Etat, doit dépasser des visions clanique et régionale, pour accepter de gouverner le pays avec l’adversaire d’aujourd’hui qui pourrait être le partenaire sûr de demain. Et la mise en place d’un Etat démocratique et crédible fondé sur le respect des droits et libertés, sera un grand honneur pour le Tchad. Mais comment se présente aujourd’hui notre paysage politique de manière générale ?

Il y a d’un côté le Gouvernement, les politico-militaires et les partis politiques de l’Opposition. Et de l’autre côté, les Associations de la Société civile, les Syndicats, les Organisations de Droit de l’Homme et des personnalités indépendantes de la Diaspora. Bien que la chose politique intéresse tous les Tchadiens et chacun a ses ambitions, il faut faire preuve de retenue et aborder cette question de manière réaliste et objective, tout en situant chacun à sa place et devant ses responsabilités.

Les négociations politiques doivent se faire entre politiques, c’est-à-dire entre le Gouvernement au pouvoir, les Mouvements politico-militaires et les partis politiques de l’Opposition, légalement créés qui contestent le pouvoir et font des propositions réalistes. Les Associations de Droit de l’Homme, les Syndicats et les Organisations de la Diaspora, ne peuvent être que des témoins et observateurs, tout comme certains partis politiques alliés au pouvoir. Si certaines de ces Organisations ont des contributions importantes à faire, elles peuvent les présenter sous forme de propositions aux acteurs politiques en conflit. Mais de grâce, évitons des amalgames et le cafouillage, tirons les leçons des expériences passées pour avancer positivement et aboutir à de décisions historiques importantes pour enfin sauver le Tchad et l’avenir des générations futures. La paix et la stabilité dans notre pays mérite certes un effort de chacun et de tous, pour éviter la déstabilisation du Tchad et les ingérences intempestives d’autres Etats dans nos affaires intérieures.

Hassane Mayo-Abakaka 

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