Le grand Napoléon, empereur des Français né en Corse, devrait regretter deux aventures de toutes celles qu’il connut dans sa vie de conquérant entêté : l’aventure russe et Waterloo. En effet, rien n’avait résisté à ce stratège téméraire depuis sa jeunesse. Il a été le père du colonialisme français, appelé au départ ‘empire français’ et qui se métamorphosera jusqu’à sa forme actuelle, sournoise, cynique mais toujours cruelle appelée par les gauchisants ‘la Françafrique’. L’aventure, c’est le grand mot dont il faudrait parfois se méfier, même quand l’on se croit toujours plus malin et plus fort que les autres. Les dirigeants de ce ‘machin’ arche de zoé ont cru avoir la chance de Napoléon, en s’engouffrant dans la savane tchadienne, en plein milieu d’un conflit majeur lié justement aux velléités hégémoniques nourris sur les pauvres héritiers perdus de Toumaï le troglodyte.
Toumaï, le singe avant l’homme, c’est comme ça que les tchadiens ont toujours été considérés. Il est vrai qu’ils n’ont rien fait ou presque pour enrailler cette image dégradante qui les suit un peu partout. Ils ont battu les records des contre-performances du siècle : le taux de civisme et d’attachement patriotique le plus bas, l’obscurantisme, le divisionnisme et l’anarchisme poussé à l’avant dernier degré (le dernier étant la somalisation !), l’obstination à piller le patrimoine national par tous les moyens, notamment par les armes, nombre record de ‘groupes révolutionnaires’ jamais égalé pour presque aucun changement positif de société, etc. Pendant que le fatalisme endort les masses et la démission permanente drogue les élites, et que des pans entiers du pays de Toumaï plongent dans une situation persistante de non droit (état d’urgence répété), la lecture qu’en font des prédateurs avertis tels que les dirigeants de ‘arche de zoé’ est plus qu’opportuniste ! C’est dans ce genre de pays, pensaient-ils, où l’on peut faire de ‘bonnes affaires’ sans trop s’encombrer de principes moraux, la seule chose qui compte étant la fin qui justifie les moyens !
Quelques rappels brefs ! Éclatement de l’affaire, grâce à la vigilance d’un préfet et d’un officier de police locale. Non ! Ce ne peut être qu’une erreur administrative, rien de grave ! On prend l’avion pour venir « arracher » certains des blancos présumés à la justice tchadienne. Cette justice jugée peu fiable par les uns et par les autres, est littéralement assiégée et menacée, par qui ? Par Napoléon ! « Quoiqu’ils aient fait… » ; Il est dans l’ordre des choses que les blancos ne peuvent répondre devant des … nègros de leurs forfaits. Alors, à travers les médias, on apprend à tout un peuple ce qu’est la présomption d’innocence.
Cette gifle coloniale ne sera pas la dernière. En effet, de manière détournée, on avait rappelé au gouverneur de ce territoire Militaire d’Outre-Mer qu’il a tout intérêt à obtempérer, sinon… il n’y aura pas de ‘coups de semonce’ la prochaine fois. C’est un message assez fort, comme une alerte terroriste pour créer une ambiance folle au palais de justice de N’Djamena, où les juges sont devenus, malgré eux, des acteurs de scènes fortement médiatisés et travaillent à un rythme anormal mettant en doute le sérieux de leurs conclusions prochaines sur cette affaire.
Cela ne suffira pas : deux des personnes ‘provisoirement libérées’, mais dont on sait qu’elles ne seront plus inquiétées par une justice tchadienne humiliée, ne devraient même pas bénéficier de cette présomption d’innocence télécommandée de Paris. La ‘journaliste’ venue à titre privée pour se procurer un enfant à adopter, pouvait-elle ignorer toutes les règles en la matière, même certains aspects grossiers du montage ? Le pilote belge qui, à 75 ans ne se plaignait jusqu’ici d’aucun problème cardiaque ni oculaire pour arpenter les pistes dangereuses du Tchad, se sacrifiait-il par amour pour les enfants ou par appât du gain facile des missions difficiles généralement confiées à des mercenaires anonymes ? Il osa même insulter depuis son pays, ces tchadiens qui ne ‘sont pas capables d’élever leurs enfants’, au point de continuer à justifier son forfait ?
Le plus étonnant dans cette affaire, c’est l’importance donnée aux bandits, au détriment des enfants kidnappés dont on ne regrette qu’une chose, les euros irrécupérables versés à la nébuleuse ‘arche de zoé’ pour l’achat de ces enfants. Il s’agit bel et bien d’un trafic d’enfants planifié de sang-froid, en exploitant à la fois le drame du Darfour fortement médiatisé et les faiblesses d’un encadrement administratif et sécuritaire déficient de l’Est du Tchad. L’assurance et l’arrogance exprimées par les bandits de l’arche de zoé démontrent bien qu’ils ne sont que la partie visible d’un monstre plus grand et plus méchant que des pauvres négros tchadiens n’ont pas intérêt à vouloir défier plus longtemps avec cette affaire. En effet, si l’on refuse de considérer que les bandits de l’arche de zoé ont été pris en flagrant délit, « le sac dans la main », pour être traités comme tels, comment peut-on expliquer l’une des opérations précédentes du même genre effectuée en septembre dernier ? Comment peut-on expliquer que l’un des bandits, présent le soir du 16 septembre à Abéché dans son faux accoutrement d’humanitaire, se retrouve le lendemain débarquant dans un aéroport militaire français et passant par une gare de Paris avec une bonne bande d’enfants kidnappés au Tchad incognito ? Air France aurait-elle un accord commercial stratégique avec la flotte militaire française au Tchad pour certains transports hautement sécurisés et top secret ?
Plus l’on examine les contours de cette affaire et de ses précédents, plus il apparaît évident qu’il s’agit d’une affaire d’Etat, très compromettante pour les institutions françaises et révélatrices des pièges qui risqueraient d’enterrer des ambitions hégémoniques devenues démentielles. Nous sommes convaincus que, pour cette raison seulement, cette affaire ne sera jamais jugée au Tchad. Quelques voyous français issus des banlieues de paris, qui entreprendraient une telle opération pour les intérêts de trafiquants anonymes, n’auraient inquiétés personne en hexagone par leur séjour dans les geôles tchadiennes.
La partie française dispose d’atouts en réserve pour aboutir à son ultime objectif, à savoir la délocalisation de cette affaire au profit des tribunaux français où elle perdra rapidement son intérêt médiatique et traînera les procédures pour de longues années. L’intérêt de l’ordre public et de l’image de la France canalisera la conduite de cette affaire dans le sens souhaité. Les tchadiens, pour leur part, seront bientôt rattrapés par leur triste réalité quotidienne conflictuelle habituelle, au point que l’instinct de survie ou d’en découdre avec le frère ennemi sera plus fort que l’attache sentimentale au sort d’enfants victimes de notre propre turpitude.
Ainsi, en dehors de quelques rares opposants politiques conséquents s’étant clairement exprimé sur cette affaire, nombre de leaders politiques et d’opinion connus auraient du remord, parce qu’ils espéraient vivement que leur adversaire de toujours IDI aie été pris « le sac dans la main » dans cette affaire, ce qui les arrangerait dans leur réflexe épidermique d’opposition hystérique. Alors, l’on crie à la manipulation de la jeunesse pour les manifestations publiques de ces derniers jours. C’est dommage qu’une frange d’élite aussi ‘civilisée’, ne perçoive pas la profondeur de l’émotion suscitée par cette affaire à travers toute l’Afrique et au-delà ? Simplement parce qu’on est habitué à s’entredéchirer pour faire carrière en politique et en opinion ? Quelle honte ! L’Histoire retiendra ces lâchetés, de toutes les façons ! Car si, parallèlement aux manifestants ‘pro pouvoir’, les autres exprimaient publiquement à leur manière, pour une fois, comme les 17-18 février 1992, leur indignation et leur mécontentement, qui aurait manipulé qui ? À quelle tendance politique appartiennent les enfants kidnappés de l’Est ? La lâcheté par l’abstention coupable ne paie pas en politique, surtout dans un contexte comme le nôtre, chose malheureusement incompris par certains leaderships en dérive !
Ce qu’il faut reconnaître : le sursaut de notre magistrature n’aurait pas eu lieu si ces jeunes ‘manipulés’ n’avaient pas maintenu la pression au départ, peu importe qu’ils soient de tel camp. Personne n’a empêché aux autres de manifester publiquement, pour cette affaire seulement !
Mais comme nous sommes au Tchad, les valeurs sont inversées. Rien n’étonne ! Le coup de l’arche de zoé devrait définitivement réveiller l’âme profonde du peuple tchadien. Parce que ces enfants kidnappés sont des innocentes victimes de nos éternelles turpitudes, les anges sont venus à leur secours pour les sauver d’un autre esclavage, et que la nébuleuse qui se cache derrière ache de zoé est tombée dans ses propres filets au Tchad. Mais attention ! Les jeunes qui manifestent aujourd’hui pour tout ou pour rien, avec violence à N’Djaména, sont les produits déséquilibrés de nos défaillances cumulées : très organisés, mobiles grâce aux NTIC et aux motos, ils sont en train d’expérimenter de nouveaux procédés de révolte. Peu formés civiquement et philosophiquement, cette jeunesse du désespoir permanent est la plus terrible des rébellions en gestation. Petit à petit, elle se met en place, face à des adultes qui ne réfléchissent plus et qui ne savent plus reconnaître les signes des temps. Un jour viendra où cette jeunesse se déchaînera, hors des clivages et des sentiers battus, et contre qui ? Comprenne qui pourra…verra qui vivra !
Enoch DJONDANG