La diplomatie, cette mission de prestige et de noblesse est utilisée au Tchad par les autorités officielles pour écarter ou pousser à l’exil, soit des Hommes politiques d’envergure nationale, soit des Hauts Cadres de grande compétence. Sous le régime actuel du président Idriss Deby Itno, combien des Diplomates ont abandonné leur mission ? Pourquoi certains démissionnent-ils pour rentrer au pays et d’autres quittent leurs fonctions pour aller en exil ? Qu’est-ce qui justifie de telle réaction et quels efforts le Gouvernement et les responsables du Ministère des Affaires Etrangères ont-ils fait pour éviter de telle situation ?
La gangrène de la diplomatie tchadienne est entretenue par des personnes connues, pour leur incapacité notoire de faire évoluer les relations internationales du Tchad. Dans les années 60, des recrutements pèles mêles ont été effectués pour combler l’absence des cadres qualifiés dans l’Administration tchadienne. Dans la Diplomatie, parmi les recrus tchadiens de l’époque, certains se sont adaptés et d’autres malgré les recyclages reçus, sont restés limités. Aujourd’hui 40 ans après, certains s’accrochent au centre des décisions, mais ils restent plus préoccupés à se pérenniser au Ministère que de préconiser des innovations crédibles tenant compte du nouveau contexte international. Pour dissimuler leur incompétence, ils œuvrent que pour écarter de leur entourage des Cadres et Fonctionnaires, diplômés des grandes Écoles et Universités internationales. Ayant encore le réflexe du parti unique et des régimes de dictature, ces politiciens fatigués et souvent étourdis dans leurs agitations, n’ont d’autres moyens que de recourir à des basses pratiques pour étiqueter leurs collègues, « d’Opposants » au régime d’Idriss Deby, qu’ils sont d’ailleurs incapables de défendre correctement sur le plan international.
Dans le Scandale de l’Arche de Zoé, quelle a été la réaction du Ministère des Affaires Étrangères ? Ceux qui doivent défendre la Souveraineté du Tchad sont devenus des sourds-muets. Le Ministère n’a même pas de Cellule de Crise, pour réfléchir sur des questions d’urgence, ni de Porte-Parole officiel, indépendamment du Chef du Département. Bien que ce dernier assume de facto ce rôle, il s’est éclipsé dans un mutisme absolu, quitte à laisser le Président Deby s’enfoncer, se noyer et s’en pâtir seul, dans cette turbulence politico judiciaire placée sous hautes pressions diplomatiques. Pourquoi d’autres Ministères réagissent et pas les Affaires Étrangères ? La fameuse réaction indirecte, était pour détourner l’avion du Ministre Espagnole qui venait prendre le pilote impliqué dans l’Affaire de l’Arche de Zoé. Cela est-il prioritaire par rapport aux questions de fond soulevées dans la Presse internationale, relatives à la Souveraineté du Tchad, à l’Indépendance de la Justice tchadienne et au respect de nos Institutions étatiques ? Où sont nos politiciens agités du Ministère et où sont les multiples Conseillers à la Présidence ? Malgré l’agitation de certains, pourquoi se cantonnent-ils à rester des figurants ?
Dans la diplomatie tchadienne, il y’a certes des cadres qui ont fait leur preuve au niveau national comme international et acquis l’expérience et la qualification nécessaire. Au lieu de les accepter comme des collaborateurs utiles, ces agitateurs incapables les considèrent plutôt comme des nocifs concurrents à éliminer. La léthargie chronique de notre Administration diplomatique entretenue, par ces « retraités repêchés » qui se préoccupent plus de leur survie que de l’avenir du pays, entraîne la frustration des Agents au Ministère, de nos Diplomates et ternit la crédibilité du Tchad sur le plan international.
Au lieu d’étoffer les Représentations diplomatiques tchadiennes par des cadres qualifiés, expérimentés et ayant assumé des réelles fonctions politiques au Ministère, ils préfèrent plutôt des fanfarons connus pour leur tourisme de façade dans les Ministères. L’expérience ne s’acquiert pas par l’agitation politique, mais plutôt par un travail effectif étalé sur une période donnée. Tant que les Officiels tchadiens ne feront pas recours à la compétence et à la technicité, le Tchad considéré déjà comme « une République bananière », sera toujours traîné dans la boue. Et des ONG tels l’Arche de Zoé, dont les autorités officielles ne connaissent ni leur nombre exacte, ni leur Statuts, trouveront leur idéal terrain d’expérimentation. On ne construit pas un Etat crédible par l’exclusion des Hommes politiques de grande envergure, ni par des menaces politiciennes à l’encontre des cadres de valeur, reconnus même sur le plan international.
Pour les dirigeants tchadiens actuels, les critères de qualification, de compétence et d’expérience ne sont pas nécessaires. C’est pourquoi, priorité est accordée aux « griots » du régime qui applaudissent sans conviction, tout en espérant que DIEU les délivre un jour de leur enfer. C’est lorsque le pouvoir tend à se basculer, que nos politiciens de paille cherchent dans la précipitation à associer les patriotes et frères en rébellion armée. Quant aux partisans de l’Opposition dite « démocratique », ils doivent attendre en instance, l’application hypothétique des Accords signés et mis en veilleuse en espérant l’adhésion des Politico-militaires qui menacent réellement la stabilité du régime.
Quant aux Agents du Ministère, pour survivre ils doivent gratter pour satisfaire d’autres qui s’accaparent même leurs missions techniques de courte durée. Leur affectation à l’extérieur dépend des humeurs du Ministre et certains de ses amis Ambassadeurs ou des membres de son entourage, dont certains ne réfléchissent même plus. Des postes sont supprimés et crées sans évaluer au préalable leur nécessité et définir leur mission. Les Agents du Ministère sont rarement affectés mais vite rappelés. Pour les « parents et cousins », ils sont nommés aux postes de leur choix. Affectés à droite, réaffectés à gauche et la valse continue sans aucune planification, ni respect des textes en vigueur. Peut-on bâtir une diplomatie fiable par le tribalisme et les intrigues du quartier Gardolé ? Pour le Général Président, plus préoccupé par les dossiers militaires et les finances, cette Diplomatie qui ne lui donne pas satisfaction, est abandonnée à elle-même. C’est donc l’occasion pour certains de tripoter à leur guise et de s’épanouir au frais de la Princesse aux mamelles pétrolières. Comme le Tchad n’est pas un pays de suivi de dossiers, en cas de rappel à l’ordre, un Compte-rendu oral, même au Conseil des Ministres, suffit pour satisfaire chacun, car les uns et les autres en font de même.
Déçus par la gestion discriminatoire de cette diplomatie, certains Diplomates nouvellement nommés, traînent avant de rejoindre leur poste. D’autres en fonction mais excédés par cette situation d’injustice flagrante, optent pour l’exil ou la lutte armée. Quand un Diplomate entre en dissidence armée, c’est grave car les possibilités de dialogue n’existent plus. Cette situation est la conséquence logique de l’incapacité des dirigeants politiques tchadiens, mais également à cause de la gestion irresponsable des ressources humaines et financières de notre Diplomatie.
Cette analyse va irriter certains, mais elle a le mérite de présenter des situations et faits réels, souvent occultés au Ministère, mais vécues par des fonctionnaires et personnalités tchadiennes. Cela permettra de connaître l’état de santé de notre Diplomatie et de comprendre les causes qui sont à l’origine des réactions de nos Diplomates.
Hassane Mayo Abakaka