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Opération Arche de ZOE : la chasse au mystère

Written by  Nov 29, 2007

Le mystère continue de planer sur les réelles intentions de l’Arche de Zoé pour avoir choisi un pays entraîné depuis quelques décennies dans la spirale de déclin. Contre l’impuissance de la justice et contre l’impuissance d’un pays qui se défait, l’Arche de Zoé et l’Elysée ont visé une cible tout à fait indiquée pour mener une opération scabreuse et rocambolesque, chargée de culpabilité et de honte et qui ne semble nullement être une première, renfermant des victimes et des responsables.

Les victimes :                                                                                 

-          Les premières victimes sont sans nul doute les enfants enlevés à leurs parents, mis en dehors des feux de la rampe et prêts à être embarqués nuitamment pour la France. Comment comprendre que des gamins de un an fassent partie de la cargaison ? Et ceux ayant déjà en mémoire les images de leurs parents et/ou de leur entourage et qui allaient grandir, sans explication aucune, dans des milieux totalement différents des leurs ? Où en est-on avec la question biologique liée à l’immigration, je veux parler des tests foncièrement racistes d’ADN ?

-          Les secondes victimes sont les parents à qui on a extirpé les progénitures en leur faisant croire que ces dernières seront scolarisées en français et en arabe à Abéché, qu’elles suivront des cours coraniques (une carotte très alléchante dans cette région du pays). Comment expliquer la stupéfaction des parents si, une fois arrivés à Abéché, ils découvrent la vérité au cas où …, des parents pour qui il n’y a pas de bonheur sans enfant ? Ne vivront-ils pas le restant de leur vie avec la psychose d’avoir eu à faire à un rapt ? Ce mensonge est-il né d’intentions généreuses ? Rien n’est moins sûr. Le spectacle de l’amertume est déplaisant y compris pour les parents d’accueil (qui ont déboursé) dont je ne mets guère en doute la bonne foi puisque roulées dans la farine à l’instar des parents tchadiens. La peau de l’ours a été vendue sans que l’ours ne soit capturé.

-          La troisième victime est l’Etat tchadien qui perd, à son insu, une partie de ses enfants, de son avenir. Pourquoi n’avoir pas emprunté alors la voie légale si l’opération est aussi humanitaire que cela ?

Les responsables :

-          Le premier responsable est l’Arche de Zoé, une ONG française non répertoriée au Tchad et qui s’est fourrée sous les plumes d’une Association humanitaire « Children Rescue », ONG dont les intentions restent jusque-là brumeuses. Pourquoi 103 enfants tchadiens alors que le Brésil compte plus de 12 millions d’enfants abandonnés ? Est-ce pour tester le contrôle d’un territoire en proie à toutes sortes d’opérations mafieuses ? Un mépris des autres absolument épouvantable.

-          Le second responsable est l’Elysée (à distinguer des communs des mortels français) dont la politique a toujours été décriée en Afrique aussi bien par les Africains que par nombre d’Européens résidant en Afrique. L’Elysée semble condamner l’opération avec une rage qui n’a d’égale que l’embarras des Autorités françaises elles-mêmes. En effet, l’Elysée était bel et bien au courant de ce qui se tramait puisque Mme Rama Yade, la Secrétaire d’Etat française aux Affaires Etrangères et aux Droits de l’Homme a déclaré avoir tenté de dissuader l’Arche de Zoé de ne pas entreprendre l’opération en question. Et pourtant, le bras armé de l’Elysée en Afrique, l’Armée française a été mise à contribution pour le bon déroulement des choses : des travaux de rallongement de la piste d’atterrissage d’Abéché (sous le contrôle de l’Armée française) ont été entrepris pour permettre au Boeing de se poser, alors qu’il fallait tout simplement l’empêcher d’atterrir si l’Elysée était d’avis contraire ; la mission a été scrupuleusement suivie par l’Armée française à travers les villages d’où sont issus les gamins, etc. Ici au Tchad, aucune action ne peut être entreprise par l’Armée française sans l’aval de l’Elysée et de surcroît aucune tourterelle ne peut voler dans le ciel tchadien sans se faire intercepter par l’aigle royal qui plane nuit et jour au-dessus de nos têtes, l’Aviation française. Comme quoi, l’Elysée est au parfum des choses et comme pour éviter le moteur à explosion, elle s’est subrepticement rangée du côté du Tchad dès que l’action a échoué et c’est malhonnête. Il faut parfois être seul que mal accompagné. L’Elysée aurait dû rester fidèle à l’Arche de Zoé plutôt que de se livrer à un double jeu, une tactique de Sarkozy bien connue, semblable à celle qui a émaillé les élections françaises de 1995 où Sarko s’est rangé du côté de Baladur en disant qu’en cas d’échec de ce dernier, il rejoindrait Chirac parce que c’est un homme qui pardonne, et ça a réussi. La rapidité avec laquelle Sarko a voulu étouffer l’affaire (un jour non ouvrable) en dit long.

-          Enfin, le troisième, vous vous en doutez, est bel et bien le Gouvernement du Tchad qui a une part de responsabilité non négligeable. Au fait, quel type d’images véhicule-t-on à travers les médias au moment où des pays africains entre autres le Burkina, le Mali, le Sénégal, le Niger, le Maroc… soignent méticuleusement leurs images de marque et les vendent ? Ou bien Madagascar dont plus de 70% de la population vit sous le seuil de la pauvreté et qui pourtant vend des orchidées en Europe comme image de marque ? Entre-temps, le Tchad est exposé au regard d’un monde inquisiteur : les uns nous regardent avec étonnement, les autres avec mépris, et pour cause : un des pays les plus pauvres du monde, pays le plus instable d’Afrique, pays continuellement en guerre, pays le plus corrompu du monde, plaque tournante de trafic d’armes, de drogues, de véhicules cambriolés, de contrefaçon des billets de banque…, comme si nous n’avons pas les mêmes modes d’emploi pour grimper les marches du bonheur de la vie. A longueur du temps, le Tchad véhicule des images d’enfants faméliques aux yeux larmoyants, aux visages assaillis par des nuées de mouches, les os décalcifiés, déambulant dans des milieux négativement décapés, des bébés tétant des seins vidés de leurs substances et comparables aux chaussettes pour cause de famine ; des enfants et femmes essuyant quotidiennement les salves des canons et autres armes nocives, des bombardements des avions…, bref, un milieu où la survie est une lutte quotidienne et que sais-je d’autres encore ? Quelles images véhiculons-nous à travers le monde si ce n’est que celles d’un pays dont les ailes atrophiées ne sont que des vestiges inutiles pour un décollage économique. Et tout ceci dans un but émotif en vue de susciter davantage des aides de l’extérieur, les bras tendus à longueur du temps sans aucun scrupule, des aides dont on ne connaît même plus les destinations. La vie prend quelquefois sa revanche. Le problème du Tchad n’est pas seulement diététique mais il est guetté par un autre danger, la désintégration. Le Tchad est un pays désespérément pauvre mais immensément riche : pays producteur et exportateur d’or noir (le pétrole), producteur d’or, un pays disposant de l’or vert (agriculture), de l’or blanc (l’élevage et ses sous-produits tel que le lait), de l’uranium à ciel ouvert, etc. Malgré toutes ces potentialités, il demeure un enfer au paradis. Un tel décor est alléchant pour des opérations indignes de confiance comme le cas d’espèce. Le Gouvernement tchadien ne sécurise nullement les populations vivant sur le territoire national et c’est l’occasion de le redire une énième fois. Tenez : depuis les cinq dernières années, autant que je m’en souvienne, les milliards qui ont atterri au Tchad ne peuvent être comparés à ceux d’aucune période précédente. Rien qu’en 2006, le consortium pétrolier a versé 683 milliards de frs cfa à notre pays. Pour 2007, la somme est encore supérieure alors que tout à côté, la population gère quotidiennement la misère. Ce n’est pas jubilatoire que de faire du Tchad un pays producteur et exportateur de pétrole. En outre, depuis 2006, des enfants et adultes sont kidnappés dans le Mayo Dallah (principalement dans les villes de Pala, Léré, …) et restitués contre rançons ou bien de fois, purement et simplement exécutés si la rançon n’est pas versée. En février 2007, la totalité des rançons versées se chiffraient à 110 millions de frs cfa. A-t-on mis fin à ces actes de brigandage et de vandalisme une fois les kidnappeurs arrêtés ? Non. Pour stopper le potentiel de nuisance, le Gouverneur de la région a demandé une peine maximale pour ces tueurs d’enfants. Malheureusement, la réprimande ne sera pas à la hauteur de la demande puisque des complices démasqués sont de hauts administrateurs de la région même. Pour jeter de la poudre aux yeux, il a été procédé à une vaste mutation des agents de l’administration de la région. Mais l’effet d’accoutumance s’y est incrusté et les enlèvements se poursuivent. L’année dernière, un fugitif de la prison de Sarh, douanier de son état, incarcéré pour avoir abattu à bout portant un commerçant yéménite, est nommé par le Ministère des Finances Chef de bureau des douanes du BET alors que recherché par le Ministère de la Justice. Où est donc la solidarité gouvernementale dont on parle tant ? Les exemples sont légion mais l’un des plus ignobles est celui survenu à Sarh dans les années 90 et relaté dans les journaux privés où des malfaiteurs défonçant nuitamment la porte d’un magasin ont été interceptés par une patrouille de sécurité. Le lendemain, l’on a découvert, à la stupéfaction de tous, que l’un des brigands savamment enturbannés, était le sous-préfet.

En somme, quelle sécurité assure-t-on à nos populations, aux enfants dans notre pays surtout que des adolescents sont enrôlés dans l’armée ? Quelle part de budget attribue-t-on à l’éducation nationale ? A la santé publique ? A la famille et à la femme ? Le Gouvernement ne cesse de crier sur tous les toits que les revenus pétroliers sont affectés en majeure partie à la Défense nationale et à la sécurité. Et pourtant, l’opération s’est déroulée au nez et à la barbe du Chef de l’Etat qui séjournait à Abéché et, heureusement dénoncée par les accompagnateurs tchadiens de l’Arche de Zoé plutôt que par les agents de défense et de sécurité, au moment de l’embarcation des gosses. Notre administration est trop mal gérée. Depuis 1982, lorsqu’un homme arrive au pouvoir, c’est toute son ethnie qui est au pouvoir disposant de tous les droits et les autres de tous les devoirs. L’administration tchadienne est bondée d’analphabètes dont le seul profil « académique » est de savoir compter des billets de banque, au moment où des lauréats des universités, de l’ENAM et autres instituts ne savent où poser les fesses. La longue agonie des Tchadiens sera toujours une source de vie des prédateurs.

A travers le monde existent des ONG crédibles et des ONG fantaisistes. « Laissez la porte entrouverte et les mouches auront tôt fait de revenir ». Depuis la guerre du Darfour, plusieurs ONG ont atterri au Tchad et y ont trouvé chaussures à leurs pieds, certaines pour la distribution des vivres alors que le pays dispose d’ONG et Associations locales capables d’exécuter ce boulot ; la conduite de gros véhicules assurée en grande partie par des expatriés alors que le pays dispose des chauffeurs au chômage : une distorsion de concurrence. Comment donc échapper à la dépression nerveuse ou à l’hypertension artérielle dans un pays qui marche à reculons en regardant le passé ? La Direction des ONG est impuissante face à ces Organisations qui, une fois au Tchad, plantent leur drapeau où elles veulent et sans coup férir, imposent leurs lois…

Bref ! Les autorités tchadiennes doivent avoir l’optimisme de la volonté plutôt que le pessimisme de l’intelligence. Elles n’ont pas besoin de trésors d’ingéniosité pour prendre soin de leurs concitoyens car il n’y a pas de mal à se faire du bien. Et puis, loin de nous, en Afrique, il y a des populations qui, comme un seul homme, se dressent pour réclamer le droit d’avoir des droits. « Que votre liberté puisse servir la nôtre ».

Par CAMAN Bédaou Oumar

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