jeudi 28 mars 2024

TCHAD : Diplomatie d’Humiliation et d’Exil… (2e Partie)

Written by  Déc 05, 2007

Le Tchad est malade de ses conflits sociopolitiques et militaires. Sa diplomatie qui devrait l’aider à se stabiliser, grâce à la médiation de ses partenaires, semble aussi infectée et agonisante. Les officiels tchadiens qui voyagent à travers le monde le savent. Mais personne n’en parle, comme si tout allait à merveille. La gestion cafouillée de cette diplomatie et la mauvaise utilisation de ses ressources humaines et financières bloquent toute perspective positive de coopération internationale du Tchad.

La crédibilité de notre diplomatie dépend de la capacité des hommes et femmes qualifiés qui vont la gérer. Aujourd’hui, la diplomatie tchadienne reflète l’image du pays dans sa mauvaise gouvernance. Devenue comme la propriété privée de certains, elle évolue vers la dérive et risque d’atteindre le niveau d’anarchie de la situation politico-militaire actuelle. Cela ne gêne pas les autorités politiques au pouvoir, ni les responsables du Ministère, moins encore certains Chefs de Mission qui s’accrochent pour le besoin de la cause. La gestion de cette diplomatie est laissée au hasard, oubliant parfois les orientations du Gouvernement, moins encore les principes constitutionnels et du Droit international. Les actes posés sont contradictoires aux principes énumérés. Cela frise parfois non seulement de l’irresponsabilité, mais de l’inconscience des dirigeants au pouvoir. La diplomatie tchadienne, telle qu’elle se présente est triste et déplorable.

Ailleurs, les Diplomates sont suivis et appuyés dans leur mission par leur Gouvernement. Et même les Diplomates en fin de carrière, sont soutenus par leurs pays pour intégrer des Organisations internationales et régionales. Au Tchad, nos anciens Diplomates sont placés au « Garage », sans aucune considération des décennies de service rendu à la Nation. Pire encore des Hommes d’expérience sont humiliés et remplacés par des novices politiciens, qui ne peuvent rien réaliser au niveau international.  
           Dans la diplomatie tchadienne, il y a de traitements discriminatoires et inacceptables. On s’occupe bien de certains et on néglige d’autres. Certaines Ambassades font l’objet d’attentions particulières et sont servies en priorité par le Ministère des Finances, alors que d’autres sont laissées pour compte. Certains Ambassadeurs sont consultés régulièrement et d’autres en poste, restent très longtemps sans avoir aucune communication avec le Chef de l’Etat.
           Face aux Officiels gouvernementaux en mission, certains Ambassadeurs accueillent très bien tel Ministre « parent ou ami» et ignorent ou tournent le dos à tel autre. On s’intéresse plus aux têtes des individus qu’à leur mission. Les alliances claniques et régionales sont plus considérées que la solidarité nationale.
          Et rares sont des Missions diplomatiques qui produisent régulièrement des Rapports trimestriels ou semestriels. Quant aux Rapports annuels présentés, ils insistent souvent sur des aspects financiers que sur des Dossiers politiques. Pour la plupart, c’est une stratégie de planifier comment arrondir les angles que de vouloir améliorer les conditions de travail dans nos Ambassades. Il y a aussi certains Chefs de Mission qui confondent le maigre budget de Fonctionnement des Ambassades à leurs poches. C’est pourquoi, la plupart des Représentations tchadiennes semblent vétustes, avec des mobiliers délabrés datant d’une vingtaine d’années, comme s’il n’y avait pas de budget d’Équipements.

Au Ministère, environs plus de 70% des Agents sont parachutés de l’extérieur. Après leur intégration au Département, ces politiciens s’agitent pour être reversés dans le Statuts du Corps diplomatique tchadien. N’ayant pas de qualification sérieuse ou ayant raté leur carrière professionnelle, ils viennent se greffer dans la diplomatie pour survivre. Au Ministère, il n’y a que 10% à 15% des Agents qui se consacrent réellement au travail. Quant à la gestion du Département, c’est de la navigation quotidienne à vue. Des dossiers urgents transmis par les Ambassades sont traités parfois avec légèreté. Il n’y a pas de réel suivi, ni de contrôle effectif par les responsables hiérarchiques concernés. L’agitation politicienne se déclenche que si le Général Président se réveille et exige de s’informer sur un dossier particulier qui l’intéresse.  Même le budget annuel du Ministère est établi sans tenir compte des besoins réels du Département et des Ambassades. Les Chefs du Département préfèrent plutôt utiliser des Caisses d’avance et des collectifs ou le budget commun pour mieux jongler les fonds du contribuable tchadien. Ainsi la transparence dans l’exécution du budget laisse place au cafouillage difficile à contrôler.

Quant aux salaires des Agents, bien que le Tchad ait des revenus substantiels de son pétrole, cela reflète la situation dramatique de l’ensemble des Fonctionnaires tchadiens. Les diplomates tchadiens reçoivent un salaire de misère, qui est toujours payé avec retard. Les responsables du Département eux-mêmes et ceux du Ministère des Finances, se soucient peu de la crédibilité du pays. Il n’y a pas d’Assurance maladie et les frais de Scolarité des enfants, bien que prévus par les textes officiels, ne sont pas payés. Quelle Diplomatie le Tchad pourrait-il ainsi mener de cette manière ?

Cette pratique dramatique en cours ne gêne nullement les responsables politiques tchadiens, même au plus haut niveau de l’Etat. Le président Deby qui récemment se préparait à se rendre aux États-Unis, sait pertinemment que des décisions importantes de ce Monde sont prises aux Nations Unies, à la Banque Mondiale et au Fond Monétaire International. Or la diplomatie tchadienne au pays de l’Oncle SAM est paralysée depuis des années. Ce cas n’est pas unique dans notre Diplomatie et les exemples ne sont pas exhaustifs. Mais compte tenu des grands dossiers traités aux Nations Unies et du rôle prédominant joué par les États-Unis au sein de la Communauté internationale, nous avons choisi l’ONU et les USA comme lieu concret de notre analyse. D’autres Ambassades dans certaines régions fera l’objet de notre réflexion prochainement.

En plus des obstacles et contraintes énumérés, d’autres tracasseries politiciennes viennent troubler nos Diplomates. Cadres ou personnalités politiques tchadiennes, nos Diplomates tentent de résister mais finissent toujours par claquer la porte, soit pour retourner au pays, soit pour aller en exil ou en rébellion armée.

AU NIVEAU DES CADRES :

  • Le Conseiller Economique à l’Ambassade du Tchad à Washington, un Docteur, Diplômé de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun, a été abandonné sans salaire, ni couverture sanitaire pendant plus de neuf mois. En 1994, il démissionne et retourne au Tchad. Mais pour éviter de subir cette humiliation et d’être le dindon de la farce quelque part, il décida de s’exiler en France.
  • Le Deuxième Conseiller de la Mission Permanente du Tchad auprès des Nations Unies, un Cadre Supérieur, Diplômé de l’Université de Lomé, Togo, a servi pendant plus de treize années à New York. En 1996, confronté aux menaces et intimidations de ses collègues, s’affichant comme des « parents » du Chef de l’Etat, il opta pour la fonction publique internationale. A la fin de sa mission, il demanda l’Asile au Canada pour aller vivre en paix et en sécurité.
  • Le Premier Secrétaire de la Mission Permanente du Tchad à New York, Diplômé de l’Université de Kiev en Ukraine, a été abandonné sans salaire, ni couverture médicale, pendant plus de neuf mois avec sa famille. Pour éviter de souffrir et se faire humilier à l’extérieur, il demanda en 1996 son retour au Tchad
  • Le Premier Conseiller de l’Ambassade du Tchad à Washington, Diplômé de l’Université de Lomé au Togo, qui a passé douze ans de service assidu, finit en 1998 sa carrière diplomatique en exil. Ayant une longue expérience en Négociation avec la Banque Mondiale et le FMI, ne mérite-t-il pas de représenter le Tchad au niveau d’Ambassadeur ? Mais le Ministère l’a abandonné et ignoré. C’est grâce à l’effort de paix de l’ancien président Goukouni, qu’il s’est rendu brièvement au Tchad cette année.
  • Le Premier Conseiller de la Mission Permanente du Tchad auprès des Nations Unies, un Diplômé de l’Ecole Nationale d’Administration Publique du Maroc, a été arbitrairement suspendu en 1999. Excédé par cette pratique discriminatoire dans l’Administration tchadienne que certains tentent de l’exporter dans nos Missions diplomatiques, il opta pour la Consultance internationale. Ce Spécialiste des Négociations multilatérales, a été recruté en 2000 comme Conseiller Politique aux Nations Unies. Aujourd’hui, la pertinence de ses Analyses sur les Conflits du Tchad lui suscita l’hostilité des zélés partisans des intimidations politiques sans lendemain.
  • En 2003, le Premier Secrétaire à l’Ambassade du Tchad à Washington, Diplômé de l’Ecole Nationale d’Administration Publique du Maroc, a servi plusieurs années. Excédé par des humiliations arbitraires, il abandonna son poste pour rentrer au Tchad. Malgré sa bonne volonté de servir le pays, il reste abandonné sans aucune attribution sérieuse. C’est au Tchad qu’un Cadre supérieur et Diplômé de l’ENA à moins de considération qu’un soldat et « combattant assimilé.»
  • En 2004, le Premier Conseiller de la Mission Permanente du Tchad à New York, malade et sans couverture médicale, n’a jamais réussi à s’y installer depuis sa prise de fonction jusqu'à sa fuite en catastrophe vers le Tchad. Déçu, après quelques années de service loyal, il abandonna son poste pour retourner au pays.
  • En 2005, le Ministre Conseiller à la Mission Permanente du Tchad à New York, un cadre Diplômé de l’Université de Kiev en Ukraine, s’est vu humilié par la suppression abusive de son poste. De retour au Tchad, il est gravement malade depuis deux ans, aucune évacuation sanitaire n’est envisagée à ce haut Fonctionnaire, qui a été plusieurs fois Directeur de Services au Ministère des Affaires Étrangères. Qu’est-ce que les responsables concernés du Département attendent-ils pour se décider ? Serait-il ainsi s’il était « parent » du Ministre ou le Chef de l’Etat ?
  • En 2006, le Premier Conseiller de la Mission Permanente du Tchad à l’ONU récemment nommé, a été muté de Khartoum à New York, puis à Moscou. Qu’est-ce qui justifie un tel nomadisme diplomatique dont le coût exige des charges financières élevées, sans compter les graves conséquences morales et psychologiques que subissent ces enfants dans leur scolarité troublée ? Du Français à l’Arabe, puis à l’Anglais et au Russe, les décideurs au Ministère prennent-ils un petit temps pour penser au sort des enfants des Diplomates ? Où veulent-ils aussi les sacrifier comme ces « Nouveaux Humanitaires » de l’Arche de Zoé ?

AU NIVEAU DES AMBASSADEURS :

  • En 1993, l’Ambassadeur du Tchad à Washington, Docteur et ancien Ministre, Diplômé de l’Université de Paris, a été abandonné sans salaire, ni frais de fonctionnement pendant presque une année, alors que d’autres Ambassades sont bien servies. Déçu et frustré, il rentre au Tchad pour sauver la vie et l’honneur de son personnel. Malheureusement, il décède d’une mort subite. Que son Âme repose en paix. Le Tchad perd en lui, un trésor de connaissances professionnelles, des qualités morales et humaines qui pourraient servir à nos Diplomates.
  • En 1994, l’Ambassadeur du Tchad à Washington, Cadre politique connu, a été plusieurs fois Ministre. Très actif dans ses contacts diplomatiques, il avait été injustement accusé de vouloir préparer à renverser le président Deby. Rappelé juste après six mois de fonction, il entre en dissidence et opte pour la lutte armée. Aujourd’hui, il est l’un des leaders politiques en Opposition armée à l’Est du pays et dirige l’UFDD/Fondamentale.
  • En 2003, l’Ambassadeur du Tchad à Washington, un ancien Ministre membre du parti au pouvoir, s’est opposé à la modification de la Constitution tchadienne. Engagé pour la défense de cette Constitution, il entre en dissidence politique. Aujourd’hui, il est l’un des leaders de l’Opposition armée. Après avoir dirigé pacifiquement la CDCC sans réaliser ses objectifs, il opte pour la lutte armée et dirige présentement le Front pour le Salut de la République, F.S.R. Ayant participé à la mise en place du régime du président Deby, il lutte aujourd’hui fermement pour le renverser.
  • En 2006, le Représentant Permanent du Tchad auprès des Nations Unies, rappelé après quelques années de fonction à New York, a regagné le pays. Déçu par la gestion patrimoniale et tribale du pays, il quitte aussitôt et demanda l’asile politique aux États-Unis. Ancien Administrateur ayant une longue expérience professionnelle, il exerce dans une Institution internationale. 

Au-delà des États-Unis, il faut noter que :

  • En 2005, l’Ambassadeur du Tchad à Riyad, en Arabie Saoudite, un Général et ancien Ministre, a protesté contre l’arbitraire du régime de N’Djamena et l’injustice érigée en méthode de gouvernance au Tchad. Entré en dissidence, ce notable connu, opte pour la lutte armée et dirige aujourd’hui, l’UFDD un des Mouvements politico-militaires à l’Est du pays.
  • En 2007, un Général et ancien Conseiller militaire du Président Deby, est nommé Ambassadeur en République Centrafricaine. Connaissant la gestion anachronique de notre Diplomatie et considérant sa nomination comme une manière de l’éloigner du pays, il déclina simplement l’offre, en refusant de regagner son poste à Bangui. Pour éviter qu’il aille renforcer la rébellion armée, il est aussitôt nommé Conseiller Spécial à la Présidence. Cela serait-il possible pour quelqu’un d’autre ? C’est ainsi que le Tchad fonctionne avec son syndrome de mal gouvernance.

Aujourd’hui, le Tchad est bloqué faute de leaders politiques crédibles et capables de rassembler ses fils compétents pour réaliser les attentes de nos populations. Beaucoup des Tchadiens sont hostiles aux affrontements armés, et rejettent l’anarchie politique, entraînant le non-respect des libertés et droits fondamentaux. Ils ne veulent pas non plus d’un régime basé sur la mauvaise gestion et la corruption. La diplomatie tchadienne n’évolue pas faute des projections fiables pour élargir les possibilités d’action du pays et concrétiser les objectifs à réaliser pour son développement économique et social.

Depuis son arrivée au pouvoir en 1990, le président Deby n’a pas réussi à effectuer de visite officielle aux Etats-Unis d’Amérique. Le Tchad a des intérêts importants avec les USA, alors qu’est-ce qui bloque cela ? Les relations avec le Consortium pétrolier piloté par Exxon, tout comme les rapports économiques et militaires, évoluent très lentement. Qu’est-ce que le Ministère et ses Diplomates ont-ils préconisé pour faire avancer et améliorer ces rapports politiques qui sont si déterminantes ? Le lobbysme peut être utile mais pas suffisant, car la diplomatie c’est d’abord des relations d’Etat à Etat. Les multiples violations des droits de l’Homme au Tchad ne passent pas inaperçus, au sein de l’Opinion publique américaine. Mais la stabilité politique du Tchad reste l’une des conditions sine qua none pour rassurer tout Investisseur. Il est donc important d’avoir une diplomatie dynamique et efficace avec des Représentants crédibles. Ce choix relève de la responsabilité des dirigeants au pouvoir. Malheureusement notre diplomatie actuelle n’envisage aucune stratégie, pour tenter de restaurer la paix et la sécurité au niveau national, ni de réunir les conditions objectives pouvant rassurer nos partenaires à investir pour le développement économiques et social du Tchad.
           Au Ministère, dès qu’il y a une analyse critique, au lieu de s’inspirer pour corriger certaines lacunes, on joue plutôt au pompier et au pyromane. Certes le réflexe de la critique constructive n’est pas rentré dans l’esprit et les mœurs de certains, qui n’attendent que des ordres viennent d’en haut pour les exécuter souvent mal et ne prendre aucune initiative pour proposer quoi que ça soit.

Hassane Mayo Abakaka

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