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Accord du 13 août 2007 : La CPDC piégée, IDI peut se rire de l’avenir…

Written by  Juil 31, 2008

Nos dinosaures spécialistes de la vie politique tchadienne ne vont pas démentir leur réputation de ‘serviteurs des pompes funèbres’ de la République. En effet, la routine et la monotonie ont retrouvé leurs droits dans la gouvernance de notre pays. Après la fièvre des revendications de la CPDC autour de l’Accord du 13 août 2007, le processus prend du plomb dans l’aile, dans une ambiance générale morose.

Pour qui connaît les habitudes des tchadiens, peu d’entre les compatriotes se soucient de rendez-vous avec les urnes dans quelques mois, si ‘tout se passe bien’ comme dirait l’autre. Ils respirent un coup parce que la nature, en l’occurrence la saison des pluies, vole à leur secours en réduisant au strict entraînement les exercices militaires de part et d’autre des belligérants. Une période propice pour rattraper les activités et les intérêts perdus en début d’année, avant le retour de la saison des campagnes guerrières après les pluies. Rien ne préjuge d’une avancée notable vers la paix, alors le peuple joue au pragmatisme et s’occupe de son quotidien devenu très difficile avec la cherté croissante de la vie, phénomène face auquel les pouvoirs publics décident mais ne peuvent imposer leurs sentences. On ne touche pas aux lobbys commerciaux familiaux puissants qui savent à quelle porte frapper !

Le parti au pouvoir, qui a su s’adapter à toutes les situations, ne voudra pas perdre du temps. Mettant à profit sa restructuration interne et son renforcement du sang neuf de nombreux fugitifs des partis de l’opposition et de la rébellion armée, il a déclenché l’offensive de la conquête des forces vives, sachant que les dinosaures de la CPDC ont d’autres chats à fouetter dans les tiroirs et tirelires du gouvernement. L’expérience a prouvé maintes fois que l’opposition ne sera jamais prête pour un scrutin. Sa seule stratégie, de moins en moins payante ces dernières années, a été le boycott comme alibi pour ne pas répondre de ses propres carences. Le MPS le sait et met en place sa toile sur le pays. Qui le lui reprocherait ? Qui est prêt à perdre ‘bêtement’ pouvoir et privilèges dans un pays intéressant à l’ère pétrolière comme le Tchad ?

La CPDC tombe dans son propre piège de ‘coalition de salon’. Ce jugement n’est pas trop sévère au regard de la réalité ambiante. Quel parti membre de cette coalition a-t-il opté pour la stratégie offensive de la conquête du terrain, en même temps que le MPS au pouvoir ? Qu’attendent-ils ? Les moyens ? Qui leur en fournira et quand ? Les leaders entrés dans le gouvernement sont de vieux loups qui ont très vite adopté comme credo la fameuse ‘solidarité gouvernementale’, et par conséquent se sentent moins concernés par les préoccupations diffuses de leur coalition politique CPDC. Ils savent que leurs intérêts propres seront garantis tant qu’ils tiendront cette solidarité et que leur idylle durera uniquement le temps du mariage de raison. Après quoi, certains seront encore plus fatigués et usés tant par les affaires que par l’âge pour aller jouer aux gladiateurs dans l’arène politique conflictuelle des élections contre l’intrépide IDI.

Par sa présence minoritaire et son influence marginale au sein du gouvernement actuel, la CPDC est plutôt obligée par le programme social de IDI que par sa ‘feuille de route’ mal négociée et largement inconnue du grand public. C’est une DCP (Démocratie Consensuelle et Participative) au rabais qui ne dit pas son nom. En effet, en terme de produits, les tchadiens verront plus le ‘social’ promis par IDI d’ici quelques mois que la mise en place d’un nouveau processus électoral isolé des préoccupations les plus pertinentes sur l’état de la gouvernance (généralement abandonnées par les partis politiques à la société civile). Et les scrutins se joueront sur ce plan là ! N’ayant pas oublié la tendance volteface inavouée de ses alliés politiques du moment, IDI ne se laissera pas surprendre par ceux-ci renfloués financièrement par leur passage aux affaires. IDI n’aime pas jouer aux prolongations de matchs et le dernier quart d’heure a toujours été gagné par lui jusqu’ici, autant avec ses opposants politiques que rebelles. Comme l’a enseigné Machiavel, c’est la fin qui compte et non pas les procédés utilisés !

Les autres membres de la CPDC se cramponnent au comité de suivi comme si c’était à ce niveau que la mise en œuvre de l’Accord du 13 août 2007 se fera exclusivement. Quand ils tiendront la dernière réunion de suivi avant les campagnes électorales, le MPS aura déjà intelligemment conforté son statut de favori. Ils auront beau tenté de s’agripper aux faits et gestes menaçants des politico-militaires, réclamé des dialogues inclusifs, le MPS fera sa campagne même sous la menace rebelle et gagnera sans aucune peine faute d’adversaires sérieux. Si non, qu’ils nous démontrent comment au rythme actuel et avec leurs méthodes de caméléons arrosés ils comptent remporter la moindre élection ? Le suffrage universel peut réserver des surprises désagréables aux leaders fanfarons.

Dans leur lutte pour la survie au quotidien, les tchadiens ne connaissent pas les partis politiques, parce que ceux-ci ne connaissent les tchadiens que quand arrive le temps des élections. Par contre, les tchadiens connaissent mieux les rebellions armées, parce qu’ils sont appelés périodiquement à vivre les frayeurs et les affres de la guerre dans leurs localités, comme cela se passe en permanence dans l’Est du Tchad. Dès que les Toyota sont annoncées à X00 km de N’Djaména, le fameux ‘sauve qui peut’ fait le reste ! D’ailleurs, en vérité l’Accord du 13 août 2007 ne concernera que les régions où l’on ne vénère ni ne stocke les armes de guerre. Dans l’autre Tchad guerrier, les urnes ne sont pas les bienvenues et il n’y a pas de consultation qui tienne. Ce sont les régions à démographie électorale super galopante et où les résultats sont toujours au-delà des 90% qu’il vente ou qu’il pleuve. Et il n’y a pas de CPDC ni de démocratie dans ces contrées-là !

Contrairement à beaucoup d’autres pays, les partis politiques au Tchad se comportent comme de simples clubs de quartiers bons à réclamer leur part de bonbons à ‘papa’, mais incapables de développer leurs activités et de coller leurs réactions aux phénomènes publics sociaux, économiques, culturels ou environnementaux de l’heure. Le seul sujet dans lequel tous ces opposants excellent, c’est la critique des toussotements de IDI et de ses proches, comme si cela suffisait pour remplir la calebasse vide du citoyen ou devenir un projet de société novateur ? Quid des débats internationaux actuels, aucune présence idéologique affirmée sur les tribunes politiques africaines (à l’exemple de Goupandé ou de Ziguélé de la RCA voisine !), aucune signature littéraire, toujours le jeu des coulisses et les coins sombres ! Dans ces conditions, des recensements prévus au lancement de la campagne législative prochaine, seul le MPS sera en mesure d’évaluer à son avantage ce qui aurait été réellement fait selon les termes de l’Accord du 13 août 2007. Parce que présent sur le terrain, même avec les moyens de l’Etat : tant pis pour celui qui n’est pas conséquent avec lui-même en prenant des responsabilités !

Le contexte politique de démocratisation se dégrade de plus en plus en Afrique en ce moment. Après avoir usé jusqu’au hold up électoral, pour coincer les oppositions politiques les plus audacieuses et les empêcher de prendre en main hors contrôle néocolonial les ressources des pays africains, l’Occident évolue vers l’imposition des partages aléatoires de pouvoir là où la force de l’opposition et la détermination des peuples pour le changement rend nulle l’utilisation des anciennes méthodes (exploitation du préjugé tribal, délation, achat des consciences, corruption massive, fausses rumeurs malveillantes, tricherie, etc.). Nous sommes encore loin d’un tel schéma nouveau, en l’absence d’une vraie opposition cohérente. C’est pourquoi l’Accord du 13 août 2007, dans notre contexte sclérosé, permettra cette fois-ci au camp d’IDI de gagner sans trop se fatiguer et en toute légitimité. Beaucoup seront choqués par cette analyse provocatrice, et pourtant si les mêmes causes produisent les mêmes effets, par un simple A + B + C=, l’on pourrait aboutir aux mêmes conclusions.

C’est aussi pourquoi nombre de cadres et d’intellos, en faisant ces calculs mentaux rapportés à leur personne et aux préoccupations de survie physique et matérielle, font vite le choix de la carte politique à prendre, comme au loto ou au tiercé ! ‘La force de l’homme tchadien n’est-elle pas dans la marmite’, plutôt que dans son cerveau et/ou dans ses bras, comme disait l’autre compatriote ? Et la vie continue, ‘les chiens aboient et la caravane passe’, dit aussi le slogan gagnant[i] ! L’éditorialiste officiel Bendjo ne me démentira pas ?

Enoch DJONDANG

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