jeudi 28 mars 2024

Le culte du pétrole

Written by  Juil 18, 2005

Le culte du pétrole

"Jeune homme, vous êtes encore trop jeune pour parler du pétrole" rétorqua Tombalbaye à un jeune du Lycée Félix Eboué âgé d'à peine une vingtaine d’années, c’était en 1974, lors des assises de "l’Ecole des cadres". Aujourd’hui, l'ex-lycéen, agronome de son état, a la cinquantaine et le pétrole vient à peine de couler. "Oncle Tom", comme l'appelaient familièrement les jeunes de l'époque, savait pertinemment que l’exploitation pétrolière des deux compagnies présentes au Tchad à l'époque (CONOCO dirigée par Voegeli et la compagnie libanaise par Abdoulwahab) échappera à une série de chefs d'Etat tchadiens, et lui en premier.

A la fin des années 60, Tombalbaye a négocié en vain avec la France pour son engagement dans une vaste campagne de prospection. L'ancienne puissance coloniale ne croît pas cependant au projet. Tombalbaye se tourne alors vers les États-Unis et concède à CONOCO (Continental Oil Company) un permis de recherche sur près de 604.000 km², entre le Lac-Tchad et la frontière sud du pays.

A l'inauguration officielle des locaux de la CONOCO sis au Canal St-Martin ce 31 mars 1973, étaient présents le Président Tombalbaye et son futur successeur Félix Malloum, deux chefs d'Etat qui seront à tour de rôle emportés par la houle de cette huile minérale qui détruit autant qu'elle préserve et dont la présence au Tchad été découverte en 1969. Le Ministre des Travaux Publics, des Mines et de la Géologie de l'époque, M. Raymond NAIMBAYE a fait remarquer dans son discours que "si la CONOCO a pris des risques d'ordre technique et financier, le Tchad également a pris des risques en donnant de permis de certaine importance à ses partenaires". Le Ministre conclut son allocution par un vœu : "que l'esprit de franchise, de sincérité puisse persister entre nous et nos partenaires"[1][1].

N'est pas franc et sincère qui veut. Le présent article, débuté en février 2003 et achevé en novembre 2004, n'a nullement la prétention de donner de quelconques leçons sur la gestion du pétrole du Tchad, ni d'égaler tant de documents de qualité ayant traité du pétrole à problème qu'est celui du Tchad, mais se propose de suggérer quelques pistes de solutions au regard de nos faiblesses face aux partenaires, lesquelles solutions sont de toutes les manières, sujettes à critiques. À travers cet écrit, je commets sans nul doute, l'imprudence de mettre le doigt dans l'engrenage, les goûts du détail et du risque aidant ; qu'à cela ne tienne, puisque ayant pour seule arme, le bic et un peu de courage. Et puis, je serai mauvais serviteur si je parle de notre pétrole avec bienveillance et sans prévention. Quoique dépassé, un rappel des conditions des négociations s'avère nécessaire, non pas dans le but de jeter de l'anathème sur qui que ce soit, ni de suggérer de changer de partenaires au milieu de la rivière, mais d'attirer l'attention sur les écueils à éviter. Bien que survivant sous assistance respiratoire, le Tchad est une vaste nappe pétrolifère, d'où d'éventuels contrats.

Par ailleurs, je me réjouis des effets produits par mon modeste article intitulé " lettre à Koumbo " publié dans l'hebdomadaire " L'observateur " n° 299 du 6/10/04, parlant entre autres du pétrole, du gaz et de l'électricité et qui a été suivi 48 heures plus tard, par une réaction très positive du Gouvernement. Les visions sont identiques sur ces points et je m'en félicite. Le repentir vient de faire le quart du chemin, la bonne gouvernance doit faire le reste.

Des leçons à retenir : sur un milliard de francs que rapporte le pétrole, le Tchad touche moins de 20 millions de francs si l'on intègre tous les investissements extérieurs à récupérer par le consortium. Pourquoi donc cette différence ?

Trois documents juridiques lient le consortium americano-malaisien ExxonMobil-Chevron-Petronas aux deux Etats (Tchad et Cameroun). Les conventions d'établissement de Tchad Oil Transportation Company (Totco) et de Cameroon Oil Transportation Company (Cotco) pour la partie aval et la "convention de recherches, d'exploitation et de transport des hydrocarbures "pour la partie amont, datant de 1988 et qui a fait l'objet d'une révision ultérieure importante (l'avenant n° 2, de mars 1997). Les deux premiers fixent les modalités de la gestion de l'oléoduc (redevance, fiscalité et droit applicable, règlement des litiges entre les parties …). Le second, passé entre le Tchad et le consortium, fixe les règles relatives à l'exploitation et, ce qui nous intéresse plus particulièrement, royalties et dispositions fiscales.

Les conventions de Totco et de Cotco sont des documents publics, ce que les autorités tchadiennes et camerounaises paraissent ignorer. On se les procure aisément auprès du consortium lui-même, qui refuse en revanche de communiquer la convention "amont", la plus intéressante. Explication du chargé des relations extérieures au siège d'Exxon à Houston : "le propriétaire des ressources en question étant un pays peuplé de 7 millions d'habitants, cette confidentialité est une atteinte à l'exercice de la citoyenneté. Mais il est vrai qu'au Tchad, comme ailleurs, le pétrole est une affaire très privée [2][2].

Les négociations menées avec les partenaires ressemblent à un secret ésotérique qui n'est accessible qu'aux seuls initiés puisque le dossier a été traité avec une opacité merveilleuse. Alors qu'au Tchad les informations relatives au projet pétrole sont restées dans l'ombre du confidentiel, au Cameroun par contre, on a minutieusement préparé la population afin d'en tirer un maximum de profit. Là-bas, on sait que dans toute situation de combat, la défense est tout aussi importante que l'attaque. Initialement, "le dossier pétrole" du côté camerounais a été confié à la Société des Hydrocarbures du Cameroun pour sa confection. Cette première étape finie, il fut ensuite passé en revue par des bureaux d'études étrangers spécialisés en la matière qui ficelèrent inextricablement tous les liens. Une fois le colis suffisamment compacté, on attendit de pied ferme les Tchadiens qui se sont fait cueillir comme des fruits mûrs puisqu'en plus d'un document bien fait, les hauts responsables politiques camerounais se sont fait appuyer chacun, par des techniciens chevronnés face à une poignée de responsables tchadiens sans arme ni protection, usant apparemment d'un langage gestuel lors des négociations sinon comment comprendre… et ce, malgré tout ce que notre pays dispose comme cadres. Où sont-ils, les premiers négociateurs tels que Georges Diguimbaye, Raymond Naïmbaye, Abdoulaye Djonouma ? Et les pétrochimistes à l'instar de Mahamat-Saleh Alhabo? Et nos 300 étudiants, des "très proches" du régime, envoyés aux USA depuis plus d'une décennie pour étudier la pétrochimie et quasiment invisibles depuis lors. Tout portait à croire que la défaite tchadienne était inéluctable. Les Tchadiens auraient pu encore à cet instant précis, retourner la situation en leur faveur s'ils étaient perspicaces, en simulant avec le truchement de notre ambassadeur au Cameroun, un rappel urgent de la délégation, par le Président de la République, n'en déplaise à nos interlocuteurs camerounais. De toutes les manières, nous étions en position de force, même si des pressions externes persistent. Cela aurait permis de rendre compte de la situation désastreuse à qui de droit et de demander le report des négociations, le temps matériel de monter des dossiers par une expertise en la matière et amoindrir le déséquilibre face aux Cameroun et au Consortium. On serait alors très loin des déboires notoirement connus aujourd'hui. Les dirigeants camerounais pour leur part, n'ont fait que protéger l'intérêt de leur pays, ce qui est tout à leur honneur.

"Vaincre la rage" n'est pas synonyme de "la rage de vaincre". A mauvais négociateur, mauvaises garanties. Le projet a plus de 6.800 travailleurs, avec 2000 Tchadiens et 4.800 Camerounais. Sur 111 millions de dollars US dépensés en biens et services, 38 millions de dollars sont dépensés au Tchad et 73 millions au Cameroun. Au cours du 3ième trimestre 2001, sur 240 consultations, 57 ont eu lieu au Tchad avec 3.205 participants et 183 au Cameroun avec 5.326 participants [3][3]. Le quotidien "Cameroon Tribune", dans sa parution du 20 octobre 2000 a écrit dans ses colonnes " ce que le Cameroun gagnera : - Sur le plan financier : (1) redevance de transit égale à 0,41$ sur chaque baril de pétrole soit 35 à 80 milliards/an pendant 30 ans ; (2) 5% d'impôt sur le bénéfice de COTCO/an ; (3) taxe foncière ; (4) indemnisation des populations sur le tracé pour plus de 5 milliards -  Sur le plan des infrastructures : (5) construction de la  route Bertoua-Garoua Boulaï ; (6) route Ngaoundéré-Touboro-Moundou ; (7) nombreuses routes secondaires ; (8) construction de nombreux ponts ; (9) densification du réseau téléphonique ; -  Sur le plan de l'emploi : (10) création des milliers d'emplois de chauffeurs, conducteurs d'engins, gardiens de parcs, de matériels, défricheurs; - Sur le plan de l'environnement : (11) création des parcs nationaux de Campo et de Mbam Djerem  ; (12) développement de la conscience écologique ; (13) création d'une fondation pour l'environnement (FEDEC) pour les Pygmées et les Bakota  ; (14) renforcement des capacité en matière de gestion environnementale[4][4] ". Comme ils aiment bien le dire, le Tchad a blessé un éléphant qui est allé mourir au Cameroun. Et pourtant c'était l'occasion toute indiquée d'exiger de notre méthodique et malicieux voisin, des largesses. Outre des conditions plus souples pour l'évacuation du brut, on pourrait pousser les pions le plus loin possible pour en gagner un minimum : fourniture en électricité, un chemin de fer le long de l'axe Ngaoundéré-Baïbokoum, une portion du port de Douala réservée au Tchad, des franchises sur certaines marchandises, une inscription de nos étudiants dans des universités et instituts camerounais à des tarifs de cession, le respect scrupuleux de la libre circulation des Tchadiens etc… Une belle bataille sera alors gagnée.

Infrastructures : En matière de transport du matériel pour la construction de l'oléoduc long de 1070 km reliant Doba au port de Kribi sur l'Atlantique, le Cameroun s'est vigoureusement illustré là aussi en se taillant la part du lion indomptable et sa stratégie était la suivante : le gouvernement camerounais a donné feu vert à la Chambre de commerce du Cameroun de parrainer les transporteurs pour l'acquisition à crédit, des véhicules gros porteurs, l'Etat se portant garant ; alors que de l'autre côté, le Tchad n'a guère eu la présence d'esprit d'orienter nos hommes d'affaires dans le bon sens. Pour le transport dudit matériel, le Cameroun et une étrange société soudanaise dont le siège fait face à l'immeuble de la STAR Nationale à N'djaména, RAIBA TRANS TCHAD LTD, sous la fourrure de laquelle se cacheraient également des Tchadiens de souche et d'adoption, ont littéralement raflé le marché. Les bénéfices réalisés par la société RAIBA ont été entièrement rapatriés au Soudan, au moment des amours avec notre grand voisin de l'est naturellement. La fameuse société fictive de transport aérien ROMA … est encore dans les mémoires.

La route du pétrole bâtie le long des pipe-lines par Bouygues alias "David Terrassement" porte un déséquilibre selon que l'on se trouve du côté tchadien ou camerounais. Au Cameroun, la surveillance de l'ouvrage a été confiée à des ingénieurs nationaux qui ont veillé à ce que la qualité soit respectée : la route plus large, les rigoles à fortes pentes fortifiées, les garde-fous solides, les portions de route traversant des agglomérations humaines bitumées afin que la poussière ne se déverse sur la population et l'administration équipée quand il s'agit d'une ville, le tout sur fonds pétroliers. Mbaïboum, le village camerounais situé de l'autre côté du pont de la Mbéré en est un exemple. Et pourtant, la ville de Doba, capitale du pétrole est toute couverte de poussière latéritique pendant la saison sèche et toute gluante après une seule pluie. A Doba, c'est l'envers du décor de luxe. Les responsables administratifs dans leur majeure partie ne sont pas véhiculés et s'adjugent quelquefois les services des motocyclistes pour leurs déplacements. Les résidences (si résidences il y a) de ces autorités sont éclairées à la lampe tempête alors que tout à côté, la société "Tchad Cameroun Construction" (TCC) rayonne d'électricité et de surcroît refuse de prêter ses services électriques. Et pour cause : rien ne figure dans les documents officiels. Quels degrés de respect peuvent avoir les populations à l'égard de leurs administrateurs sans moyens et jetés dans les quartiers par manque d'habitation comme de vulgaires individus et de surcroît dans une ville qui accueille tant d'étrangers de marque ?  

Un des termes de contrat lourd de conséquence contenu dans les documents signés avec le consortium est qu'après les travaux, le consortium devra laisser le milieu tel qu'initialement trouvé. L'illustration a été faite à Bam sur l'axe Komé-Baïbokoum qui disposait, pendant la construction de l'axe Komé–Kribi, de maisons, électricité, terrain de sport etc. Une fois les travaux terminés, tout mais alors tout a été démonté. Les remblais aussi ont été dégagés pour respecter les termes du contrat alors que dans cette zone sévit à outrance, l'onchocercose. Les maisons même démontables, auraient pu servir de centre de santé, d'école ou toute autre infrastructure sociale. Les engins lourds des travaux une fois jugés désuets (bien qu'en état de marche), ne sont pas rétrocédés au Tchad mais détruits et enterrés puisque aucune clause ne le prévoit. Ce que le gouvernement ignore, c'est que le cœur du consortium ne bat pas au même rythme que les cœurs des humains. En somme, aucune trace du consortium ne doit figurer après son passage ce qui rend davantage moins visibles les traces de pétrole. Le Cameroun pour sa part, a exigé des bâtiments fixes, la rétrocession des véhicules et engins lourds, tandis que le Tchad n'ayant pas exigé cette conditionnalité, ne dispose que de maisons démontables et les ouvriers des champs pétroliers habitent dans des conteneurs démontables à volonté. Par rapport à la tour de Shell construite à Brazzaville, un joyau du Congo visible depuis Kinshasa, ici à N'djaména, le consortium n'a bâti aucun immeuble à la taille de sa stature dans notre pays, une conditionnalité omise nous dira-t-on. Une fois de plus, de quoi a-t-on discuté avec les partenaires ?

Sur le terminal flottant dans la mer à 12 km de la côte de Kribi, un tanker d’une capacité de 2 millions de barils [5][5], amarré en permanence et où viennent s'approvisionner les navires pétroliers, séjournent six fonctionnaires tchadiens (4 inspecteurs pétroliers et 2 inspecteurs des douanes) relevés toutes les deux semaines. Que font-ils exactement ou que contrôlent-ils sur ce machin ? Ces inspecteurs ont été formés en France pendant un mois, c'est-à-dire à peine la première leçon bûchée que les voilà arrivés en fin de formation et propulsés sur le tanker, incapables d'interpréter un compteur d'eau de la STEE. Que peuvent-ils contrôler, les pauvres ? Surtout pas la quantité du brut exploitée (225000 barils/jour) apparemment entachés d'une marge d'erreur [6][6].

En effet, les cuves de récupération construites en prévision à un surplus de brut des 300 puits, sont toutes pleines après l'exploitation d'environ 200 puits alors que le nombre total de puits a dépassé 600 dont bon nombre non encore exploité (y compris ceux d’ENCANA). Le brut extrait des puits est d'abord conduit vers un collecteur, puis vers un séparateur qui en extrait le pétrole de l'eau, des sables et autres déchets. Le brut nettoyé est ensuite envoyé dans l'oléoduc pour Kribi vers le terminal où des bateaux viennent s'en approvisionner. Mais que se passe-t-il exactement. Les compteurs posés au niveau de chaque puits afin de quantifier le volume du brut original ne fonctionnent pas. Premier couac. En d'autres termes, l'on ne sait guère la production de chaque puits, ne serait-ce que partiellement. Ni au niveau des collecteurs ni au niveau des séparateurs, les compteurs ne fonctionnent. Comment comprendre qu’ESSO installe des compteurs non fonctionnels ? Mystère ! Dans ce magma d'indélicatesses, le Ministre du pétrole a cru bon pallier à ce manquement surprenant par un arrêté 035 qui autorise ESSO à poser des compteurs à Kribi plutôt que Doba ; de caribe dans sylla ! Donc le pétrole sort du territoire tchadien vers le Cameroun sans aucun contrôle, sans aucune estimation. En amont comme en aval, c'est ESSO qui est le seul détenteur de la vérité ; le ministère du pétrole ne maîtrisant sans doute ps toutes les données. Pour jauger le brut, on estime la capacité du bateau plein à Kribi, lesquels bateaux se succèdent à un rythme effréné à telle enseigne que des pénalités sont prévues pour deux types de retardataires : ceux qui accostent à Kribi avec retard (le bateau est pénalisé) et ceux qui quittent Kribi avec retard (le consortium est pénalisé), l'essentiel étant de charger au plus vite pour faire place aux suivants. Qui sait avec exactement la capacité des différents bateaux ? Certainement pas les Tchadiens. Lors d'une rencontre sur le pétrole, à la question de savoir comment les Tchadiens allaient-ils contrôler les compteurs ? Un responsable du projet a rétorqué que des essais ont été menés à Houston aux USA avec de l'eau et ce, pendant plus de deux semaines et la conclusion est que les compteurs sont en très bon état de marche et aucune malversation n'est possible. À une autre rencontre, un responsable a affirmé que " le Tchad est le premier pays au monde à contrôler véritablement son pétrole ". Vol ou pas vol, à chacun de trouver un qualificatif pour cette sinueuse opération "cleptopétrolière". Ce n'est nullement la faute aux autres, loin s'en faut mais aux Tchadiens uniquement.

Lors de la visite au Tchad en 1976 de M. Kurt WALDHEIM ancien Secrétaire Général des Nations Unies (1972 à 1981), il était question de créer une division pétrolière avec un centre de documentation. À cet effet, une mission des Nations Unies conduite par un certain Rouyer, a séjourné au Tchad et a jugé concluante et très positive, l'extraction du gisement de Sédigui. Pour ce qui est des formations des cadres, le PNUD s'en chargera. Puis arrive la guerre qui remet les compteurs à zéro. Arrivé au pouvoir, Hisseine Habré s'empare du "dossier pétrole" et crée au niveau de la Présidence de la République, le Bureau des Affaires Pétrolières (BAP). Depuis lors, c'est la Présidence qui s'immisce contradictoirement dans le dossier pétrole jusqu'à nos jours. Et c'est là, le péché originel !

Économie : Sur le plan économique les résultats de l'Enquête sur la Consommation et le Secteur Informel au Tchad (ECOSIT, 96/97), donnent des seuils de pauvreté alimentaire de 173 frs CFA et de pauvreté globale de 218 frs cfa par tête et par jour. Tous ces seuils sont inférieurs au standard international d'un dollar US par tête et par jour. L'incidence de la pauvreté alimentaire est de 42% et celle de la pauvreté globale de 54% (ECOSIT). L'Indice de Développement Humain (IDH) de 2003 place le Tchad au 165 ième rang sur 175 Etats du monde, avec un taux d'inflation de 5,2%. Le PIB par habitant est estimé à 230 $ par an, moins de la moitié de la moyenne de l'Afrique subsaharienne. Le Tchad, dont 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté, connaît une situation d'insécurité alimentaire chronique. Les investissements directs étrangers en 2003 sont de 901 millions de dollars US, les importations de 775 millions de dollars et les exportations de 196 millions de dollars [7][7].

Malgré l'arrivée de l'or noir, le Tchad reste un pays à vocation agricole, dont le potentiel est encore largement sous-exploité : faute de moyens, seuls 10% des 20 millions d'hectares de terres arables sont en culture. Avec un cheptel de 16 millions de têtes (principalement de bovins et d'ovins mais également de caprins, de camelins, d'équins, d'asins), l'élevage représente le second poste d'exportations, alors que le secteur cotonnier, qui fait vivre plus de 350.000 exploitants, a fortement souffert de la chute des cours mondiaux. 

De 1997 à 2004, la croissance du PIB réel par habitant a été en moyenne de 7,6%, taux deux fois supérieur à celui de la population, ce taux relativement élevé est dû essentiellement aux investissements massifs dans le secteur pétrolier supportés exclusivement par les bailleurs car il aurait fallu plus de trois ans et 3,7 milliards de dollars d'investissement pour achever la construction du complexe pétrolier de Doba et de l'oléoduc de 1070 km le reliant au port de Kribi, sur la côte camerounaise. Un défi que le consortium américano-malaisien ExxonMobile-Chevron-Petronas n'a pas hésité à relever. Mais depuis la commercialisation du brut, le Tchad devrait connaître, au cours des prochaines années, une croissance à deux chiffres. Son PIB devrait passer de 2,6 milliards de dollars en 2003 à 4,2 milliards de dollars en 2004, soit une croissance record de … + 58% en un an, ce qui devrait vraisemblablement amener à une légère amélioration des conditions de vie au Tchad plutôt qu'une constante décroissance en tout de vue.

Les ventes de pétrole du site de Doba pourraient rapporter, au cours des vingt-cinq prochaines années, et en fonction du prix moyen du baril, jusqu'à un milliard de dollars par an, une somme sur laquelle l'Etat tchadien percevra 12,5% de royalties (redevances). Sous la pression de la Banque Mondiale, avant le lancement des travaux, les autorités tchadiennes se sont vues dans l'obligation de promulguer une loi sur l'utilisation de leurs futurs revenus pétroliers. Celle-ci stipule que 80% des recettes doivent être versées à des secteurs prioritaires (santé, éducation, infrastructures), 10% déposés sur un fonds destiné aux générations futures et 5% consacrées au développement de la région de Doba. Restent donc 5% que le gouvernement peut, en quelques sorte, utiliser à sa guise [8][8]. Ce qui est sûr, les générations futures risqueraient de vivre longtemps avec les ruines et les décombres qui sont l'œuvre de leurs prédécesseurs.

Sur 225.000 barils/jour, le Tchad en a 27.000, le reste au consortium. Le Cameroun perçoit 0,41 dollar sur chaque baril passant par Kribi. Initialement, le baril devrait coûter 13 dollars mais avec la flambée du cours mondial du pétrole, le baril vient de dépasser les 55 dollars soit plus de 4 fois le prix initial. Et pourtant, celui du Tchad ne vaut qu'à peine 28 dollars parce que de "qualité inférieure" dit-on. Cela signifie qu'au lieu de percevoir 75 milliards de frs CFA par an, somme initialement prévue, le Tchad percevrait environ le double par an, toujours insuffisant car si notre douane était performante, elle rapporterait environ 100 milliards par an, donc supérieur au revenu du pétrole. Est-ce acceptable ? Déjà à son temps, l'ancien responsable du consortium M. Petit faisait croire, lors d'une rencontre avec les cadres à Moundou, que " le pétrole du Tchad est de mauvaise qualité, trop parcellisé et dont le transport dans l'oléoduc consomme une quantité fabuleuse d'énergie ". Dans ce cas alors, pourquoi voir accepté avec tant d'engouement d'en être le patron ?

Energie : En matière énergétique, les négociations n'ont pas porté sur la fourniture en énergie pour la population et les services étatiques, alors que le pétrole c'est d'abord et avant tout l'énergie. "Le pétrole de Doba est de qualité très moyenne, selon les documents techniques, et sa valeur marchande subit une décote de deux dollars par rapport au baril brent, le pétrole de référence sur les marchés internationaux. Il s'agit d'une huile lourde visqueuse, avec une forte teneur en eau, mais toujours selon les documents du consortium, pratiquement exempte de soufre (à vérifier). L’exploitation des champs pétroliers de Doba générerait 424,7 millions de tonnes de gaz carbonique". Notre analphabétisme pétrolier ne nous autorise aucune critique de cette aubaine qui se transforme en catastrophe.

"Tout le gaz naturel produit sera utilisé, selon toujours les documents techniques adoptés, pour la génération d'électricité destinée aux installations. Il n'y aura donc pas de surplus utilisables pour la consommation énergétique du Tchad ni de champs de torchères brûlant dans l'atmosphère le gaz libéré et non exploité, dégageant fumées noires et quantités massives de gaz carbonique". En d'autres termes, il n'y a pas de gaz naturel pour le Tchad alors que le gaz est torché à longueur du temps et notoirement visible dans la zone pétrolière. " Conscient du rôle vital que l'industrie du pétrole s'est assurée à travers le monde, l'Etat tchadien a accordé au mois de septembre 1969, un permis exclusif de recherche d'hydrocarbures liquides et gazeux, dans notre pays à la Société américaine "CONTINENTAL OIL COMPANY" (CONOCO) pendant une période de cinq années renouvelables ".[9][9] Comme on peut le voir dans les documents originels, l'exploitation de gaz au bénéfice du Tchad a bel et bien été prévue dès les premiers accords.

La situation énergétique au Tchad demeure toujours délicate. Au niveau de la STEE, outre les appuis matériels fournis par les pays (Libye, France) et les bailleurs, le Tchad a bénéficié de 55 millions de dollars de la Banque Mondiale pour soutenir la STEE, puis très récemment, de 30 millions de dollars fournis par la Banque Islamique de Développement pour l'achat des groupes afin d'amener la puissance de la STEE à 30 mégawatts plutôt qu'à peine 13 MW actuellement. Toutefois, l'électricité tchadienne est excessivement chère, avec un coût au kilowattheure qui est l'un des plus élevés du monde : 0,32 euro (210 frs cfa) au Tchad contre, par exemple, 0,16 euro (105 frs cfa) au Mali et 0,04 euro (26 frs cfa) au Ghana (soit 8 fois moins qu'au Tchad). En cause : le prix du carburant, qui représente 80% du chiffre d'affaires de la STEE. Le Tchad a beau être producteur de pétrole depuis juillet 2003, le brut ne peut être utilisé pour fournir de l'électricité à la capitale, car le pays ne dispose pas des infrastructures nécessaires. La mise en exploitation du gisement de Sedigui, au nord du Lac-Tchad, doté d'un brut léger donc plus facilement utilisable, permettrait d'obtenir un carburant moins cher. Jusqu'à présent, ce projet n'a pas abouti. La construction d'une raffinerie et d'un pipeline confiée, de gré à gré, à une société soudanaise du nom de CONCORP n'a jamais été achevée, et la société a disparu avec des millions de dollars du contrat. Pour relancer le secteur énergétique du pays, il faudra donc également assainir la gestion de la STEE, minée par des défauts de paiement. Véolia, filiale de Vivendi, s'y est essayée sans succès et a résilié, en avril 2004, le contrat de gestion qui la liait à la société depuis 2000. Depuis lors, l'Etat a repris les commandes [10][10].

Dans la zone de Komé-Miandoum-Bolobo par contre, où que vous vous tournez c'est face à l'énergie électrique. Quatre turbines développant chacune 30 mégawatts (soit 120 mégawatts au total dont 60 seulement utilisés), fonctionnant directement avec du gaz ou du fuel lourd (donc une source d'énergie gratuite en quelque sorte) sont installées. Les négociations n'ayant pas abordé l'aspect énergétique du pays, le consortium a cru bon installer du 110 volts au lieu du 220 volts, tension électrique incompatible à la plupart de nos appareils. Aucune clause d'éclairage des villes n'a été signée. Résultat, Doba, la capitale du pétrole vit dans l'obscurité la plus totale. Un projet d'électrification est en cours à partir d'une source autre que celle du consortium. Sur le site pétrolier existerait une mini raffinerie étant donné que les appels d'offres relatifs aux travaux n'ont guère fait mention de la fourniture en carburant. De surcroît l'importation de carburant dans la zone pétrolière semble invisible. Et pourtant, ils tournent à l'essence et au gasoil, ces centaines d'engins et de véhicules loués par le consortium ou lui appartenant.

Environnement : Les écoulements du brut sont une certitude. Cependant, le traitement des produits aux abords de la Pendé entraîneront la pollution du Logone, puis du Chari et donc du Lac-Tchad qui contient plus de 300 espèces vivantes. La disparition de ces espèces sera une perte du patrimoine non seulement national mais régional, voire mondial. Qu'adviendrait-il des personnes qui auront consommé ces eaux polluées ? Par ailleurs l'absence de sincérité du consortium ne cache-t-elle pas des conséquences funestes ? Les moyens sécuritaires sont-ils à la hauteur du désastre encouru ? Le Tchad, ce pays de lumière et de beauté ne se retrouvera-t-il pas hors du temps ?

Impréparations et/ou sournoiseries : Nos méchancetés et sournoiseries nous ont rendus très vulnérables. Le projet prévoit pour la partie amont (l'extraction du pétrole) le forage, et les installations ce qui suit : centre de contrôle des opérations et logements du personnel, construction d'un aérodrome permanent permettant l'atterrissage d'avions gros porteurs, construction et/ou réhabilitation de routes, installation des infrastructures des média etc…, le tout dans la zone de Bebedja, ce qui entraînera inéluctablement des infrastructures connexes : hôtels, restaurants, manèges pour distraction, établissements scolaires pour enfants des expatriés, bancaires, des industries agroalimentaires, médias, supermarchés, laiterie, pressing, autres services, etc. Rien n'a été fait parce que les Tchadiens eux-mêmes s'y sont opposés. À qui la faute alors ? Comme quoi ici chez nous, on ne change pas une équipe qui gâche. L'impréparation au Tchad est légion à tout point de vue. À titre d'exemple, plus de 6000 ouvriers se salissent les tenues chaque jour. En estimant que 3000 tenues sont nettoyées quotidiennement à 2000 frs la pièce, la société de pressing qui s'y installera, récolterait quotidiennement 6 millions de francs. Aussi curieux que cela puisse paraître, Doba ne dispose d'aucune station d'essence ni de gasoil. Que vaut une poubelle sans ordures ?

Lors du lancement des travaux, le consortium a demandé l'existence d'une personne ou entreprise capable de fournir 35.000 œufs par semaine en prévision à l'atteinte de la vitesse de croisière des travaux. Personne n'était capable de fournir cette quantité et les Camerounais auraient sans nul doute gagné le marché. Il avait sollicité les services d'une entreprise spécialisée en soudure des pipelines, il n'en existe pas au Tchad. Les Philippins ont gagné donc le marché. La construction d'habitations démontables gagnée par la "Tchad Cameroun Construction" (TCC), une entreprise étrangère et les routes par Bouygues alias "David Terrassement". "Catering International & Services" (CIS) dont le siège est en Europe a raflé la fourniture en alimentaire. Les ouvriers sont alimentés en fruits à partir du Cameroun, fruits issus des arbres plantés cinq années plus tôt en vue de desservir les travailleurs des chantiers. Un débrouillard de Bébédja est parvenu à obtenir un petit marché de fourniture de poulets, pour un chiffre d'affaires d'environ quatre millions de frs cfa seulement par mois. Un jour, le responsable des achats de CIS, un certain M. Escalier lui écrit en ces termes : " Nous n'achetons que du poulet PAC congelé, empaqueté individuellement, d'un poids minimum de 950 grammes et d'un poids maximum de 1100 grammes", une manière simple de l'exclure. Décidément, le marché a été attribué à une entreprise étrangère. Pour l'heure, les légumes, la fourniture de poisson et quelques insignifiants marchés sont acquis par quelques nationaux courageux. C'est à peine si les Tchadiens arrivent à décrocher des postes moyens.

En fin juillet 2002, David Terrassement alias BOUYGUES quittait le Tchad pour le Gabon. Les chauffeurs tchadiens réquisitionnés à cet effet, n'ont droit qu'à 100.000 frs maxi pour une durée de 16 jours pour y convoyer les véhicules en traversant le Cameroun et le Gabon. Aucun autre droit ni protection ne leur ont été accordés même si le délai imparti s'avère insuffisant. Tant pis pour leur retour ou en cas d'accident. En somme, les travailleurs sont laissés pour compte, leurs droits n'étant pas protégés par l'Etat. Il faut saluer ici la société civile tchadienne, quelques partis politiques qui ont pu faire fléchir le consortium afin de dédommager des paysans.

A cette allure, le Tchad parviendra-t-il pour autant à résorber la pauvreté qui touche la majorité de sa population avec le pétrole ? Rien n'est moins sûr, tant les problèmes à résoudre sont nombreux… . Ici comme ailleurs, rien n'indique qu'il n'enrichira pas, en premier lieu, une caste politico-économique gravitant autour du pouvoir. Le processus de répartition des recettes pétrolières fait bien, en théorie, l'objet d'une "surveillance" internationale imposée par la Banque Mondiale dont l'objectif est de favoriser le développement de secteurs socialement prioritaires (santé, éducation, infrastructures). La définition de ces secteurs et l'application de mesures de contrôle restent néanmoins des plus incertains puisque les premiers 4,5 millions de dollars reçus lors de la signature du contrat d'exploitation des gisements de Doba, ont été utilisés par le gouvernement pour l'achat d'armes [11][11]. Les Tchadiens n'ont pas honte d'être pauvres mais leur pauvreté est bigrement incommode.

Quelques pistes de solutions :

Plus on cherche, plus on se rend compte que le domaine du pétrole est un endroit où les secrets sont aussi immenses qu'un océan de sable. Cependant, point n'est besoin de doigter nos partenaires. Les régimes successifs ont enseigné aux Tchadiens la résignation étant donné que le glaive l'a toujours emporté sur le bouclier. Le résultat est édifiant car même dans les négociations avec des tiers, l'ombre de la résignation plane. Belle leçon intériorisée.

Malgré les déboires et maladresses ayant entachées le parcours sinueux de jaillissement du pétrole, tout n'est pas perdu car nous ne sommes pas encore assis sur le tranchant d'un rasoir. il existe encore des pistes de solutions devant conduire le Tchad à majorer sa part quand bien même le Cameroun et le consortium le tiennent virtuellement par la gorge à travers le débouché. Pour beaucoup subsistent l'envie de changer et la peur du changement. C'est là une histoire de conversion de la monnaie sans dépréciation.

Point 1 : Bonne gouvernance : les dirigeants tchadiens pourraient redresser la barque s'ils pensent légitimement avoir commis des gaffes. Mais hélas, rien ne peut se faire sans l'application d'une bonne gouvernance, ce qui parait tard puisque les choses vont en empirant. Tout ce qui se passe est proportionnel à la faiblesse d'un gouvernement en matière de gestion du pays. " Gérer c'est prévoir, ne pas prévoir c'est gémir ". Le cri strident de tout un peuple pour arrêter le désastre des accords, est monté jusqu'à Dieu mais il n'est pas arrivé à l'oreille du Gouvernement qui a choisi une gestion solitaire avec les siens. Pour le cas d'espèce, le non tripotage des textes constitutionnels fait bel et bien partie de ladite bonne gouvernance.

Point 2. : Réajustements : les Tchadiens doivent refuser ce qu'on leur refuse et que l'important soit dans le regard, non dans les choses regardées ; première attitude à adopter. De temps à autres, des réajustements des termes de conventions sont à suggérer voire imposer à nos partenaires afin de remédier à certaines insuffisances car rien n'est statique. Réfléchir sur d'autres types de débouchés est plus qu'une nécessité, c'est une obligation. En cas de refus, le Tchad se devra de déroger sans pour autant dériver. Il faut oser car mauvais est le soldat qui ne rêve pas d'être général.

Point 3 : Non extrapolation de la présente convention : la convention signée avec le consortium ne peut être dupliquée et servir de modèle à d'autres accords futurs à l'instar de ENCANA, cette société à laquelle le Gouvernement a attribué, les yeux fermés, de grands espaces (plus de 300.000 km²) et qui, au grand dam des cieux, a emboîté le pas à la convention du consortium puisqu'il s'agit d'une sous-traitance avec ce dernier, ce qui est désormais à proscrire.

Point 4. Syndicat des travailleurs pétroliers (STP) : le STP sera affilié à l'Union des Syndicats du Tchad (UST), l'objectif étant de protéger les droits des travailleurs, bref d'accorder aux travailleurs le droit d'avoir des droits. Désobéir est également un devoir. C'est illégal mais légitime. À Komé, même les professionnelles du sexe, les prostituées sont constituées en association avec comme présidente, une camerounaise… Il faut montrer ce qu'on n'ose pas dire et dire ce qu'on n'ose pas montrer.

Point 5. Création d'une Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT) : véritable bureau d'études en la matière, la SHT disposera outre les services techniques ad hoc et l'administration, des services juridiques, économique, socio-environnemental. La SHT aura des rôles techniques : conception et analyse des documents techniques, contrôle, propositions en tous points de vue, recueil tous azimuts  des informations relatives au pétrole, bref elle se professionnalisera et produira des consultants dont la compétence sera sollicitée tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays plutôt que de regrouper de manière hâtive, anarchique, ponctuelle, et occasionnelle, des individus (très souvent non qualifiés) dont le rôle à chaque rencontre, ne se limite qu'à écouter et à signer les documents sans lecture profonde. Cette société devra s'atteler à élaborer des contrats types en bonne et due forme pour des éventualités.

Point 6. Raffinerie : une raffinerie de grande capacité pour satisfaire les besoins tant intérieurs qu'extérieurs ; ce qui baissera de manière drastique le coût de l'électricité, du transport et partant, stimulera la création des petites et moyennes entreprises, un moyen de juguler substantiellement la fraude. Le pétrole du Tchad étant qualifié de lourd, ses dérivés quoique l'on dise sont multiples, notamment le bitume pour le revêtement des routes.

Point 7.  Énergie : des turbines devront être mises à la disposition du Tchad pour la fourniture en électricité. Étant donné la disponibilité en carburant, le Tchad devra se doter de quatre turbines de 30 mégawatts, une quantité nettement capable de supporter l'électrification de tous les chefs-lieux de région, de département et de sous-préfecture à un coût accessible à tous les citoyens.

Point 8. Gaz : l'usage de gaz par les ménages est un problème d'information, d'éducation et de formation à l'endroit des citoyens. On n'y gagnerait beaucoup en substituant le gaz au bois dont la coupe devient de plus en plus onéreuse aussi bien pour l'Etat que pour les populations. Certains pays limitrophes du Tchad en excellent.

Point 9.  Réseau de chemins de fer : Contrairement à l'eau, le pétrole ne durera pas une éternité. Le Tchad doit donc se prendre très tôt afin de trouver dans la décennie courante, un débouché autre que celui du Cameroun : un réseau des chemins de fer reliant en priorité le Tchad à l'Afrique de l'Ouest à partir du Nigeria. De par sa situation géographique, le Tchad pourrait disposer de marché potentiel au sein duquel une portion du pétrole aussi infime soit-elle sera aisément écoulée. Il s'agit de la fourniture en carburant de la région ouest africaine. Carrefour économique potentiel, il jouit d'une position stratégique à tout point de vue puisque limité à l'ouest par le pays le plus peuplé d'Afrique, le Nigeria ; à l'est le pays le plus vaste, le Soudan ; au nord, l'un des pays les plus riches, la Libye ; quoi de plus envieux ! Par ailleurs, le développement du réseau routier national facilitera non seulement la circulation mais favorisera l'éclosion des activités connexes, les brassages intercommunautaires, un gage pour la paix à partir duquel naîtra le nouvel embryon d'une nation. C'est à ce prix seulement que les Tchadiens regarderont le projet avec un léger optimisme.

En somme, les exigences des Tchadiens sont à l'échelle de leurs malheurs et ce serait pour nous une lourde faute que de ne pas apercevoir notre propre bonheur. Au regard de tout ce qui précède, on ne peut se vouer à personne, moins encore au gouvernement et au consortium. Les gestes de victoire sur un fond de ruine ont conduit le bas-peuple à l'optimisme, à la jubilation, à l'imprudence et au silence, lors qu'il n'en est rien. Par conséquent, le mutisme, l'indifférence de chacun de nous, nous rattraperont. Descartes l'avait déjà vu avec une admirable clarté : " la liberté d'indifférence est le plus bas degré de la liberté ". Et puis, à quoi servirait l'archo-profito-situationnisme ? Si ce n'est qu'aux individus qui tirent leurs profits dans des situations anarchiques ! En dernier ressort les Tchadiens demeurent les seuls responsables de leur avenir car "tout esclave a en main, le pouvoir de briser sa servitude" (Jules César). L'avenir est-il seulement entre les mains de Dieu ? Non ! Aide-toi et le ciel t'aidera. Ce serait donc une utopie meurtrière que d'attendre la délivrance promise par le ciel. Il faut lutter pour la vie sans avoir peur de la mort même si depuis, nous luttons avec l'énergie du désespoir.

Caman  Bédaou  Ouma

  • AIMEZ / PARTAGEZ AUSSI LA PAGE IALTCHAD PRESSE
    1. Arts & Culture
    2. Musique
    3. Mode-Beauté

    -Vos Annonces sur le site Ialtchad Presse-

    1. Divertissement
    2. Sports
    3. Mon Pays