Nul ne peut ignorer que notre culture tchadienne avec toutes ses diversités, est en nette stagnation, pour ne pas dire en état de régression ,cela est dû évidement à plusieurs raisons subjectives et objectives, je peux citer parmi tant d’autres, le manque de considération et du respect aussi bien populaire et officiel à l’égard des hommes et des femmes de la culture, (artistes, humoristes, musiciens, etc.),la quasi inexistence des infrastructures à caractère culturel, à savoir les maisons culturelles, les centres de formation ,et la liste peut s’allonger. mais au-delà de toutes ces raisons qui menacent l’existence de notre riche culture tchadienne, nous devons d’abord déterminer les responsabilités qui sont à l’origine de cette régression remarquable que vit notre culture dans toutes ses formes, en commençant par la musique et les chansons traditionnelles et modernes qui ne comptent qu’une poignée des professionnels, la plus part d’entre eux sont inconnus au niveau national, tandis que les autres malgré leur notoriété médiatique et sociale .n’incarnent pas la vraie culture tchadienne, qui fût incarnée par des talentueux comme Ahmat Pecos, Ahmad Djalali et Moussa Chauffeur, quant au niveau théâtrale et cinématographique, je peux dire avec regret que jusqu’à maintenant le Tchad n’a pas pu enregistré de succès dans ce domaine, ni sur le plan populaire, ni sur le plan institutionnel, puisque tous ceux qui s’engagent dans ce genre des domaines, se heurtent finalement à des difficultés socio-économique qui les obligent à abandonner cette voie et à chercher une autre alternative, à titre d’exemple : toutes les troupes théâtrales ou presque, disparaissent après une courte durée d’existence. !!!
Quelles sont les causes déterminantes de ce fiasco culturel ?
D’après mon humble analyse, La non considération, le mépris et le rejet qui sont réservés par notre société à tous ceux qui veulent incarner, interpréter et diffuser notre culture, sont l’une des principales causes.
- Toute activité culturelle nécessite des moyens financiers et des infrastructures culturelles qui sont capables de l’accueillir, ce n’est pas le cas de notre pays qui ne dispose presque pas des salles de projection, maisons des jeunes, centres culturels, laissant la porte ouverte aux étrangers qui ouvrent des centres culturels, afin de diffuser leurs cultures.
- Le manque de conscience culturelle chez la plus part d'entre nous, qui négligent et ignorent tout ce qui est tchadien et reçoivent par contre la culture d’autrui. Exemples : un tchadien peut avoir pour lui seul une dizaine voire une centaine de cassettes et CD étrangers, mais pas une seul cassette de : Moussa Chauffeur, Kafani, Alhadj Ahmat Pecos, Issa Moussa, Youssouf Hamid, Moudjos, Alhadj Ahmat Djalali, Talino, Gazounga, Said Alkouk, Moukhtar Waddassabila, etc.
Nous pouvons certes, nous ouvrir à la culture des autres, sans que cette ouverture soit au détriment de notre propre culture.
Les responsabilités sont-t-elles partagées ?
Les responsabilités sont sans nul doute partagées entre l’individu et la société sans pour autant oublier l’Etat, qui lui aussi se taille la part du Lion dans ce cette sérieuse crise. D’abord chacun d’entre nous est appelé à respecter, avant les autres, ses valeurs culturelles et traditionnelles, les montrés aux autres, si l’occasion se présente, malheureusement, l’individu tchadien s’est désintéressé de ce devoir.
La transmission des valeurs culturelles et coutumières d’une génération à l’autre doit être garantie par la société (la famille, l’école, l’entourage…) et cette dernière doit jouer son rôle dans ce sens, cela ne se réalise qu’à travers une renaissance culturelle générale, prônée par les élites les plus influentes culturellement dans notre société, à savoir les Musiciens, les Artistes, les Journalistes, les Ecrivains, les Educateurs et tous les intellectuels.
- il faut que nos éducateurs et enseignants mettent sur pied une méthode éducative moderne et diversifiée, qui prend en considération la musique moderne, les contes populaires, la musique traditionnelle, et tous les autres aspects culturels;
- il est temps que nos décideurs politiques prennent le courage et désenclavent ce pays médiatiquement, afin que la culture tchadienne occupe sa vraie place, ne serait-ce que sur les plans national et sous régional (Télévision et Radio nationales en sens vrai tu terme);
- le ministère de la culture doit être plus actif sur le plan culturel au lieu de devenir un simple département politique, il est important donc de dire que l’existence d’une politique et d’un agenda culturels permanents, la construction des infrastructures culturelles, l’organisation des semaines culturelles, des expositions, des voyages, des concours, des prix culturels et autres, est une tâche qui incombe essentiellement au ministère de la culture;
- Nos représentations diplomatiques doivent apporter leurs contributions en ce sens, j’ai du mal à comprendre que nos ambassades ne parviennent même pas à organiser des modestes journée culturelles, pour montrer notre culture aux pays hôtes, alors leurs homologues des autres pays organisent de temps en temps des petites activités culturelles, en collaboration avec les unions estudiantines installées à l’extérieure, pour prouver aux pays qui les accueillent qu’ils sont là pour représenter diplomatiquement et aussi pour faire la diplomatie culturelle;
- Malgré le manque des moyens, les Unions estudiantines Tchadiennes ont, elles aussi, le devoir de faire connaître la Culture tchadienne partout dans le monde, en collaborant avec d’autres unions estudiantines étrangères;
- le pouvoir public est appelé également à encourager et à aider financièrement et moralement, tout initiative consistant à diffuser, moderniser et conserver notre belle culture, à créer des centres de formation en la matière, à obliger les médias publics et privés de consacrer une bonne place à la culture tchadienne, tout en récompensant tous les talentueux, bref, à réorganiser le champ culturel ,pour qu’un jour, les uns et les autres puissent connaître la valeur de leur culture, la conserver et la transmettre avec fierté à la génération future. Si chose faite, notre culture sera sans aucun doute, une culture bien existante, visible et capable de relever les défis d’une mondialisation multiforme qui ne connaît pas les frontières et ne tolère pas les cultures stagnantes.
Je ne saurai terminer sans rendre un sincère hommage au courageux cinéaste tchadien Mahamat Saleh Yacoub, ainsi qu’à tous ceux qui militent à l’intérieure comme à l’extérieure du Tchad, pour la renaissance de l’identité tchadienne.
Abdelsemi Ahmad Djibrine