Me Hissène Ngaro explique les obstacles dans l’exécution des décisions de justice

Jui 05, 2022

Une décision de justice c'est lorsqu'il y a un conflit qu'il soit correctionnel, social, civil ou commercial entre deux parties pour lesquelles le juge a prononcé son verdict. Elle n'est exécutoire définitivement que si les voies de recours judiciaires sont épuisées. Sauf pour les mesures conservatoires ou les jugements avant dire droit. Au Tchad, assez d'obstacle sapent l'exécution de la décision judiciaire. Me Hisseine Ngaro, huissier commissaire-priseur explique le mécanisme. Reportage.

Le juge du Tribunal de Grande Instance (TGI) prend ses décisions, mais si l'une des parties n'est pas d'accord, elle va faire appel, dit Me Hisseine Ngaro, huissier et commissaire-priseur. En appel, dit-il, si les parties sont toujours insatisfaites, elles peuvent se pourvoir en cassation. C'est alors toute une procédure lorsqu'on parle de décision judiciaire ou décision de la justice, assure l’huissier. Il précise que c'est une décision qui revêt l'autorité de la chose jugée, ou exécutoire.

Selon Me Ngaro, aujourd'hui les décisions de justice n'arrivent pas à être exécutées à cause de la déliquescence judiciaire que nous vivons. Pourtant, soutient-il, la loi est claire sur la question d'exécution de la décision de justice. « Vous allez trouver un huissier-commissaire de justice qui rencontre toutes les difficultés pour l'exécuter. Or cette décision a acquis l'autorité de la chose jugée. L'huissier de justice ne peut pas exécuter la décision qui n'a pas acquis l'autorité de la chose jugée. Sauf pour les mesures conservatoires ou les jugements avant dire le droit, l'huissier est tenu de rester dans le cadre de ce dispositif », dit-il.

Pour illustrer son propos, Me Ngaro, affirme que le juge peut par une décision conservatoire suspendre des travaux de construction. L'huissier qui va vers le propriétaire de ce terrain litigieux lui signifie cette mesure conservatoire de suspension des travaux. « Mais s'il refuse d'obtempérer, on établit un procès-verbal de constat notifiant la poursuite de la construction. Ensuite, on dresse un procès-verbal de revenant pour déposer auprès du Procureur de la République. Et la plupart des cas, ces gens ne sont pas poursuivis. Si d'aventure le juge rend une décision pour ordonner la destruction, il revient toujours à l'huissier de l'exécuter ». Dans un tel cas d'espèce, dit-il, le Procureur de la République demande la poursuite de la personne incriminée pour rébellion à la loi. D'après Me Ngaro, maintenant de manière globale, tout le monde fait obstacle à la décision de justice. « Par exemple le juge rend une décision et lorsqu'un huissier va pour son exécution il l'appelle pour surseoir. Ce sont des cas que nous avons vécus. Mais moi je continue l'exécution parce que demain, c'est la crédibilité de l'huissier qui est mise en cause », soutient l'huissier. À son avis, le plus souvent, les juges et les procureurs reçoivent des appels du politique.

« Quand nous étions arrivés à la justice dans les années 88-89, la justice était respectée et non celle d'aujourd'hui. Je faisais partie de ceux qui ont composé la justice et nous avions condamné Chedeille Soukoudou qui était la sœur du défunt président tchadien Hissène Habré. Il nous l'a livrée lui-même pour qu’elle soit jugée. il n’y a pas cela depuis 32 ans », rappelle Me Ngaro. La justice doit se démarquer du politique. C'est dommage, on apprend que certains magistrats détiennent les cartes des partis politiques, dit cet huissier qui a 35 ans dans le métier. Pour lui, la magistrature c'est un pouvoir, si les magistrats continuent à plaire à l'exécutif, ils n'auront jamais la main libre pour prendre des décisions. Le magistrat doit être un homme indépendant qui rend la décision au nom du peuple tchadien, insiste-t-il.

Le judiciaire doit arriver à dire stop et dire qu'il n'a pas des ordres à recevoir de l'exécutif ou du législatif. « Nous sommes tous des esclaves de la loi et non au-dessus de la loi tant que cela n'est pas résolu, on va nous traîner toujours par le nez. Ce n'est pas une question d'huissier seulement au cours de l'exécution des décisions de justice, on a des camarades qui ont été tués et blessés », affirme Me Ngo Hisseine. Aux jeunes huissiers, il leur conseille le respect de la déontologie et l'éthique de la profession. D'après lui, le gain facile est nuisible, il faut faire le travail avec plus de professionnalisme. Il déplore surtout la division au sein de leur corps. C’est un obstacle pour l'avenir de ce métier qui dépend surtout des anciens huissiers, affirme Me Ngaro.

Moyalbaye Nadjasna

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