Un an déjà que le Maréchal Idriss Deby Itno est parti pour son dernier voyage. Il a été durant 30 ans président de la République. Quel bilan peut-on faire? Quel héritage a-t-il laissé ?
D’abord, le bilan prenons quelques secteurs vitaux…
L’économie : Il n’y a pas grand-chose à dire. Le Maréchal a laissé une économie en lambeau. Une économie qui tourne autour des marchés publics avec tous ses irritants : la surfacturation, une prime à la corruption, la course à l’enrichissement illicite, le chiffonnage de l’argent public par les cercles des amis, du clan et de la famille. Il est vrai le pétrole a été exploité sous le règne du Maréchal, un point positif à mettre sur son actif, mais cette manne a été gérée comme une épicerie familiale.
La politique et les institutions : C’est le désert. Quelques partis politiques ont émergé, mais la plupart sont des partis d’un homme ou d’une femme. Avec des chefs souvent « affairistes » qui ne sont motivés que par l’appât de la collaboration et d’un poste ministériel. Ils n’ont d’autres ambitions que leur personne. Ils ont pour la plupart échoué à bâtir et à animer la vie politique. Les rares qui l’ont fait confondent souvent le parti, leur personne et leur désir. Et les institutions? Elles sont vassalisées au profit de l’équipe au pouvoir ou des amis politiques. Elles n’existent que de nom. Elles sont « caporalisées » à tel point qu’elles ont oublié leur missions républicaines.
La Justice : Elle est à terre. 30 ans plus tard, la justice semble difficilement réformable. 30 ans plus tard, les magistrats sont fâchés parce qu’ils exercent dans l’insécurité, plusieurs d’entre eux ont été agressés. 30 ans plus tard, ils se cherchent. Ils sont tantôt accusés d’être des corrompus, tantôt d’être laxistes.
L’éducation : C’est l’effondrement. Les apprenants n’ont pas le niveau. Les enseignants non plus. Tout est à refaire.
L’armée : C’est la débandade. L’armée nationale tchadienne n’existe pas. Elle n’est que l’ombre d’elle-même. Pourtant le défunt Maréchal est un pur produit de cette armée. Il la connaissait comme sa poche, mais il a refusé obstinément de la remettre sur pieds. A sa place il a préféré une armée clanique qui protège son pouvoir. Rien que son pouvoir.
La démocratie : C’est un mirage. Sa première phrase prononcée lors de son premier discours au pourvoir « je ne vous apporte ni or, ni argent, mais la liberté » est restée une promesse sans lendemain. La démocratie est toujours attendue. Un semblant de liberté existe mais à vitesse variable grâce à la société civile et à la presse privée.
Les médias : Que dire ? Un champ de cafouillage ? Ou un chantier en auto-construction ? Les médias publics : aucune avancée. C’est la maison des fainéants louangeurs et adeptes du remplissage d’antenne. Ils ont aidé à clochardiser le métier de journaliste. Les médias privés, eux, sont la plupart des professionnels du mélange du genre et des adeptes des multiples casquettes. Ils n’ont que faire des principes qui fondent ce métier.
Enfin, l’héritage du Maréchal. Quel héritage ? Des immeubles ? Des routes bitumées ? L’eau potable pour tous? L’électricité pour chaque foyer ? Presque toutes les réalisations sont comme on dit des « éléphants blancs ». Le communautarisme est là, plus fort que jamais. Il est même devenue un ascenseur politique. Les rébellions sont toujours là, toujours plus féroce. Il n’a pas su y mettre fin. Lui le Maréchal. Son héritage vous dîtes? Il faut arrêter de chercher parce qu’il n’y a rien.
Si ses héritiers politiques croient que le Maréchal a laissé un héritage sur lequel ils peuvent s’accrocher pour perpétuer le même système, ils se trompent. L’ère Deby est finie. Il ne se régénérera jamais.
Bello Bakary Mana